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Love Hotel
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Ebook240 pages4 hours

Love Hotel

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About this ebook

Elle et lui semblent tombés du ciel. Comme si tout se passait autre part, enfermés dans ce love hotel, ils refont, encore et encore, les mêmes gestes (d'amour ? de transaction commerciale ?).

Ce "roman", à l'image du monde d'aujourd'hui, non-linéaire, ambigu et malade d'une répétition/variation fébrile, raconte une rencontre impossible et tragique entre deux êtres.

Malgré son style déconcertant, il nous fait réfléchir aux travers d'une société, le Japon, en apparence si correcte.

À lire comme un mauvais trip ou un pamphlet.

LanguageFrançais
PublisherSerge Cassini
Release dateJan 27, 2013
ISBN9781301339808
Love Hotel
Author

Serge Cassini

Serge Cassini habite à Tokyo avec sa famille. Il n’a toujours pas été kidnappé par des extraterrestres, ce qui le réjouit et l’attriste à égalité. En attendant, il raconte des histoires bizarres pour le plaisir de tous.

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    Love Hotel - Serge Cassini

    Love hôtel

    Serge Cassini

    On ne peut trouver cette hôtel sans un plan. Ce n'est pas forcément le plan du quartier où on habite. Forcément on habite l'appartement d'un autre. Il faut un plan. On ne se rase plus. L'appartement des autres pourtant comporte plusieurs pièces. Sur le plan, il y a la place pour s'asseoir. On se rase pour un autre. Le bruit de l'autre est concentré dans un périmètre bien déterminé. Il a pourtant fallu un plan pour construire ce love hôtel. L’hôtel Fixland. La jeune fille n'embrasse que de l'ancien et de l'unique, du bout des lèvres, avec un bruit qu'un autre possède. Quel bon plan : la jeune fille habite dans l'organique de l'autre qui paye comptant. Elle s'en contente ! La chambre d'un autre est assez invivable quand celui-ci est un client comme un autre, unique, rasé comme un ancien. Soudain sur l'homme il y a juste la place pour s'asseoir à califourchon. Sur la Lune, il n'y a donc que des caves froides comme cet hôtel ? Entre les maigres cuisses masculines, l'objet sexuel n'est plus visible. Ce n'est pas indiqué sur le plan mais, sous les enluminures de la jeunesse, les ongles sont déjà fatigués. La jeune fille, comme l'économie, ne pense pas : elle pense économiquement. Quémande-t-elle autre chose ? Des expressions faciales impliquant imitation et innovation ? La démographie raréfie la jeune fille, c'est pour ça qu'elle se rase le pubis. On tire plus de plaisir à se faire masturber qu'à se masturber. Lisez tranquillement les mains dans la tête. Elle sait une chose : elle ne veut pas habiter la nuit croupie et caoutchouteuse et vivre comme une femme aux mamelles en forme de piments flétris. Demain il sera trop tard. Vu de la Lune, on ne choisit ni le traître ni le maître. La vie n'est pas ce qu’elle croit. Ce qu'elle fait dans cet hôtel est dégoûtant : elle enlève une à une les tuiles du toit pour laisser passer les rêves d’un autre. Dans le cadre d'une chambre de love hôtel, un cadre sûrement âgé (l'homme !) et une jeune fille. Puisque c'est en répétant encore et encore et encore que l'on peut désosser les images d’un cauchemar.

    Le grand patron est dans le love hôtel. L'appareil génital de son cœur connaît par cœur la comptabilité américaine et le cœur de la jeune fille – c'est écrit sur son profil, avec le sang dans tous les magazines. Sinon qui ferait vivre la famille, cet embryon de nation ? L'homme au réveil crée un monde possible et suffisant : encore faut-il l'argent suffisant pour y vivre. Libre à vous de rester sur le bord de la route. Non, le grand patron du luxe est aussi un écrivain. Parmi les honnêtes gens de son entourage, il y a surtout sa femme qui incarne l'insignifiance mondaine. N'en parlons plus. Il a de nombreux amis qui partagent les mêmes secrets sur l'économie de marché à la sauce européenne. L'homme agit en diplomate du capital et peut s'organiser selon les parties fines du corps de la fille. Les célibataires de plus de vingt ans ne l'intéressent pas, elles acceptent gentiment de se faire mettre un doigt quand le stress gagne notre grand patron. C'est un baron de l’industrie du luxe – mais avant tout un écrivain dans des nuits mémorables d'insomnies littéraires, passées dans les love hôtels où résonnent les derniers cris de la civilisation européenne. Moi j'écris un roman entier toutes les nuits dans un love hôtel, dit-il. Et le matin l'homme retrouve son équipe autour de la grande table de réunion du bureau-paquebot qui fend l'océan du luxe qui ne demande qu'à être fendu et ne dort jamais.

