« Le réel, c’est quand on se cogne »
Pendant qu’Emmanuel Carrère prépare le thé, on jette un coup d’œil à son salon. Le panorama est sobre: les meubles usuels, un portrait miniature du maître des lieux, une pile de livres, pas mal de vide, rien qui dépasse. Les fenêtres ouvrent sur une rue du Xe arrondissement particulièrement animée hors pandémie, mais déserte en ce début de printemps. Lors du premier confinement, Carrère avait eu l’idée un rien casse-gueule de sortir un fauteuil sur l’antique marquise qui coiffe le commerce au rez-de-chaussée. Là-haut, il avait l’impression d’être une vigie veillant sur un monde de science-fiction, tel le héros d’un roman postapocalyptique de JG Ballard. La pandémie, c’est manifeste, n’a pas seulement vidé les rues; elle a aussi agi sur notre perception du réel, matière première de l’auteur de Yoga. Dans la pile, un livre prend plus de place que les autres. On a vite fait de reconnaître les quelque 2 300 pages du Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui, d’Arthur Dreyfus, parues chez POL (l’éditeur de Carrère) à la fin de l’hiver.
[En désignant le livre d’Arthur Dreyfus] : qu’en pensez-vous ?
Le livre fait 2 300 pages. La première chose qu’on se dit c’est : pourquoi
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