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Ce livre comporte 49 sermons, ou prônes comme on le disait à l'époque, prononcés entre 1839 et 1859 sur des sujets divers ; il comporte également trois histoires pour les enfants du catéchisme, ainsi qu'une dizaine de petits textes, plutôt des brouillons, qui traitent de sujets religieux. Sous le nom "sermons", vous trouvez ici 49 textes différenciés dans leur titre par un numéro qui ne précise pas leur contenu ; vous trouverez ensuite 3 histoires pour les enfants du catéchisme et enfin 10 petits textes.
On trouve dans cette partie 49 fichiers qui sont autant d'homélies prononcées à diverses occasions depuis 1839 jusqu'en 1859 (numérotées de 1 à 49). Toutes ne sont pas datées par l'auteur (à peu près la moitié), et elles sont classées pour la plupart selon l'ordre où on les trouve aux archives dans deux volumes reliés où elles sont gardées. Les 22 premières datent de la période où le jeune abbé de Brésillac était vicaire à Castelnaudary (1838-1841). Pour la plupart des autres, il est difficile d'avancer une date, sauf pour Sermon 23, le sermon en tamil, du 17 janvier 1843, les sermons où il est question de la SMA, comme Sermon 36, qui sont d'entre 1856 et 1859 et Sermon 49 qui est daté de février 1849

LanguageFrançais
Release dateDec 18, 2014
ISBN9781311936035
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    Sermons - Melchior de Marion Brésillac

    Sous le nom sermons, vous trouvez ici 49 textes différenciés dans leur titre par un numéro qui ne précise pas leur contenu ; vous touverez ensuite 3 histoires pour les enfants du catéchisme et enfin 10 petits textes.

    1 Les Prônes, homélies ou sermons (sermons 1 à 49)

    On trouve dans cette partie 49 fichiers qui sont autant d'homélies prononcées à diverses occasions depuis 1839 jusqu'en 1859 (numérotées de 1 à 49). Toutes ne sont pas datées par l'auteur (à peu près la moitié), et elles sont classées pour la plupart selon l'ordre où on les trouve aux archives dans deux volumes reliés où elles sont gardées. Les 22 premières datent de la période où le jeune abbé de Brésillac était vicaire à Castelnaudary (1838-1841). Pour la plupart des autres, il est difficile d'avancer une date, sauf pour Sermon 23, le sermon en tamil, du 17 janvier 1843, les sermons où il est question de la SMA, comme Sermon 36, qui sont d'entre 1856 et 1859 et Sermon 49 qui est daté de février 1849

    A signaler tout particulièrement dans cette partie le sermon 46 et le sermon 47 qui sont le sermon que devait donner Mgr de Brésillac lors de ses prédications dans les diocèses de France (les deux étant très voisins l'un de l'autre) et le sermon 48 sur la puissance de Marie pour régénérer la France, dont nous n'avons le texte que parce qu'il a été publié en 1855, avec l'octave de 1854, à la fin du volume.

    Le sermon 49, découvert en 2007, a été publié dans les Annales de la Sainte Enfance, et donné le 13 janvier 1859, lors de l'assemblée annuelle du Conseil diocésain, sous le titre : Un Dieu, une foi, un baptême.

    2 Trois histoires pour les enfants d'un catéchisme

    Ces trois fichiers sont numérotés de 80 à 82, pour bien les différencier des vrais sermons. On peut penser raisonnablement qu'ils datent de la période de Castelnaudary, 1838-1841, et on notera surtout dans le sermon 81, et encore plus dans le sermon 82, tout ce que l'appartenance de la famille de Brésillac à l'ancienne noblesse française a laissé comme influence dans l'esprit du jeune Melchior, quand il décrit les châteaux, les pièces, les décors, les tentures, les étoffes, le luxe..., autant de choses qu'il n'a pas vu dans sa propre famille, mais dont peut-être il a beaucoup entendu parler.

    3. 10 petits textes

    Ils sont numérotés de 90 à 99 et ne méritent pas d'être appelés sermons, mais ils sont dans ce répertoire uniquement parce qu'ils traitent d'un sujet religieux: Marie, l'humilité, l'Eucharistie. Ils dépassent à peine la longueur d'une page et sont plutôt des brouillons ou des idées jetées sur le papier.

    ___________________

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    Sermon 01

    Manuscrit Brésillac, 2F9, p 1-8

    EXORDE

    Vous venez entendre, mes très chers frères, ce qui fait le bonheur de l'homme. Ce n'est pas la grandeur, ce n'est pas même son élévation dans l'ordre de la grâce ; mais plutôt sa fidélité à écouter la parole de Dieu et à la mettre en pratique. Voilà pourquoi le démon, qui est le souverain ennemi de l'homme, fait tous ses efforts pour mettre quelque obstacle à cette pratique, et lorsqu'il ne peut pas parvenir à vous empêcher de venir entendre la parole de Dieu, il s'empare quelquefois de vos âmes et vous tient liés comme le muet dont il est parlé dans notre évangile.

    Les Pères de l'Eglise ont souvent appliqué ce passage à ceux à qui le démon tient la langue liée pour les empêcher d'aller faire l'humble aveu de leurs fautes, lorsque le temps en est venu. Et si nous remarquons que saint Mathieu nous apprend que le muet dont nous parle saint Luc était encore sourd caecus et mutus (Mt 12,22), nous lui trouverons peut-être encore une plus grande ressemblance avec notre état.

    Car non seulement nous n'avons pas toujours le courage d'accuser nos péchés, mais nous ne savons pas même les voir, nous ne savons pas nous trouver coupables, et voilà pourquoi je me propose, dans cet entretien familier, de vous parler un peu de la manière dont nous devons faire notre examen de conscience, après avoir dit quelques mots du sacrement de pénitence.

    QUELQUES MOTS SUR L'EXAMEN DE CONSCIENCE (1)

    Peccavimus, iniquitatem fecimus, impie egimus, et recessimus, et declinavimus a mandatis tuis ac judiciis (Dan 9,5). Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons fait des actions impies, nous nous sommes retirés de vous et nous nous sommes éloignés de la voie de vos préceptes et de vos ordonnances.

    ___________________

    Quel est celui d'entre nous, mes frères, qui ne peut pas se rendre à lui-même le triste témoignage que ces paroles expriment ? Quel est celui de nous qui ne peut pas, et qui ne doit pas se dire : j'ai péché, j'ai outragé mon Dieu, j'ai violé ses préceptes ? Mais c'est surtout avant que de nous présenter au tribunal sacré, avant que d'aller le dire au prêtre, que nous devons nous l'être répété à nous-mêmes dans l'amertume de notre cœur.

    Ne serait-il pas téméraire de nous présenter devant le Seigneur tout couverts de nos iniquités, sans être rentrés en nous-mêmes, sans avoir essayé de nous reconnaître, sans avoir fait nul discernement de nos fautes, et sans en avoir déjà demandé à Dieu le pardon en secret ? La confession demande donc une préparation ? Oui, mes frères, et c'est de la préparation prochaine à la confession que je me propose de vous entretenir un instant, dans ce discours familier. J'entre tout de suite en matière, parce que le temps que je me suis fixé est très court.

    Dans l'ordre admirable que la miséricorde de Dieu a établi pour la sanctification des hommes, notre divin rédempteur a voulu que nous coopérassions, autant qu'il est en nous, à la grâce qu'il nous donne gratuitement. Dieu nous a créés sans nous, dit un Père de l'Eglise, mais il ne nous sauvera pas sans nous (Aug). Un des moyens de salut les plus étonnants sans doute, une des sources les plus abondantes de grâce, c'est le sacrement de pénitence.