    Autant faire disparaître une famille entière dans le trou d’un love hôtel, dit l'homme. Au cours d'une nuit littéraire, écrit-il, il a croisé une très jeune fille moulée dans une combinaison dernier cri. Est-ce que ses parents ne lui ont pas expliqué qu'il était dangereux de traîner sa chair dans ce genre de lieu malsain ? Lui, ne laisserait jamais sa fille Aramance en arriver là. Il ne sait pas que la jeune fille s'appelle Saya et que c'est l'amie de sa fille. Lorsque sa nuit littéraire s'achève, écrit-il, il est toujours en proie à des pulsions violentes pendant lesquelles il s'imagine enfoncer une cigarette jusqu'au cerveau dans l'œil d'un inconnu. Lui ne s'occupe pas de ses deux seins jumeaux. La jeune fille ne comprend pas ce qu’il écrit : du moment qu’il paye. Sa femme, il l’a enfermée dans le salon sans meuble. La télé le remplace. Dans la chambre, l'homme et la jeune fille ne se regardent pas. Ils regardent quelques fils dénudés et toute l'électricité du monde – qui n'est pas gratuite. Il y a une cartographie sur la peau de la jeune fille. Le désir est briseur de machine : l'amour pour des objets non-consentants. Toute une cartographie pour l'aventurier qui cherche la cerise sur le gâteau. Il est commun de vouloir que quelqu'un vous pousse au moment où passe le train. Service rendu, marque d'affection. Son esprit est une muqueuse amoureuse qui capte le moindre bruit. Le Japon est un pays qui coule, appartenant à un ensemble plus vaste de pays. Traces futurologiques des sous-vêtements de luxe sur la peau de la jeune fille. N'a-t-il pas payé pour donner en passant des coups de poing qui lui ressemblent ? N'a-t-il pas payé de sa personne pour qu'une jeune fille sans crier gare lui flanque un bon coup de pied dans les couilles ? Quel euphémisme que son existence ! Et combien il s'en délecte de ce trouble qui est encore enseigné à la télévision nippone. Dans l'esprit des attardés, le signifiant renvoie à un autre signifiant, à l'infini. Il n'est pas rare de ne recevoir aucune carte de Noël au moment de l'orgasme.

    Vu son statut de grand baron de l'industrie du luxe, l'homme pourrait se permettre d'être gros, mais il ne l'est pas en raison de son manque de sommeil et de son ambition secrète. Les pulsions violentes mènent au meurtre ou à la littérature. La nuit, sur les caméras des love hôtels, l'homme apparaît tel le fantôme d'un médecin légiste cherchant des clients. Mais en vérité sa personnalité s'exprime mieux le jour dans la grande salle de réunion, quand il décortique des tableaux de comptabilité américaine. C'est son vrai visage qui accorde des investissements colossaux. Aux yeux de tous, il est courageux à la tâche, dur en affaires, raffiné, très cultivé jusqu'à la perversion. Aucune sonate ne lui échappe. Comme à Longchamp, la jeune fille porte casaque Chanel, invisible du vain peuple. Elle défend l'écurie paternaliste. On peut la pénétrer comme une chambre de love hôtel, par des portes. Casaque ancestrale ! Si elle est cooptée, c'est par alcoolisme et les prélats de la discrétion. Leurs disputes de table plantent souvent les pronostiqueurs. Insecte acculturé qui cherche la reconnaissance du ventre chaud. On meurt là où on consomme, c'est plus sûr. Ce ne sont pas ces deux-là qui crèveraient pour des idées de gauche. Cette petite robe nictitante est une réussite : elle est fatale ! Les meilleurs derbys se déroulent dans les forêts profondes.

