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Mike Brant: Le Chant du désespoir
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Ebook183 pages2 hours

Mike Brant: Le Chant du désespoir

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About this ebook

Étrange destin, que celui du garçon Israélien choyé par la chance au point de devenir une immense vedette et malmené par la fatalité jusqu’à finir disloqué sur le trottoir d’une rue parisienne. Muet pendant ses cinq premières années, torturé par une histoire familiale où perdurait l’indicible souffrance des rescapés de l’Holocauste, Mike Brant a quitté un jour l’ombre de la Shoah pour la troublante fébrilité des plus grandes scènes françaises. Et puis, étoile filante, il est parti vers des cieux éternels, laissant le scintillement éblouissant et tragique dont on fait les mythes. Au fil d’une enquête approfondie doublée d’une analyse de ses angoisses intimes et de ses comportements fantasques, ce livre retrace en détail la vie et la personnalité de Mike Brant.
Strange fate, that that of an Israelian boy cherished by luck until becoming a star and manhandled by destiny to the point of ending his life dislocated on the pavement of a Parisian street. Mute during his fist five years, tortured by a family history permeated by the unspeakable suffering of the Holocaust survivors, Mike Brant left one day the shadow of Shoah for the disturbing feverishness of the biggest French stages. And then, falling star, he flew towards eternal heavens, leaving the sparkling and tragic dazzle of which myths are made. Through a thorough investigation, coupled with an analysis of his intimate fears and his unpredictable behavior, this book redraws in detail Mike Brant's life and personality.

LanguageFrançais
Release dateMar 26, 2015
ISBN9781310996184
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    Book preview

    Mike Brant - Alain-Guy Aknin

    Avant-propos

    Étrange destin, que celui d’un garçon dorloté par la chance au point de devenir une immense vedette et malmené par la fatalité jusqu’à finir disloqué sur le trottoir d’une rue parisienne. Né dans un camp de réfugiés, muet pendant cinq ans, torturé par une histoire familiale où perdurait l’indicible souffrance des survivants de l’Holocauste, Mike Brant a quitté un jour l’ombre de la Shoah et le dénuement d’un État constitué depuis peu, conduit hors d’Israël par une série de hasards vers la troublante fébrilité des plus grandes scènes françaises.

    Et puis, étoile filante, il a rejoint d’autres cieux, éternels ceux-là, laissant le souvenir éblouissant et tragique dont on fait les mythes. Avec son abondante chevelure au brushing impeccable, ses étonnantes chemises à jabot, ses mélodies populaires aux accents parfois douceâtres, Mike Brant s’inscrit aujourd'hui parmi les emblématiques représentants d’une époque révolue, ceux dont l’empreinte, plusieurs décennies après leur disparition, ne s’efface toujours pas.

    Submergé par un trop-plein de célébrité auquel sont venus se greffer doutes et douleurs inavouées, fragilisé par une recherche d’amour inassouvissable, reclus dans une insoluble solitude alors qu’il ne savait vivre seul, il a, en une carrière de quelques années à peine, incarné l’archétype du chanteur romantique et du personnage romanesque. Pourtant, derrière l’image et le sourire se cachaient une angoisse permanente, l’impossibilité d’affronter une vie de star, voire une vie tout court.

    En train de devenir un homme, il rêvait de rester un gosse, muré dans son silence, observant sans avoir à s’exprimer, à donner son avis, à prendre ses responsabilités. Un rêve qui, mal interprété, mal assimilé, mal compris, mène à l’anéantissement. Cette chimère que Michael Jackson a voulu entretenir à coups de médicaments, de recréation d’un monde enfantin, d’attractions de fête foraine où il pourrait noyer ses frayeurs, et que Mike Brant, lui, a préféré tuer par la méthode la plus brutale.

    Distingué par la chance, il ne s’en est pas remis, contrariant cette embellie du destin par des craintes dont, s’opposant à toute psychanalyse, ignorant tout conseil, il refusait de se défaire. Des peurs qui constituaient peut-être l’un de ses plus intenses moteurs, mais qui, rongeant son cœur et gâchant son bonheur, ont fini par façonner l’arme mortelle qu’il a un jour retournée contre lui-même.

    Pourtant, que de talents et de séduction réunis dans un seul être ; à croire qu’une armée de fées s’était penchée sur son berceau, là-bas, dans les baraquements de l’île de Chypre où sa mère lui donna naissance. Un visage d’une remarquable beauté, une haute taille, la grâce d’un félin et surtout une voix d’une puissance inouïe, à l’étendue impressionnante et faite de ce grain particulier dont se parent les grands chanteurs.

    À cette voix qui lui a assuré, en quelques années à peine, une progression aussi fugace que fatale, s’en ajoutait une seconde qui, dans un discordant duo intime, le poussait sur les chemins de l’exaspération, de la suspicion, du doute, de la phobie. Dans cette paranoïa croissante, il n’a pu supporter plus longtemps le bonheur qui l’avait touché, lui apportant bonne fortune et pouvoir en même temps que défiance, enfermement sur lui-même et l’obsession de ne pas être aimé uniquement pour son succès et son physique.