    Que l'homme tombé non pas une fois, mais des milliers de fois, que l'homme ingrat, rebelle, relaps, trouve tous les jours un moyen sûr et facile de rentrer dans les bonnes grâces de Dieu, qu'il ne dépende pour ainsi dire que de la volonté du pécheur de recouvrer l'amour d'un Dieu outragé, c'est là, mes frères, un excès de bonté divine qui devrait nous rendre immobiles de reconnaissance et d'admiration.

    Mais ici, comme dans toutes les autres inventions de son amour, Dieu n'agit pas seul ; il veut que nos faibles efforts viennent se joindre à sa libéralité toute-puissante et lui prouvent notre retour sincère. Il faut donc que nous fassions tout ce qui est en nous, et peut-être sommes-nous de ce côté bien négligents et bien coupables. Une confession exacte est plus rare qu'on ne le pense. C'est une affaire sérieuse et des plus sérieuses qu'une confession, et souvent elle est traitée bien à la légère. Voyons donc ce que nous avons à faire pour retirer de cette salutaire démarche tout le fruit que nous pouvons en attendre.

    Pour cela, j'ouvre le catéchisme. J'y lis que cinq choses sont principalement requises pour recevoir avec fruit le sacrement de pénitence : Examiner sa conscience, avoir une grande douleur d'avoir offensé Dieu, faire un ferme propos de ne plus pécher, confesser tous ses péchés à un prêtre approuvé, satisfaire à Dieu et au prochain.

    J'admets la confession en principe, j'en suppose la nécessité, la divinité démontrées. Elle l'est d'ailleurs à ceux (à) qui je m'adresse, et à peu près à tout le monde. Je sais bien qu'il y a des personnes qui disent que la confession est une invention humaine, mais je sais aussi qu'ils ne le croient pas. Non, mes frères, il n'est pas un chrétien, pour si ignorant qu'il soit, qui ajoute sérieusement foi à cette grande impiété.

    Cherchons ailleurs la cause de leur funeste nonchalance. Cherchons-en la cause dans leurs passions, dans leur état, dans la disposition du cœur. Ils savent bien qu'il faut se confesser, mais ils ont un penchant criminel qui les entraîne et il faudrait le quitter ; ils ont un bien mal acquis qu'il faudrait restituer ; ils ont contracté des obligations graves envers telle et telle personne qu'ils ont déshonorée, qu'ils ont dépouillée, qu'ils ont offensée, et il faudrait s'en acquitter.

    Que faire alors ? On cherche à s'étourdir soi-même, et à se tromper, en disant que la confession est une chose vaine, inutile, d'invention humaine. Voilà l'explication des blasphèmes que nous entendons tous les jours. Mon dessein n'est pas au reste de vous démontrer aujourd'hui la nécessité de la confession, je veux seulement vous apprendre à vous y bien disposer.

    Quant à la satisfaction, nous aurions encore trop à dire, mes frères, pour nous y arrêter dans cette occasion ; d'ailleurs elle suit plutôt qu'elle ne précède la confession. Je me contenterai donc de vous dire avec saint Augustin que le péché ne serait remis si l'on ne répare point ses torts. Non remittitur a peccatum nisi restituatur ablatum (Aug).

    Ajoutons seulement, pour la consolation de ceux qui ne peuvent pas satisfaire à leurs obligations, que leur bonne volonté suffira devant Dieu si elles (s'ils) se mettent dans la disposition d'y satisfaire au plus tôt, et le mieux qu'il leur sera possible. La contrition et le bon propos feront le sujet d'une autre conférence si le bon Dieu m'accorde de vous adresser encore la parole une fois dans la semaine ; arrêtons-nous donc seulement aujourd'hui à l'examen qui doit précéder la confession.

    Partons d'un principe fixe et certain ; et pour établir des bornes solides que ne doivent dépasser ni une conscience relâchée qui trouve tout facile et qui se perd dans son imprudence, ni une conscience scrupuleuse qui fait mal si souvent pour croire toujours mal faire, voyons ce que dit le saint concile de Trente sur l'intégrité de la confession.

    Après s'être expliqué plus au long dans le chapitre 5ème de la 14ème session, il se résume ainsi dans le canon 7ème : Si quelqu'un dit que, pour recevoir le pardon de ses péchés dans le sacrement de pénitence, il n'est pas nécessaire, d'institution divine, de confesser tous ses péchés mortels, et chaque péché mortel, dont on se souvient après un examen exact et suffisant, [...] avec les circonstances qui changent la nature du péché, [...] qu'il soit anathème.

    On doit donc accuser tous ses péchés mortels, avec les circonstances qui en changent l'espèce, omnia et singula peccata mortalia, et circumstancias quae peccati speciem mutant, et même les circonstances aggravantes, comme c'est l'opinion la plus probable et la plus commune parmi les théologiens, ce qui suppose une recherche exacte et qui mérite toute l'attention qu'on est capable de donner à une affaire importante.

    D'un autre côté, le concile, que l'Esprit Saint faisait parler, n'exige pas toujours une intégrité matérielle, impossible quelquefois, et quelquefois dangereuse ; il se contente des péchés dont on a le souvenir après une recherche convenable : quorum memoria cum debita et diligenti praemeditatione habentur. Et voilà ce qui doit rassurer ces âmes timides qui craignent là où il n'y a point à craindre, comme dit le prophète, et qui s'exposent à déplaire au Seigneur par leurs ridicules minuties.

    Si j'en avais le temps, je dirais aux personnes qui ont le bonheur de se confesser souvent, que leur examen doit être court, il suffit pour elles de jeter rapidement les yeux sur le peu de jours qui séparent leur confession de la confession précédente, de voir si elles ont plus ou moins résisté, plus ou moins succombé aux habitudes vicieuses qui les retardent dans leur avancement spirituel, de reconnaître quelques-unes des faiblesses journalières qui leur échappent et de s'en humilier ; mais comme, dans tout cela, il n'y a pas de péchés mortels, elles doivent être sans inquiétude, sans gêne, ne pas se troubler si quelque chose échappe à leur mémoire et employer bien plus de temps à se confondre en la présence de Dieu, à se mépriser à la vue de leur misère, qui reste quelquefois la même pendant des années entières, quand Dieu les comble de sa grâce, dans une foule de sacrements qui devraient chacun porter leur fruit.

    Je leur dirais de craindre, non pas d'oublier une bagatelle, mais de ne pas répondre aux vues miséricordieuses de Dieu qui les appelle peut-être à la perfection, quand elles se traînent avec peine sur le chemin d'une vertu commune. Je leur dirais de craindre de tomber si elles sont infidèles aux faveurs spéciales dont les prévient la grâce, et du point d'élévation où elles se trouvent de faire une chute irréparable. Je leur dirais même de craindre raisonnablement, mais sans trouble, de n'être pas en grâce avec Dieu, car personne ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, dit l'Esprit Saint, et de s'humilier à cette pensée.

    Voilà dans quelles dispositions je voudrais que ces âmes fidèles se livrassent à l'examen des fautes de chaque jour. Je ne leur en dis pas davantage, parce que ces personnes, d'ailleurs pieuses et conduites par des directeurs éclairés, trouveront dans leurs lectures, dans leurs méditations, et dans les conseils de leur père spirituel, des moyens assurés pour savoir, autant qu'on le peut sur la terre, qu'elles ont apporté au sacrement les dispositions requises.

    J'arrive donc à l'examen de ceux qui n'ont pas à craindre une trop grande recherche. Ceux-ci sont plus nombreux, mes frères. Combien en voit-on qui ne savent comment s'y prendre, pour se retrouver dans le désordre dont elles ont embarrassé leur conscience ? Quelquefois, même, les ténèbres du péché les enveloppent si fort qu'ils n'aperçoivent presque pas de fautes dans une conscience chargée de crimes. Et cela n'est pas étonnant, mes frères, car l'âme du pécheur pourrait être comparée à une chambre où le jour ne pénétrerait point.