    La jeune fille aussi est très cultivée : elle note toutes les dépenses de la famille. L'homme accueille la jeune fille comme une cousine, depuis six mois. Son intelligence des placements lui permet de vivre de rencontres. Il explique ses projets à la jeune fille et elle accepte de coucher avec lui, faisant un emprunt d’argent à investir dans des projets faramineux le week-end. Elle le trouve touchant et maladroit dans son génie. Elle lui transfère de l'affection froide et il lui transfère du sperme de génie. La famille s'en mord les doigts. Il y a une douleur muette à être vertueux, prude, garce, frigide, pense l'épouse de l'homme. Sa femme, dans l’enfance, fait du piano, du volley. Elle passe devant les boutiques de luxe, un love hôtel où l’on accepte d'être pénétré, vite relié par des pinces crocodiles au système électrique du monde. L'homme est tellement heureux de tenir en joue une créature matérielle. La vie qu'elle apporte sur un plateau est indélébile. C'est dans les fêtes populaires qu'on fait les meilleurs repas. La jeune fille permet d'assigner un lieu fixe aux âmes errantes : banqueroute alter-égoïste. Il puise en elle – et y fait courir – la volonté de vivre, comme le romantisme remet au goût du jour les histoires macabres du Moyen Âge. Sans doute, son esprit ne survit pas à la perte du corps matériel mais il dispose alors d'un autre corps appelé la jeune fille. La jeune fille-ectoplasme est créditée dans les conditions d'observation de l'époque : hantise créditrice du luxe mondialisée. Les sciences en général ne reconnaissent pas l'existence de la jeune fille ici évoquée, faute de preuve convaincante. Les techniques de vente modernes (infrarouges) semblent avoir décimé les jeune filles à la fin du XXe siècle. Prise en flagrant délit de décrépitude, ayant recours aux trucages du maquillage à plusieurs reprises au cours de sa carrière : on peut désormais être très réservé quant à sa réalité. Sans pour autant nier sa réalité psychique. Les manifestations de jeune filles sont précieuses pour la science. 25 % des pères de famille en rencontrent une, intimement, au moins une fois par semaine dans leur vie de love hôtel. Les appareils photos numériques ne sont pas exempts de ce genre de clichés. Le scénario est invariable et se retrouve sur les cinq continents : la jeune fille est prise à bord d'un hôtel par un grand patron seul ou non seul. D'abord silencieuse, elle fait ensuite une vague prophétie (« l'hiver sera froid ») et disparaît sur le seuil. Caméra de surveillance : elle monte un bel escalier, émet des bruits inexplicables, habillée en aviateur, puis c'est le salon de thé avec son couloir lambrissé, son odeur extraordinaire et son singe assassiné.

    Au Japon, si un homme est pénétré par un plus riche et plus âgé, c'est bon : de telles gens habituellement on reçoit. Si c'est par un plus jeune et qui soit pauvre, c'est mauvais : car à de telles gens habituellement on donne part de ce qu'on a. Le pire est si celui qui pénètre est plus âgé et pauvre. La croupe attifée, détachée du tronc paternel, la jeune fille va. Elle est proche du Sensual Toy, qui se commande à distance grâce à une télécommande. Si des kilomètres les séparent, il n’existe désormais plus aucune limite au plaisir. Au restaurant de l’hôtel, elle peut actionner sa télécommande discrètement et faire vibrer le plaisir qui est en vous. Hélas ! La distance vous empêche de vous adonner au plaisir. Que vous soyez éloignés de quelques kilomètres ou de milliers de millimètres, il n’existe aucun remède à votre solitude. Si la distance est plus grande, du style Terre-Lune, dit l'homme, et que le désir est trop fort et que vous n’en pouvez plus et que rien ne télécommande votre solitude et que rien ne peut vous faire chavirer de plaisir, vous êtes, pour la jeune fille, un Sensual Toy, seul, à l’autre bout du monde. La jeune fille, pense l'homme, a quelque chose de particulier, elle a dû subir une trépanation avant sa naissance. Sa femme a d'ailleurs subi (à ses frais) une opération de chirurgie esthétique tendant à la faire ressembler à une Hollandaise. Mais la jeune fille est différente. Ralenti : il lui demande si par hasard elle n'aurait pas subi de trépanation avant sa naissance. La jeune fille dit oui à la vie. Elle dit qu'elle aimerait posséder un jour un iguane ou une moto Yamaha Drag Star 1100. L'homme est très curieux de la coïncidence : combien d'hommes mûrs, riches, dans le monde trépané par l’économie croisent dans un love hôtel une jeune fille aussi oui à la vie ? Elle ne pourrait pas représenter sa marque pour la collections printemps-été mais elle est baisable. Elle dit que son père est un homme occupé, elle ne le voit presque jamais. Mais alors où tu vis ? Je rends de petits services, dit-elle.

