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Figure 1 - Henri Gervex, « Distribution des récompenses aux exposants par le président Sadi-Carnot, à la suite de
l’Exposition universelle, le 29 septembre 1889 » (Châteaux de Versailles et de Trianon).
29 septembre 1889 : l’Exposition Universelle touche à sa fin. Dans la grande nef du Palais de
l’Industrie apprêtée par Lavastre pour le centenaire de la Révolution française, le moment est capital.
C’est la remise des médailles. Au sommet de l’estrade, portrait en pied d’une République
triomphante, le président Carnot. En habits bourgeois, il arbore le cordon en sautoir de la Légion
d’honneur. Face à lui, un rideau s’ouvre pour laisser passer les délégations d’exposants. Venus du
monde entier, les heureux élus défilent. Par ordre alphabétique comme il se doit désormais en
démocratie : de l’Argentine qui ouvre le ban au Venezuela qui le ferme. Sur la toile, ont été
délaissées les délégations les plus récompensées, comme la Grande Bretagne ou les Etats-Unis, pour
celles des colonies avec leurs bannières et tuniques flamboyantes. Comme si, avant même que ne
s’accomplisse le geste souverain, celui de classer talents et mérites, une leçon devait être dispensée.
Comme s’il fallait montrer que dorénavant, la gloire acquise avait supplanté la gloire héritée. Le
mérite ? Il est dorénavant le fait d’hommes distingués. Non plus d’hommes distincts... Que la
distinction honorifique soit un attribut du pouvoir, on le savait. Distraitement. C’est le tableau
d’Henri Gervex qui m’a invité à aller au delà. Dans la Distribution des récompenses aux exposants par
le président Sadi Carnot, à la suite de l’Exposition universelle, le 29 septembre 1889, le peintre
assimile cette distinction à la baguette d’un puissant régisseur. Du coup, c’est tout un concept qui
s’expose dans ce sentencieux décor, celui d’une émulation lancée à la conquête de l’univers.
La grâce royale
Figure 3 - Nicolas-Guy Brenet, Henri II donne le collier de reconnaissance repose sur des signes
l’ordre de Saint-Michel au Maréchal de Tavannes après le hiérarchiques qui sont en même temps des titres
combat de Renty le 15 août 1554 (1789), huile sur toile, 3,
810 x 2,360, Châteaux de Versailles et de Trianon @
honorifiques. Des grades, des rangs, des
Réunion des musées nationaux. costumes, des décorations : autant d’instruments
au moyen desquels le roi s’efforce de
domestiquer la noblesse.
Figure 5 - L’ordre du Saint-Esprit. Le Roi donne l’accolade et « fait » les chevaliers de Saint-Michel, le jour qui précède la
cérémonie de l’ordre du Saint-Esprit. Composition d’Abraham Bosse qui sert de frontispice à un ouvrage de Pierre
d’Hozier, Histoire de l’ordre du Saint-Esprit (1634). On y voit Louis XIII recevant un des cents chevaliers, choisi parmi les
plus illustres personnages de la cour, de l’église et de la noblesse, à Fontainebleau le 14 mai 1633. Hauteur : 0.240 m.
Longueur : 0.160 m, Châteaux de Versailles et de Trianon (Photo RMN ©)
délègue. Elle est désormais le fait de légistes au service d’un Prince qui fait plus que jeter les éclats
du sacre. Qui les proportionne aux lignages et aux services, qui en règlemente l’usage, qui les protège
contre les usurpations. Bref qui les bureaucratise en s’appuyant de plus en plus sur des savoirs et des
administrations d'État. La transformation de la figure d’un roi dispensateur de grâce en celle d’un
monarque dispensant des libéralités souveraines fut essentielle. Ce mouvement amorce une
véritable bureaucratisation des honneurs.
Figure 7 - Catalogus Gloriae Mundi, édité par Sigismond Feyerabend, Francfort-sur-Main, 1579 (1ére éd. Lyon, S. Vincent,
1527). Cette illustration montre les « gloires de la plèbe » : l’agriculture, le commerce, l’architecture, la chasse, la
chirurgie, et le « Tympanastria » l’art du tambour. Des figures allégoriques encore empreintes de connotations
alchimistes mais transformées en emblèmes des nouveaux domaines conquis par la gloire. L’ouvrage va connaître de
nombreuses copies en Europe : il célèbre l’honneur non seulement des créatures de la puissance divine mais de celles de
la science, des arts et des matières humaines. Démarche originale en ces temps de Renaissance. La considération 39 de la
partie XI porte, par exemple, sur l’éloge des professions de librairie, de typographie et de bibliothèque synonymes
d’excellence des « arts pratiques ». Photo. pers.
Si la « discipline » tient à une déférence d’État, si elle est liée à une mise en rangs des positions
d'autorité, c’est-à-dire à une majesté royale devenue puissance souveraine, reste à savoir comment
la dispenser. Au XVIe siècle, les distinctions n’étaient pas assujetties à la « loi ». Intercédant pour
Dieu, elles étaient synonymes de « supériorité visible ». Comme chez Jean Ferrault avec ses Insignia
Pecularia (1510) ou Charles de Grassaille avec ses Regalium Franciae (1538) : une marque
personnelle, « rayon de considération » qui, sur le modèle des rituels d’adoubement, permet
d’étendre la potestas erga omnes. Le jurisconsulte Barthélemy de Chasseneux en propose une
taxinomie complète dans son Catalogue des gloires du Monde. Un tableau qu’il ordonne en
distinguant des marques rhétoriques (des « épithètes d’honneur »), des gestes de concorde (« fléchir
le genou », « abaisser son chapeau », « céder une préséance »), des insignes ou vêtements
(médailles, épée, armoiries timbrées, manteau). Dans tous les cas, ces honneurs répondaient à une
nécessité : rendre visibles pour les classer les qualités d’excellence qui fondent la hiérarchie sociale.
D’Oncieu parle, d’insignia insignium : de marques et d’« enseignes » destinées à signaler les grands
en les distinguant du peuple. « Sans la reverence d’honneur, écrit-il, que luy est deüe par quelque
demonstration extérieure, (la noblesse) ne demeure obscurcie et abismee au fondz du vulgaire, avec
lequel elle seroit traictee confusement ».
Figure 9 - Le coronet : un signe honorifique qui est arboré par les membres de la noblesse britannique lors des
couronnements et réceptions royales. La forme des coronets répond à un protocole très précis : il existe une chronologie
distinctive pour ces insignes. En témoigne le fait que le cercle d’argent est rehaussé des armes propres à chaque lignée
mais aussi de lys, de croix, de boules ou de feuilles métalliques. C’est ainsi que les pairs et pairesses portent un coronet
d’argent doré à calotte de velours rouge avec bord relevé d’hermine orné d’un gland d’or sur le sommet. Le rang
(marquis, comte, vicomte, baron) peut également être signalé par le nombre de perles ou de boules d’argent ou par le
nombre de tâches noires sur la fourrure d’hermine. Les couronnes des pairesses sont plus petites que celle des pairs :
elles peuvent ainsi être accrochées dans des tiares ou être fixées à l’aide d’épingles dorées (Photo Soldsmiths et
Silversmiths Cie). Source : Le Monde Illustré.