    Projeté en un rien de temps d’un presque anonymat moyen-oriental vers les sentiers souvent périlleux d’une gloire trop rapide, Mike a trouvé la célébrité dans un pays où, en dépit de cette notoriété, il n’a cessé de se sentir étranger, parlant difficilement sa langue et ne comprenant pas ses habitudes. Comme les barrières qu’il faisait dresser pour ses concerts, d’autres, enfouies en lui et infiniment plus rigides, l’ont paralysé dans un isolement dont il ne parvenait plus à s’extraire, sinon par une mortelle envolée.

    Désormais figé dans une image d’éternelle beauté, Mike Brant semble n’avoir jamais quitté la scène et, tandis que ses premières admiratrices ne peuvent l’oublier, des plus jeunes le découvrent à leur tour, perpétuant le souvenir de celui qui, tué par son étiquette de chanteur de charme, nous rappelle sans relâche qu’il était simplement un chanteur.[TDM] : ref_TOC

    1

    Les enfants de Lodz et de Bilgoraj

    Située au sud-est de la Pologne, à une centaine de kilomètres de Lublin et au bord de la rivière Lada, Bilgoraj est une accueillante petite ville établie au XVIe siècle, où vivent une trentaine de milliers d’habitants. On ne pratique plus à Bilgoraj, comme autrefois, la fabrication des tamis et le tressage des paniers, et si l’église catholique de style baroque, à l’intérieur largement tapissé d’or, s’y dresse toujours fièrement, la synagogue, elle, a disparu, détruite en 1939 par un incendie et rasée par les troupes allemandes. À sa place s’élève un ensemble d’immeubles où l’on cherche en vain une plaque rappelant son existence, tandis qu’on ne trouve plus, au musée local, la moindre trace de ce lieu de culte où Efraïm Fishel Brand et ses copains, depuis leur enfance, avaient l’habitude de se retrouver pour les fêtes juives ou le shabbat. Il y avait parmi eux Yankele, le fils du boucher casher, Nissim, celui du cordonnier, et Isaac Bashevis Singer, futur prix Nobel de littérature, dont ils aimaient bien s’amuser à tirer les papillotes rousses.

    La population de Bilgoraj, au début des années 1900, se compose presque aux trois quarts de juifs, communauté florissante que le propriétaire de la ville, le noble Adam Gorajski, avait encouragée à s’impliquer dans le commerce et l’artisanat. Elle s’était alors mise à fabriquer les fameux tamis, qui allaient représenter une industrie de premier plan, à brasser de la bière, installer des scieries et même créer un service de bus vers la gare la plus proche. Il y avait aussi, dans ce paisible coin perdu de Pologne, des médecins juifs, une école juive, des banques coopératives juives et des avocats juifs, peu sollicités il est vrai.

    Fishel Brand, qui a depuis longtemps mis entre parenthèses son premier prénom d’Efraïm, a vingt ans lorsque, le 16 juillet 1923, naît à Lodz Bronia Rosenberg, fille d’une famille bourgeoise dont la fortune s’est faite dans la confection de chaussettes de soie et divers articles d’habillement. Depuis que la Pologne a regagné son indépendance en 1918, après avoir été sous administration russe, Lodz est en effet devenu le plus important centre textile d’Europe, et aussi la ville du continent où l’on trouve le plus fort pourcentage de population juive.

    Il ne faut donc pas s’étonner d’y voir de nombreuses synagogues, chaque communauté ayant sa préférence. Il y a l’Alshtot orthodoxe, rue Wolborska, la Grande synagogue réformée de la rue Spacerowa, la Vilker Shul, rue Zachodnia, ou encore l’Ezras Israël, rue Wolczanska, la Ohel Jakov de la rue Gdanska et le petit temple de la rue Poludniowa, renommée aujourd'hui rue Rewolucji. Dans celle qu’ils ont choisie, celle de Spacerowa, les Rosenberg font l’objet de toutes les considérations et le chef de famille occupe l’une des places d’honneur, celles réservées aux plus généreux donateurs.

    Jolie petite fille blonde aux yeux bleus, Bronia grandit ainsi dans le bien-être et la foi de ses ancêtres, insouciante comme doit l’être une gamine de son âge, alors qu’à Bilgoraj Fishel Brand se marie et devient papa. Lui aussi mène une existence agréable, à défaut d’être cossue, et l’on peut dire que chez l’une comme chez l’autre, tandis qu’avance doucement le siècle, le bonheur est dans les esprits. Bientôt, ils vont apprendre, à leur grande stupeur, qu’ils sont entachés d’une tare majeure : ils sont juifs.

    Le 6 septembre 1939, peu après le début de la Seconde Guerre mondiale, l’aviation allemande bombarde Bilgoraj et le 17 arrivent les troupes terrestres. Chassés de leurs maisons, où s’installent des soldats, les Juifs sont forcés à travailler pour l’armée, à paver les routes et construire un hôpital militaire. Au début de 1940, leurs biens sont confisqués et ils doivent coudre sur les manches de leurs vêtements une étoile à six branches de couleur bleue. À Lodz également, les Allemands font leur entrée. Annexant la ville, ils la renomment Litzmannstadt et, créant un ghetto dans la partie nord-est, y confinent plus de cent cinquante mille personnes qu’ils utilisent comme main-d’œuvre, notamment pour la fabrication d’uniformes.

