Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ce texte a été écrit par Olivier Mathieu, à Marly-le-Roi, en 1969, à l’âge de huit
ans.
« OLIVIER ET GERTRUDE ».
Personnages :
Le marquis, la Marquise, leur fille Gertrude. Agamemnon, Théodora
(serviteurs). Le baron Charles de Vaupré. Le troubadour Olivier, déguisé.
Le marquis :
- Non, ma fille. Tu n’épouseras pas ce troubadour ! Je te destine, tu le sais,
au baron Charles de Vaupré.
Gertrude :
- Je n’aime pas cet homme : il louche et boîte, et il lui manque un bras.
La marquise :
- Crois-tu, Gertrude, que j’aimais ton père, quand on me força à l’épouser ?
De plus, les petits défauts physiques qu’il peut avoir sont largement
compensés par sa richesse et sa noblesse, et…
Agamemnon :
- Le baron Charles de Vaupré !
Un petit homme bossu, manchot, boiteux, loucheur, entre.
Le marquis :
- Baron !
Le baron :
- Marquis !
Le marquis :
- Gertrude ! Viens embrasser ton promis.
Gertrude :
- Hum !… Oui… mon père. (A part) : Et mon cher Olivier, qui est si beau,
que fait-il ? Il devrait venir, et me délivrer.
Nous passerons ce moment, mais noterons seulement les réflexions de
Gertrude : « Peuh ! Quelle haleine ! Il sent comme un taureau. Et sans
dents ! »
Théodora :
- Un jeune troubadour désire être reçu.
Le marquis :
- Faites-le entrer.
Un jeune homme, noir, yeux châtains, boiteux et s’appuyant sur une canne,
fait son apparition.
Le marquis :
- Quel est ton nom ?
Le troubadour :
- Joseph.
Le marquis :
- Où vas-tu et d’où viens-tu ?
Joseph :
- Je viens d’Italie, et je rentre chez moi à travers la France.
Le marquis :
- Où habites-tu ?
Joseph :
- En Hollande.
Le marquis :
- Tu es marié ? Tu as des enfants ?
Joseph :
- Marié ? Oui… plusieurs fois même. Mes enfants ? Quelques petites
centaines.
Le marquis :
- C’est bien. Que sais-tu faire ?
Joseph :
- Je sais dire la bonne aventure, et je connais, outre plusieurs tours, des
paroles magiques qui font oublier des personnes à d’autres, et d’autres qui
rendent la gaieté.
Le marquis :
- Agamemnon ! Théodora ! Préparez un festin !
LE FESTIN.
Le marquis :
- Maintenant, dis-nous l’avenir.
Joseph :
- Par qui est-ce que je commence ?
Le marquis :
- Par moi !
Joseph :
- Donnez-moi votre main. Je vois… Je vois un homme… c’est un
imposteur ! Il va enlever… quelqu’un, en prétendant… vouloir… aller à
la chasse. Il faut… le jeter… en prison, sinon… je vois… de grands
malheurs… sur toi et les tiens.
A ce moment, le baron entre.
Le baron :
- Excusez-moi, j’ai dû aller préparer une surprise pour tous, pour demain.
Joseph :
- A qui dois-je prédire l’avenir ?
Le baron :
- A moi !
Joseph :
- Donnez-moi votre main. Je vois… un grand malheur… pour vous…
demain. Vous préparez quelque chose…
Le baron :
- C’est exact.
Joseph :
- Mais… vous serez découvert, et on vous jettera au cachot.
Le baron :
- Ah ah ah ! Jamais je n’ai autant ri ! Ah ah ah !
Joseph :
- Demain, peut-être ne rirez point !
Le marquis :
- Le baron de Vaupré.
Joseph :
- Nenni ! C’est Olivier. Il cherche un prétexte pour enlever votre fille.
Le marquis :
- Puis-je te croire ?
Joseph :
- Oui.
Le marquis :
- Baron, est-ce vous. Ou êtes-vous Olivier ?
Le baron :
- Je suis Charles de Vaupré ! C’est une fausse accusation !
Le marquis :
- A moi la Garde ! Sus à l’imposteur ! Au cachot !
