[REPUBLIQUE FRANCAISE
MINISTERE DU REDRESSEMENT PRODUCTIF
LE MINISTRE
Paris, le 11 septembre 2012
Note
Le Plan C, comme Croissance
1-Contexte
Ily a une grande incertitude sur la croissance frangaise en 2013. Le gouvernement table sur
une croissance de 1.2%, POFCE prévoie une croissance de 0.5% seulement, et une banque
privée (Citigroup) prévoie une croissance de -0.2% en 2013 en France (Prévision au 6 juillet
2012).
La situation est exceptionnelle et le ralentissement de la croissance européenne sera trés
important. De nombreux économistes s’expriment pour demander un scenario alternatif. Par
exemple, 17 économistes européens de renom (dont P. Artus, J.-P. Fitoussi, entre autres) ont
signé un appel (INET) demandant une modification des régles budgétaires actuelles, Leur
appel commence par «Nous croyons que depuis juillet, 'Europe marche comme un
somnambule vers un désastre aux proportions incalculables. »
La France s’est engagée atteindre un déficit de 3% en 2013 et 0% en 2017. Cela demande
une réduction additionnelle de 33 Mds € environ du déficit public ds 2013 selon la Cour des
Comptes (baisse des dépenses et hausse des impéts). Un tel rythme de réduction des déficits
temps de crise est inédit. En effet le déficit conjoncturel étant important, il faut un effort
structurel considérable, ce qui a un fort effet récessif.
Du fait de ces choix, la volonté de réduire le déficit nominal a 3% du PIB et done de 33 Mds €
aboutit au budget le plus récessif en temps de crise depuis plus de 30 ans!
Ce budget fortement récessif va nuire & la compétitivité et a l'emploi en France, Il faut
envisager un budget altemnatif qui permette de mettre en place des mesures en faveur de la
compétitivité et de Pemploi pour préparer la croissance future
Cette note quantifie la hausse du chémage engendrée par cette politique budgétaire et montre
que d'autres choix participants a la remise en ordre des comptes publics, augmentent l'emploi
et la croissance. Enfin, on montre que la coordination de la politique budgétaire en Europe
limite les effets négatifs des plans de rigueur. Cette coordination peut étre réalisée avec un
nombre restreint de pays.
* On se référe ici aux calculs des variations du déficit structurel de Champsaur et Cotis, 2010, « Rapport sur la
situation des finances publiques ».
He
130 rue de Bercy - Télédoo 196 - 75572 Pars cedex 12 ~ seo-mrp-ep@eabinetsnances.gow.ftI~ Effet de la politique de réduction rapide des défi
De économistes demandent maintenant un scenario alternatif pour les pays européens, tant sur
le plan monétaire que budgétaire, en comparant l’activisme économique aux Etats-Unis et les
contraintes pesant sur la politique économique en Europe. Trois contributions récentes, parmi
autres, d’économistes reconnus vont dans ce sens! :
a. Le rapport « Completing the Euro : A road map towards fiscal union in Europe », juin
2012, signé Jean Pisani-Ferry, Henrik Enderlein, Peter Bofinger, Laurence Boone, Paul de
Grauwe, Jean-Claude Piris, Jean Pisani-Ferry, Maria Jodo Rodrigues, André Sapir, Anténio
Vitorino :
« L’accent permanent mis sur la réduction rapide de la dette et du déficit fait courir le risque
de réduire les perspectives de croissance dans la zone euro. Bien que les niveaux de dette
excessifs ne soient ni souhaitables ni désirables, nous soulignons le risque qu'une politique
d’austérité excessive conduise a une décennie perdue pour la croissance dans la zone euro. »
b. La note du FMI « Fostering Growth in Europe Now », de juin 2012, signé par Bergljot
Barkbu, Jesmin Rahman, Rodrigo Valdés, et par une équipe du FMI
« sles seules réformes structurelles ne délivrent pas une relance suffisante de activité dans
un environnement de chémage élevé, de déficit de production et de conjoneture dégradée. [...]