    Supposons que toutes sortes d'ordures couvrent les murs intérieurs de cet appartement, mais on ne les aperçoit point, l'obscurité seule nous frappe ; et voilà le pécheur à qui vous avez entendu dire : moi, je ne tue personne, je ne vole pas, qu'ai-je à me reprocher ? Je ne vais pas me confesser, il est vrai, mais qu'aurais-je à dire ? Pauvres aveugles, laissez un rayon de lumière, laissez-le pénétrer jusqu'au centre de votre cœur.

    Que vois-je ? Des sacrilèges, des parjures, des blasphèmes ! Ouvrez encore, mais je vois tout plein d'injustices, d'usures palliées, de vols manifestes ; je vois l'adultère, les impudicités, l'ivrognerie, l'homicide ! Ouvrez encore, alors paraissent l'ambition, l'orgueil avec sa suite infernale, l'avarice avec toutes ses cruautés, l'envie avec ses trames et ses noirceurs, la gourmandise et ses folles dépenses, que sais-je ?

    C'est affreux, vous vous faites horreur à vous-mêmes, ce sont crimes sur crimes. Que serait-ce si, laissant toute la clarté du jour entrer dans votre âme, vous aperceviez tant de mauvaises pensées, tant de mauvais désirs, tant de mauvaises dispositions du cœur, que vous ne soupçonnez pas même aujourd'hui et qui deviendront le sujet de larmes alors amères, à proportion que la grâce vous éclairera davantage.

    Ce n'est donc plus faute de crimes que votre confession va devenir difficile, je crains plutôt que la surabondance de matière ne vous décourage et ne vous couvre d'une honte trop vive et qui vous deviendrait funeste. Mais souvenez-vous que votre Dieu est un Dieu plein de miséricorde. Faites aussitôt ce que vous pourrez et Dieu viendra au secours de votre bonne volonté, dit le pieux auteur de l'Imitation de Jésus-Christ. Cependant, s'il m'était permis de vous tendre une main secourable, écoutez mon conseil et n'ayez pas de crainte.

    Et d'abord, ne comptez pas sur vos forces ; et que pouvez-vous, malheureux, dans un état si désespéré ? Jetez-vous dans les bras de Dieu, lui seul est votre appui. Dans un lieu retiré où Dieu soit l'unique témoin de votre douleur, prosternez-vous aux pieds de la Croix, et si le Seigneur vous accorde une larme, pleurez pour soulager votre cœur oppressé. Là, seul avec Dieu, anéanti devant l'infinie majesté de l'Eternel, réfléchissez à l'impiété de votre conduite, à la puissance de celui que vous avez offensé, à la rigueur des châtiments qu'il vous a destinés, mais finissez toujours par un retour sur sa bonté, sur sa miséricorde.

    Après cela seulement levez les yeux au Ciel. Dites à Dieu : Seigneur, je le reconnais bien, non je ne suis pas digne de voir le jour, mais j'ai recours à vous, je crie vers vous du fond de l'abîme, et je ne serai pas trompé dans mon espérance, et commencez enfin à rechercher vos fautes. Souvenez-vous que cet examen demande la plus sévère attention et la plus grande bonne foi. Vous allez être vous-même votre accusateur et votre avocat ; le prêtre vous jugera sur vos propres paroles : si vous le trompez, c'est vous-même qui ferez tomber sur vous-même, à la place d'une sentence de vie, tout le poids de la condamnation céleste. Ce serait donc une folie de chercher à vous excuser pour ne point paraître si coupable ; ce serait une paresse et une erreur, peut-être aussi condamnable, que de s'accuser de péchés qu'on n'aurait pas commis.

    Cependant, procédez avec ordre et méthode : s'agit-il de faire une confession longue, de plusieurs années par exemple, peut-être de toute une vie ? Commencez par distinguer de grandes époques, car les habitudes n'ont pas été toujours les mêmes, les occasions ont changé, une passion a fait place à une autre. Prenez ensuite les commandements de Dieu, ceux de l'Eglise, vos devoirs envers Dieu, envers la société, envers vous-même. Ils vous fourniront de grands chapitres sous les titres desquels vous pourrez faire passer toute votre revue.

    Puis les lieux où vous avez été, les personnes que vous avez fréquentées, les affaires que vous avez traitées vous donneront quelques lumières ; les mauvaises habitudes viendront enfin, elles seront moins difficiles à trouver, il faudra seulement en distinguer les degrés et les nuances qu'avec un peu de soin et de peine vous viendrez à bout de connaître, sinon le nombre exact de vos fautes, du moins un à peu près dans la vie, dans l'année, dans le jour.

    Mais quel travail, me direz-vous, quelle peine ! Et, mes frères, voudriez-vous qu'il ne vous en coûtât rien pour réparer des ravages de plusieurs années ? Quand le désordre de vos affaires vous a forcés à revenir sur des comptes longs et embrouillés, n'avez-vous pas été des mois entiers pour vous retrouver ? Au reste, Dieu ne demande pas l'impossible, je vous l'ai dit et j'aime à vous le dire encore. Pleins de confiance en lui, implorez souvent sa lumière ; à la clarté de la foi et de la grâce, vous trouverez peut-être facile, ce qui vous paraît insurmontable.

    Enfin, allez trouver le prêtre à qui vous avez donné votre confiance. Il vous aplanira le chemin, allez le trouver et dites-lui : Mon Père, je suis opprimé sous le poids de mes péchés, venez à mon aide. Il vous consolera ; quelques paroles de sa bouche relèveront votre âme abattue. Vous lui direz alors presque sans ordre les crimes qui font le plus de mal à votre cœur.

    Aussitôt que vous vous en serez déchargés, vous aurez plus de force pour déclarer les autres ; et c'est ainsi qu'avec de la patience, du courage, un peu d'amour de Dieu et de bonne volonté, c'est ainsi que vous parviendrez à vous connaître suffisamment vous-mêmes, à vous faire connaître au ministre de la miséricorde de Dieu, et vos efforts seront suivis du pardon.

    Oh, mes frères, ne vous semble-t-il pas déjà sentir votre cœur se dilater de joie à la pensée qu'il sera déchargé bientôt de tant de crimes. Je ne crains pas de le dire, alors peut-être pour la première fois vous connaîtrez et vous apprécierez le bonheur. Que ne peuvent-ils savoir nos malheureux frères, tombés dans le péché mortel, que le bonheur d'une conscience en paix n'a rien qui puisse l'égaler. Ah, s'ils savaient comme elle est douce la paix de l'âme !

    Je termine par un dernier conseil à ceux qui vont enfin se livrer à la recherche de leurs fautes. Interrompez souvent un travail si dégoûtant, pour dire à Dieu que vous l'aimez, que vos iniquités vous font horreur, que vous êtes bien résolu de ne plus pécher mortellement.

    Enfin, n'oubliez pas que Dieu se plaît à nous faire passer ses grâces par les mains de la divine Marie. Ayez recours à cette puissante protectrice des pécheurs. Elle est votre mère ; elle pleurait naguère sur vous, sur vos désordres, et aujourd'hui que vous revenez à de meilleurs sentiments, elle est dans l'allégresse.

    Dites encore à votre bon Ange gardien, à ce fidèle ami qui vous a peut-être inspiré le premier la bonne pensée qui vous a converti ; dites-lui qu'il vous continue ses soins. Votre reconnaissance pour lui sera sans borne, et il vous prodiguera ses bons offices.

