Les Veillées des chaumières

Retour de bâton

Monsieur le député Xavier Rambert s’assit à son vaste bureau d’acajou, dans son confortable fauteuil de cuir, avec un soupir d’aise. Il remit à sa place son stylo en or et pesta en souriant contre sa secrétaire qui avait placé de travers la boîte de cigares. De gros cigares qu’il faisait venir de La Havane et qui empestaient l’atmosphère. Mais, n’estce pas, il se devait de fumer ces attributs de sa fonction. Ah! comme il aimait revenir deux jours par semaine dans sa circonscription de la Creuse! Il y entamait son troisième mandat, réélu à chaque fois haut la main par ses concitoyens confiants en cet enfant du pays qui employait dans ses papeteries une bonne partie des travailleurs du département.

La vie s’était montrée généreuse avec lui, et son existence, à soixante ans passés, s’était écoulée comme un long fleuve tranquille, en lui offrant toujours des opportunités au bon moment. Quelle chance, par exemple, il y avait trente-cinq ans, d’avoir épousé Simone, qui mettait en avant un vague titre de noblesse et surtout la grosse fortune de son père, le comte de Mirepois! Celui-ci avait eu la bonne idée de mourir un an après leur mariage, laissant tous ses biens à sa fille unique, entre autres le petit castelet où le député rejoignait sa femme quand il n’était pas à Paris pour remplir ses fonctions à l’Assemblée nationale. Xavier Rambert s’était donc glissé assez vite dans les pantoufles de son beau-père et, ma foi, les avait trouvées plutôt confortables. En outre, son épouse l’avait initié aux codes de la bonne société, car, il faut bien l’avouer, lorsqu’il l’avait rencontrée, il était certes un jeune homme promis à un bel avenir, futur héritier des fameuses papeteries, mais assez mal dégrossi. Ils avaient eu une fille unique, Nadège, qui venait d’épouser un charmant garçon, riche bien entendu. Il comptait d’ailleurs lui confier bientôt la gérance des papeteries, car il commençait à fatiguer un tantinet entre les trajets hebdomadaires pour relier la capitale et sa province, la gestion de son entreprise et les sessions parlementaires, qu’il fallait tout de même bien assurer.

Bref, Xavier Rambert était un homme content. On ne peut pas dire heureux, car le concept de bonheur était inaccessible à son intelligence somme toute moyenne et uniquement tournée vers l’aspect matérialiste des choses. On pouvait le dire habile, rusé, mais pas vraiment brillant. Il était satisfait, oui, et comme repu.

Comme il le serait sans doute ce soir quand il sortirait du restaurant Le Relais de la diligence, haut lieu de la gastronomie locale. Il y retrouvait un soir par mois ses deux grands amis, maître Deligny, avocat, et maître Rotaillaud, notaire, qui tous deux, avaient repris les cabinet et étude respectifs de leur père. On allait s’en mettre plein la lampe, discrètement servis par le patron, aux petits soins pour eux, au vu de l’addition et du pourboire astronomiques qu’ils laissaient à chaque fois, sortant de leurs portefeuilles de gros billets de banque qu’ils comptaient à peine. Ils faisaient penser aux « Bourgeois » de la chanson de Brel, à l’hôtel des Trois Faisans. Là, dans la fumée épaisse de leurs cigares et levant leurs verres remplis de grands crus, ils évoquaient leurs affaires, leurs gains et… leurs bonnes fortunes féminines. Car cela aussi faisait partie des attributs du métier que de s’afficher de temps à autre avec une accorte

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