Jamais la transidentité – ne pas s’identifier au genre attribué à la naissance – n’avait autant opposé. Par les questions déontologiques, éthiques et médicales qu’elle soulève. Mais aussi par la visibilité de ces minorités au sein de la société et les arguments souvent aux antipodes intellectuellement et politiquement qui radicalisent les positions. Même le terrain scientifique, que l’on aurait pu croire plus neutre, est miné. Chacun avance des études censées démontrer les bienfaits ou les risques des traitements. Nombre de chercheurs déclinent les demandes d’interviews, invoquant un climat peu propice à l’expression publique, ou plus simplement un manque de connaissances. Ainsi, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui a un rôle pilote dans la santé humaine en France, nous a poliment indiqué n’avoir « aucune équipe de recherche travaillant sur cette thématique ». A ce jour, seule la Haute Autorité de santé (HAS) semble se mobiliser à l’échelle nationale en promettant un rapport sur la question d’ici à la fin de l’année 2023. Fermement attendu, il devrait se contenter d’actualiser les données et recommandations sur la prise en charge médicale datant de… 2009.
En attendant, les chiffres manquent. Ainsi le nombre de Français qui s’identifient au genre opposé à leur sexe biologique (l’incongruence de genre) ou qui en souffrent (la dysphorie de genre) et demandent des bloqueurs de puberté, en 2017, indique que l’identité transgenre autodéclarée chez les enfants et les adolescents varie entre 0,5 et 1,3 %. « Ce diagnostic reste relativement rare, mais est en augmentation depuis quelques dizaines d’années », relèvent les auteurs. C’est l’une des seules certitudes. « Chacune d’entre nous constate une hausse des consultations pour la préservation de la fertilité [NDLR : les traitements hormonaux et chirurgicaux peuvent induire une perte de fertilité temporaire ou définitive] depuis quelques années », confirme le Dr Anne Mayeur, praticien hospitalier au service de biologie de la reproduction de l’hôpital Antoine Béclère (AP-HP), interrogée avec ses homologues Sophie Brouillet et Bérangère Ducrocq, des CHU de Montpellier et de Lille. Dans la capitale, le nombre de demandes de consultations pour transidentités en endocrinologie pédiatrique est passé de 13 par an en 2015 à 65 en 2021, selon une enquête de la revue