    Au Japon le courant est continu :110 volts. La différence avec l'alternatif est l’excitation deux à trois fois plus élevée des muscles qui composent le corps humain. Il n’y a aucun risque d’électrocution. Le choc est inconscient. Les grands magasins sont aussi branchés sur du 110 volts en continu. L’inconscient est un grand magasin des solutions. Un courant continu japonais dans le corps humain de la jeune fille fait naître des idées dans l’esprit de celui qui le reçoit. Si un être humain reçoit un courant continu japonais régulièrement c’est qu’il le mérite. Il l’a bien cherché. Le courant ne donne pas ses idées toutes faites, il laisse les idées naître dans l’accumulateur humain. Le courant continu peut provoquer en outre des brûlures. Il fait naître des brûlures chez celui ou celle qui l’a bien mérité. La jeune fille n’est pas la seule à ne pouvoir dire le contraire. Le discours écrit par l'homme dans son prochain roman d’insomnie, ne peut, en effet, rendre compte des pauses, des sourires, des regards perçants dont la jeune fille ponctue ses narrations, pas plus que ne peut s'écrire sa maîtrise de la voix et du timbre. Car le luxe est enfant résilient, il fait comprendre à l'homme qu'il n'a pas vraiment besoin la nuit de rentrer chez lui dans sa villa sur les hauteurs de Denenchofu. Sa femme hante le jardin car tous les soirs elle l'attend dans sa villa de Denenchofu qui recèle une magnifique bibliothèque en bois précieux dans laquelle de grands livres reliés montrent des sexes énormes et réalistes. On connaît le goût des hommes d’exception pour l'art. C'est sa femme qui achète tout cela chez des antiquaires en espérant que cela fera revenir un jour son mari. Cela fait plusieurs années qu’il ne rentre plus. Il fait des allers-retours boutique de Ginza-love hôtel et ne pense pas à sa famille. Sa famille c'est la littérature. Les millions accumulés ne sont rien en regard de la renommée de l'écrivain qui obtient un prix. Il compte bien inscrire la mention « écrivain » à sa carte de visite et obtenir un prix littéraire japonais. La Nature accouche d'un génie qui a besoin de love hôtel pour accoucher de livres. Pendant ce temps, le reste de l'humanité vomit des rêves gris dans le train circulaire de la ligne Yamanote.

    Les jeune filles reçoivent des décharges électriques dans plus de 50 % des cas et finissent par accepter des rapports subventionnés avec des hommes de l'âge de votre père. Le processus d'apprentissage atteint de manière soudaine un point critique, les jeunes filles présentent pendant longtemps une aversion marquée pour le rapport subventionné. Le rapport subventionné est un passage illuminé, vers le cerveau accompli de la clientèle idéale. Les jeunes filles hésitent fréquemment devant ce passage illuminé. Elles sont devant l'homme de l'âge de votre père, dans un love hôtel, qui se trouve à tous les coins de rues de Tokyo et dans toutes les têtes. Elles hésitent. C'est là que la police scientifique intervient, dans plus de 50 % des cas. Les jeunes filles doivent recevoir des décharges électriques. D'où la luminosité permanente dans la ville de Tokyo, visible de la Lune. Sous l'impact des décharges électriques, les jeunes filles font demi-tour et empruntent le passage illuminé avec une précipitation désespérée mais n'ayant pas saisi la simple relation de corrélation constante entre la luminosité et la décharge, elles continuent à emprunter le passage illuminé aussi souvent, ou presque aussi souvent, que le passage non-illuminé. Enfin la jeune fille en arrive à un point de son entraînement où elle se détourne résolument de la luminosité et cherche le passage obscur et s'y engage tranquillement. D'où le trottinement de la jeune fille. À ce stade, aucune jeune fille ne commet plus l'erreur d'emprunter le passage illuminé, ou seulement en des occasions exceptionnelles. L'amour au Japon provient de l’électrocution systématique – à l'échelle mondiale – des jeunes filles. C'est la raison pour laquelle le Japon interdit tout ce qui subvertit le pouvoir d'état, tout ce qui sabote l'unité nationale, tout ce qui incite à la haine, tout ce qui incite à la division ethnique, tout ce qui promeut les cultes, tout ce qui a un contenu pornographique, tout ce qui a un contenu obscène, tout ce qui est violent, tout ce qui est terroriste et japonais. Ou sinon le Japon conçoit en secret des plans d'arme sismique, d'invasion humanitaire, de labyrinthe électrifié, de parfum pour riches à base de sueur de pauvres, de mausolée lunaire, de pornographie du futur. Ce qui intéresse vraiment les jeunes filles, c'est la pornographie du futur. La pornographie du futur est une pornographie pour le futur, qui n'existe donc ni dans le passé ni dans le présent, mais qui existe dans le futur, pour le futur. Une pornographie joyeuse et libre, téléportée d'un love hôtel du futur comme on en trouve à tous les coins de rues du futur et dans les têtes. Cela n'a rien à voir, rappelons-le, avec la pornographie du présent. On montre des films secrets et éducatifs aux jeunes filles, dans lesquels une jeune fille extraterrestre est téléportée sur la terre pour conclure un contrat dans un love hôtel à propos d’un film en hommage à Hans-Jürgen Syberberg. Amour intersidéral d'une jeune pour une autre jeune fille (l'homme !), et on voit bien que l'homme a d’autres champs magnétiques à fouetter.