Quelques gardes jettent le pauvre baron en prison.
Le baron :
- Je proteste ! Je proteste ! Un Vaupré ! Je suis un Vaupré ! Et un Vaupré ne
se laisse pas traiter comme un chien ! Jamais je n’épouserai votre Gertrude !
Je proteste… C’est… IMMONDE ! CRAPULEUX ! Je proteste !
Joseph :
- Heureux d’avoir empêché le mariage d’Olivier et de Gertrude, je vais
continuer ma route. Si vous voulez un conseil, laissez cet imposteur
longtemps en prison, attendez le vrai baron, et mariez votre fille. Adieu !
Et Joseph partit, mais à peine fut-il à une lieue du château qu’il enleva ses
habits et redevint… Olivier.
Quelques jours après, déguisé en le baron Charles de Vaupré, il retournait au
château du marquis.
- Bonjour, mon cher Charles.
- Bonjour, mon cher.
- Avez-vous fait bon voyage ?
- Hélas, non ! Mes serviteurs m’ont abandonné, et mon cheval est mort.
- Mon dieu, quel dommage !
- Oui !… Et Gertrude, va-t-elle bien ?
- Oui. Mais… savez-vous qu’Olivier, dont elle est folle, s’était fait prendre
pour vous, et qu’il voulait l’enlever !???
- Madame la marquise !
- Rustres ! Alors, marquis ! Alors, baron !
- Je…
- Nous…
- N’avez-vous pas honte ?
- De… ?
- De ?…
- M’avez-vous saluée ?
- Madame, sans vouloir vous flatter, je pense que, grâce aux soins de votre
mari, votre corps est suffisamment raboté, mais que, par contre…
- Rustre ! Goujat ! Insolent !… Marquis ! Est-ce cet homme que vous
destinez à Gertrude ? Ce paysan, ce manant ? A moi ma Garde !
- La Garde de Madame, annonça Tupue.
- Gardes, mettez cet homme en prison !
Le marquis, intervenant :
- A moi ma Garde !
- La Garde de monsieur le marquis, annonça Tupue, flegmatique.
Une bataille s’ensuivit !
Le baron, sur l’ordre du marquis, fit sortir Gertrude. Mais, à peine dans le
couloir, il se changea en Olivier, enleva Gertrude et partit avec elle.
Le lendemain, les deux Gardes personnelles de M. le marquis et de Madame
étaient fourbues de se battre, le marquis cria :
- A moi mes femmes ! A moi, mes esclaves ! A moi, ceux qui m’aiment !
Le marquis appela, lui aussi, des troupes fraîches.
Par les fenêtres, on vit une petite troupe qui montait en renfort… Le marquis
attendait Grouchitte, la marquise Blouchaire.
- C’est Grouchitte, cria avec fougue le marquis.
C’était Blouchaire ! Et le marquis alla ainsi rejoindre le véritable marquis
Charles de Vaupré dans ses cachots. Nous l’y laissons, et ne le reverrons
plus.
Voici donc ce que rêva Olivier. Gertrude, elle, eut des cauchemars… Sa mère
lui reprochait de s’être mariée avec un troubadour, surtout par un faux curé…
Enfin elle eut une nuit exécrable. Le fripon, lui, rêva qu’on le décorait de
l’ordre des Grands Fripons. Le matin, Olivier se réveilla le premier.
- Réveillez-vous, paresseux ! Allons, debout !
- Oui, maman, je me lève ! Tupue, apportez-moi mes…
- Voyons, Gertrude… c’est moi, Olivier !
- Ah ! C’est toi…
- Où est donc notre nouvel ami ?
- Il est là… Mmmmh ? Tiens, où est-il ? Je ne le vois pas…
- Là-bas !
- Lui ?
- Un papier !
- Voyons… je lis… « Mes chers amis, après avoir passé une bonne moitié
de nuit, je me suis réveillé, et mon caractère de fripon a repris le dessus…
je vous ai emprunté votre argent et suis reparti vers de nouvelles
aventures… Lorsque j’aurai fait fortune, je vous le rendrai ; votre
compagnon d’un jour ».
- Ooooooh ! Notre argent !
- Ce qui est pire, nos… habits.