L’édit portant création et institution de cet Ordre dont le Roi se déclarait « Chef et Souverain Grand-
maître » fut donné à Versailles au mois d’avril 1693. En pleine guerre de la Ligue d’Augsbourg, Louis
XIV voulait stimuler la valeur des officiers roturiers et, pour cette raison, exclus des anciens ordres de
chevalerie nobiliaires. Doté de 300 000 mille livres de rentes et de biens en revenus, l’ordre mettait
en scène le triangle classique de la grâce royale : une valeur d’éclat, des candidats mis en lice et un
arbitrage à la fois personnel et surnaturel. « Les Officiers de nos troupes se sont signalés par tant
d’actions considérables de valeur et de courage dans les victoires et les conquêtes dont il a plus à
Dieu de bénir la justice de nos armes, que les récompenses ordinaires ne suffisant pas à notre
affection et à la reconnaissance que Nous avons de leur services, Nous avons cru devoir chercher de
nouveaux moyens pour récompenser leur zèle et leur fidélité.» : c’est dans cette vue que fut établi le
nouvel ordre honorifique. Outre les marques d’honneur qui y étaient attachées (un habit couleur de
feu, une croix d’or sur laquelle se détachait l’image de Saint Louis), des revenus et des pensions
venaient augmenter leur attrait. Des « grâces » décernées par le souverain mais accessibles aux seuls
officiers qui, professant «la Religion catholique, Apostolique et Romaine », avaient servi sur terre ou
sur mer pendant dix années. Ce qui n’empêcha pas le souverain d’affirmer que « la vertu, le mérite et
les services rendus avec distinction dans nos armées seront les seuls titres pour y entrer ». Mais le
référent n’est plus tant la dignité que l’émulation. Melin en convient : « Ce qui n’est que grand ne
frappe qu’un certain ordre d’individus et ce qui est utile est transmis aux siècles futurs de génération
en génération ».
La révolution de l’Égalité
Figure 12 - Proposition du citoyen Babin âgé de 73 ans 17 mai 1793 envoyée au Comité d’Instruction Publique, « pour
récompenser au mérite » mais une décoration qui, assurait son auteur « ne forme point de corporation par le nombre de
ceux qui en seront détenteurs ». Source : A.N. D XXXVIII (4)
L’entrée en scène du mouvement populaire poussait la Convention dans une fuite en avant. La
qualité civique exigée de chacun ? Elle n’était plus que la fidélité aux idéaux du jour. C’est-à-dire la
fidélité à ses porte-parole attitrés : hommes de main, administrateurs, sectionnaires. En retour, tout
écart devenait signe de suspicion : il ne pouvait que démasquer un mauvais citoyen. La Commune de
Paris puis la Convention, à partir d’octobre 1793, vont donner au précieux certificat une fonction
d’apostrophe : sa tâche sera de remplacer jusqu’au Monsieur que l’on accusait de dériver de « mon
seigneur ». Utilisée devant le patronyme, l’appellation de citoyen marquait, elle, une égalité
d’apparence. Au nom de l’égalité politique et à la place de l’égalité sociale. D’autres voulaient aller
plus loin. Limiter le propos aux distinctions décoratives, n’est-ce pas rester prisonnier d’une vision
bourgeoise ? Abattre l’orgueil des nobles ? A quoi bon si c’est pour exhausser celui des riches.
Inégalité pour inégalité, celle des rangs était jugée moins insultante que celle des fortunes.
La Convention fut-elle hostile au principe des décorations ? C’est la thèse que développe l’historien
Aulard, dans l’important article qu’il a consacré à la légion d’honneur 1. Si l’on entend le mot
décoration dans le sens d’un insigne héréditaire, arboré dans le but de se distinguer, notamment
comme membre d’un groupe réputé supérieur, l’historien a raison. Mais ce n’est alors qu’un usage
qui est visé, non pas le principe de la décoration. Cet usage chez Aulard est celui de l’Empire qui
renoua, en créant la « croix » de la légion d’honneur, avec l’imaginaire catholique et hiérarchique de
la société de cour. Le terme décorer est, par lui-même, bien plus modeste. Il vient du latin decorare
(orner, parer) qui a donné au figuré rehausser, distinguer. La décoration, c’est l’ornement qui
agrandit une personne ou un acte en y attachant l’estime publique. Il dérive du mot decus, la gloire.
A la fin du XVIIIe siècle, son sens se restreint en France à l’insigne honorifique remis au titre d’une
récompense.
1
Alphonse Aulard, « Le centenaire de la légion d’honneur », Etudes et leçons sur la Révolution française, 4ème
série, Paris, Felix Alcan, 1904, p. 261-302.
Le principe des expositions industrielles et commerciales date… de la Révolution française. C’est aux
Champs de Mars qu’en l’an VI de la République (1798) eut lieu la première de ces « arènes du travail
et de l’industrie». Le Directoire sur le rapport de François de Neufchateau décréta ces expositions
pour promouvoir « l’émulation des milieux économiques ». Modeste compétition qui n’accueillait à
ses débuts qu’une centaine d’exposants et auxquels on accorda après cinq jours de présence 23
récompenses. Les expositions allaient pourtant se répandre et s’étoffer. En 1855, ce fut la première
exposition internationale ou universelle pour laquelle fut bâti le Palais de l’Industrie. Le nombre des
exposants tant français qu’étrangers fut de 9237 mais de plus de 20 000 pour les Expositions
universelles de 1867 et 1878 qui eurent lieu aux Champs de Mars. Les plus hautes autorités de l’Etat,
des souverains, des élus, des ministres venaient les présider et y discourir. Des milliers puis bientôt
des dizaines de milliers de récompenses y entretenaient un désir de reconnaissance qui se graduait
en « grands prix », « médailles d’or », « médailles d’argent », « médailles de bronze » ou « mentions
honorables ». Aucune limite ne semblait plus être mise à l’émulation premiale.
Figure 15 - Les cartes et médailles des députés sous la Révolution française. Ces décorations étaient portées par les
membres de l’assemblé pendant l’exercice de leurs fonctions. Source : Le Magasin pittoresque du 15 novembre 1835
Figure 16 - L’exposition publique annuelle des produits de l’industrie nationale au Champ de mars en 1798. Coïncidant
avec l’anniversaire la république, cette exposition était présidée par un jury nommé par le gouvernement et appelé à
désigner « les douze fabricants ou manufacturiers qui lui paraîtraient mériter d’être offerts à la reconnaissance publique
dans la fête du 1er Vendémiaire qui devait clore l’exposition ». Source : Le Monde Illustré du 6 janvier 1900.
Figure 18 - Deux lauréats de la Société centrale de sauvetage des naufragés (Phot. Sartony). Deux figures de bravoure
récompensées par le prix Gabrielle Lunain et le prix Tourville. Agé de douze ans, Le Hénaff (à gauche) a sauvé dans le
Guer (Finistère) un enfant de dix ans qui se noyait. Du même âge, Henri Cyrille (à droite), monté sur l’Albatros qui
chavira, se cramponna à la quille et sauva un enfant de sept ans. Source : Le Monde Illustré.