    L'homme a des yeux en forme de trappe, dans laquelle la jeune fille tombe. Dans le love hôtel, l'homme écrit son prochain roman car il a promis à tous ses amis et collaborateurs qu'il écrirait désormais un livre par an comme tout écrivain qui se respecte. Il ne tolère aucun écart de conduite de la part des autres : dans sa boutique de Ginza, il a un jour surpris une employée oublier de signaler dans les temps une infime brisure dans le bois d'un meuble bas. Que diront les clients ? Il lui aurait coupé un doigt sans instrument. Il lui aurait fait avaler une boîte d’épingles contaminées. Elle a simplement été licenciée, et il s'occupe personnellement à ce qu'elle ne puisse pas retrouver un boulot de si tôt. Le contact de l'homme mûr mêlé de fleurs luxueuses est revigorant – la jeune fille aura tellement d'anecdotes à raconter à son amie Aramance en faisant les boutiques ! Rien ne dit que l'amour de la jeune fille ne la poussera un jour à fouiller les poches du grand patron. Elle pense que c'est un écrivain comme un autre. Elle est un peu dégoûtée par ça, elle préfèrerait qu'il soit un homme d'affaires comme tout le monde, se saignant et la saignant pour qu'elle s'achète ce qu'elle veut quand elle veut en échange d'une jouissance de teckel.

    Parce que le Japon est un pays à la culture forte, c'est un pays qui crée de la culture pour les cerveaux, comme Chanel crée de la culture pour les cerveaux, en ce sens c'est un laboratoire qui remet dans le droit chemin les Japonais, comme l'a bien montré l'homme dans son prochain roman : «Les Japonais n'ont aucune putain d'imagination », dit-il. Il dit : « Les Japonais sont plus idiots qu'un cœur de porc dans un bocal. Plus idiots que la réalité. Le biopouvoir japonais (filiale de Réalité©) sait créer de la culture pour les cerveaux japonais avec presque rien. Au Japon, les mères sont confisquées aux enfants pour tourner dans des films pornos, afin de mieux éduquer leurs gosses et faire baisser le taux de natalité qui chute vertigineusement. C'est pour cela que le Japon confisque très tôt les mères aux enfants et que les enfants japonais, c'est-à-dire tous les Japonais, ne savent pas regarder en face, et leurs regards fuyants et leurs regards obliques leur confisquent leur imagination. Privés de mère et d'imagination, ils se réfugient dans la paraphilie. Mais l'État super-héros est là pour redresser la barre, taper sur les crânes, c'est le clou du spectacle. Tout le pays de toute façon est au chevet d'une mère aveugle. Le Japon est une nef des fous pour le Japonais moyen. Dans les rues, on entend souvent de drôles d'histoires de folie et d'accouchements. Le petit Japonais au regard oblique demande à sa mère absente : ‘Qu'est-ce que ça a été de m'accoucher ?’ Alors la mère jeune fille absente répond : ‘Le plus bel inceste social qui me soit arrivé.’ C'est prouvé, le cerveau des Japonais ne fonctionne pas comme le cerveau des non-Japonais. C'est prouvé, il n'y qu'à la naissance qu'on peut contempler les dieux qui ont présidé à notre fin. Le petit Japonais perdu dans le train de la ligne Yamanote dit : je ne sais pas comment le monde arrive, en tout cas il est sur la bonne voie. Les médecins sont formels, les technologies ne se trompent pas. L'image est claire et les chiffres purs. Le Japonais, le soir, finit par s'endormir, dans le ventre du Japon. On l’attachera au lit, dans le train de la ligne Yamanote, les machines indiquent la direction. Il a une veilleuse dans le cerveau. » Mais la jeune fille est déjà loin du Japon : elle est dans le love hôtel. Quand on meurt comme je meurs, on ne reste pas en place, on ne reste pas assis à un bureau, avec une tête d'ahuri, qui essaye de ressembler au grand méchant loup. C'est en faisant parfaitement son boulot qu'on réussit si bien à ne pas exister, c'est bon, vous pouvez y aller et bon séjour quand même.

    Dans l'hôtel, la jeune fille est sexomancienne de mère en fille, c'est tellement logique. La société jeune fille est si logique que le circuit de la récompense sociale semble passer par un vagin abstrait. La société jeune fille est si logique qu'elle semble être un quartier de viande corseté jeté

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