L’enfant que tu m’avais volé
e réveil sonne. Je me tourne vers le mur. J’enfonce mon visage dans l’oreiller.
Je ne veux plus me lever. Je ne me sens plus la force d’affronter une nouvelle journée sans ma poupée, sans le trésor qui a donné un sens à ma vie, sans ma petite
Natacha que tu m’as volée.
Je n’ai plus assez d’énergie pour me plonger dans mon travail. D’ailleurs mon médecin m’a prescrit trois semaines de repos. Mais je suis incapable de me reposer.
Du matin au soir, je déambule dans l’appartement, je passe l’aspirateur dix fois dans la même pièce, je déplace les objets pour les remettre un peu plus tard à la même place. Je sors un jouet du coffre en bois et je le tourne et le retourne dans mes mains malhabiles d’adulte.
Je compose vingt fois ton numéro sur mon portable. Mais tu ne réponds pas. Alors je t’imagine, marchant dans les rues enneigées de Moscou, tenant par la main notre petite fille emmitouflée dans sa doudoune rose, celle que je lui avais achetée pour aller au ski à Noël et qu’elle portait le jour où tu l’as emmenée pour une simple promenade au bois de Boulogne.
Jamais je ne t’aurais cru capable d’un acte aussi cruel.
Tu étais si doux, si prévenant lorsque nous nous sommes connus, si attentif à ne pas me blesser, si soucieux de me faire plaisir. Je te revois encore le jour où tu t’es approché de moi, à la galerie Tretiakov. J’étais en extase devant une icône attribuée au peintre Théophane le Grec, représentant la Vierge du Don qui porte dans ses bras l’Enfant Jésus. Le fils lève la tête vers sa mère comme s’il s’apprêtait à déposer un baiser sur sa joue.
Tu t’es approché de moi et tu m’as dit quelque chose en russe. Je t’ai répondu en anglais :
– I don’t speak russian.
Mon accent m’a trahie :
– Ah ! Vous êtes française
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