Grazia France

Master Class DES SOEURS TOOGOOD

eur nom sonne comme une destinée. Car elles s’appellent réellement Toogood et rien n’est « trop bien » pour ces soeurs qui sont en train de s’imposer comme le duo de créatrices le plus décoiffant du moment. Sous le label studio Toogood sont réunies l’aînée, Faye, la plus connue, la designeuse du fauteuil best-seller Roly-Poly, dont les oeuvres trônent en ce moment en vis-à-vis d’un Rembrandt au Museum Victoria de Melbourne. Et sa cadette, Erica, qui a adjoint au mobilier de sa soeur un dressing à l’ultra-chic minimal qui donne autant de personnalité que de liberté. Des uniformes uniques dans lesquels on rêve de se glisser pour échapper au diktat de la tendance. Comment travailler en famille, comment transformer en douceur les codes du design et de la mode, comment être vraiment éthique, comment penser la création au-delà des genres et des, elle a commencé à faire de la déco d’intérieur… D’aménagement en aménagement, l’envie lui est venue de dessiner des meubles. Toogood était né. Elle n’est pas restée seule longtemps, car pour donner vie à ses univers, il fallait le savoir-faire méthodique d’Erica qui, elle, étudiait la mode à l’université d’East London. « Une formation formidablement pratique, grâce à laquelle j’ai pu travailler tout de suite. Cela m’a permis de comprendre tout ce que faisaient les petites mains, explique Erica. Faye m’appelait sans arrêt avec des demandes farfelues : _il me faut vingt uniformes dans cinq jours, je ne sais pas si c’est pour homme ou pour femme…_ J’arrivais sur le set avec ma machine à coudre et je travaillais d’arrache-pied. » Petit à petit, l’idée de proposer des collections de mode fait son chemin. Là encore, c’est Faye qui lance le mouvement, en 2013 : « Nous avons commencé par des manteaux. La pièce qui se garde, vous protège, dessine votre silhouette et même votre personnalité. » Leur défilé à Paris est accompagné d’un manifeste qui s’insurge contre la fast fashion et le rythme endiablé des saisons. Le show, les éclairages, la campagne, les vêtements, dont certains sont peints à la main… Elles font tout elles-mêmes avec leur équipe. Des graphistes, architectes, designers, illustrateurs qui, tous, mettent la main à la pâte, regardent et nourrissent le travail les uns des autres. La première collection est un succès. Au point que les clients exigent d’avoir aussi des pantalons, des robes, des chemises… Chaque modèle est uni, unisexe, simplissime et baptisé du nom d’un métier : le pull de l’explorateur, le top du soudeur, la veste du photographe, la chemise du dessinateur… Parce qu’avant de livrer une garde-robe désirable, les soeurs Toogood avaient réalisé en 2012 l’installation « Seven by seven » pour la foire de design de Londres : quarante- neuf manteaux gigantesques accrochés dans une rue de Covent Garden, comme autant d’hommages aux artisans qui faisaient vivre ce quartier. Nommer leurs créations fait partie intégrale de leur travail : cela influe sur la forme du vêtement (la veste du photographe est équipée de poches profondes pour mettre à l’abri objectifs et pellicules, celle du jardinier doit pouvoir porter graines et plantoirs…), mais cela le rend aussi éminemment romanesque. Pour Erica et Faye, un vêtement ou une chaise, c’est bien plus qu’un objet utilitaire ou statutaire, c’est un morceau d’histoire qui vous constitue, un habit qui, s’il ne fait pas le moine, participe de votre identité. Un meuble qui, tel le décor d’un film, fait vibrer vos scénarios intérieurs, invite à l’aventure. « Aventure », c’est le mot qu’utilisent Faye et Erica, pour définir ce qu’elles font avec leur équipe de dix-huit personnes Une aventure qui a quelque chose des contes de fées, elle les amène et à fonder une tradition, et à se réinventer sans cesse. Retrouver l’énergie, l’émerveillement et l’imagination de l’enfance, c’est la grande affaire de Faye qui pense avec Picasso que « tout enfant est un artiste ». Sa collection Roly-Poly (culbuto en français) aurait pu être constituée par la famille Barbapapa, des meubles pastel, accueillants, rassurants… Alors qu’on s’était habitué à ces formes mouvantes et rondouillardes, voilà que Faye est sortie du premier confinement avec la collection Maquette : un bureau qui semble tenir sur des trombones déformés, un canapé comme surgi d’un dessin en 3D, un tabouret improvisé à partir d’une compression de vieux cartons… « Je rêvais de proposer quelque chose de différent de tout ce que j’ai fait et de tout ce que d’autres ont fait, explique-telle. Ce n’est pas facile. Alors, je suis repassée par l’instant créatif, la première inspiration. Ces petites maquettes que l’on fait du bout des doigts avec ce qu’on a sous la main. Généralement, on développe ses idées, on les lisse, on les simplifie… Là, j’ai voulu garder l’impression d’inachevé. Seuls l’échelle et le matériel ont changé. Cela fonctionne comme du trompe-l’oeil. Il faut s’approcher, toucher pour s’apercevoir que ce qu’on croit être du carton est en réalité du bronze, que le scotch d’emballage et le fil de fer qui servent de cloche à la lampe sont faits d’acier et de résine… » De son côté, Erica est fière de proposer ses vêtements à son rythme, de construire des collections qui échappent à la valse des saisons et des tendances. Au début, elle voulait juste habiller ses amis artistes, ses parents, ou ses collègues du studio Toogood… Tout le monde, en fait. Alors, elle a dessiné les modèles qu’elle voulait porter, qui échappaient au critère du masculin ou du féminin, qui puissent plaire autant à un jeune qu’à une femme âgée, qui, réalisés en laine, soient chauds pour l’hiver et en coton léger pour l’été… Plutôt qu’une banale étiquette, un « passeport » est cousu au dos de chaque pièce. « Y figurent le nom de la marque, du modèle, les initiales du designer et des ouvriers textiles qui l’ont réalisée. En bas, il y a une ligne vierge sur laquelle vous inscrivez vos propres initiales, puis celles de votre soeur quand elle vous pique votre fringue », détaille Erica. Car pour les Toogood, chaque personne qui contribue à faire exister une pièce est fondamentale. Aucune n’est plus importante que l’autre. Pour nous permettre de toucher d’encore plus près l’élan créatif, Erica a partagé avec les internautes le patron et le montage du gilet de l’antiquaire : « En ce moment de grand isolement, tout ce qu’on peut donner aux autres est primordial, s’enthousiasme- t-elle. Qu’importe si on ne va pas jusqu’au bout… S’essayer, tâtonner, c’est déjà magnifique. » Elle qui pense en noir et blanc est en train d’agrandir sa palette de couleurs. Voilà que surgissent du rose tendre et gai, de l’orange vif… C’est Faye bien sûr qui l’a poussée à expérimenter d’autres tons. Erica est allée les chercher dans la nature, explique-t-elle en brandissant une rose toute fraîche. Retrouver le temps de la création, puiser son inspiration dans la nature et dans l’histoire de l’art, développer un univers total et cohérent, donner sa place à chacun dans la production, partager ses savoir-faire, améliorer sans cesse la fabrication et les réalisations tout en écoutant son imagination… C’est la magie Toogood. Et elle nous fait rêver.

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