    Avec de tels secours, vous ne pourrez manquer d'arriver au terme heureux de votre entreprise. Vous serez pardonnés, et le Ciel se réjouira de votre nouvelle vie plus que de la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes. Vous aussi, mes chers frères, vous serez dans la joie, en attendant une joie plus désirée, plus étendue et plus durable dans la vie éternelle, que je vous souhaite au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

    ________________________________________

    note 01 Notations écrites dans la marge de la page 2 :

    * prêchés dans l'église de Saint-Michel de Castelnaudary, le 27 avril 1839;

    * dans la même église, sous la forme de prône avec l'exorde, le 3 mars 1839;

    * id à Saint-Jean, le 2 mars 1841.

    ___________________

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    Sermon 02

    Manuscrit Brésillac, AMA 2F9, pp 12-20

    QUELQUES MOTS SUR LA CONTRITION (1)

    Laboravi in gemitu meo, lavabo per singulas noctes lectum meum. Je me lasse à force de gémir, je baigne toutes les nuits mon lit de mes larmes (Ps ).

    ___________________

    En faut-il davantage, mes frères, pour concevoir la profonde douleur que ressentait le prophète à la vue de ses iniquités ? Le souvenir de ses péchés le suivait partout ; il venait interrompre son repos, il troublait son sommeil, et le forçait à arroser sa couche de ses larmes. O, qu'il sentait bien, le saint roi, combien le péché est un objet d'horreur, et combien il doit briser le cœur de celui qui l'a commis.

    Et nous, mes frères, nous qui avons peut-être outragé le Seigneur avec plus de crimes encore que David, où sont nos pleurs ? Quelle est la nuit qui a été témoin de nos larmes ? Quel est l'écho qui a répété nos gémissements ? Peut-être nous sommes-nous arrêtés jusqu'ici à repasser nos fautes dans notre mémoire, à les accuser même avec exactitude au prêtre, mais sans penser à briser notre cœur sous les coups d'une contrition sincère ?

    Cependant, mes frères, de tous les actes du pénitent, la contrition est le plus indispensable. Disons quelques mots, dans cette courte instruction, sur sa nécessité, ses qualités, et sur les moyens les plus propres à l'exciter en nous, pour recevoir avec fruit le sacrement de pénitence.

    ___________________

    La contrition est si nécessaire que rien ne peut en dispenser. Tout le reste peut absolument être remplacé par elle, mais elle ne saurait l'être par tout ce que pourraient inventer la plus rude pénitence et la plus ample satisfaction. Ainsi : un pécheur des plus ingrats et des plus rebelles, de ceux qui semblent n'avoir vécu plus longtemps que pour déchirer plus longtemps le sein de l'Eglise leur mère, tombe subitement dans l'état le plus désespéré. Sa langue s'embarrasse, sa mémoire laisse échapper tous ses souvenirs, sa raison commence même à se couvrir de ténèbres ; il n'a ni le moyen, ni le temps d'appeler un prêtre.

    Eh bien, cet homme n'a-t-il plus aucune ressource, mes frères ? Il y en a toujours avec un Dieu plein de miséricorde. Malheur au frère infortuné qui se trouve à cette extrémité ! Malheur, malheur surtout à celui qui a renvoyé jusqu'alors sa conversion, car le Seigneur l'a menacé de le méconnaître à sa mort, s'il l'a méconnu pendant sa vie ! Mais enfin, quelque difficile qu'elle puisse être, quelque rare qu'elle soit en effet, une ressource existe encore, c'est la contrition. Une contrition dont l'amour soit le principe, dont l'amour soit le motif, une contrition parfaite rendra cet infortuné à la grâce, car vous ne rejetez pas un cœur contrit, dit le prophète au Seigneur : Cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies (Ps 50).

    Au contraire, finissez vos jours dans une étroite retraite, allez dans l'ordre le plus sévère passer le reste d'une vie coulée dans la haine du prochain ou dans les folies d'une passion désordonnée, qu'un pain noir soit désormais votre unique nourriture, et que l'eau soit l'unique boisson qui désaltère votre soif haletante ; si, sous les habits grossiers qui recouvrent toutes vos austérités, votre cœur conserve encore sa haine ou sa passion, votre iniquité reste tout entière, votre sort éternel est le sort des réprouvés. Telle est l'indispensable nécessité de la contrition.

    Cette vérité mériterait un grand développement ; mais je me contenterai dans ce moment d'une preuve de raison. Dieu étant infiniment parfait doit nécessairement être opposé à toutes sortes de désordres ; il ne peut pas s'empêcher de haïr le mal, et par conséquent de porter une haine souveraine au péché qui est le mal souverain.

    Mais un cœur corrompu et qui se complaît dans ses crimes, c'est là véritablement le péché ; ce n'est pas l'action qui est mal, c'est l'affection désordonnée du cœur qui agit et cette affection du cœur qu'est-ce autre chose que le pécheur lui-même aimant son désordre, c'est le pécheur sans contrition. Dieu ne peut donc pas s'empêcher de l'avoir en horreur, il ne peut pas lui donner sa grâce et lui rendre son amour tant qu'il reste identifié avec le crime, et voilà pourquoi, sans la pénitence, vous périrez tous, disait notre bon maître lui-même, malgré sa douceur. Nisi paenitentiam habueritis, omnes similiter peribitis (Lc 13,3).

    Cette pensée suffira, j'espère, pour vous bien convaincre qu'il ne suffit pas d'avoir reconnu ses fautes dans un exact examen, ni même d'avoir dit : j'ai péché, il faut encore absolument que votre cœur ait changé de disposition, qu'il ait en aversion le péché qu'il a aimé jusqu'ici, et qu'il commence à aimer, comme source de toute justice, le Dieu que jusqu'ici ils avaient outragé. Sans cela, vos généreux efforts seraient vains, inutilement vous auriez surmonté votre répugnance pour la confession, inutilement vous auriez déclaré au prêtre toutes vos iniquités.

    Et quoi ! vous vous arrêteriez en si belle voie, mes frères ? Ne serait-ce donc qu'une consolation mensongère que vous auriez donnée à l'Eglise en semblant vous rendre dociles à sa loi ? Car je ne puis pas m'empêcher de vous dire ici, combien nous avons été édifiés à la vue du grand nombre des pécheurs qui sont rentrés en eux-mêmes et qui sont venus nous trouver au tribunal sacré. Dieu a secondé nos faibles efforts, il a fait pénétrer, jusqu'au cœur des brebis égarées, la voix de leur pasteur et de ses aides, et nous les avons (vus), ces frères chéris, venir se jeter aux pieds de celui que le Ciel leur a donné pour guide dans le chemin du Ciel.

    Sans doute, elles ne sont pas encore toutes soumises ces brebis rebelles, et le pasteur qui les connaît encore mieux qu'elles ne le connaissent, est quelquefois bien affligé d'en voir un si grand nombre hors du bercail. Espérons que la grâce triomphera enfin de leur résistance, et que, dans quelque temps, tout le troupeau sera fidèle. Heureux le jour qui éclairera tant de victoires sur la mort et sur l'enfer.

    O Dieu ! Que ne pouvons-nous, au prix de notre sang, procurer au plus tôt ce bonheur à vos enfants ! En attendant qu'il nous soit permis de nous consoler avec ceux qui ont été assez heureux pour écouter nos paroles.

    Je reprends donc, et je dis à ces derniers : vous arrêteriez-vous en si bonne voie ? Non, sans doute, et déjà vous avez dit au Seigneur que vous reveniez à lui sans retour, que vos péchés passés vous font horreur, que vous êtes bien résolus de ne les plus commettre. Cependant, de peur que vous ne vous mépreniez dans une chose si importante, écoutez quelles doivent être les qualités de votre contrition pour qu'elle vous obtienne le pardon, ou du moins pour qu'elle vous dispose à le recevoir dans le sacrement de pénitence.