Figure 19 - Un diplôme de la Médaille de Ste Hélène. Source : le Monde Illustré de 1879. Fondée par un décret du 12
août 1857, elle était attribuée à tous les militaires, de nationalité française et étrangère, qui avaient combattu sous
le drapeau durant la Révolution et les guerres impériales. Si de modestes secours viagers l’accompagnaient parfois,
selon l’âge ou l’importance des blessures, la décoration, elle, dissociait, la gratitude de l’idée d’indigence. Elle
récompensait l’ensemble des « vieux soldats ». Réalisée en bronze, elle se portait à la boutonnière, surmontée d’un
ruban vert et rouge. Une de ses faces représentait l’empereur ; l’autre portait l’inscription « campagnes de 1792-
1815 – à ses compagnons de gloire, ses dernières pensées, 9 mai 1821. ». Une création qui accentuait la
démocratisation du système honorifique né avec le 29 floréal an X (19 mai 1802). Sur les 390 000 vétérans encore en
vie en 1857, tous ne reçurent pas la médaille. Il fallait en justifier le port, soit par deux années de service, soit par
deux campagnes soit encore par une blessure. Mais le signe fut largement accordé, propageant autour de lui, ce que
Sudhir Hazareesingh, appelle une véritable « déférence impériale ».
Figure 20 - Scène de la fille perdue. Un poste de police en 1900. Dans cette scène de la vie d’un commissariat parisien, on
remarquera que tous les gardes municipaux sont décorés. Source : Le Monde Illustré du 12 novembre 1900
Figure 24 - Un acte concordataire : la remise en 1879 du cardinalat à Mgr Meglia par le président Jules Grévy
au palais de l’Élysée. Dessin G. Janet d’après un croquis de M. Dick. Source : Le Monde Illustré.
On l'aura compris : ce que recouvre, au XIXe siècle, la codification administrative des honneurs, c'est
– dans l’Église comme au cœur des Etats – le passage d'une distinction patrimoniale à une dignité
dorénavant bureaucratisée. La théorie de la bureaucratie l’a toutefois longtemps ignoré : les
honneurs furent l’un des moyens matériels qui ont permis de produire cette régularité de
comportement. Instruments de discipline, ils ont participé de la mise en ordre des positions de
pouvoir. Non pas comme une simple notification décorative, sorte de maniérisme hérité d'un passé
que personne n'osait plus s'abaisser à congédier, mais en entretenant une émulation spécifique. Il en
a résulté, un esprit de corps, autrement dit, un amour-propre individuel et collectif, qui a favorisé un
sens de la distinction et joué comme un puissant moyen de contrôle.
Si les honneurs au XIXe siècle furent pour les princes le moyen de s’attacher les « hommes nouveaux
», ils eurent un autre ressort dont témoigne l'évolution des pratiques de gouvernement. Partout sur
le continent européen, les nouvelles tâches administratives nécessitaient la mise sur pied de bureaux
et d'organismes permanents, la délimitation de juridictions et de règles de procédures. Entre les
mains des nouvelles élites dirigeantes, l'administration d'Etat se transformait. Elle passait d'une
logique prébendo-patrimoniale à une rationalité bureaucratique. Cette réorganisation des services,
intense tout au long du siècle, poussa la bureaucratie à généraliser l'usage des gratifications
honorifiques. Et déjà pour s'assurer une maîtrise méthodique de la conduite des fonctionnaires.
L’exigence était sensible dans des secteurs comme la magistrature, la police ou l’armée.
Figure 25 - Une scène appelée à devenir rituelle : la remise de décoration par le chef de l’Etat lors d’une revue des
troupes. Ici, Napoléon III lors de la réception du Grand Duc Constantin en 1857. Source : le Monde Illustré de 1858.
Figure 26 - A Valence, le président de la République Sadi Carnot distribue des diplômes de médailles aux plus anciens
employés de la compagnie PLM. Cette « libéralité » républicaine concernait les vieux serviteurs récompensés pour plus
de 30 ans de loyaux services. Une distribution effectuée lors des voyages des chefs de l’Etat qui s’imposera très vite
comme une figure éprouvée de la capacité du chef de l’Etat à « reconnaître » le mérite. Source : Le Monde Illustré du 4
août 1888.
Figure 27 - La remise de récompense des mains du chef de l’Etat : le 13 avril 1901 lors du voyage à Antibes pour les fêtes
de Toulon. Source : le Monde Illustré.
La théorie de la bureaucratie l’a toutefois longtemps ignoré : les honneurs furent l’un des moyens
matériels qui ont permis de produire cette régularité de comportement. Instruments de discipline, ils
ont participé de la mise en ordre des positions de pouvoir. Non pas comme une simple notification
décorative, sorte de maniérisme hérité d'un passé que personne n'osait plus s'abaisser à congédier,
mais en entretenant une émulation spécifique. Il en a résulté, un esprit de corps, autrement dit, un
amour-propre individuel et collectif, qui a favorisé un sens de la distinction et joué comme un
puissant moyen de contrôle.
Figure 28 - 14 juillet 1914 : le chef de l’Etat décerne les grades de chevaliers à plusieurs officiers et élève plusieurs
généraux parmi lesquels les généraux Joffre et Archinard, grand croix. Source : le Monde Illustré.
Figure 29 - Distribution par le roi Victor-Emmanuel sur la place du Plébiscite, à Naples, des médailles de la valeur militaire
aux bataillons de la garde nationale (croquis de Pierre Blanchet). Source : le Monde Illustré du 17 mai 1862.
Figure 30 - La « manne du Nouvel An » dénoncée au XIXe siècle comme une curée des honneurs par le caricaturiste E.
Marin. Source : Le Pèlerin. (Coll. Yves Déloye).
Si les récompenses sont désormais nationales, la nation reste, elle, un continent à explorer. Or, c’est
sur elle que les administrations s’efforcent dorénavant de jeter une lumière salvatrice, notamment
sur l’indigence vertueuse. La tâche est évidemment difficile. Non pas que les actions vertueuses
soient plus rares chez les pauvres, mais elles passent pour y être « ignorées ». C’est en tout cas le
sentiment qu’en ont les élites. D’« ignorées », ces vertus deviennent «obscures», donc « à éclairer ».
A découvrir, à classer, à publiciser, à réhabiliter.
Figure 31 - Le citoyen décoré : le quartier-maître Lauri arborant la Légion d’honneur reçue en récompense d’un acte de
sauvetage/ Source : Le Monde Illustré de 1857. Le quartier-maître Lauri était le patron de la baleinière qui, après le
naufrage du bâtiment Duroc, fut envoyé pour chercher des secours. La bataille livrée par cette frêle embarcation contre
les ouragans et les orages («lutte formidable contre les éléments conjurés ») fut exploitée par la presse parisienne pour
encenser la grandeur et le dévouement de ces hommes qui n’hésitent pas à aller « chercher à travers de tels dangers et
au prix de semblables fatigues des moyens de salut pour leur compagnons restés sur un écueil ».
Figure 32 - En « une » du Monde Illustré du 28 février 1914, Guillaume Rolland, le « glorieux » clairon de Sidi-Brahim qui,
en 1845, aux trois quart mourrant sonna la charge de Sidi Brahim a reçu la rosette d’officier de la Légion d’honneur.