- Quoi, nos habits ?
- Il les a pris !
- Nos chevaux !
- L’horrible homme !
- Faisons face à la situation. Nous n’avons plus rien, et nous sommes en
plein bois.
- Qu’allons-nous faire ? Si nous sortons du bois, nus…
- Nous allons…
- Oh !
- Quoi ?
- Là-bas ! C’est notre voleur ! Il se repose…
- Reste là. Je vais l’attaquer.
Ils sont entraînés par une foule de serviteurs dans le château, sans pouvoir
placer un mot… Puis, laissés seuls dans le château…
- Gertrude, écoute… N’aie pas l’air étonnée à tout ce que je dirai, et…
- Monsieur le vicomte Archibald d’Artichaud ! s’écrie un serviteur.
L’homme se jette à genoux aux pieds d’Olivier.
- Excusez-moi pour ce que j’ai fait hier ! Je vous donnerai…
- Je vous excuse, vicomte ! Ces choses n’ont pas d’importance !
- Je … Vous êtes trop bon !
- Reconduisez monsieur…
Dans la cour, plus tard :
- C’est incroyable : j’ai blessé sa fille, et je m’attendais au bas mot à être
pendu, et il me dit : « Ces choses-là n’ont pas d’importance ». Il a
changé ! Incroyable !
Voici ce que se disait le vicomte Archibald d’Artichaud…
- Reconduisez-le.
Plus tard, dans la cour :
- C’est fabuleux ! J’ai brûlé (d’ailleurs sans le faire exprès) vingt hectares de
blé : et je m’attendais à être écartelé, ou brûlé à petit feu… et il me
pardonne ! Quand je pense qu’il y a un mois, il a pendu un paysan qui avait
brûlé quelques mètres de blé sans le faire exprès. C’est inimaginable ce qu’il
a changé !
Les poches bien remplies, ils partirent allègrement ; ils se marièrent, d’abord,
considérant le mariage du fripon nul. Puis ils repartirent, et tout alla très bien,
jusqu’au jour où ils se firent dévaliser… Un jour, arrivant dans une auberge, qui
semblait fort correcte, ils furent accueillis par le patron.
Et à midi…
- Où est mon repas ?
- Monsieur, une dernière fois, je vous en supplie ! Pensez à ma cuisinière !
Vous n’aurez que des glands aujourd’hui.
- Je te… Je vais t’étriper, je te l’avais dit.
- Monsieur, ah, monsieur ! Vous m’aviez dit que vous m’étriperiez à midi !
Il est midi et quart !
- Drôle, te payes-tu ma tête ?
- Pensez à ma cuisinière ; ce soir, vous mangerez beaucoup !
- Mmmmmmmmh ! Bon !
- Vous l’aurez, votre repas.
- Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.
- A ce soir.
- Pouvons-nous aller dans notre chambre ?
- Monsieur…
- Quoi ?
- Monsieur… J’en ai…
- Je m’en doute, que vous avez des chambres !
- Non… j’en ai… perdu la clé ! (Puis, très vite) : Mais vous l’aurez ce soir.
- Et où puis-je aller me reposer ?
- J’ai une chambre où vous pourrez passer la journée.
- Qu’est-ce ?
- Un débarras… vous verrez, il vous conviendra.
- Je vais t’étrangler…
- Olivier, Olivier, soyez chic, dit Lucinde, vous voyez que ce pauvre
homme est affligé de la mort de sa…
Et le soir…
- Mon repas !!?… Hôla ! Mon repas ???!…… répondras-tu ?
- Va le chercher, Olivier.
- Oui. Hôla, drôle !
- Je suis ici, messire, répondit une petite voix tremblotante.
- Quoi, vous êtes couché, alors que…
- - Je… suis malade…
- Gertrude !
- Oui ?
- Cet homme est malade. Je vais appeler un médecin, ainsi il mourra plus
vite.
- Tu es sanguinaire : un médecin pour un malade ! Tu veux le tuer !
Après une nuit où ils furent « gorettés » par des bœufs, ils eurent la désagréable
surprise de trouver ce petit mot.
FIN
Olivier Mathieu.
Pontoise, 2007.