Le sulfureux journal d’Athénaïs Beauregard
Des deux amies qui poussèrent la porte du grenier de cette maison abandonnée depuis cinq ans, Sandrine était la plus intrépide. Jenny, son aînée d’une année à peine – ce qui lui faisait 21 ans –, avait peur pour un rien.
Sa copine avait dû la tirer par le bras pour l’obliger à entrer dans la demeure. Livrées à tous les vents, la plupart des fenêtres avaient été brisées par les intempéries ou par les gamins de ce petit village de la Creuse.
Il est vrai que la bâtisse isolée, sinistre et délabrée, faisait froid dans le dos.
Il y demeurait encore, accrochés à certains murs, des portraits grandeur nature d’Athénaïs Beauregard, l’ancienne propriétaire des lieux. Elle était morte dans son sommeil à l’âge vénérable de 101 ans. Ses immenses yeux clairs semblaient si vivants que l’on aurait bien cru qu’ils suivaient les visiteuses.
– Comment était-elle ? demanda Sandrine. Je n’en sais que ce que mes parents en disaient, mais tu l’as connue, toi.
– C’était une belle femme, jusqu’à la fin. Pimpante, toujours souriante et surtout très chaleureuse. Et elle avait une de ces classes ! Durant les dernières années, personne ne venait plus la voir, tous ses amis étaient sans doute décédés et elle ne fréquentait plus sa famille depuis très longtemps. Si le facteur ne s’était pas inquiété en voyant que la boîte aux lettres débordait de courrier, elle serait restée encore longtemps comme ça, dans son lit glacé.
– Horrible !
– Le docteur a dit qu’elle n’avait pas souffert, son cœur s’est tout simplement arrêté de battre.
Sandrine acquiesça d’un signe de tête tout en braquant le faisceau de sa lampe vers le fond du grenier.
– Athénaïs Beauregard… C’était son vrai nom ? demanda-t-elle encore.
– Son pseudonyme d’artiste. Elle faisait du théâtre. Elle tenait à ce qu’on l’appelle ainsi et je ne sais pas si quelqu’un ici connaît son véritable état civil.
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