Les damnés de la terre
Les cigales sont déjà bien en place mais les touristes, eux, tardent à venir en Provence. Au camping de Noves, paisible bourg agricole des Bouchesdu-Rhône, certains mobil-homes sont encore vides. Le Covid-19 est passé par là. Rien de grave, assure la patronne, une petite femme replète qu’on écoute vanter ses trois étoiles au palmarès des campings, ses sanitaires rénovés, son impeccable protocole anti-Covid. On attend la suite, celle que tout le monde connaît au village… Rien. Alors on l’aide un peu : « Pourquoi ces hauts murs fermés par de grands portails dans une partie du camping ? » La femme se fige. Derrière elle, le mari, occupé sur un ordinateur, s’interrompt. « Ah oui… Ce sont des ouvriers agricoles qui sont logés là. Ne vous inquiétez pas, vous ne les verrez jamais. » Effectivement, les 133 saisonniers, tous étrangers, partent dès l’aube. Le portail s’ouvre une fois pour laisser passer les fourgonnettes blanches qui les transportent aux champs. Au retour, le portail s’ouvre une seconde fois. Terminé, tout le monde descend. « Ils sont bien, ici », assure la patronne.
On devra la croire sur parole puisque nul n’a le droit d’entrer dans ce quartier réservé, à part les ouvriers, qui, eux, n’ont pas le droit de sortir. Ou alors, juste pour aller faire les courses au Casino du coin, une fois par semaine. Sinon, le règlement est clair : d’un côté les vacanciers, de l’autre les travailleurs. Pour eux, ni piscine, ni sieste sur les transats, ni soirée disco. Les murs aveugles qui séparent les deux mondes achèvent de donner un petit air d’apartheid
You’re reading a preview, subscribe to read more.
Start your free 30 days