Le déséquilibre entre les deux aviations à l’heure de leur duel tient pour l’essentiel à la manière dont chacune a appréhendé l’usage de l’arme aérienne avant guerre. Il dépend aussi des leçons qu’elles ont su, ou pas, tirer des guerres et des campagnes menées durant les années précédentes, depuis qu’avions et pilotes des deux pays se sont affrontés pour la première fois dans les cieux espagnols, en 1936. La comparaison fait apparaître des divergences cruciales qui expliquent l’effondrement aérien soviétique de 1941 – mais révèle aussi de réelles convergences qui constituent d’ailleurs le socle sur lequel la VVS va se reconstruire à partir de 1942 (voir p. 26).
Ressemblances apparentes…
La première des proximités tient à la vivacité des débats théoriques au cours des années trente. En URSS comme dans le III Reich, l’aviation est une priorité du régime, et les aviateurs y bénéficient d’un climat favorable pour expérimenter des concepts novateurs. Les deux États partagent également une base industrielle faible au départ, malgré la présence d’ingénieurs de talents – l’Allemagne, en raison des restrictions imposées par le traité de Versailles, l’URSS du fait de son sous-développement industriel. L’idée d’opérer en situation d’infériorité apparaît, en conséquence, presque naturelle. De part et d’autre, les théories du « bombardement stratégique » anti-cités que peuvent développer l’Italien Douhet ou le Britannique Trenchard sont connues; mais elles ne sont pas considérées comme adaptées à la situation stratégique de puissances continentales, menacées sur plusieurs frontières. Les Soviétiques ajoutent une réticence idéologique: les centres urbains sont aussi ceux où se concentre le prolétariat ouvrier, présumé favorable à la « patrie des travailleurs »… Ce souci politique disparaît cependant au cours des années