Ainsi, il est crucial de soutenir la demande agrégée en prenant en compte les besoins et les
contraintes de chaque pays. »
c. Le Rapport « Breaking the Deadlock: A Path Out of the Crisis » de juillet 2012, INET
signé par Patrick Artus, Eric Berglof, Peter Bofinger, Giancarlo Corsetti, Paul De Grauwe,
Guillermo de la Dehesa, Lars Feld, Jean-Paul Fitoussi, Luis Garicano, Daniel Gros, Kevin
O'Rourke, Lucrezia Reichlin, Héléne Rey, Andre Sapir, Dennis Snower, Hans-Joachim Voth,
Beatrice Weder di Mauro (INET) :
«L'approfondissement de la récession et le chémage élevé sont en train de déchirer le tissu
social dans les pays en déficit. ils causent des souffrances sociales aussi importantes
quévitables, La réduction de telle souffrance devrait étre la premiere priorité des
responsables politiques de la zone euro. »
Lreffet de Ia politique budgétaire sur Iactivité économique dépend des conditions
macroéconomiques. Un consensus se dégage au sein des économistes pour considérer que
impact récessif des politiques d’austérité est important dans la situation actuelle,
* Traduction depuis anglais par auteur,
Po
139 rue de Bercy - Télédoc 136 - 75572 Paris cedex 12 — sec-mrp-sp@cabinetsnances.goww.ftPar exemple, les travaux du FMI ou de l'OCDE montrent que aspect récessif des plans
austérité augmente lorsque plusieurs pays ménent la méme politique de réduction de la dette
publique et lorsque la politique monétaire n’est pas en mesure d’aider l'économie (situation
actuelle en Europe). La majorité des travaux économiques aboutissent a ces résultats
parfaitement convergents’. Il est done intéressant de mettre en perspective les travaux de
FOFCE qui prennent en compte ces aspects récessifs, de maniére cohérente avec les travaux
internationaux les plus récents.*
1) Rigueur réduite en France
Afin d’éviter un effet récessif important, une premiére politique pourrait consister & mettre en
place un plan de réduction des déficits publics de 25 Mds € au lieu de 33 Mds € (politique
budgétaire moins restrictive). Selon la modélisation OFCE, cela ferait augmenter la croissance
de 0.5% & 0.9%, ce qui permettrait d’économiser 0.2% de taux de chomage et éviterait la
destruction de 64 000 emplois marchands dont 13 000 dans l'industrie.
Dans un tel cas, 1a dette publique serait constante 491% selon les deux scenarii (25 Mds € ou
33 Mds €) du fait de Peffet bénéfique de la croissance sur les recettes fiscales. En effet, en
limitant le plan d’austérité a 25 Mds € au lieu des 33 Mds € prévus, le déficit des
administrations publiques diminuerait légérement moins vite. Cependant, cela permettrait un
supplément d’activité de 0,4 % de PIB et conduirait le ratio dette sur PIB & rester constant,
Cotte réduction du déficit structurel de 25 Mds € au lieu de 33 Mds € est une hypothése parmi
autres, qui pourraient étre encore plus favorables a la croissance. La différence de 8 Mds €
correspond aux réductions d’impéts envers les entreprises envisagées dans le programme du
candidat Hollande et appelées mesures pour la compétitivité. Le scenario étudié correspond
done deux montants cumulés, d’une part le montant plan de rigueur initial qui vise une
recette additionnelle de 33 Mds € et d’autre part le montant des aides aux entreprises qui
correspond a 8 Mds € de dépenses.
Cette estimation correspond & une premiére hypothése, qui peut étre améliorée. Il faut en effet
définir un rythme de réduction de la dette ainsi que les éléments des mesures fiscales qui
maximisent le taux de croissance et l'emploi, en ayant un effet fort sur la compétitivité.
Voir FMI, « Will it hurt? The macrocconomic effect of fiscal consolidation », Octobre 2010, Chapitre 3;
Perspectives économiques de "OCDE, Volume 2010/2 ; BCE, documents de travail « Global policy at the zero
lower bound In A large-scale DSGE model », No 1254 / October 2010 by Sandra Gomes, Pascal Jacquinot,
Ricardo Mestre and Jogo Sousa. Voir enfin “When is the Government Spending Multiplier Large?” par
Lawrence Christiano, Martin Fichenbaum, and Sergio Rebelo de Northwestern University, pour une approche
académique de référence.
