L’herbe blues
ROBERT PLANT N’EST PAS BÊTE. Il sait très bien pour quelle raison la plupart des gens vont lire cet article. D’où son message: “À tous ceux qui veulent savoir si j’arrive encore à me pencher en arrière jusqu’à ce que mes cheveux touchent le sol en hurlant comme une banshee : oui, mais ça, c’était la première partie, les cinquante premières années.” Une façon charmante de botter en touche le sujet Led Zeppelin – qu’il est le seul à trouver pénible –, et surtout un geste de respect pour la femme assise à côté de lui. Plant forme avec Alison Krauss un duo d’égal à égal, au-delà des frontières de genres, de générations et d’origines.
Lui, 73 ans, profession : dieu du rock depuis sa prime jeunesse, né dans les Midlands anglais, où il a grandi à l’époque où l’industrie lourde y faisait encore la loi. Elle, 50 ans, chanteuse et violoniste avec son groupe, Union Station, et à ce titre figure de proue de la scène bluegrass américaine depuis un quart de siècle, élevée dans une petite ville de l’Illinois et issue d’un milieu privilégié, fille d’un émigré allemand et d’une mère musicienne et peintre aux racines germano-italiennes.
Lorsque les dieux du rock affirment que leur dernière œuvre en date est le summum de leur processus de création, cela a tout de l’autoillusion nécessaire – autrement, pourquoi continuer à faire de nouveaux disques? Or, dans le cas de Plant, cette affirmation repose quand même sur le succès étonnant rencontré par la première collaboration avec Krauss, Raising Sand, sorti fin 2007. Pour ses reprises éclectiques, de Gene Clark à Townes Van Zandt, le duo à boucles blondes a été couvert de Grammy Awards, de disques de platine et autres récompenses reconnaissant l’extraordinaire travail du duo sous la houlette du producteur “T-Bone” Burnett.
Et pourtant, il leur a fallu attendre quatorze ans avant de donner une suite, longtemps attendue, à l’exploration apparemment si légère de leurs racines assure-t-il.
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