Quelques mois plus tard, les « enfants de Rouergue » ont fêté le glorieux vétéran à Paris : pour l’occasion, le président
Poincaré lui a donné une accolade. Signe de l’importance croissante de cette émulation premiale, une page entière fut
consacrée à l’ « évènement », avec des photos de l’arrivée du héros décoré à la gare dans une automobile Alada et lors
du banquet présidentiel organisé à son intention, le « vieux brave » fut installé à la droite du chef de l’Etat le « vieux
brave ». Lors de ce banquet (de mille couverts), députés et généraux, ministres et officiers d’état major célébrèrent
l’image du soldat français.
Figure 33 - Les victimes du devoir. Tableau de M. Edouard Detaille (1894). La reproduction est celle du Monde Illustré du
5 mai 1904. Le sujet illustre une attente de la bourgeoisie urbaine en cette fin de XIXe siècle : celle de pouvoir compter
sur le dévouement de gens veillant sans relâche sur la sécurité de la grande ville. Sur la toile, des gardiens de la paix
interviennent. Une maison d’angle à la croisée de deux rues flambe ; le sinistre a fait deux victimes. Et tandis que des
gardiens les transportent, le peintre a représenté l’action salvatrice des autorités : M. Lépine préfet de police, M. Pielle,
préfet de la Seine, M. Gaillont chef de la police municipale, M. Goron chef de la Sûreté (le dernier personnage à droite
qui se dresse sur la pointe des pieds pour voir). A droite du préfet de police, l’agent de la Sûreté Rossignol en chapeau
mou. Un officier de la garde républicaine est là aussi pour rappeler le zèle de cette troupe d’élite. Devant sur le pavé
ruisselant des pompiers déroulent installent des tuyaux en travers de la rue une voiture d’ambulance à droite un peu
cachée par la foule les chevaux de l’attelage gris ; plus en vue au deuxième plan à gauche sur la corniche de la maison
sinistrée un sapeur pompier marche d’un pied prudent mais assuré ; plus loin la grande échelle rouge à coulisses amène
des pompiers qui attaquent le fléau, lance à la main. Les uns et les autres vont et viennent sans désordre, chacun allant
au devoir à sa place ordinaire pour ce qui est un hommage à « ceux qui se dévouent chaque jour modestement, jour et
nuit ».
Figure 34 - Le naufrage de la « Russia ». Le sauvetage. Arrivée de la première barque. Dessin de L. Tinatre. Le Monde
Illustré. 19 janvier 1901.
Une conviction qui va pousser les élites libérales et républicaines à multiplier les « prix de vertu ». En
incitant à se comparer sans cesse, à se surpasser les uns les autres, le ministère de l’aemulatio offre
un instrument de gouvernement. Rendre la passion de la vertu conforme à l’intérêt de la raison : tel
est l’idéal poursuivi par la philanthropie savante. Reconnaître l’indigence vertueuse, c’est montrer
que les princes ne sont pas ingrats. Que la société n’a pas qu’un bras, pour frapper. Au nom de cette
vocation, est organisée une émulation qui contribuera, en tout cas l’affirmait-on, à moraliser le corps
social. Elle viendra aussi entretenir un effet incitatif en permettant de « produire une somme
d’activités humaines bien supérieure à celle qui se serait manifestée en dehors de son influence».
Figure 36 - La visite de M. le président Carnot à l’hôpital militaire du Val de Grâce (dessin de Charles Morel) le 14 janvier
1888. Source : Le Monde Illustré. A l’occasion du Nouvel An, le Président a visité les malades au Val de Grâce. Il a
notamment distingué Mme de Moissac, supérieure des sœurs de St Vincent de Paul : âgée de 82 ans, cette dernière était
récompensée pour ses 54 ans au service des hôpitaux dont 33 au Val de Grâce. Un geste accompagné d’une mise en
scène bien adaptée aux fondements doctrinaux du nouveau régime et à la quête de popularité de Carnot : le président a
« emprunté » la croix de M. Badour médecin principal de 1ère classe de l’état major de la place de Paris pour séance
tenante décorer la vieille dame… Une scénographie que la presse saluera comme « chaudement accueillie par
l’opinion ».
Surveiller et récompenser
Décorer le mérite est une activité qui emporte avec elle une technique de gestion sociale. Et déjà
parce qu’elle fixe l’individu à un appareil qui le rend susceptible de contrôle. Balzac qualifia cet idéal
d’espionnage de la vertu, un état où « la surveillance des citoyens les uns sur les autres rend le crime
impossible... où il faut ne pas raisonner pour en commettre. En effet, aucune des iniquités que la loi
n’atteint pas ne reste impunie et le jugement social est plus sévère encore que celui des tribunaux ».
Intuition pénétrante que le XIXe siècle va associer à un paradigme politique : celui qui veut que la
vertu soit aussi à sa manière une règle de police.
Figure 37 - L’œil de la vertu : le questionnaire de la fondation Carnot à la fin du XIXe siècle. Source : A.D. Loire Atlantique,
AD, 1 M 468.
Il y avait des tribunaux, des geôliers, des bourreaux, des guillotines. Il y aura des prix, des honneurs,
des récompenses. Et déjà dans ces populations où l’on dit que se recrute le crime. Dans ces classes
dangereuses où la vertu ne demande qu’à être mise en exemple. En 1825, l’Académie française,
s’appuyant sur la fondation du Baron de Montyon et des ordonnances du Roi qui en ont réglé
l'exécution, décide d’étendre à la France entière le prix du « Français pauvre qui aura fait l'action la
plus vertueuse ». Les indigents de tous les départements, et non plus seulement de la Seine, peuvent
concourir. En décernant un prix d’une valeur de 10 000 francs à Pierre-Antoine-Roch de Montigny-les
Metz ou une médaille de la valeur de 1 200 francs à un ancien domestique Mathieu François Wéry,
demeurant au Paris, l’Académie devient à son tour un tribunal de la vertu. Dispensatrice de
renommée, elle s’enorgueillit de donner publicité à la vertu.
Figure 38 - La distinction des pauvres vertueux : Les Comices, un tableau de Brispot en 1902. Source : Société des Artistes
français. 1902.
Figure 39 - Annales des victimes du devoir. En 1884, la presse parisienne fondait la caisse des Victimes du devoir avec la
Fête des fleurs grâce aux concours de la population parisienne. La nouvelle œuvre philanthropique était destinée à
récompenser ceux qui s’étaient distingués dans l’accomplissement de leur devoir ou les familles de ceux qui ont
succombé. Comme l’Académie la Presse parisienne distribue donc ses prix de Vertu mais elle le fait au moment même,
avec l’idée qu’ainsi que le secours sera plus efficace. Qu’il sera en un mot un « encouragement au bien ». Pour donner
plus de publicité aux actes courageux récompensés chaque année au moment de la Fête des fleurs le Syndicat de la
presse prit l’initiative de publier sous le nom de Annales des Victimes du devoir un journal représentant par la gravure
les « faits qui honorent » : depuis le berger Jupille soigné par Pasteur aux actions d’éclat des pompiers, gardiens de la
paix, sauveteurs gendarmes, mineurs, carriers ou sœurs de la charité. Source : Le Monde Illustré du 5 juin 1886.