En termes techniques, 'OFCE considére des multiplicateurs fiscaux proches de 1, ce qui est compatible avec les
travaux cités plus haut. Cette valeur est par exemple bien plus faible que celle utilisée par Christina Romer,
présidente du Council of Economic Advisers aux Etats-Unis auprés de Barack Obama qui est de 1.6.
o
199.ue de Bercy - Telékloc 196 - 75572 Patis cedex 12 - sec-mrp-sp@cabinets finances gouw ftDes économistes résument la perception de la France a I'intemnational en deux points : Ia
France souffre d’un déficit de compétitivité et d’un déficit de erédibilité fiscale. Comme elle ne
sait pas répondre au probléme de compétitivité, elle s’accroche & ses engagements fiscaux,
dont le cofit macroéconomique est croissant et dangereux pour I’économie,
Si la France sait expliquer qu’elle fait un effort sur sa compétitivité, que ses engagements
fiscaux passés doivent étre revus dans la situation actuelle et qu’il y a une coordination
européenne, alors un scenario alternatif est plus erédible et donc moins cofiteux qu’une
promesse dune réduetion drastique du déficit non tenue.
Cette premiére estimation (de 33 4 25 Mds d’euros) est réalisée en considérant que les autres
pays curopéens réalisent leur politique de rigueur. Méme de maniére isolée, on peut donc
mieux faire.
2) Coordination européenne
S'il existe une coordination européenne pour ralentir les politiques de rigueur, leffet peut étre
encore plus positif. Par exemple, si les plans d’austérité s’arrétaient quand les pays européens
atteignent le seuil de 3% de déficit, cela éviterait la destruction de 80 000 emplois salariés par
an,
I serait trés utile de mener une campagne en Europe afin de coordonner les politiques
budgétaires des pays membres, en discutant l’objectif européen qui veut que I’on retrouve 3%
de déficit en 2013 dont la réalisation est trés improbable. Le retour de la coordination
interétatique est nécessaire. Cela est bien moins ambitieux que les Eurobonds (car il n’y a pas
de socialisation de la dette) et done plus accessible.
Il ne faut pas cacher que la principale contrainte est la position allemande qui insiste sur la
crédibilité budgétaire des Etats, et done la satisfaction des engagements passés. Mais on ne
demande pas que I’Allemagne relance ses dépenses. Il faut demander que I’ Allemagne accepte
de défendre I’idée que le rythme de réduction des déficits n’est pas tenable et qu'il faut &
1 Europe une coordination budgétaire interétatique, en plus des mesures structurelles, adaptée a
Pampleur de la crise,
‘TIL_-Des options
La question de la fenétre politique pour mettre en ceuvre une politique fiscale moins récessive
et donc plus favorable & la compétitivité est particuligrement importante. Cela revient a ne pas
tenir strictement ’objectif de 3% des déficits publics, et doit done étre clairement expliqué.
Différentes options sont possibles:
1) _ Un choc macrogconomique négatif est probable 4 ’automne 2012 si la BCE ne méne
pas des actions massives de monétisation des dettes publiques, comme le font les autres
banques centrales : Chute de la croissance importante (cf Angleterre), probleme Gree,
Espagnol. La France peut attendre un tel choc pour justifier un écart a lobjectif.
139.ue de Bercy -Téléioc 196 -75572 Paris cedex 12 ~ sec-mrp-sp@cabinets finances gouv.st2) — Un choc positif peut aussi avoir lieu, comme un accord sur une réduction du coat de la
protection sociale pesant sur le travail au bénéfice d’autres impdts (Choe de compétitivité &
issue de la mission Galois). Cet accord justifie une politique fiscale alternative, moins
récessive, pour profiter au mieux de ce choc d’ofire. Cet argument est la conjonction classique
dun choc d’ofire et d’un choe de demande.
3) La France essaie de prendre le temps de discuter le fond avec ses partenaires
économiques, notamment avec I’Allemagne. Il ne s’agit pas de remettre en cause la réduction
de la dette. La question est le rythme. Les discussions doivent avoir lieu en bilatéral avec un
nombre réduit de pays.
Le débat avec I’Allemagne est possible, car
a, _L*Allemagne va souftir de la détérioration nette de la situation européenne.
b. La coordination des rythmes budgétaires ne demande pas (dans un premier temps au
moins) d’actions hétérodoxes de la BCE. On peut garder le débat sur le changement ¢attitude
de la BCE pour un second temps, en se concentrant dans un premier temps sur la coordination
des politiques budgétaires.
Amaud MONTEBGURG
+s
189.ue de Bercy -Téléoc 136 - 75572 Paris cedex 12 - sec-mrp-sp@cabinets finances gowvfrAnnexe : Discussion des contraintes financiéres et européennes
1) les Marchés financiers
Aujourd’hui la France est pergue par les marchés financiers comme étant un pays stir. La
France s’endette a des taux négatifs a court terme et ses taux de long terme ne sont pas trés
supérieurs aux taux allemands.
