usqu’au XI siècle, la guerre sent le soufre: l’Église impose ainsi une pénitence aux Normands victorieux à Hastings en 1066, même s’ils ont reçu le soutien du pape. En revanche, la croisade est une guerre sainte: combattre n’est l’absolution pleine et entière. La pratique se diffuse à partir de la Ire croisade (1096-1099): nombreux sont les chevaliers chrétiens à se porter volontaires pour combattre les infidèles et gagner ainsi des indulgences. Il en va de même pour la croisade des Albigeois. Si la dimension religieuse est secondaire pour les Occitans, elle est en effet essentielle parmi les croisés. Présenter la guerre comme une mainmise « impérialiste » des gens du Nord pour conquérir le Sud serait un contresens, exactement comme pour les croisades en Terre sainte – dont il ne faut jamais perdre de vue l’importance. Si Saladin a en effet repris Jérusalem, si Dieu a donné la victoire aux musulmans, c’est parce que les chrétiens ont péché par complaisance envers les hérétiques. Le pape se doit donc de les anéantir pour purifier la chrétienté et retrouver la victoire en Orient: ce n’est pas par hasard si Innocent III lance la IVe croisade quelques années avant celle contre les Albigeois.. L’armée de Simon de Montfort est avant tout constituée de chevaliers catholiques désireux de gagner des indulgences pour accéder plus facilement au Paradis et leurs chefs n’ont guère d’arrière-pensées. Certes, Innocent III cherche à confier les terres de Raymond-Roger Trencavel à un bon catholique soumis à Rome qui expurgera les hérétiques supposés bien plus nombreux qu’ils ne sont. Mais c’est par défaut qu’on les promet à Montfort: ni le duc de Bourgogne ni le comte de Nevers n’en ont voulu. L’objectif de ces grands nobles était ailleurs: au Ciel. Quand par la suite Montfort accepte de se muer en conquérant, la croisade change de nature, mais pas forcément pour le pire: à la guerre d’anéantissement succède une opération de pacification où il faut rallier l’ennemi. Le fanatisme de la croisade ne disparaît pourtant pas totalement, d’où les massacres perpétrés tardivement, par exemple à Marmande sous le prince Louis.
UNE VRAIE CROISADE, PAS UNE CONQUÊTE
Apr 15, 2022
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