À Djalalabad, les talibans vus de l’intérieur
Envoyé spécial Afghanistan
Un combattant s’amuse à braquer ses amis avec son M16 comme s’il s’agissait d’une arme en plastique
Par cette nuit sans lune où même les montagnes du Nangarhar sont avalées par la pénombre, le pick-up fonce comme s’il était poursuivi par une horde d’ennemis. Une main sur le volant, l’autre occupée par un portable, le talib, visage à moitié recouvert par son turban or et bleu, regarde à peine le bitume qui file vers Djalalabad, la grande ville pachtoune de l’Est afghan. Il reste sourd aux cris des quatre occupants de la benne, qui lui réclament de lever le pied. Au moins, avec son compagnon de l’avant qui maintient sa kalachnikov entre les cuisses, il plaisante. Ça change du visage furieux qu’il a affiché toute la journée. Soudain, un chien – ou est-ce un animal sauvage ? –, blanc comme la neige, surgit dans les phares. Le talib s’en fout, il accélère. Dangereusement. Reviennent les mots de son chef prononcés plus tôt au poste-frontière de Torkham, où nous étions arrivés dans la matinée. « Ici, on n’est pas à l’abri d’attaques ; alors, pour votre sécurité, on va vous conduire à Jalalabad. Demain, vous pourrez partir à Kaboul. »
Il est des jours où rien ne se déroule comme prévu, et ce mardi 7 septembre fut l’un d’entre eux. Douze heures avant cette expédition nocturne, nous avions, le poste-frontière de Torkham au Pakistan, endroit fiévreux et crépusculaire, avec la ferme intention de rallier Kaboul, à moins de quatre heures de route. Après avoir satisfait aux formalités administratives pakistanaises puis remonté un interminable couloir grillagé, nous avions poussé le portillon synonyme d’entrée en territoire afghan, derrière lequel nous attendait le chauffeur. nous avaient expliqué juste avant des journalistes français après une semaine en terre talibane. Les nouveaux maîtres du pays, vantant pourtant l’avènement du taliban 2.0 qui n’aurait plus rien à voir avec ses ancêtres des années 1990 et aurait appris des erreurs du passé, commençaient à montrer leur vrai visage. À Herat, deuxième ville d’Afghanistan, la répression faisait ses premiers morts ce même 7 septembre. Depuis, les défilés ont été soumis à autorisation. Autant dire quasi interdits.
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