ALLONGÉ SUR UNE TABLE d’opération dans un hôpital d’Orlando, entouré de photos d’Elvis Presley, Dennis Wise sait ce qui l’attend. Pourtant, ce n’est que lorsque le chirurgien plonge son scalpel dans son visage que la réalité de la chose le frappe enfin. “Tout à coup, ça a commencé à faire très mal, se souvient Wise. Une infirmière s’est approchée et m’a enfoncé une aiguille.” Il s’endort très rapidement. À son réveil, son visage tuméfié est enveloppé de bandages. Avec ses implants dans les joues et sa lèvre retroussée, Wise, 23 ans, allait ressembler un peu plus à Elvis, mort six mois plus tôt. Pour la première fois (mais pas la dernière), son patron, Danny O’Day, pouvait se vanter d’être “le créateur de monstres”.
Dans la musique pop, la tradition des tribute bands et des imitateurs est désormais aussi ancrée que le T-shirt de concert ou la demande de rappel. Dès les années 1970, des groupes ont cherché à ressembler le plus possible aux Doors ou à Bruce Springsteen (lequel était bien vivant), et les touristes de Manhattan se sont rués sur Beatlemania, l’hommage aux “Fab Four” resté pendant deux ans à l’affiche de Broadway. Aujourd’hui encore, les groupes hommages à ABBA ou au hip-hop des années 1980 et 1990 sont monnaie courante. Ces dernières années, la technologie des hologrammes a également ramené Michael Jackson, 2Pac, Frank Zappa et Whitney Houston à un semblant de vie.
Imiter une pop star décédée ou la faire revivre virtuellement, c’est une chose. Mais il y a plus de quarante ans, un promoteur a poussé le concept encore plus loin. Il ne s’est pas contenté de costumes et d’imitations vocales: Danny O’Day a engagé des chirurgiens esthétiques pour modifier physiquement ses chanteurs, afin qu’ils ressemblent le plus possible à Elvis, Jim Morrison ou encore à Janis Joplin. “Il avait une longueur d’avance, estime Jeff Pezzuti, fondateur d’Eyellusion, responsable des récentes tournées d’hologrammes de Frank Zappa et Dio. C’était très nouveau à ce moment-là. Sans la technologie [des hologrammes], il n’y avait rien d’autre à faire.”
Bien avant, a dit un jour O’Day.