MARSEILLE L’ART DU VIVRE-ENSEMBLE
Deux mille six cents ans d’histoire, c’est un sacré baluchon à porter. Façonnée depuis sa création par le mouvement perpétuel des hommes, la deuxième ville de France, porte ouverte sur la Méditerranée et siècle avec une énergie adolescente: turbulente, insolente et bouillonnante de talents ne demandant qu’à s’exprimer. Une résilience sans doute liée à sa capacité d’oubli et au vaste flux des nouveaux arrivants qui, tel le ressac de la mer, la traverse, l’efface et la réinvente sans cesse. Palimpseste à ciel ouvert, la ville, insaisissable et contrastée, tous les jours, travaille sa propre légende. L’édification d’un Mucem totémique, la reconquête du littoral, l’engouement touristique masquent des faiblesses endémiques. Mais, de ses défauts même, la Cité phocéenne, redoutable alchimiste, arrive à tirer un philtre au charme puissant, une potion d’authenticité: ici, les Marseillais vous le diront, on ne se sent pas vivre, on se sent exister. Sentiment jubilatoire quand, au bout d’une ruelle escarpée, la mer se met à danser, voilée par la fumée des braseros posés sur les rochers pour un pique-nique improvisé. Quand, au cœur d’un marché cosmopolite, s’enlacent les parfums de pain pita, de mangue, de loukoums et d’olives. Quand, un dimanche de décembre, l’hiver se fait oublier, le temps d’une feijoada festive concoctée par une association brésilienne… Chaque jour, la ville offre ainsi ses surprises, tandis que, partout, rooftops, ateliers d’artistes, salles de concert, tiers-lieux, antres déco, fabriques numériques, cantines locavores, initiatives privées et publiques s’entrechoquent dans un carillon joyeux. À la Joliette, l’an dernier, l’étonnant vaisseau de l’EuropaCorp, le plus beau cinéma d’Europe, a atterri au pied de la tour La Marseillaise, griffée par Jean Nouvel. En 2020, Manifesta 13, la biennale européenne d’art contemporain, s’installera pour la première fois en France, ici même, pour offrir une visibilité internationale à ce territoire de création. La même année, la ferme urbaine du Capricorne, modèle d’agro-écologie, produira sa première récolte dans le 15 arrondissement. Une expérience pilotée par la Cité de l’agriculture, jeune association qui entend reconnecter les urbains avec la nature et les ressources locales, réduire la fracture alimentaire, multiplier les îlots verts. Ainsi va Marseille, tiraillée entre ses vieux démons et son appétit pour la nouveauté, son tempérament chaotique et son insatiable goût des autres.