Ce résultat est crucial pour la France. Une hausse des taux a un niveau italien ou espagnol
(7.5% en juillet 2012) augmenterait les charges de la dette a long terme de plus de 50 Mds €.
Le risque de faire peur aux marchés financiers est souvent invoqué pour ne changer de
politique fiscale. L’argument est le suivant : On a pris des engagements qui n'ont pas de sens
clair sur le plan économique, mais il faut les tenir car si on ne les respecte pas, la France va
étre sanctionnée par les marchés financiers.
Cet argument n’est pas convaincant. Les acteurs des marchés financiers ne sont pas myopes et
considérent les différentes situations. La seule chose que veulent les préteurs, c’est que la
France ne laisse planer aucun doute quant & sa volonté de payer sa dette. Ils ne veulent pas un
rythme aceéléré de réduction de dette.
Si la France sait expliquer qu’elle fait un effort sur sa compétitivité, que ses engagements
fiscaux passés doivent étre revus dans Ia situation actuelle et qu'il y a une coordination
européenne, alors un scenario altematif est plus erédible et done moins codteux qu’une
promesse d’une réduction drastique du déficit que Ion ne tient pas.
La France mest ni PItalie, ni PEspagne.
Le probléme de économie Italienne est son volume de dette qui est maintenant de 120% du
PIB, soit bien plus qu’en France (90%). De ce fait les charges de la dette représentent plus de
4.5% du PIB. Avec une telle charge, I’Etat italien doit dégager un excédent primaire (solde de
T'Etat sans les charges d°intérét de la dette) de 1.5% pour arriver & 3% de déficit. Un tel solde
positif est trés important et récessif du fait des multiplicateurs.
L’économie réelle Italienne se porte bien. L’Italie a un exeédent de la balance commerciale
pour les biens manufacturiers de plus 50 Mds €, et la balance commerciale totale est
aujourd’hui a I’équilibre.
Le probleme Italien est uniquement le niveau des taux d’intérét, Avec un taux de 7.5% I"Italie
ne peut pas payer sa dette et elle fera défaut. Avec un taux d’intérét comme la France (3.3% en
2011 sclon la Cour des Comptes), I’Italic peut payer sa dette. Une action européenne forte (de
la BCE) est done essentielle pour aider "Italic, sans coat pour I"Europe
+
139.ue de Bercy - Télédoo 136 - 75572 Paris cadex 12 ~ sec-mtp-sp@eabinets finances got ftLe Probléme espagnol est plus grave. La balance commerciale espagnole est & -30 Md€
environ. L’Espagne n’a pas de base industrielle exportatrice. L’endettement privé est de plus
de 200% du PIB contre seulement 130% en Italie. L’emploi dans le secteur de la construction
était de 13% en 2007 et a chuté de moitié en 2012. La dette publique est bien inférieure a celle
de I"ltalie (72% en mars 2012), mais le probléme est celui de la compétitivité de son économie.
La situation espagnole et italienne montre que le probleme principal de la France est sa
compétitivité & Vexport. Il faut accrottre la compétitivité sans trop accrottre la dette. Il ne faut
pas faire décrotire le niveau de dette en baissant la compétitivité, sinon on se trouve dans le
‘cas espagnol. Il ne faut pas augmenter massivement la dette sans augmenter la compétitivité et
Ja croissance, sinon on se trouve dans le cas Italien, |
La question est done le bon mélange entre accroissement de la compétitivité et réduction de la
dette.
2) Lacontrainte européenne
La France fait l'objet d’une procédure de déficit excessif depuis 2009. A ce titre elle doit
respecter un déficit sur le PIB de 3%, sinon elle risque une sanction de 0.2% du PIB.
23 des 27 pays européens sont en procédure de déficit excessif en 2011 (dont I’Allemagne),
Les sanctions ne sont pas appliquées si les pays sont en récession ou si une majorité qualifiée
des Etats sy oppose.
Les contraintes européennes ne sont probablement pas essentielles. La France peut montrer que
la contrainte des 3% est dangereuse économiquement et politiquement, car mal comprise des.
populations. Par ailleurs, il n’est pas & exclure que le Conseil accorde une année de plus pour
revenir & 3%. Les problémes européens a venir en automne 2012 rendront probablement la
contrainte des 3% caduques.
”
139 rue de Bercy -Tééxioc 196 -75572 Paris cedex 12 ~ sec-mrp-sp@cabinets finances. gouv ft