Pour embrasser la conduite de l’individu uti singulus, pour traquer la grandeur ignorée, il fallait des
relais mais aussi des techniques d’enquête, une méthodologie et des éléments de preuve : « des
certificats de témoins probes, de magistrats, d'administrateurs de charité et autres personnes dont le
caractère inspire la confiance ». Présentés à l'appui de chaque mémoire déposé au secrétariat de
l'académie, ces témoignages supposent à leur tour un appareil adéquat : pour observer, certifier,
légaliser, comparer.
Trafic
Figure 40 - Aspect de la 10ème Chambre pendant l’audience du 11 février (croquis de Louis Tinayre). Source : Le Monde
Illustré du Aspect de la 10ème Chambre pendant l’audience du 11 février (croquis de Louis Tinayre). Source : Le Monde
Illustré du 25 février 1888. On reconnaît au centre l’accusé, Wilson, à coté de son avocat Lenté et face au président
Villiers entouré de deux juges assesseurs, les deux avocats M. Comby et Demange ainsi que Mme Rattazi et M. Dubreuil.
Le scandale Wilson en 1887, celui d’une vente de titres de la Légion d’honneur par le gendre du
président de la république, est venu le révéler : en cette fin du XIXe siècle, industriels et marchands
convoitent les décorations. S’ils le font, c’est essentiellement comme support de publicité. Le
Parlement avait déjà pu s’en rendre compte en 1885 en règlementant l’usage des distinctions
honorifiques décernées dans des expositions ou concours soit en France, soit à l’étranger. Leur
exhibition n’était permise qu’à ceux qui les avaient obtenues « personnellement » et « pour la
maison de commerce en considération de laquelle ils avaient été décernés ». Il était ainsi prévu de
punir d’amende (de 50 à 6000 francs) et d’emprisonnement (de un à trois mois à deux ans) ceux qui,
frauduleusement, s’attribueraient ces récompenses (médailles, diplômes, mentions) ou s’en
prévaudraient «mensongèrement sur leurs enseignes, annonces, prospectus, factures, lettres ou
papiers de commerce ». La décision valait également pour les récompenses et distinctions des corps
savants ou de sociétés scientifiques. Une codification qui traduit une évolution tout à fait essentielle.
Figure 41 - Un faussaire inspiré : Achille Laviarde. Plus connu sous le nom d’Orélie-
Antoine 1er, roi d’Araucanie et de Patagonie, ce faussaire avait ouvert place de la
Nation le siège d’un ordre qui possédait ses chambellans et ses grands maîtres.
Véritable providence pour les amateurs de décorations, ce souverain était le
fondateur de l’ordre de l’Etoile du Sud institué le 24 juin 1872 ainsi que de la
Couronne d’Acier largement conféré à tout abonné de son journal, homme ou femme.
L’Etoile du Sud reprenait les catégories de grand-croix, commandeurs, chevaliers
autorisait les femmes « à porter le manteau, avec traîne, de couleur noire, doublé en
blanc, et portant la plaque de l’ordre sur l’épaule gauche auquel elles pourront joindre
les broderies de leur garde ». Les hommes étaient dotés d’un chapeau à plume et
d’une épée à poignée d’or et de nacre, d’épaulettes à graine d’épinards munies
d’étoiles. Commandeurs et chevaliers portaient des décorations en forme de plaques
sur le côté gauche, des grands cordons bleu de ciel d’une dizaine de centimètres de
largeur (comme les Grand croix) mais cette fois en argent. Un signe imité de l’ordre du
Saint-Esprit. Ces titres correspondaient à des grades militaires dans l’armée
patagonienne. Elles conféraient aussi le droit de faire graver un cachet aux armes de
Cahier iconographique Le mérite
l’ordre. Phot. Dulong. et la république
Source : Le Monde Illustré. www.olivierihl.fr
Dernière mise à jour le 29 juin 2009 36
Faire de la vertu un signe, c’était ouvrir la possibilité que le signe soit arboré sans la vertu. En somme,
que tout un chacun puisse faire passer l’un pour l’autre. D’où le développement dans les sociétés
démocratiques d’un arsenal législatif destiné à contrôler que le port des décorations est bien légal.
Figure 42 - « N’hésitez pas. En prenant deux litres à la fois, vous avez droit à une prime ». Dessin de Caran d’Ache dans les
Annales de la Patrie française, 1903.
Figure 45 - La promotion de l’Exposition. Photographie du célèbre Pirou. Représente différents chevaliers et officiers de
la Légion d’honneur. Le Monde Illustré du 28 avril 1900.
A la fin du XIXe siècle, dans une Europe que bouleversent le principe des nationalités, le mouvement
d’industrialisation ou l’arrivée des masses sur la scène électorale, être distingué est devenue une
préoccupation de masse. A défaut de chiffre précis sur les candidats à ces multiples compétitions
honorifiques, on peut partir du nombre de récipiendaires de décorations officielles. Jules Martin
évalue à un million sept cents mille le nombre de décorés d’Etat en 1912 dont six cents trente six
mille civils. Donnée qui ne prend pas en compte les distinctions scolaires, commerciales ou sportives.
Elle suffit néanmoins à suggérer la présence d’une honorification de masse. Si la propension à être
décoré s’universalise, à la suite notamment de la création de 28 décorations ministérielles de 1882 à
1913, c’est aussi pour une autre raison. Avec l’incertitude installée par la mobilité sociale de marché,
la gratification d’Etat offre comme une sorte de salut. Cantonné jusque là au monde de la pédagogie
ou aux activités militaires ou scientifiques, son système d’emprise se généralise. Et avec lui, une
forme d’administration du social caractérisée par certaines techniques d’assignation et de
certification du mérite.
Figure 48 - Une distinction « démocratique » : en 1857, la croix de Victoria. Lors de la cérémonie de remise de cette
décoration, le 26 juin 1857, sur Hyde-park des milliers de badauds purent assister à une revue de la fine fleur de l’armée
anglaise : de l’artillerie à cheval, des horse-guards, des dragons, du génie royal, des gardes à pied, des soldats de marine,
du 79ème highlanders ou des célèbres rifles. Face à l’amphithéâtre des tribunes, Sa Majesté la Reine fit une arrivée
remarquée. Précédée du commandant en chef, le duc de Cambridge, elle était accompagnée du prince Albert et du
prince de Prusse. Habillée d’un uniforme rehaussé par le grand cordon du nouvel ordre, elle va personnellement décorer
61 «braves». Et selon un protocole précis : chaque décoration, renfermée dans un riche écrin, était saisie par deux
personnes ; puis la croix, serrée dans un papier de soie, remise à Lord Panmure qui la remettait à la reine pour qu’elle
l’attache à l’uniforme du décoré. Source : Le Monde Illustré.
Figure 49 - Tableau de Jean Geoffroy. Sortie des prix à l’école maternelle. Source : le Monde Illustré du 8 juin 1901.
Figure 50 - Quelques sauveteurs, chevaliers de la Légion d’honneur : Charlet Eugène, capitaine d’un remorqueur à
Dunkerque décoré en 1885, Delannoy, patron du canot de sauvetage de Calais décoré en 1875, J. Noedts, capitaine de
remorqueur à Dunkerque.
