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COMMISSION D’ENQUETE, SUR LES MECANISMES DE FINANCEMENT DES ORGANISATIONS SYNDICALES D’EMPLOYEURS ET DE SALARIES Jeudi 3 novembre 2011 Présidence de M. Richard Mallié, président de la commission d’enquéte Audition de M, Hédy Sellami, ancien salarié de La Vie ouvriere Liaudition débure & neuf heures cing. M. le président Richard Mallié, Nous accueillons M. Hédy Sellami, ancien salarié de La Vie ouvriére. Vous remerciant, monsieur, d’étre venu contribuer a nos travaux, je souhaite vous informer au préalable de vos droits et de vos obligations. Votre audition n’est pas ouverte au public, ce qui signifie que sa teneur ne sera rendue publique qu'a l'issue des travaux de la commission, que ce soit par la publication intégrale du compte rendu qui en sera fait en annexe du rapport ou par des citations de ce compte rendu dans ce rapport. Ce compte rendu vous aura préalablement été communiqué et les observations que vous pourriez présenter auront été soumises a la commission. Liarticle 6 de J'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires punit des peines prévues a l'article 226-13 du code pénal, soit un an demprisonnement et 15.000 euros d'amende, toute personne qui, dans un délai de trente ans, divulgue ou publie une information relative aux travaux non publics d'une commission enquéte, sauf naturellement si le rapport de a commission a fait état de cette information, En application du méme article 6, je vais maintenant vous demander de jurer de dire la vérité, toute la vérite, rien que la vérité, M, Hédy Sellami préte serment, M. Hédy Sellami, Sur un plan général, pour avoir travaillé plusieurs années dans administration que l'on appelait encore les PTT, ot j'ai occupé la fonction de secrétaire de section syndicale avant de mettre un terme a ce militantisme, puis pendant neuf ans comme Journaliste a La Vie ouvridre, je souligne d’embiée que les organisations syndicales n’ont en aucune maniére Je nombre d’adhérents qu’elles revendiquent : les chiffres sont considérablement gonflés et bon nombre de. prétendus syndiqués ont leur carte sans.cotiser Cela valait dans I'administration des postes et télécommunications et cela valait aussi & La Vie owvriére, ott j'ai rencontré des gens qui n’avaient pes leur carte mais qui étaient des permanents de la CGT, En d'autres termes, les syndicats - en tout cas la CGT - ne peuvent gagner de l’argent grice aux cotisations. L'ai travaillé & La Vie ouvriere de 1992 & 2001 en qualité de joumaliste et jy ai découvert des choses beaucoup plus génantes : de multiples emplois fictifs, le versement denveloppes et aussi de considérables flux d’argent, ce qui contredit l'antienne selon laquelle les syndicats, dépourvus de ressources, ont besoin de subventions publiques pour assurer leurs missions. De l'argent, il en circulait énormément a La Vie ouvridre mais, loin de setvir & financer des activités syndicales, il était utilisé pour remplir les enveloppes versées a des détachés de certaines administrations et & des retraités, De plus, les dirigeants de La Vie owvridre avaient & leur disposition des cartes de crédit et dans certains cas des chéquiers, tous instruments de paiement avec lesquels ils pouvaient tirer sur les comptes du syndicat. Les emplois fictifs étaient pléthore, Le seul service juridique, of j'étais affecté, comptait deux bénéficiaires de tels emplois : deux personnes détachées de la sécurité sociale, dont une femme qui continuait & percevoir son salaire d’origine, assorti d’une enveloppe que Jui donnait La Vie ouvriére, pour un travail théorique, en réalité inaccompli, Mieux : ua jour, elle a décidé de s'installer, avec son compagnon —qui ait rémunéré dans les mémes conditions — dans' Femme au foyer, elle n’en pas moins continu de percevoir le méme salaire de la sécurité sociale et la méme envelope de La Vie ouvriere, qu'elle venait chercher tous les mois. Le service juridique abritait une autre ombre : un journaliste qui avait travaillé a La Vie ouvriére et qui, désormais pensionné, continuait de venir dans les locaux du magazine pour n'y rien faire. Il y disposait d’un bureau of il lui arrivait de dormir, venait pour manger — c'éiait ‘un « beefsteackard », selon le sobriquet cégétiste — et percovait. également: une enveloppe. Partout, au sein de La Vie ouvriére, détachés ct retraités percevaient des enveloppes sans rien faire et parfois sans méme étre dans les locaux. Un journaliste affecté dans un autre service a méme disparu pendant des mois, au cours desquels il a bénéficié d'un autre emploj fictif dans une autre structure de la CGT ; mais aprés la parution dans Le Monde d'un article consacré aux emplois fictifs financés par les caisses de retraite, i! a retrouvé un emploi tout aussi fictif & La Vie ouvridre. Pai apporté, pour le mettre & votre disposition, Je compte rendu dune réunion du comité d'entreprise de La Vie ouvriére. On y lit que le magazine payait un loyer annuel d’un demi-milliard d’anciens francs, somme ‘exorbitante totalement injustifiée, et que le déménagement dans ses nouveaux locaux lui a été facturé 200 millions d’anciens francs, un moniant délirant. J'ignore d’ott provenait l’argent nécessaire pour payer tout cela ~ les ventes périclitant, certainement pas du produit des publications. Ly avait done une masse de personnel, dont au moins 45-50 emplois fictifs, et