    Vous concevez d'abord, sans qu'on ait besoin de l'expliquer, que votre contrition doit être véritable, et par conséquent intérieure. Dépourvue de cette qualité, elle ne serait plus que mensonge et hypocrisie. On peut bien en imposer aux hommes par des soupirs et des larmes, mais à Dieu, à Dieu qui lit au fond des cœurs, on n'en impose jamais.

    Il faut encore qu'elle soit surnaturelle ; c'est-à-dire qu'elle doit être excitée par des motifs de foi, et avoir la grâce pour principe. L'opinion contraire a été condamnée, et quel est celui de vous, mes frères, qui ne voit pas, au premier coup d'œil, que la douleur de celui, par exemple, qui est sincèrement fâché des injustices qu'il a commises, parce qu'elles ont entraîné la ruine de ses affaires, quel est celui, dis-je, qui ne voit pas aussitôt qu'une telle douleur ne vaut rien pour un pardon qui doit descendre du Ciel.

    Mais voici encore deux conditions non moins essentielles et peut-être plus difficiles à procurer. La contrition doit être aussi souveraine et universelle. Souveraine, c'est-à-dire telle qu'elle mette Dieu au-dessus de tout ; qu'elle ait du péché une horreur plus grande que de tous les autres maux qui pourraient nous arriver, et qu'elle nous mette dans la disposition bien ferme de tout souffrir plutôt que d'offenser le Seigneur. Où la trouver, me direz-vous peut-être, cette contrition ?

    Tous les jours, on voit des familles en pleurs pour la perte de leur fortune, mais on ne voit pas pleurer le pécheur. Il est vrai, mes frères, que cette conduite est frappante ; cependant, ne vous effrayez pas de suite si vos péchés ne vous font pas verser des larmes, quand d'autres maux les font couler par torrent. Sans doute, il serait bon, il serait même à désirer que vous fissiez comme le prophète dont nous avons pris les paroles pour texte : je baigne toutes les nuits mon lit de mes larmes, disait-il, et l'on a vu de grands saints que Dieu favorisait du don des larmes, en arroser la terre toute leur vie pour un péché qu'ils avaient commis quelquefois dans leur jeunesse.

    Mais enfin, ces larmes ne sont pas requises, elles seraient même souvent impossibles, et quelquefois elles ne sont la preuve que d'une plus grande sensibilité et non d'une intensité plus forte dans la douleur. Combien de mères chrétiennes qui baignent de leurs pleurs les membres délicats d'un fils que la mort vient d'enlever à leur tendresse, et qui devant le péché, plutôt que de le commettre, autre Macchabée, verraient leur famille entière tomber sous les coups du bourreau, et se livreraient les dernières aux meurtriers de leurs fils !

    Il n'est même pas nécessaire, pour éprouver sa volonté, de remplir l'imagination de tableaux affreux, de se représenter les tourments des martyrs ni les douleurs d'une extrême misère, quelquefois même ce serait tenter Dieu qui ne s'est pas engagé à nous donner en ce moment les grâces nécessaires pour supporter des maux que nous ne devons pas souffrir. Quand il plaira à sa volonté de nous envoyer des épreuves, sa grâce ne nous manquera pas, mais aujourd'hui il nous suffit d'être dans la disposition sincère de tout souffrir plutôt que de pécher mortellement, et d'être plus fâchés de nos fautes passées que de tout autre mal.

    Enfin, mes frères, l'universalité de notre douleur n'est pas moins nécessaire que sa souveraineté, et peut-être est-ce la qualité qui demande le plus de victoires sur nous-mêmes. Jusqu'ici le cœur n'a pas été attaqué, il ne fallait que soumettre la raison qui est bien plus docile, il faut l'avouer. On trouve quelquefois bien des révoltes, quand on attaque cette corde sensible : la haine de tous les péchés, sans en excepter un seul.

    O oui, disent quelques pécheurs aveuglés par la passion dominante, je déteste tout mes péchés, mais pour ce qui est d'aimer un tel ou un tel, non jamais, jamais je ne m'y déterminerai ; quitter telle ou telle occasion, telle ou telle compagnie dangereuse, c'est au-dessus de mes forces, je n'y puis consentir ; il est inutile d'en parler. Mon pauvre frère, mais il est inutile alors de vous confesser, car la contrition doit être universelle. Un seul péché auquel vous soyez attaché suffit pour tenir votre cœur dans la chaîne, pour l'identifier, comme je vous le disais il n'y a qu'un instant, avec lui, et pour arrêter la grâce que le Seigneur ne peut pas allier avec l'iniquité.

    Ainsi, voyez ce que dit saint Jacques : "Celui qui observe toute la loi, excepté un seul point qu'il transgresse, est coupable de la loi tout entière : Factus est omnium reus" (Jc 2,10). C'est-à-dire que cette seule faute le rend indigne et le dépouille même de la grâce aussi bien que s'il avait violé toute la loi. Sans doute il n'est pas aussi coupable, mais il n'en a pas moins perdu l'amour de son Dieu. De même, mes frères, cette faute unique pour laquelle notre âme a de l'attache, l'empêche de recouvrer cette charité précieuse qui fait sa vie, et le laisse dans les ténèbres de son iniquité.

    Je n'insisterai pas sur le bon propos, mes frères, que j'ai mêlé quelquefois avec la contrition, parce que malgré qu'on le distingue de la douleur du passé, il semble ne pouvoir pas en être séparé. Quel est en effet l'ami qui pourrait dire avec vérité à son ami que ses anciens torts envers lui font son tourment et ses chagrins, s'il trame encore dans son esprit les mêmes pièges, ou s'il est résolu d'agir de même dans une semblable occasion ?

    Je n'en dis pas davantage sur les qualités de la contrition ; mais je n'aurais rempli qu'une partie de mon devoir si après vous avoir fait connaître les conditions d'une douleur salutaire, je ne vous donnais pas quelques moyens de l'exciter en vous, au moment où tant de pécheurs vont recevoir l'absolution.

    La prière, mes frères, la prière, j'y reviens toujours ; et comment n'y reviendrai-je pas dans une affaire qui doit être toute surnaturelle ? Tout est promis à la prière, et sans elle que pouvons-nous, faibles mortels ? Dites à Dieu : Convertissez-nous, Seigneur, notre Sauveur, convertissez-nous et détournez de dessus nous votre colère. Converte nos, Deus salutaris noster, et averte iram tuam a nobis (Ps 84). Convertissez-nous vous-même, et nous serons convertis. Converte nos et convertemur.

    Après la prière, le recueillement ; dans ces jours où l'Eglise est en deuil, entrez dans la retraite de votre cœur, pensez, mes frères, que vous vous préparez à une grande action. Grande opus ( ). Faites-vous une idée juste de ce qui va se passer en vous. Le démon est aujourd'hui le maître de votre âme, il s'agit de renverser son trône pour établir à jamais en vous le règne de Jésus-Christ. Il s'agit de préparer à Jésus-Christ une demeure qui lui soit agréable en un lieu qui est aujourd'hui infect et corrompu.

    Certes, cela vaut la peine d'y réfléchir ! Tout d'ailleurs vous y porte, les mortifications que l'Eglise vous impose, le calme de vos affaires qui semblent se taire un moment, pour vous laisser tout le temps de bien régler votre intérieur, il n'est pas même jusqu'à la température de la saison qui ne semble choisie pour vous laisser plus libres et plus maîtres de vous-mêmes.

