Keith Richards
“MAIN OFFENDER DELUXE EDITION”
BMG/Sony Music
En 1988, le guitariste des Stones sortait son premier album solo, pour réagir à ceux de Jagger. Pour lui, qu’un Stone sorte un album solo était un sacrilège (d’autant qu’en tournée, Jagger reprenait des morceaux de son groupe avec, carrément, Joe Satriani à la guitare). Mais comme Mick semblait incapable de s’arrêter, Keith a sorti le sien. Le truc faisait fantasmer tout le monde, le résultat fut très mauvais, à peine moins pire que ceux Il n’avait pas totalement tort, mais exagérait un peu. Il y en a, et des bonnes, coécrites avec les X-Pensive Winos (Charley Drayton, Waddy Wachtel, Steve Jordan): “Eileen”, “Yap Yap”, “Demons”, “Hate It When You Leave”, “Runnin’ Too Deep”, et l’inévitable reggae, plutôt pas mal quoique trop long, “Words Of Wonder”. Mais ce qui est intéressant dans “Main Offender”, c’est de voir comment, sans les Rolling Stones, Richards conçoit la musique, et va plus loin encore que lorsqu’il doit se mettre d’accord avec Jagger. Sa science de l’épure est fascinante. Comme un Miles Davis rock, il sculpte le silence, envoie des riffs minimalistes avec certains des plus beaux sons de Telecaster qu’on n’ait jamais entendus. Le groupe est bon, et sur scène, assurait vraiment (souvenirs d’une prestation au Zénith de Paris brillante, contre toute attente). La réédition Deluxe propose l’album plus un concert à Londres avec les Winos qui vaut plus que le détour: entendre “Gimme Shelter” chanté par Keith Richards est une expérience intéressante. L’édition Super Deluxe est un délire pour fanatiques avec l’album et le concert en trois vinyles, et le même contenu sur deux CD, plus l’incontournable booklet. Keith a depuis sorti un troisième album solo — alors que Jagger semble avoir jeté l’éponge — assez correct. On ne sait s’il remettra cela, mais il est peu probable qu’il retrouve le niveau de “Main Offender”, qui fit le bonheur des fans à sa sortie il y a trente ans.