Rock and Folk

Geese

“PROJECTOR”
PARTISAN RECORDS/PIAS

D’un côté les USA, de l’autre le Royaume-Uni. Les fonds de court respectif sont la Californie à gauche, l’Ecosse à droite. On joue son revers dans le Midwest, on lobe en Irlande et on monte au filet à New York. Voilà: l’histoire du rock pourrait s’écrire comme un match de tennis entre l’ancienne. Les signes sont multiples: une arrivée subite dans le paysage, une signature express chez Partisan Records, maison des Fontaines DC, Idles, Cigarette After Sex — soit les quelques trucs qui marchent aujourd’hui — et un premier album produit et enregistré par des gosses de seulement dix-sept ans, supervisé par le mixage du parrain de la scène, Dan Carey. “Projector” donc, où, comme chantait Lou Reed, l’absurde côtoie le vulgaire. Ça commence comme cela: “Rain Dance”, morceaux post-punk façon Omni, guitare carillonnante, jeune chanteur avec de la morgue, break à mesures impaires, solo en canons, urgent, déstructuré, blablabla. Mais la production? Enorme. Difficile de croire qu’ils ont enregistré ça seuls! Et surtout chez eux! Ce son extrêmement clair, hi-fi, gonflé? Deuxième morceau, “Low Era”, et la messe est déjà dite. Un tube. De rock. Calibré pour les radios. Façon 2005. Les couplets avec seulement basse/batterie, la voix de tête, les refrains “entraînants”, le solo qui monte et la fin soudaine qui meurt dans la reverb. Aïe aïe aïe. Vraiment putassier, vraiment américain. Quand on aime ça, quel bonheur. Deuxième narration de l’histoire du rock: la guerre des générations. Cette musique a besoin d’attirer la nouvelle. Et Geese, avec ses gros filets, pourrait nous pêcher une bonne poignée de nouveaux groupes. Black Midi était là pour donner des idées, Geese fera les concessions. Sacrifice des jeunes oies sur l’autel de la réussite. Troisième morceau, “Fantasies/Survival”. C’est simple, on dirait les Strokes de la première période. Voilà, on a compris: ces cinq-là ne vont reculer devant rien. Ni les ballades taillées pour des boums — “First World Warrior” — ni l’autre single avec une introduction aussi mauvaise qu’un morceau des The Killers — “Disco”. Il y a des moments où l’on a envie de débrancher la chaîne — le refrain de “Bottle” —, d’autres où l’on veut monter le son — “Projector”. C’est un premier album bordélique, inégal, un peu illisible et réjouissant. Comme peuvent l’être des gosses. De dix-sept ans. Ils n’avaient même pas fait une douzaine de concerts avant la sortie de leur album. Ils aiment le prog et le post punk. Le confinement leur a permis de se mettre au travail. Ils ont aujourd’hui entre dix-neuf et vingt ans. Le chanteur est déprimé, le guitariste, arrivé il y a huit mois seulement, non binaire. La légende est-elle en marche? Ils ont tout ce qu’il faut pour. “”, disait David Bowie. C’est aussi de partir à point ajoutait La Fontaine.

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