Les Veillées des chaumières

Le mariage d’Aliénor

Marie de Clermont se dirigea d’un pas enjoué vers sa maîtresse, confortablement installée sous un pêcher en fleur, dans les jardins du palais de l’Ombrière.

– Eh bien, chère Marie, demanda la princesse en souriant, que t’arrive-t-il donc ?

– Je viens de composer un poème en votre honneur, majesté, et il faut absolument que je vous le fasse entendre ! dit la jeune fille avec vivacité.

Aliénor sourit de l’enthousiasme de la musicienne et lui fit signe de s’installer. La jeune fille approcha un siège des coussins sur lesquels Aliénor était installée et posa son psaltérion sur ses genoux. Elle saisit les cordes de l’instrument de ses doigts fins, laissant entendre une douce musique, qu’elle ne tarda pas à accompagner de sa voix tout aussi mélodieuse. Aliénor contemplait avec admiration les doigts agiles de Marie jouer avec les cordes de l’instrument pour en produire les sons les plus délicats. Passionnée depuis son plus jeune âge par les récits de fin’amor que les troubadours chantaient à la cour du duc d’Aquitaine, son père, Aliénor, jeune femme lettrée et intelligente, appréciait également la qualité du poème écrit par Marie pour accompagner le morceau qu’elle avait composé.

Aliénor ferma les yeux pour se laisser bercer par le rythme de la mélodie et attendit un instant, après la fin du morceau, pour les rouvrir.

Elle sourit en voyant le regard rempli d’expectative anxieuse de la jeune fille posé sur elle.

– C’est très beau, dit-elle aussitôt, tout en confirmant son appréciation d’un hochement de la tête. Ton morceau mériterait de concourir à la prochaine cour d’amour.

Marie rougit sous le compliment.

– Je souhaitais le faire écouter à Marcabru, mais j’ai voulu que vous soyez la première à l’entendre, dit-elle.

Aliénor se mit à rire.

– Tu as eu raison! Il aurait sans doute été jaloux de toi et aurait trouvé moyen de te chercher noise.

troubadour Marcabru, jongleur, poète et musicien, avait été le musicien officiel de la cour de Guillaume X d’Aquitaine avant de servir sa fille. Fier de ses dons multiples et de son statut particulier – le duc le considérant comme un atout indispensable aux fêtes du palais –, il regardait avec méfiance tout nouveau talent éclos au sein de la cour. Aliénor n’ignorait pas sa jalousie à l’égard de Marie, même s’il n’osait la dévoiler trop ouvertement, craignant de provoquer son courroux. Marie et elle avaient en effet été élevées ensemble à la cour de Bordeaux, et Aliénor considérait la jeune fille comme une amie plus que comme une suivante. Aux talents de musicienne

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