Figure 51 - Le squelette de pierre calciné du Palais de la Légion d’honneur au lendemain de l’incendie. Pour Le Monde
Illustré du 10 juin 1871, le jour où l’incendie consumait cette importante rangée d’édifices nationaux (Conseil d’Etat, Cour
des Comptes, légion d’honneur…), la « torche incendiaire a brutalement enlevé au pays ses moyens de contrôle, la
moralité de sa gestion financière, l’honorabilité de sa fortune publique ».
Bien que démentie par les faits et instructions criminelles, la thèse de saturnales honorifiques s’est
propagée. Beaucoup y avaient intérêt à la fin du XIXe siècle. Avec elle, l’image d’une Commune
fascinée jusqu’à la destruction par les distinctions et récompenses d’honneurs pouvait favoriser
ralliements et méfiances. Une Commune égalitaire jusqu’à ravaler la décoration au rang d’une
résurgence barbare : c’était un argument commode alors que se ravivait la suspicion contre la manne
honorifique. L’incendie du palais de la Légion d’honneur lors de la Commune de Paris a donc marqué
Figure 53 - Le Palais de la Légion d’honneur sur le quai d’Orsay à Paris en 1861. Ce petit édifice de style romain se
trouvait à la droite du palais occupé par le Conseil d‘Etat et la Cour des Comptes. De sa terrasse qui dominait la Seine, on
voyait le jardin des Tuileries. Il fut construit par l’architecte Rousseau en 1786 et acheté par l’Etat sous Napoléon puis
occupé par les services de la Grande chancellerie de la Légion d’honneur Source : Le Magasin Pittoresque.
Figure 54 - Le député Méline, inventeur du Mérite agricole, raillé dans une carte postale à succès. Dans Guy Jacquy,
« Poirissimo ! Du poireau à toutes les sauces… », CPC, 2-3, mai-juin 2002, pp. 3-11. Le ruban vert, bordé d’un petit liseré
rouge, sera désigné familièrement comme le « poireau » : avec une médaille blanche, la ressemblance parut frappante.
Méline étant longiligne avec un visage émacié de grands favoris, les caricaturistes sautèrent sur l’occasion : Méline sera
représenté comme un poireau. Chanteclair, Guido, Léandre, bien d‘autres le croqueront sous ces traits en entretenant le
stéréotype social d’une distinction peu « distinctive » socialement car « prodiguée ».
Figure 55 - L’insigne des taupins en 1901. Le Monde Illustré 8 juin 1901. Souhaitant protester contre la baisse du nombre
d’admis à l’école Polytechnique les taupins (candidats à l’entrée) décore leur insigne dans le centre d‘une carte
hexagonale le général André ceint de la couronne de Mars est représenté armé d’une grande paire de ciseaux dont il se
sert pour couper le cent quatre-vingt et unième de la liste des admis (contre 2000 jusque là) c’est-à-dire le premier
refusé. A gauche on aperçoit le fauteuil auréolé avec cette mention « Réservé à al Reine » tandis que vers luis ‘achemine
un jeune candidat déjà en uniforme avant les autres et qui n’est autre que le second fils du ministre de la guerre dont le
fils aîné a déjà passé par Polytechnique. En bas deux polytechniciens présentent le nouveau drapeau de l’Ecole aux
candidats qui défilent en une joyeuse farandole devant ce symbole sacré de la patrie qu’ils saluent tous fièrement.
Figure 56 - Une caricature du socialiste Millerand, décoré et ennobli par les Allemands. Sous le titre « Son Excellence le
baron Millerand », cette caricature représente le leader socialiste avec le grand manteau de la Couronne de fer de 1ème
classe, la main gauche sur la garde de l’épée. Une distinction prussienne qui conférait au titulaire le droit de prendre la
noblesse avec le titre de chevalier baron du St Empire et d’ornementer ses armoiries de famille de l’insigne de l’Ordre,
avec son écusson, ses sceaux et cachet de lettres. Les Annales de la Patrie française du 15 avril 1902.
L’essor de la presse et l’arrivée des classes moyennes dans les effectifs des décorés vont changer la
perception des récompenses honorifiques. Désormais, le port des distinctions est aussi conditionné
par des convenances sociales. Des convenances qui sont volontiers tournées en dérision : la
bourgeoisie ne ferait qu’imiter les manières de cour d’une aristocratie en déclin. Une façon de
dénoncer la naissance d’une aristocratie de l’argent. Son arrogance ? Elle tiendrait au fait que ses
titres acquis à chers deniers constitueraient aux yeux de tous « l’enseigne de sa fortune ». Des
arguments qui devaient longtemps servir à établir les droits de la bureaucratie républicaine sur les
titres et les rubans mais sans que cesse pour autant d’être agité l’hydre d’un retour de la féodalité. Le
port des distinctions semblait monopolisé par les classes dirigeantes et le milieu de la noblesse.
Figure 57 - Arrivée à Paris de S.M. Guillaume III, roi des Pays-Bas (dessin de Ch. Vriarte) Le Monde Illustré 17 mai 1862.
Figure 61 - L’épée du général Faidherbe. A la fin de sa vie, le général Faidherbe reçut l’épée d’honneur offerte par les
villes d’Amiens et de Saint-Quentin, Nancy et Strasbourg… Remise au domicile de l’ancien chef des armées du nord,
l’objet en or massif offre à la vue les statues des villes délivrées en relief sur la poignée et des armoiries sur le pommeau ;
sur la lame : les noms des communes qui ont participé à la souscription. Source : le Monde Illustré du 5 février 1880.
Destinés à accroître une notoriété marchande par la réclame qu’ils suscitaient, les honneurs avaient
un nouveau destin : orner des prospectus, des enseignes et des brevets. Du coup, le crédit sur la
nature duquel les spéculateurs tablaient s’évaluait au regard d’une restitution escomptée : celle d’un
amortissement du prix engagé. Certes, ces décorés pouvaient se méprendre car il y avait là un risque.
Mais ils l’assumaient à leur manière : comme un investissement commercial qui avait au moins la
matérialité d’un signe d’excellence. Des usages inédits qui révélaient combien étaient assigné aux
décorations un nouveau cercle de significations. En faisant du mérite une ingénierie de
gouvernement, les institutions de la démocratie libérale ont redéfini l’échelle des valeurs. Elles n’ont
pas abaissé les grandeurs, encore moins avili les dignités comme le craignaient leurs détracteurs,
effrayés par la montée de la roture ou de l’Etat. Non, elles en ont fait un nouveau moyen de salut :
celui d’une émulation proclamée gardienne des formes du paraître. La double révolution qui marque
le XIXe siècle, celle de l’industrialisation de la société, celle de la bureaucratisation du pouvoir, en est
l’origine. Avec pour conséquence de faire du souci de distinction une forme spécifique de
management.
Figure 62 - Une enseigne sous la Révolution française. Musée Carnavalet. Source : Le Monde Illustré du 19 mai 1894.
Figure 63 - Exemples de réclame commerciale parue dans la presse en utilisant la mention de « médailles d’or » obtenues
aux expositions nationales ou internationales au tournant du XXe siècle. Source : Le Monde Illustré.
