Via Tolosana, la tentation du sud
ne succession de reliefs potelés déroulent à l’infini leur forêt rude et rêche, pareille à une toison de cheveux crépus. La piste forestière négligée, l’échine hérissée de touffes d’herbe, conduit de col en col, caresse d’abruptes parois de granite au teint rosé, avant de plonger dans les sapinières. La douce odeur de bonbon des Vosges qui flotte entre les troncs aux larmes de résine ne fait rien pour éteindre la soif. Passé Montpellier, le GR® 653 s’encanaille sur les ultimes soubresauts du Massif central et célèbre la rencontre des deux « Midis » entre les tièdes effluves de la garrigue méditerranéenne et les bouffées humides soufflées de l’Atlantique. Le sentier de randonnée, soigneusement balisé de rouge et de blanc, reprend peu ou prou le parcours de la voie d’Arles, l’un des chemins de Compostelle. Mais les randonneurs ne se bousculent guère sur ces parcours sauvages abandonnés au cœur d’une nature parfois intimidante. Les âmes s’y font aussi rares que les cours d’eau. La notoriété et la fréquentation de cette voie restent confidentielles: à peine 1 500 cheminants l’ont empruntée en 2019 alors que la voie du Puy-en-Velay en attirait plus de 20 000. Quelle disgrâce pour cet itinéraire jadis réputé, nonseulement désigné comme l’une des quatre voies majeures par le moine Aimery Picaud au chapitre V de son mais aussi cité en premier avant les trois autres! Si tous les chemins mènent à Rome, beaucoup conduisent à Compostelle. En tout cas, la « voie du sud » est celle qui accueille non seulement les jacquets venus d’Italie, des Alpilles, de Provence voire d’Europe centrale mais aussi en sens siècle d’une prospérité économique qui favorise la construction de programmes architecturaux de style roman, notamment le long de la voie qui, stimulée par l’afflux de ses pèlerins, se révèle ainsi non seulement vecteur de foi mais aussi axe de diffusion artistique. Cette route romane jalonnée de remarquables chefs-d’œuvre est aussi une ancienne voie romaine. Si les jacquets se regroupent à Arles, c’est que la cité, lieu de franchissement du Rhône et berceau du christianisme en Gaule, occupait une place singulière dans l’Empire romain. Deux voies convergeaient déjà depuis Rome vers , le toponyme latin faisant référence à la situation d’Arles au milieu des marais: la qui traverse la Ligure en suivant la côte et une autre qui après avoir relié les principales villes du nord de la péninsule italienne, passe les Alpes au col de Montgenèvre et suit le Rhône jusqu’à son embouchure. Une troisième voie partait d’Arles pour rejoindre la Garonne à Toulouse, traversait la Gascogne et le Béarn avant de franchir les Pyrénées au Somport pour se joindre aux voies romaines d’Ibérie. Cette ou devenue au Moyen Âge le passage privilégié par les pèlerins de Provence ou d’Italie pour rallier la Galicie, fait d’Arles une véritable plaque tournante entre Rome et Compostelle.
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