    Eh bien, réfléchissez sur votre état. Après avoir sondé le terrain et reconnu que vous marchez sur la pourriture, rendez-vous justice à vous-mêmes, et reconnaissez ce que vous méritez. Entrez en esprit dans l'enfer qui serait votre éternelle demeure si vous mouriez dans votre état ; entendez les hurlements affreux des innombrables victimes qui semblent demander votre mort pour vous envelopper dans leurs tourments. Voyez le feu sans cesse agissant sur une proie toujours vivante, sans jamais la consumer ; voyez les démons occupés à tourmenter ceux qu'ils ont entraînés avec eux dans l'abîme, se faire une infernale joie de leurs supplices toujours nouveaux.

    A cette vue, dites-vous à vous-même : Et cet enfer, c'est le prix de mes péchés. Qu'une crainte salutaire s'empare alors de votre âme et se joigne au regret d'avoir perdu le Ciel, le Ciel qui devait être votre demeure, le Ciel que déjà vous aviez mérité par vos vertus, aujourd'hui vous est fermé. Le péché a mis entre lui et vous une insurmontable barrière, et vous ne feriez pas votre possible pour la franchir ?

    Pour cela, il vous fait haïr le péché. Ah ! ce n'est plus difficile quand vous aurez estimé le bien que le péché vous a ravi. S'il est naturel de mesurer sa haine sur l'horreur d'un objet, et sur le tort qu'il vous a fait, trouverons-nous un sujet plus digne de notre éternelle exécration que le péché, revêtu de tous les caractères de noirceur capables de le rendre abominable à une âme droite, et qui nous ravit l'innocence, ravit le Ciel, ravit l'amour de notre Dieu !

    Ha ! mes frères, tout autre mal a son remède, il n'est pas même jusqu'à la mort qui ne porte sa consolation avec elle, puisque, pour le juste, mourir c'est commencer à vivre. Mais le péché n'a pas de remède ; il faut toute la miséricorde de Dieu pour l'effacer. Quel est le cœur assez dur pour ne pas ressentir d'impression salutaire à de telles pensées ?

    Cependant, elles le céderont, ces impressions, à celles que produiront dans votre âme la vue de votre ingratitude, et surtout des perfections infinies de celui que vous avez outragé. Il me semble voir notre aimable sauveur, encore triste dans les Cieux, appuyé sur la croix et les yeux collés sur son père, se demandant à lui-même : Quid debui facere vineae meae, et non feci ?. Que devais-je faire à ma vigne que je n'aie point fait ?

    Comptez, mes frères, comptez si vous le pouvez tous les bienfaits dont le Seigneur vous a comblés. Grâces naturelles : la vie, la force, la vigueur, la santé, la fortune ; grâces surnaturelles : le baptême, les bonnes pensées, les bons exemples, les instructions ; que de réconciliations, que de communions, le nombre de vos jours a été surpassé par celui des grâces de Dieu, et tout cela vous l'avez compté pour rien, vous l'avez laissé perdre, et quand le Seigneur a voulu recueillir les fruits de si abondantes avances, au lieu d'une abondante récolte, vous ne lui avez donné que quelques grappes amères : Expectavit ut faceret uvas et fecit labruscas (Is 5).

    Et cependant, vous connaissiez sa sagesse, vous connaissiez sa bonté, vous saviez qu'être souverain il doit être souverainement aimé ; la vraie mesure de l'amour de Dieu, dit saint Bernard, est de l'aimer sans mesure (Lib. de dilig. Deo), et le péché l'a outragé sans mesure. Quel désordre ! Quelle horreur ! Je vous le demande, mes frères, de telles réflexions faites dans le calme, dans le silence, aux pieds de la croix, si vous le pouvez même, prosternés devant le saint sacrement qui repose dans ce temple, de telles réflexions ne briseront-elles pas la dureté de vos cœurs ?

    O, oui, votre douleur sera souveraine, il n'y aura plus un seul péché qui puisse vous retenir dans ses chaînes, votre douleur sera donc universelle.

    Voilà, mes frères, voilà ce que j'avais à vous dire, à vous qui avez eu le courage de vous surmonter vous-mêmes et qui allez recueillir les fruits de vos généreuses résolutions. Voilà ce que j'avais à vous dire sur l'acte principal que vous avez à faire pour obtenir votre pardon.

    Après vous être ainsi excités à une contrition aussi parfaite que possible, allez avec confiance au tribunal sacré. Entrez-y avec un commencement d'amour et vous en sortirez tout revêtus de charité. Et puis dites-nous votre bonheur, dites-nous de quel poids vous aurez senti votre âme se décharger aussitôt que le prêtre aura prononcé la sentence. Dites-le surtout à ceux qui n'ont pas encore osé imiter votre exemple.

    Combien il y en a qui envient en secret votre bonheur, et qui sont retenus par je ne sais quelles entraves, qu'ils ne s'expliquent pas eux-mêmes, et qui leur font maudire leur sort. Votre bonheur les déterminera peut-être. Cependant, il ne sera que l'avant coureur d'un bonheur plus grand encore, d'un bonheur au-dessus de toute expression et de toute pensée, celui de recevoir Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie.

    Aussitôt que vous serez redevenus saints, le Seigneur vous invitera à sa table. Là, au milieu de vos frères sanctifiés comme vous, il vous sera donné de puiser à cette source d'eau vive qui ne tarit jamais, à cette source d'eau vive dont il nous est donné de prendre ici-bas en passant, mais qui doit nous enivrer éternellement dans les Cieux. Ainsi soit-il.

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    note 01 Ecrit dans la marge : Prêchés à Saint-Michel de Castelnaudary, le 20 mars 1839.

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    Sermon 03

    Manuscrit Brésillac, AMA 2F9, pp 24-30

    Pour le dimanche dans l'octave de la Fête-Dieu (1)

    QUELQUES MOTS SUR LES OUTRAGES QUE REÇOIT

    NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST DANS LA SAINTE EUCHARISTIE

    Dominus Deus tuus in medio tui est, Deus magnus et terribilis (Dt 7,21).

    Le Seigneur votre Dieu est au milieu de vous, c'est le Dieu grand et terrible.

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    Vous savez, Messieurs, de quelle manière Dieu se manifestait à son peuple ; mais enfin, il n'était au milieu d'Israël que parce que son immensité remplit toute chose, parce que sa providence infinie dispose tous les moyens et que sa sagesse règle tous les événements, parce qu'il tient dans ses mains les destinées des nations, qu'il donne la victoire à qui il veut, et qu'il écrase quand il lui plaît les ennemis de son nom, en même temps qu'il élève les observateurs de sa justice.

    Mais il est au milieu de nous d'une manière bien plus précieuse et bien plus intime. L'aimable Jésus est venu sur la terre pour rendre les hommes à l'amour de leur Dieu, et comme il avait aimé les siens, nous dit l'apôtre fidèle, il les aima jusqu'à la fin. Cum dilexisset suos, [...] in finem dilexit eos (Jn 13,1). Dès le moment que notre divin sauveur descendit sur la terre, il regarda les hommes non plus comme des esclaves, mais comme de vrais amis. Jam non dicam vos servos, [...] vos autem dixi amicos (Jn 15,15).

    Il se proposa de ne les plus quitter. Pour cela un grand mystère devait s'accomplir. Jésus l'avait déjà promis, et voilà que la veille de sa passion, il institua le sacrement adorable de nos autels. Oh, c'est bien à nous que conviennent aujourd'hui ces paroles : Domine Deus tuus in medio tui est. Il est au milieu de nous, ce Dieu d'amour, mais il y est d'une manière ineffable. Il y sera jusqu'à la fin des temps. Jusqu'au dernier jour, l'Eglise militante possédera son chef au milieu d'elle ; il fera sa force, sa consolation, sa gloire, son bonheur. Dominus Deus tuus in medio tui est.

