PATRICK MODIANO UN ÉCRIVAIN PAS SI OBSCUR
Peu de gens s’en souviennent mais Patrick Modiano a commencé comme un écrivain sulfureux. Avec son premier roman, paru en France en avril 1968, on n’est pas loin du de Philip Roth, qui sortira quelques mois plus tard aux États-Unis. Dans les deux cas, il s’agit du monologue halluciné d’un narrateur obsédé par sa judéité. Sauf que là où Roth fait dans l’humour burlesque, Modiano détourne avec brio le style de Céline et multiplie les provocations – le livre a été très expurgé depuis, mais quand on ouvre l’édition originale, on se pince régulièrement. Chez Gallimard, à l’époque, la gêne règne. En raison de la guerre des Six-Jours, la publication de a été repoussée d’un an pour éviter toute polémique. Quand le roman arrive enfin, c’est avec une étonnante préface de Jean Cau, qui s’adresse au lecteur en ces mots: Salué par , adoubé par, son goût pour les canulars téléphoniques. Que s’est-il passé par la suite pour que ce dandy frondeur et potache devienne un grand timide consensuel, un monument national adulé de tous, gauche comprise? Une chose est sûre, et l’admettre ne lui retire en rien son génie, au contraire : Modiano n’est pas l’hurluberlu bafouilleur que l’on croit. Ce personnage lunaire cache un fin stratège qui a su très tôt enfumer son monde (n’oublions pas qu’il a piqué le titre de dans un livre de Guy Debord, avec lequel il a plus de points communs qu’on ne le pense).
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