Paris Match

MICHEL ONFRAY LE PHILOSOPHE QUI DIVISE

AUTEUR DE PLUS DE 100 LIVRES, IL VEUT PESER SUR LA PRÉSIDENTIELLE ET INCARNER LA FRANCE CONTESTATAIRE
Chez lui, à Caen, le 18 juin.
ETERNEL NOSTALGIQUE DE SON ENFANCE NORMANDE, IL VIENT PARIS « COMME AU ZOO POUR Y VOIR DES SINGES »

Massif, bagarreur et perçant. Michel Onfray suggère la comparaison : « Un sanglier, terrien comme moi, mon totem.» Va pour le sanglier, préférant charger quand bien même il serait sage d’éviter. L’intellectuel aux 100 livres aurait pu s’identifier à plus aérien, plus subtil ou pondéré, il n’en veut rien ; c’est le sanglier, emblème de son village de l’Orne, qu’il aime.Avec ses quelque 30000 pages écrites, l’équivalent en volume de «La comédie humaine», de Balzac, l’auteur est un phénomène. Son œuvre hétéroclite navigue entre la banquise, le cosmos, les abeilles, Proudhon, Tocqueville, la vie monastique, la rébellion, l’esthétique, l’hédonisme, don Quichotte et tant d’autres ; on peine à trouver le sujet que n’aurait pas fait sien l’écrivain prolifique, capable de rédiger un ouvrage le temps d’un trajet entre Caen et Paris. Quand le sexagénaire ne se trouve pas assis devant son ordinateur Mac, réglé sur la police Baskerville corps 11, il couvre de sa minuscule écriture les pages de droite, jamais à gauche, de ses dizaines de carnets. « Il travaille, il cherche, il écrit tout le temps», constate son plus vieil ami, le libraire et bouquiniste Ghislain Gondouin. Dans un appartement aussi coloré que ses tenues sont noires, habitude vestimentaire prise au lycée pour agacer les bonnes sœurs, Michel Onfray présente, en cette fin juin, sa revue, «Front populaire », un trimestriel, un succès commercial (15 000 abonnés), focalisée sur l’intellectuel qui y commente en vidéo tout à trac la fiscalité, le patrimoine, son grain de beauté à l’oreille, les classes dans le train, l’art nègre et ses souvenirs de service militaire. Cette fois, les deux complices déboulent carrément en politique, pressés de « faire émerger le nom de celui qui pourrait porter la cause du peuple ». Onfray assure ne pas postuler.Alors qui, en 2022, sous leurs couleurs, celles de « l’esprit des ronds-points » ? Rémunérés à raison de 100 euros le feuillet, les auteurs de « Front populaire » forment un pêle-mêle hétéroclite. En recrue vedette, Didier Raoult, «Professeur Chloroquine», convaincu par plusieurs conversations téléphoniques. L’infectiologue marseillais, partageant la détestation des « élites parisiennes » et la certitude d’avoir toujours raison seul contre tous, «rédige pour septembre un grand article sur la recherche médicale». Puis, le conservateur Philippe de Villiers, avec lequel fut envisagé de monter un Puy du Fou normand, Barbara Lefebvre, essayiste de droite, Régis de Castelnau l’avocat très réac, Jacline Mouraud, figure isolée de la contestation gilets jaunes, ou encore Céline Pina, connue pour son engagement en faveur d’une stricte laïcité. La balance penche. A gauche, l’intellectuel communiste Henri Peña-Ruiz. Quant à Jean-Pierre Chevènement, l’ancien ministre pourfendeur d’une Europe libérale, il a certes rédigé un article, mais n’entend pas s’associer. Idem du côté de l’avocat rouennais proche des gilets jaunes François Boulo. «J’étais d’accord pour un média contradictoire sur le souverainisme, je ne le suis pas pour la création d’un parti politique.» A peine lancée, la revue compte des dissidences, elle déclenche un déluge de critiques virulentes. Certaines excessives, « Onfray, désormais, c’est Doriot », assassine ainsi Bernard-Henri Lévy. Celui qui fut son directeur éditorial chez Grasset ose dorénavant le comparer au communiste devenu officier dans la Waffen-SS – et les toxiques félicitations de Marine Le Pen n’apaisent rien. « C’est trop simple de dire qu’il aurait aujourd’hui basculé dans la réaction, analyse Martin Legros, philosophe. Il a toujours défendu la captation du savoir par une élite, tandis que lui partagerait la culture avec ceux d’en bas. Il est cohérent, seulement sa posture est de plus en plus dogmatique et considérer que le peuple est forcément dans la vérité est une erreur, car le peuple est une fiction.»

You’re reading a preview, subscribe to read more.

More from Paris Match

Paris Match3 min read
Édouard Louis L’échappée Belle
Partir et vivre. Les larmes coulent, au milieu de la nuit. Monique a quitté son deuxième mari, après une vingtaine d’années, pour habiter seule avec deux de ses enfants. Elle s’est ensuite installée, avec un gardien d’immeuble, au cœur de Paris. L’ex
Paris Match1 min read
Leslie Medina Double Voix
Leslie Medina, symbole d’une jeune génération qui a décidé une bonne fois pour toutes de décoller les étiquettes. Elle, la petite Lyonnaise de 31 ans, a longtemps rêvé du métier de comédienne, qu’elle apprend au théâtre. On la découvre adolescente à
Paris Match2 min read
Cocorico Pour Le Coq Sportif
Ils l’ont tous eu sur la poitrine. Yannick Noah, Diego Maradona, Michel Platini, Bernard Hinault et tant d’autres. Le Coq sportif a été porté par les plus grandes légendes. Incontournable du sport mondial tombé en désuétude au milieu des années 1980,

Related Books & Audiobooks