La bataille de Notre-Dame
Sur l’écran, les flammes dévorent la flèche de Viollet-le-Duc, qui s’effondre sur le toit. Ce jour de décembre 2019 se tient le premier conseil d’administration de l’établissement public créé pour la restauration de Notre-Dame. Dans un préfabriqué installé à côté du parvis, douze représentants de l’État, de la Région, de la mairie et de l’Église font face aux images du joyau gothique en feu. Le général Georgelin, qui dirige ce conclave, a choisi de diffuser le film pour « caler tout le monde » et décourager tout « provincialisme institutionnel », comme il dit. L’homme chargé par Emmanuel Macron de rebâtir Notre-Dame n’a pas le temps de savourer son effet que déboule un invité surprise. C’est Philippe Villeneuve, l’architecte en chef, qui a ouvert la porte. Flottement embarrassé parmi nos douze apôtres. Georgelin improvise une boutade : « Voilà l’architecte, qui est un homme discret, comme chacun sait ! » Les deux hommes s’écharpent depuis plusieurs semaines au sujet de la reconstruction de la flèche. Le général vient même d’appeler vertement l’architecte à « fermer sa gueule », suscitant un tollé et la condamnation du ministre de la Culture d’alors, Franck Riester.
La restauration de Notre-Dame est souvent résumée à un ensemble de défis techniques : déblaiement des voûtes, consolidation des arcs-boutants et démontage des 200 tonnes d’échafaudages fondus qui enserrent l’édifice. Cette anecdote le rappelle : elle est aussi une histoire d’hommes. Un général impétueux, un architecte trop bavard et un ministre jaloux… C’est une drôle contemporain se dresser au sommet de la cathédrale.
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