La distinction scolaire
Ce jugement scolaire, cette discipline du nombre : ce sont bien entendu les attendus d’une
démocratie libérale qui en modulent la présence. Distribution de prix, discipline scolaire, autorité du
maître : leur organisation traduit l’institutionnalisation scolaire du principe méritocratique.
Longtemps, il y avait eu opposition à cette manière de forcer le travail : récompenses, distinctions,
distributions de prix, autant de moyens jugés factices et surtout contraires à la cohésion des classes.
Avec les récompenses au succès, on rompait avec l’éducation par l’exemple que les républicains
avaient bâti en modèle : l’exemple qui, à l’appui du conseil donné, se proposait à l’admiration de
l’enfant en espérant que « sa pensée sera de faire aussi bien ». Toutefois, avec le développement
industriel, la compétition s’affirme comme le ressort véritable du progrès individuel et collectif. Celui
que l’éducation morale doit déjà employer pour accélérer la marche de l’instruction. François Guizot
écarte les mises en garde d’hier : «Par l’organisation même des écoles publiques, tout danger est
prévu et prévenu. La rivalité se perd dans le nombre des concurrents ; elle n’a pas le temps de se
former, de se consolider». C’est le « talent », conçu comme une substance derrière la réalité de
surface des « performances » qui finalement distingue les meilleurs parmi les émules. C’est pourquoi
il faut le stimuler par des prix et des concours qui viendront sanctionner les « meilleurs ».
Figure 65 - La distribution des prix aux écoles municipales de Rome au Capitole. Dessin de M. Lix, le Monde Illustré. 19
octobre 1872.
Ce jugement scolaire, cette discipline du nombre : ce sont bien entendu les attendus d’une
démocratie libérale qui en modulent la présence. Distribution de prix, discipline scolaire, autorité du
maître : leur organisation traduit l’institutionnalisation scolaire du principe méritocratique.
Longtemps, il y avait eu opposition à cette manière de forcer le travail : récompenses, distinctions,
distributions de prix, autant de moyens jugés factices et surtout contraires à la cohésion des classes.
Avec les récompenses au succès, on rompait avec l’éducation par l’exemple que les républicains
avaient bâti en modèle : l’exemple qui, à l’appui du conseil donné, se proposait à l’admiration de
l’enfant en espérant que « sa pensée sera de faire aussi bien ». Toutefois, avec le développement
industriel, la compétition s’affirme comme le ressort véritable du progrès individuel et collectif. Celui
que l’éducation morale doit déjà employer pour accélérer la marche de l’instruction. François Guizot
écarte les mises en garde d’hier : «Par l’organisation même des écoles publiques, tout danger est
prévu et prévenu. La rivalité se perd dans le nombre des concurrents ; elle n’a pas le temps de se
former, de se consolider». C’est le « talent », conçu comme une substance derrière la réalité de
surface des « performances » qui finalement distingue les meilleurs parmi les émules. C’est pourquoi
il faut le stimuler par des prix et des concours qui viendront sanctionner les « meilleurs ».
Figure 66 - Un « billet d’honneur » d’une école de la Croix-Rousse. Source : A.D. Rhône.1 M 260. Récompenser le travail
de ceux qui se sont élevés, c’est certifier des qualités qu’incarne l’idéal d’une discipline consentie. Des gratifications qui
sont réputées « tirer » l’enfant vers le haut en lui apportant un avantage pour les nouvelles compétitions qui l’attendent.
L'émulation sportive
aux progrès du chronographe. Définissant une hiérarchie d’aptitudes, caractérisée par l’absence de
discrimination et un accès «libre», la compétition est un système institutionnalisé de pratiques qui
vise à désigner le meilleur concurrent et, plus encore, à enregistrer la meilleure performance.
Figure 69 - Distribution de récompenses au tir national de Bruxelles. Source : le Monde Illustré du 22 septembre 1861.
Plus de 30 000 coups de carabines seront chaque jour destinés à distinguer les compétiteurs du concours organisé par le
roi Léopold. Le but de cette émulation premiale : doter la Belgique de tireurs qui rivalisent avec les Français ou les
Suisses.
L’imposition du record comme élément central de la culture sportive est patente en 1924 avec le
premier marathon standardisé : il est remporté par le finlandais Stenroos en 2 h 41 mn et 22 sec.
Pour cela, il a fallu qu’hippodromes, vélodromes et pistes d’athlétisme se normalisent et se codifient.
La mesure des performances requiert la standardisation des temps et des distances : question
centrale pour l’homologation des records. De plus, la performance doit être inscrite dans une
compétition officielle. Et devenir un concours. Autrement dit, c’est aux fédérations sportives de les
homologuer pour user d’un pouvoir symbolique : celui qui consiste à désigner le meilleur. Les
fédérations ont entre leurs mains la définition même du record. Les capacités propres de l’individu
triomphent. Mais avec des principes d’égalité très variables.
Une secrète nécessité semble relier cette obsession de la performance et les progrès des instruments
de mesure moderne. Alors que la première Olympiade de la République le 22 septembre 1796 sur le
Champ de Mars, courses à pied et à cheval avait attiré la foule des parisiens, l’astronome Alexis
Bouvard tentait déjà de figer les performances au dixième de seconde près à l’aide de montres
marines : un calcul effectué en mètres/seconde du fait de l’absence de distance standard. Que l’on
pense à la standardisation du marathon entre les JO de 1896 à Athènes et ceux de Paris en 1924 (42
195 km). Suggéré par le pédagogue Michel Bréal à Coubertin, l’introduction du Marathon en 1896 se
conçoit sur une distance approximative environ une quarantaine de km. Elle est emporté par le grec
Louis Spirodon : son temps 2 h 58 mn 50, faute de distance précise.
Figure 71 - Le grand match de football entre les champions français et anglais - Le 18 avril entre le « stand « français et le
foot-ball club de Londres eut lieu un match sur la piste du Coursing Club à Levallois Perret. Le club anglais l‘a emporté en
faisant preuve «d’une admirable connaissance de ce jeu ». La « lutte a eu lieu à deux reprises et n’a pas duré moins d’une
heure vingt minutes » la famile Dufferin assistait au match ainsi que le premier secrétaire de l‘ambassade d’Angleterre,
le vicomte de Janzé ou le baron de Coubertin à la fin de la partie lady Dufferin a remis au capitaine de l’équipe anglaise
un objet d’art, prix de la victoire pendant que la musique du 117ème jouait la Marseillaise. Source : Le Monde Illustré.
Figure 72 - Grand prix de Paris de 1886. Dessin de M. Chelmonski qui représente le cheval anglais Minting arrivant en tête
au disque. Source : le Monde Illustré du 12 juin 1886. Cette année, la victoire reste à l’Angleterre. C’est la 23ème édition
de ce qui était volontiers présenté dans la presse comme « une lutte internationale ». En 1886, les éditorialistes tentent
de se rassurer : « les Français sur ces 23 éditions l’ont emporté 11 fois, les Anglais 10 les Hongrois 1 et les Américains 1 ».