    Mais ce Dieu est-il toujours le Dieu grand et terrible ? Messieurs, le Dieu que contient l'Eucharistie est le Dieu qui a créé le Ciel et la terre, le Dieu immuable, le Dieu qui s'appelle dans l'Ecriture le premier et le dernier, parce qu'il n'y a pas en lui de changement. Ego primus et ego novissimus (Is 44,6). Oui, c'est le Dieu grand et terrible, Deus magnus et terribilis.

    Et le dirait-on, Messieurs, à la vue des outrages sanglants dont la sainte Eucharistie est tous les jours l'objet ? Nous venons de passer de bien belles fêtes, mais au lieu de la joie qu'elles devaient laisser dans mon âme, elles n'ont fait que tracer un long sillon de douleur, et je ne puis m'empêcher de vous ouvrir mon cœur pour vous faire part du brisement qu'il a ressenti dans nos solennités saintes.

    L'Eucharistie outragée, voilà l'objet de mon éternelle affliction, affliction que je voudrais faire passer tout entière dans votre âme, pour vous porter à réparer autant qu'il est en vous les crimes des hommes envers Jésus-Christ.

    Si vous aviez vécu du temps des patriarches, si, comme nos pères de l'ancienne loi, vous n'aviez pu que soupirer après l'avènement du rédempteur de l'univers et qu'un jour, pendant votre prière au Seigneur, l'ange du Très-Haut vous fût apparu et vous eût dit : "Tranquillisez-vous, enfant du Seigneur, les jours ont été abrégés, le fils de l'Eternel va descendre sur la terre, il sera lui-même ce messie que vous attendez avec tant d'impatience ; il habitera au milieu des hommes, leur enseignant le chemin du Ciel, et leur en assurant la possession par ses mérites, je vous le demande, quel serait votre étonnement, quelle serait votre joie ?

    Ce bonheur faisait toute l'espérance des saints de l'ancien testament. Dès que Siméon eut vu le Sauveur, il n'eut plus rien qui le retint sur la terre ; il avait assez vécu puisque ses yeux avaient vu la lumière des nations et la gloire d'Israël : Nunc dimittis servum tuum, Domine, quia viderunt oculi mei [...] lumen ad revelationem gentium et gloriam plebis tuae Israel (Lc 2,29).

    Cependant, l'ange vous dirait aussitôt : "Enfant du Seigneur, modérez votre joie ; vous devez vous réjouir sans doute, la cour céleste est dans la plus vive allégresse ; mais voyez-vous cette montagne tout près de la ville sainte, le fils de Dieu doit y mourir et y mourir sur une croix. Les hommes qu'il vient sauver le couvriront d'opprobres, méconnaîtront son nom, rejetteront sa doctrine, le traiteront avec la dernière ignominie et l'attacheront enfin à un infâme bois. Il sera livré par un de ceux qu'il aura mis au rang de ses plus chers amis, qu'il aura faits confidents de ses plus intimes secrets, qu'il aura consacrés prêtres de la nouvelle alliance.

    O Ciel, vous écrieriez-vous aussitôt, où sont-ils ces impies ? Sont-ce des hommes ? Sont-ce des Juifs ? Ce n'est pas tout, continue le messager céleste, vous n'avez pas tout vu : la miséricorde de Dieu l'emporte encore sur sa justice : Jésus mourant ne quittera pas les hommes ; par un prodige qu'inventera son amour, il restera sur la terre en même temps qu'il sera dans le Ciel. Avant de retourner à son Père, il instituera un sacrement où, sous les espèces du pain et du vin, il sera contenu tout entier ; tous les hommes pourront se nourrir de ce pain céleste. Jésus les appellera tous à sa table, il se prodiguera à eux et tous les fidèles iront puiser à cette source d'eau vive le gage de la vie éternelle.

    Mais tant de bienfaits seront méconnus, méprisés par les hommes ingrats et coupables ; une indifférence criminelle présidera au plus saint des mystères ; des prêtres seront institués, mais ils seront avilis ; des temples s'élèveront chez tous les peuples, mais bientôt ils seront déserts ; un culte solennel sera établi, mais on le laissera dans l'oubli. Que dis-je ? Des impies lèveront la main dans les siècles les plus reculés et ils poursuivront la victime sainte jusque sur les autels du vrai Dieu ; ils le crucifieront encore par leurs blasphèmes et leurs sacrilèges. Y tiendriez-vous, Messieurs ?

    Des sentiments de joie, de reconnaissance, de tristesse, de douleur, ne se croiseront-ils pas mille fois dans votre âme, et votre cœur ne serait-il pas brisé à ce récit consolant et déchirant à la fois ? C'est là cependant ce que nous voyons de nos jours, Messieurs. Jésus-Christ est outragé dans son sacrement de toutes les manières, outragé dans son temple, outragé dans la communion, outragé même dans ses fêtes.

    Dans son temple : je ne parle pas des irrévérences que la négligence des hommes cause tous les jours, mais qu'il est comme impossible d'éviter vu notre misère. En instituant le sacrement redoutable sous de fragiles espèces, en l'établissant pour rester en tout lieu, dans le plus petit village comme dans les cités où siègent ses pontifes, notre divin Sauveur savait bien qu'il serait exposé à une infinité d'indécences, presque impossibles à prévenir.

    Il n'ignorait pas qu'on ne pourrait souvent lui donner qu'une église pauvre et indigne de sa majesté suprême ; que souvent dans les campagnes et même dans les villes, il serait sans adorateurs, quelquefois même sans une simple lampe qui semble dire à celui qui entre dans nos temples : Arrête, mortel, c'est ici la maison du Très-Haut, prosterne-toi et adore le maître de l'univers.

    Mais que de chrétiens impies viennent braver le Dieu trois fois saint et blasphémer son nom jusqu'aux pieds de ses autels ; qu'on entre dans nos églises comme dans un lieu profane ; qu'on entende pendant le saint sacrifice, ou pendant les offices divins, des conversations, des plaisanteries et souvent des discours indécents ; que des hommes sans foi, ou bien encore plus criminels qu'incrédules, dédaignent de rendre à Jésus, présent sur nos autels, un honneur que les païens n'auraient pas osé refuser à une idole de marbre ou de bois ! O Dieu, vous connaissiez aussi ces abominations quand vous instituâtes l'Eucharistie, et votre amour ne s'est pas arrêté !

    Mais voici un sacrilège qu'il était donné à notre époque, et peut-être à notre malheureuse patrie, de voir se renouveler avec un scandale européen. Jésus fut livré par le traître Judas pour trente deniers, et des monstres (car ce ne sont pas des hommes), des monstres, pour un vil métal qui ne valait peut-être pas toujours ce prix, n'ont pas craint de franchir la barrière sacrée, de déchirer le voile qui cachait le saint des saints, d'introduire des mains impures dans nos saints tabernacles, d'en jeter au loin les espèces sacrées, pour se rassasier d'un or qui leur coûte le sang d'un Dieu.

    Voilà ce que nous avons vu, Messieurs, et nous l'avons vu il n'y a pas longtemps ; voilà ce qui a forcé de saints évêques, le dirait-on ! à défendre (qu')on employât des vases précieux pour conserver l'hostie sainte, de sorte que la majesté de Dieu, qui avait ordonné dans l'ancienne loi qu'on construisit un tabernacle magnifique, dont il avait donné lui-même le plan, une arche toute revêtue d'or, un chandelier à sept branches de même métal, et tant d'autres choses qui devaient servir à son culte, toutes dignes de sa gloire et de sa personne, est aujourd'hui comme forcée de se renfermer dans un lieu indigne.

