Suspicion

18 – RÉSUMÉ : Après un voyage exténuant, Herbert Smith et Jenny, conduits par John, arrivèrent enfin à Graham House où les attendaient Mrs Benton, la femme de garde, et Yan, le factotum, prévenus de leur arrivée par Elipher Dicks. Mais en découvrant la jeune fille, tous deux semblèrent sous le choc, comme s’ils l’avaient déjà vue… Or c’était impossible. La seule explication était que Jenny ressemblait trait pour trait à Mary. Il fallait qu’Herbert Smith en sache davantage. Il décida aussitôt de conduire Jenny chez Aury MacDonald, l’ancien compagnon de sa mère. Peut-être pourrait-il les éclairer. (Voir Veillées n^os 3491 et suivants.)

Aury MacDonald paraissait extrêmement las. Pourtant il poursuivit comme s’il se parlait à lui-même :

– Voilà ce que l’amour que je vouais à votre mère, Miss, m’a rapporté. Quinze ans de doutes, de scènes inutiles, de réconciliations sur l’oreiller et pour finir… le mépris des gens. Allez-vous-en! Vous n’avez rien à faire ici !

Ces derniers mots, il les avait hurlés en s’égosillant. Joignant le geste à la parole, il leur montra la porte.

« Cet homme est très violent ! » pensa Herbert. Était-il pour autant capable de tirer sur une femme sans défense ? S’il l’avait brutalisée, Mary ne l’aurait-elle pas quitté ? À moins qu’il l’en eût empêchée le jour où elle s’était enfin décidée à partir ?

En attendant, il n’était pas utile d’exciter davantage la hargne subite d’Aury MacDonald. Ils l’abandonnèrent donc sur le seuil de son cottage. Ensuite, bouteille de scotch en main, il alla s’asseoir dans un de ses vieux fauteuils avachis. Il buvait au goulot. L’alcool lui brûlait l’estomac tant il souffrait d’un ulcère qui s’aggravait de jour en jour. Les larmes coulaient le long de ses joues, plus abondantes à mesure que son désespoir s’intensifiait. Cette enfant… Pour quelles raisons l’avait-il si mal reçue ? Parce qu’elle dérangeait ses habitudes ? Pourquoi Mary lui avait-elle menti ?

Qu’elle lui ait parlé d’avortement alors qu’elle venait d’abandonner le fruit de sa chair apparemment sans remords le choquait . Aury n’était pas riche, mais il serait allé volontiers chercher le bébé et l’aurait élevé. La petite aurait porté son