Un tel engouement sportif laisse chez les élites traditionnelles un sentiment de frayeur. Sous le titre « Luttes d’autre
espèces », l’éditorialiste du Monde Illustré en fait la remarque : « sur l’hippodrome d’Auteuil, la France s’est, parait-il,
couverte de gloire parce que Boissy cheval qui représentait notre pays a battu de quelques foulées la bête qui défendait
l’honneur d’Albion. L’effet produit est assez étrange, bien étrange. Non jamais homme de génie ne fut acclamé de la
sorte. Non jamais, jamais on ne pourra dépasser cette ovation si demain un général heureux nous rendait l’Alsace et la
Lorraine. Je voudrais croire que cette belle ardeur est un symptôme favorable et ne trahit pas une décadence
irrémédiable. Je voudrais le croire Mais je ne peux pas » (6 juin 1886).
La reconnaissance scientifique
Figure 74 - Le phonographe perfectionné de M Edison présenté à l’Académie des Sciences. Source : Le Petit Moniteur
Illustré 5 mai 1889.
Figure 75 - Distribution solennelle des récompenses aux exposants du salon de 1861. Source : le Monde Illustré. La
Constitution créa par les décrets des 9 et 25 brumaire an II la Commune des artistes, institua un jury des arts pour juger
des tableaux et les sculpteurs exposés et décerner des récompenses aux œuvres les plus méritantes. Napoléon en 1810
décréta que des prix décennaux seraient accordés aux artistes. En 1825 Charles X voulu distribuer lui-même aux artistes
les médailles et décorations et pour la première fois faire entrer dans l’ordre de la LH peintres et sculpteurs exposants.
Depuis la restauration chaque souverain a tenu à à honneur de protéger et d’encourager le goût artistique français.
L’Empereur et l’Impératrice visite à la veille de l’Exposition universelle 1857 encouragements et le 4 juillet discours de M
le Comte Walewski ministre d’Etat à la distribution des récompenses fait des « arts » de « nouveaux titres de noblesse »
puis distribution de LH lecture du décret impérial Distribution de la médaille d’honneur à M Pills pour sa Bataille de
l’Alma 13 juillet 1861.
Figure 76 - Le docteur Roux. Source : Le Monde Illustré du 13 juillet 1895. Le conseil municipal a décidé qu’une médaille
d’or lui serait décerné au nom de la ville de Paris en hommage à sa découverte du vaccin antiphérique connu sous le nom
de sérumthérapie. Une façon de récompenser de « beaux travaux scientifiques si utiles à l’humanité ». Deux médailles
furent frappées qui reproduisent l’effigie de la République gravée par Chaplain l’une pour la ville, l’autre pour le
département de la Seine qui s’est associée à l’hommage. Elles furent remises le 4 juillet lors d’une séance solennelle dans
la salle de l’Hôtel de Ville, devant les élus et les autorités administratives.
Le culte de la performance
Figure 78 - Sur proposition des ministres de la guerre et de la marine, le président de la République signa le décret créant
cette médaille réservée à la commémoration des opérations militaires effectuées dans les colonies françaises ou pays de
protectorat. Cette médaille est en argent et du module de 30 millimètres. Gravée par Georges Lemaire, elle porte d’un
côté l’effigie de la République avec les mots République française et de l’autre coté la légende « médaille coloniale » et
au milieu d’un globe terrestre entouré des attributs militaires. Elle est suspendue à un ruban à raies blanches et bleues.
Le titulaire pouvait y attacher autant d’agrafes qu’il avait accompli de campagnes dans des possessions différentes.
Figure 79 - Un tableau de quelques distinctions qui encouragent l’émulation premiale à la fin du XIXe siècle : la France,
comme d’autres, était entrée dans l’ère du culte de la performance. Source : Art Médaille, La Grande Encyclopédie.
Figure 80 - En 1901, le concours agricole est organisé au Grand Palais des Champs Elysées (et non plus au palais de
l’Industrie) : un choix qui obligea à scinder les parties du concours : produits agricoles, animaux reproducteurs, beurre,
vins, fruits, légumes… Tout se compare, mesure, hiérarchise. Et se récompense : les « prix d’honneur » sont distribués
sous la houlette du commissaire général. Les hommes politiques ne sont pas en reste. Le jury de l’espèce bovine est
présidé par M. Méline ancien président du conseil, celui de l’espèce ovine par l’ancien ministre de l’agriculture Viger et
celui de l’espèce porcine par M. Gomet sénateur du Puy-de-Dôme. Un concours inauguré par le président de la
République qui sera reçu devant chaque box par les propriétaires des animaux exposés. C’est encore lui qui viendra
saluer les animaux « primés », par exemple le porc craonnais de six cents livres qui a remporté le prix d’honneur.
Cela rejoint ce que prétendait enseigner la révolution libérale du XVIIIe siècle : la direction d’un
groupe peut se réaliser par objectifs, c’est-à-dire par un gouvernement à distance qui incite chacun à
contribuer à développer sa « performance ». Une technique de gestion des conduites, jusque là
délaissée par la science du pouvoir alors même qu’elle synonyme de pouvoir. C’est d‘autant plus
singulier qu’elle s’est étendue au monde scolaire, à l’industrie, aux activités sportives et scientifiques.
Bref, qu’elle s’est transformée en une pratique de plus en plus usitée.
Figure 81 - Les prix de vertu et les concours à l’Académie en 1902. Source : Les Annales politiques et littéraires du 29
novembre 1902.
Si ces témoignages iconographiques avaient une ambition, c’était de montrer que le culte de la
performance, aujourd’hui triomphant, n’est pas seulement le contrecoup de ce que paresseusement,
certains s’ingénient à appeler le libéralisme Il tient à un système de déférence généralisée. A un type
d’emprise qui, sans avoir été explicitement décrété, s’est établi comme tuteur des hommes. Avec ses
dignités visibles, ses échelles de mérite, ses distinctions honorifiques. Une histoire que j’ai voulu
retracer non pas pour chercher un commencement « fondateur », traquer des relations « cachées »
ou opposer à la justice pénale les vertus d’une justice distributive, mais pour comprendre.
Comprendre comment la récompense honorifique est devenue la figure générale d’une forme de
gouvernement qui a fait du mérite le fondement du lien entre les individus. Comprendre les théories
qui en ont porté l’exigence mais sans tourner le dos aux pratiques qui se sont revendiquées d’elles.
Comprendre, enfin, comment la gloire nobiliaire et, plus encore, la vertu chrétienne ont été «
disciplinées » par les récompenses de l’Etat libéral. En d’autres termes, comment prisonnières d’un
passé qui continua longtemps d’être exalté (la société de l’honneur) mais séparées de ce qui en
faisait la grandeur (la quête cléricale du salut), la gloire et la vertu ont quitté les « âmes
bienheureuses », puis reflué des « royaumes de grâce », pour devenir de simples signes de mérite :
ceux d’une société d’émules. La nôtre.
Figure 82 - Une rémunération du mérite : le président Georges Bush décerne la médaille présidentielle de la Liberté
(Presidential Medal of Freedom) à trois figures centrales de la guerre en Irak : le général Tommy R. Franks, qui a conduit
l’opération militaire d’invasion ; Paul Bremmer qui fut l’administrateur civil de l’Irak occupé et Goerges J. Tenet qui
dirigea les services de renseignement de la CIA durant cette guerre. Source : The New York Times du 15 décembre 2004.