    Quelles larmes pourraient expier ces malheurs ? Que les nôtres arrosent du moins les degrés de l'autel, et qu'elles fassent amende honorable pour de si indignes forfaits !

    Ces outrages ne sont pas encore les plus sanglants. Du moins, ils ne sont commis que par des hommes sans foi, sans mœurs, connus comme tels par la société tout entière et chargés de l'exécration publique ; du moins ces crimes excitent l'indignation des âmes vertueuses, et comme Dieu sait faire le bien du mal même, quelquefois ils donnent l'occasion d'adresser au Ciel de plus ferventes prières et de plus éclatants hommages.

    Mais un crime plus caché et plus affreux, un crime qui n'est autre chose que celui de Judas renouvelé, c'est la communion indigne, et ne croyez pas que ce soit une fiction ; ne croyez pas que ce soit là un de ces forfaits qui ne se commettent que de siècle en siècle. Tous les jours la table sainte est déshonorée ; tous les jours, le corps de Jésus-Christ est introduit dans un cloaque infâme d'iniquités en entrant dans la bouche de quelque sacrilège. Et plaise à Dieu, Messieurs, qu'aucun de nous n'ait eu ce malheur !

    Peut-être que, faute d'avoir assez bien discerné le corps et le sang de Jésus-Christ, nous l'avons reçu quelquefois avec de criminelles dispositions ; peut-être avons (-nous) essayé d'allier Dieu et le monde, oubliant ce que nous dit l'apôtre : Non potestis calicem Domini bibere et calicem demoniorum (1Co 10).

    Nous n'avons pas eu soin dans toutes nos communions d'annoncer la mort de Jésus-Christ et d'en renouveler la mémoire, ou plutôt nous l'avons renouvelée, cette mémoire, mais pour nous rendre plus criminels que les Juifs qui ont donné la mort à Jésus sans le connaître ; et nous qui connaissons ses perfections adorables, qui avons goûté les bienfaits de son amour, nous avons peut-être aussi renouveler les douleurs du Calvaire. Messieurs, j'aime à me persuader qu'il n'en est pas ainsi, mais tout en nous jetant dans les bras de la miséricorde divine, et en laissant toujours notre amour dominer sur la crainte, nous devons trembler et prier pour nous-mêmes.

    Enfin, Jésus-Christ est outragé jusque dans ses fêtes. Et celles que nous venons de célébrer n'en sont qu'un trop frappant exemple. La piété de nos pères crut que pour célébrer dignement l'institution du grand mystère de l'Eucharistie, il fallait une solennité toute particulière. Au milieu du deuil de la passion, l'Eglise se dépouille bien un moment de ses habits lugubres pour se réjouir avec l'époux de nos âmes, le Jeudi saint. Mais ce n'est que pour s'ensevelir plus que jamais dans les larmes le jour de la mort de Jésus-Christ.

    On convint donc qu'il fallait pendant huit jours entiers faire retentir nos temples des chants de la plus vive allégresse et du plus pur amour. On voulut que Jésus-Christ fut porté en triomphe dans toutes les villes, que le clergé l'accompagnât avec pompe, que les grands le suivissent environnés de leur brillant cortège, que le peuple chantât des hymnes à l'honneur du Très-Haut, que tous les chrétiens, en un mot, de tous les rangs et de toutes les conditions rendissent dans cette occasion leurs hommages au Seigneur.

    Chacun alors rivalisant de zèle, les rues furent pavoisées, les murs des maisons couverts de riches ( ?), le pavé jonché de fleurs, des arcs de triomphe furent dressés, des autels élevés à chaque pas pour recevoir le Dieu d'amour, et tout le peuple, chantant hosanna, se fit une gloire de suivre Jésus dans sa marche triomphale. On vit alors se mêler dans la foule ces braves guerriers dont la foi égalait le courage, les magistrats revêtus des marques de leur dignité, et les rois, confessant qu'aux yeux de Dieu ils ne sont que de faibles mortels, édifièrent leur peuple en se confondant dans les rangs des citoyens.

    L'histoire sacrée nous rapporte que lorsque le roi prophète fit transporter l'arche sainte de la maison d'Obed-Edom dans la ville de David, il voulut qu'à chaque six pas on immolât un bœuf et un bélier. Mais ici, ce n'était plus l'arche que portaient des lévites ; ce n'était plus le sang des taureaux qui coulait à torrent. La seule victime agréable au Seigneur était elle-même portée par les prêtres et les pontifes et à chaque pas, on se prosternait pour recevoir la bénédiction que Jésus-Christ se plaisait à prodiguer à son peuple.

    Voilà ce qu'on voyait du temps de vos aïeux, et aujourd'hui, hélas ! que sont-elles, ces processions ? En avez-vous été témoins, Messieurs ? A peine distingue-t-on les rues qui doivent être honorées du passage du Sauveur ; la plupart des chrétiens ne songent même pas qu'il y ait un devoir pour eux d'accompagner leur Dieu.

    Qui voit-on dans ces processions ? Quelques jeunes enfants, quelques jeunes personnes vêtues de blanc, peut-être encore quelques congrégations peu nombreuses, et quelques prêtres. Voyez-vous ensuite cette foule qui se précipite et qui se jette sur les carrefours avec un scandaleux tumulte ? Vous croiriez peut-être que c'est pour prendre place parmi les adorateurs de Jésus-Christ. Détrompez-vous : c'est pour satisfaire une avide curiosité qui trouve dans le spectacle de nos fêtes ce qu'elle rechercherait aussi bien dans ceux du cirque ou de l'amphithéâtre.

    Encore si, lorsque Jésus-Christ paraît, ces chrétiens (car ils en portent le nom) se prosternaient pour adorer leur Dieu ; mais, le croirait-on, il n'est pas rare de voir l'impiété faire parade de son audace, et dédaigner de fléchir le genou devant l'arbitre de l'univers. Quelquefois, on voit un sourire incrédule sur des lèvres criminelles, on entend des propos sacrilèges, on voit des abominations devant celui qui pourrait anéantir à l'instant tous les blasphémateurs de son nom. (2)

    Voulez-vous, à cette occasion, que je vous donne l'explication d'une chose qui vous a peut-être surpris et qui m'a pendant longtemps étonné moi-même ? Il me semble que cette pensée doit être venue à tous les esprits : Comment, élevés dans un établissement pieux, dirigés par des ecclésiastiques zélés, sous l'autorité d'une évêque plein d'amour de Dieu, comment n'allons-nous pas prendre place dans les processions du saint sacrement ? Mais les collèges des autres villes s'en font une gloire, les petits séminaires un devoir sacré ; et nous brûlons de donner à Jésus-Christ cette marque d'amour et à nos frères cette édification qu'ils semblent avoir droit d'attendre de nous !

    Messieurs, les désordres que je vous ai fait connaître, joints à la fragilité de votre jeune âge, voilà la cause de cette déplorable mesure. Vos directeurs, pour qui l'innocence de votre âme est plus chère que la vie, ont interprété, si je puis le dire, la volonté de Dieu même. Ils ont été témoins de ces scandales ; ils ont vu le Seigneur outragé, ils ont entendu les blasphèmes et ils ont craint que vos yeux et vos oreilles ne fussent frappés. Ils ont craint que vous n'eussiez ensuite, pour le sacrement adorable de nos autels, ni autant de respect ni autant d'amour.

    Ils ont pensé que lorsque l'âge aurait donné plus de force à votre caractère et plus de solidité à vos résolutions, vous ne négligeriez pas d'accomplir un devoir que vous êtes obligés

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