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Au château Richeux, près de Cancale, Hugo Rœllinger et sa femme Marine façonnent une cuisine iodée pleine de bon sens, perpétuant le travail de préservation du territoire initié il y a trente ans par Olivier et Jeanne Rœllinger.

La cuisine d’Hugo est une illustration délicate de ce paysage défilant sous nos yeux.

Après avoir pris la route à l’aube, nous arrivons pour le déjeuner à Saint-Méloirdes-Ondes, commune limitrophe de Cancale. C’est ici, dans les sous-sols du château Richeux, qu’officie Hugo Rœllinger, chef auréolé de deux macarons par le bibendum. Nous prenons place dans la salle du restaurant gastronomique Le Coquillage. Derrière le bow-window, la mer s’offre à perte de vue, infini de bleu, de vert et de gris. La cuisine d’Hugo est une illustration délicate de ce paysage défilant sous nos yeux. Le jeune homme a jeté l’ancre en 2014 dans cette majestueuse villa des années 1920, face au mont Saint-Michel. Avant cela, ce trentenaire a passé plusieurs années dans la marine marchande. « Mon père a rendu ses trois étoiles en 2008 et il la gastronomie, j’ai décidé d’être cuisinier à mon tour. » En 1982, Jane et Olivier Rœllinger ouvrent leur premier restaurant : la Maison de Bricourt, au rez-de-chaussée de la malouinière familiale à Cancale. En 1984, à la naissance de leur fille, Olivier décroche sa première étoile. La deuxième en 1988 à la naissance d’Hugo et une troisième en 2006. Deux ans plus tard, fatigué, Olivier ferme le restaurant pour se consacrer pleinement à sa maison d’épices. Les clés du Coquillage, restaurant du château Richeux acquis entre-temps, sont remises à son équipage. « Lorsque j’ai annoncé à mon père que j’arrêtais la marine pour travailler dans la cuisine, il est resté mutique… Je crois qu’au fond, c’est surtout parce qu’il avait peur que le métier ait raison de moi. » Hugo, 24 ans à l’époque, passe un CAP à Ferrandi, l’école française de gastronomie et de management hôtelier, puis fait ses classes chez la famille Bras, chez les Troisgros à Roanne et au Balzac, à Paris, auprès du chef Pierre Gagnaire. De retour au Coquillage, il occupe tous les postes avant de devenir chef des cuisines. Épaulé par sa femme Marine, avocate reconvertie par amour dans la restauration, Hugo perpétue ce que Jane et Olivier ont façonné des années durant, en allant plus loin encore. Il décide de retirer la viande de son menu, pour se consacrer pleinement aux saveurs marines et végétales. Les bouillons de volaille sont remplacés par des infusions d’algues et de légumes ; poissons et coquillages viennent des ports de Saint-Malo et d’Erquy, et, l’été, le chef et son équipe travaillent en direct avec trois ligneurs pratiquant une technique de pêche respectueuse des poissons et des fonds marins. Marine et Hugo, sensibles au monde végétal qui les entoure, embauchent en avril dernier Pierre Louboutin, maraîcher qui les aide à faire prospérer le potager celtique où s’épanouissent plantes aromatiques et fleurs comestibles. « Nous essayons au maximum de reproduire nos graines et réalisons tous nos semis. Pierre pratique le maraîchage sur sol vivant, qui consiste à travailler le sol le moins possible et à lui offrir des engrais verts et des couverts végétaux. Nous ne visons pas l’autosuffisance, je souhaite continuer à travailler avec les maraîchers des environs, mais ce lien avec le vivant est primordial pour un cuisinier et il est important d’y sensibiliser nos clients qui peuvent se promener dans le potager. » Car Hugo a à cœur de créer un écosystème vertueux, où toutes les forces en présence sont imbriquées. « Les légumes contiennent l’énergie de la terre qui transite par les mains du maraîcher. Puis, c’est à nous, cuisiniers, de mettre en lien toutes ces énergies et de proposer une cuisine vivante. Je tiens cette approche sensible de mes parents, qui n’ont jamais perdu la notion de bon sens cuisinier. Des valeurs que je tiens à inculquer à notre fils Ulysse. » En fin de journée, juste avant que le soleil n’entame sa descente, nous allons nous promener sur la plage. Jane et Mathilde sont là, elles aussi, et en voyant ces trois générations réunies, on comprend qu’en cuisine comme dans la vie, la transmission est primordiale.  

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