La couleur des sentiments

Antoine Lozon s’approcha d’une des fenêtres du séjour, celle qui donnait sur la rue, au lotissement des Prés-Verts. Il vit passer Cyril, son petit voisin, accompagné de son copain Florian qui tenait en laisse son chien Titus. Il se souvint qu’on était mercredi.

Il entrouvrit le battant et leur adressa un petit signe.

– Bonne promenade, les enfants!

– Nous allons au bois des Fées, lui cria Cyril. Au retour, nous passerons vous voir. Antoine regarda s’éloigner les garçons, l’un blond, l’autre très brun. Ils emportaient un panier contenant leur goûter et leur herbier. Puis il referma la fenêtre et décida de leur préparer un gâteau.

Le petit bois des Fées avait toujours attiré les enfants. Cyril, bien qu’il ait déjà dix ans, prétendait que cet endroit était rempli de présences invisibles. En tout cas, il y avait beaucoup d’oiseaux, des pies surtout. C’était un lieu magique. Les rayons du soleil jouaient comme des feux follets entre les arbres. Chaque mercredi, Florian sortait son chien Titus, un épagneul adopté à la SPA. Quand il levait les yeux pour réclamer une promenade, personne ne pouvait résister.

Titus trottinait devant, redressant la queue en panache. Sitôt dans le chemin, Florian le débarrasserait de sa laisse, l’animal pourrait alors courir, ventre à terre.

Les garçons marchèrent jusqu’au ruisseau.

– Et si on rapportait des noisettes pour monsieur Lozon ? proposa Florian. Et des mirabelles ! Il y a un arbre au bout du chemin qui ploie sous les fruits.

toute saison, c’était un enchantement de se promener entre les haies d’aubépines et les arbustes qui bordaient le chemin et pénétraient dans le bois des Fées. On oubliait qu’au-delà s’étendait un espace sauvage qui avait servi longtemps de dépotoir. Depuis que la commune s’était dotée d’une déchetterie, il était interdit d’y jeter les appareils ménagers hors d’usage et toutes sortes d’encombrants, sous peine d’une forte amende. Une équipe de jeunes écologistes avait nettoyé les