Bousculé par son exubérant compagnon de jeu, Philip-Howard se retrouva la tête la première dans les fleurs du massif, avant d’avoir compris ce qui lui arrivait. Sherry se précipita. Elle le releva et fut heureuse de l’entendre hoqueter de rire. Il ne se passait pas d’heures sans que l’excellent caractère de Philip-Howard se confirme à la faveur de multiples incidents. S’agenouillant dans l’herbe, Sherry l’embrassa. Il lui rendit son baiser avec une tendresse bouleversante.
Ce fut dans cette attitude charmante que Frank les surprit. Aussitôt, l’enfant s’écarta de sa mère. Il nourrissait pour Frank une sorte de respect méfiant. Sa haute taille, son visage, tellement hâlé, la cicatrice récente qui lui barrait la joue (souvenir de quel combat ? de quelle rixe ?) l’intimidaient. Il avait entendu dire de lui que c’était un pirate, et il n’avait pas tardé à demander à son père la signification de ce mot. L’explication fournie ne l’avait guère satisfait.
– Pourquoi Mr Balmer quitte-t-il si souvent son bateau, papa ?
– Parce que, vois-tu, mon chéri, Mr Balmer n’est pas un pirate comme les autres.
– Bonjour, Milady, dit Frank. Puis-je vous aider à vous relever ?
Elle accepta non sans réticence la main qu’il lui tendait.
– Madame du Telley n’est pas encore sortie de ses appartements, ce matin, lui dit-elle en guise de bienvenue. Si vous voulez vous asseoir, je vais aller me renseigner…
– Inutile. C’est vous et votre mari que je suis venu voir.
– Mon mari est à Atlanta. L’ignoriez-vous ?
– À Atlanta ! Voilà qui ne facilite guère ma tâche !
– Va jouer, Phil, dit Sherry en s’adressant à son fils. Jasper t’attend.
L’enfant bondit comme un petit diable, et de nouveau son rire et les aboiements du chien résonnèrent dans l’air pur.
– Eh bien ?
La jeune femme reprit sa place dans le fauteuil à bascule auquel elle imprima un mouvement de balançoire.
– Sherry, la situation est grave. Hilary vous le confirmerait s’il était présent. Les soldats gris ne tarderont pas à reculer.
– Reculer ! vous n’y songez pas