aussi un trés important pare automobile, 50 personnes au moins disposant d’un véhicule payé par La Vie ouvriére. Pour une PME déclarant 80 salaries, c'est beaucoup ! ‘J'ai tenté d’estimer, au moins pour partie, les sommes ainsi brilées pendant sept & huit ans, En tenant compte des loyers et des indemnités de licenciement ~ qui cotitaient une fortune car les licenciés quittaient le magazine avec des pactoles, dans des conditions peu claires ~ mais ni des salaires, déclarés et non déclarés, ni du prix des voitures, je suis parvenu 4 la conclusion que pendant la période considérée, six milliards d’anciens francs sont partis en fumée au sein de cette PME qui, je le répéte, avait un effectif théorique de 80 saleriés seulement. Une dépense d’un tel montant est inconcevable dans une société de cette taille ~ et encore ne s’agit-il que d'une partie des sommes dépensées, puisque je n’ai évidemment jamais pu savoir quels montants étaient prélevés des comptes de Ventreprise par le biais des cartes de erédit et des chéquiers mis 4 la disposition de certains dirigeants — M. I par exemple, qui stait a I’époque directeur de La Vie owvridre et numéro 2 de la CGT -, ni pour quel usage. A chaque fois que jai demandé pourquoi le comité d’entreprise n'exergait pas de controle & ce sujet, mes questions sont restées sans réponse. Ces six milliards d’anciens francs ne correspondent done qu’a une toute petite partie des sommes dilapidées. En résumé, de l'argent dont j'ignore la provenance cireulait et servait & des choses auxquelles il ne devait pas servir. M.1e président Richard Mallié. Vous avez parié de personnes travaillant & la sécurité sociale, détachées — vraisemblablement auprés de la CGT, car je vois mal que des fonctionnaires puissent étre détachés auprés d’une entreprise de presse — et continuant d’étre rémunérées par leur caisse d'origine tout en touchant des enveloppes. En connaissez-vous le montant ? M, Hédy Sellami. Lorsque j'ai interrogée Me Sa Ja dame partie s*établir dans 1a région deg — & propos de lenveloppe qu’elle percevait, elle m’a indiqué ne recevoir « que » 3 000 francs de cette maniére. Fai de nombreuses raisons de penser qu'il s'agissait de bien davantage. De méme, selon ce que m'a indiqué & I’époque le chef de la rubrique juridique du magazine, un auire détaché de la sécurité sociale ne percevait « que » 5 000 francs ~ mais ce n*étaient 14 que les montants avoués, M. le président Richard Mallié. La personne dont vous avez évoqué le cas était donc salariée 4 plein temps pour un travail inexistant, et percevait, en plus, 3 000 francs ? M, Hédy Sellami. Elle ne s'est pas limitée A ne rien faire sur place : comme je vous Vai dit, elle s*est établie en province avec son compagnon, également déteché auprés de La Vie ouvridre par une caisse de la sécurité sociale, puis retraité continuant de percevoir une envelope. Comme il fallait préserver un semblant de pudeur, elle a déclaré qu’elle travaillerait chez elle. En réalité, elle n’avait d’autres activités que celles d’une femme au foyer : percevant un salaire de la sécurité sociale, elle n'y travaillait pas et, & La Vie ouvridre, les articles publiés sous son nom ont continué, comme par le passé, d’étre rédigés par un des nombreux « négres » payés au noir. A ma connaissance, cela dure toujours. Cette dame venait tous les mois chercher son envelope dans les bureaux de La Vie ouvriére, et c’est lorsque Padministrateur de l'époque, M. MM s'est montré réticent a idée de lui verser une enveloppe dans ces conditions qu’elle a fait valoir qu’il ne s’agissait « que » de 3 000 francs. M. le président Richard Mallié. Quand cela s‘est-il produit ? M, Hédy Sellami, Eile a emménagé en province vers 1995, Ainsi, lorsque jai quitté La Vie ouvriére en 2001, cette dame et son compagnon percevaient sans motif depuis six ans un salaire versé par la sécurité sociale, une envelope de la CGT, ét le remboursement des fais de train pour venir a Paris ; ils disposaient aussi d°une voiture de la CGT. Une autre personne détachée venait de la fédération CGT de la sécurité sociale ; A peine arrivée, elle a disparu pendant un an, au prétexte qu’elle suivait une formation destinée aux permanents syndicaux. En réalité, point de formation ; mais cet homme aussi continuait & percevoir sa rémungration de la sécurité sociale, ainsi qu'une enveloppe de la CGT qu'il venait chercher chaque mois, utilisant au passage le téléphone, la photocopieuse et la connexion internet du magazine et mangeant gratuitement. Les cas de ce genre sont trés nombreux et cela concerne aussi des retraités. M.le président Richard Mallié. Comment expliquez-vous ces scandaleux traitements de faveur ? M, Hédy Sellami, Plutét qu’a moi, c'est a la CGT qu’il faut poser cette question, Mle président Richard Mallié. Certes, mais votre avis nous intéresse, M. Hédy Sellami. Mais ces gens n’étaient pas les seuls A bénéficier de tels avantages, tant s’en faut ! A la CGT, il en va ainsi pour tous les permanents. Dans une mafia, es mafieux se partagent le géteau, et la CGT est une mafia, Enormément argent circulait et tous en prenaient une part: M. MJB par exemple, a qui allaicnt enveloppe, voiture, droit ausage d’une carte de crédit et avantages divers, sans qu’il travaille le moins du monde pour La Vie owridre ni qu’il ne soit souvent présent dans les locaux,

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