EDITO
Les Polonais attribuent à leur victoire de 1920 sur l’Armée rouge un caractère « miraculeux », rappel de leur lien particulier à la Mère de Dieu. La « Pologne, Christ des nations » selon le mot d’Adam Mickiewicz se voulait depuis longtemps le, fera son mea culpa : il a sous-estimé le facteur national. Le prolétaire et le paysan pauvre polonais ne cessaient pas d’être polonais et voyaient dans ces soldats rouges à bonnets pointus non pas des libérateurs mais des avatars du Russe oppresseur. Nul soulèvement sur les arrières n’a, par conséquent, miné l’effort militaire de Varsovie. Jusqu’où comptait aller l’Armée rouge, quant à elle, une fois la Pologne jetée à terre ? Les textes sont contradictoires, souvent réduits à des slogans. L’idée de Moscou était-elle de donner la main aux soulèvements ouvriers qui se produisaient dans l’Allemagne vaincue et désarmée ? L’objectif était-il d’amarrer la révolution russe aux 25 millions d’ouvriers allemands dont la conscience de classe avait été aiguisée par un demi-siècle de social-démocratie ? Ou bien s’agissait-il déjà de faire en 1920 ce que Staline fera en août et septembre 1939 : partager avec le Reich la Pologne, « enfant illégitime du traité de Versailles » ? L’état de faiblesse momentanée de l’Armée rouge comment aller au Rhin avec à peine 100 000 combattants en haillons ? , la crainte d’une réaction des Occidentaux confèrent, si l’on fait fond sur le pragmatisme de Lénine, de bonnes probabilités à ce second scénario. Quoi qu’il en soit, les armées de Piłsudski ont remporté une grande victoire sous Varsovie. Néanmoins, il est clair que l’Armée rouge possédait encore de quoi continuer la guerre. Toukhatchevski se faisait fort de reprendre l’offensive au printemps 1921. Lénine se décide au contraire à signer à Riga une paix qui, territorialement, est favorable aux Polonais. C’est bien le délabrement intérieur de la Russie qui l’y contraint, nullement des nécessités militaires. Cette paix n’est donc qu’une pause. En gavant l’oie polonaise de territoires biélorusses et ukrainiens, Lénine léguait même à son successeur, Staline, le ultérieur. Piłsudski s’est-il posé cette question que ni Bismarck en 1870 ni Clemenceau en 1919 ne se sont posée : que vaut une victoire qui accouche d’une paix belligène ?
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