    À l’été 1940, les hommes juifs de Bilgoraj âgés d’au moins dix-sept ans sont réquisitionnés pour les camps de travail de la région de Lublin, appel auquel certains, au risque de leur vie, omettent de se présenter. Fishel Brand est de ceux-là. Échappant à l’envahisseur, il rejoint l’Armia Krajowa, l’Armée de l’intérieur formée par des résistants polonais et qui, au côté des forces soviétiques, va combattre l’occupant. Avant sa fuite, il a, pense-t-il, mis à l’abri sa femme et ses enfants. Ils vont passer des moments difficiles, sans doute, mais les soldats sont des gens d’honneur qui ne s’attaquent pas aux plus faibles…

    L’année suivante, les Juifs restant à Bilgoraj sont entassés dans un ghetto exigu et on commence à les transférer vers le camp de concentration de Majdanek, puis vers le camp d’extermination de Belzec. À Lodz, on entame aussi la sinistre procession vers un camp d’extermination, celui de Chelmno, où une unité spéciale des SS est chargée d’assassiner les arrivants. Les synagogues de la ville sont détruites, à l’exception de celle de Poludniowa, qui, parce qu’elle est minuscule, cachée dans un recoin et utilisée comme entrepôt de sel, survit à la fureur nazie. Puis, ceux qui se trouvent encore sur place sont déportés vers Auschwitz-Birkenau. Bronia Rosenberg, maintenant âgée d’une vingtaine d’années, fait partie de ceux-là.

    Dirigé par les SS et créé en mai 1940, Auschwitz, à soixante-dix kilomètres à l’ouest de Cracovie, est le plus grand camp du Troisième Reich. Lorsque Bronia y parvient, elle est, comme toutes les femmes, mise à nu et tatouée d’un numéro matricule. On lui rase le crâne et les rares objets personnels qui lui restent sont confisqués, mais elle a la chance d’échapper à l’exécution immédiate déjà subie par un million de personnes avant elle. Affectée à un kommando, un groupe de travail, elle survit, sous la protection d’une déportée de dix ans son aînée, en s’activant à la fabrication de munitions.

    Au mois de janvier 1945, sans que les détenus n’en sachent rien, l’armée soviétique approche d’Auschwitz et les SS décident d’évacuer le camp, où se trouvent encore quelques dizaines de milliers de captifs. Ceux qui ont la force de marcher sont emmenés, à pied, vers l’ouest de l’Europe, tandis que dix mille, malades ou épuisés, sont abandonnés sur place sans la moindre nourriture. Partie sur des routes dont elle n’imagine même pas qu’elles puissent la mener un jour vers la liberté, Bronia n’est heureusement plus à Auschwitz lorsque, trois jours après, un détachement de SS revient pour faire sauter deux des fours crématoires, fusillant en outre deux cents femmes. Dans la nuit du 26 au 27 janvier, les soldats détruisent le dernier four en activité, puis, dans l’après-midi du 27, l’Armée rouge vient investir les lieux, où il n’y a plus que sept mille cinq cents personnes en vie.

    Bronia et les autres doivent cheminer vers Gliwice, d’où ils sont dirigés vers l’Allemagne pour être répartis dans les camps de Buchenwald, Mauthausen, Dachau… Beaucoup n’y arriveront jamais, tués par pure cruauté ou parce qu'ils étaient à bout de force. Pendant ce temps les armées alliées poursuivent leur avance et un jour, enfin, tous les stalags sont libérés. Bronia a regagné le droit de vivre, mais, dans un état physique lamentable, à jamais marquée par les privations et la peur, que va-t-elle pouvoir en faire ?

    Même si sa fragilité n’est rien, comparée à celle de la jeune fille, Fishel n’est pas non plus en grande forme. Les durs combats auxquels il a participé l’ont épuisé, il a subi la faim, le froid, et il s’inquiète du sort de sa femme et de ses enfants. Que sont-ils devenus, ceux qui, il y a cinq ans à peine, constituaient sa famille ? Sont-ils encore vivants ou ont-ils péri ? Malgré ses recherches, il n’en retrouvera pas la moindre trace et d’anciennes connaissances lui affirmeront qu’ils ont été raflés et exécutés.

    Le voilà seul, comme Bronia est seule, deux désespérés qui errent sans but, toute volonté brisée et tous espoirs perdus, laissant à la providence le soin de déterminer leur avenir. C’est à Poking, en Bavière, qu’elle va leur apporter un peu de réconfort. Au Centre d’accueil des déportés, on dirige Bronia Rosenberg vers l’infirmerie militaire russe, où l’on tentera de régénérer son corps décharné, une infirmerie où est de passage Fishel Brand. Un jour, en se rendant au réfectoire, elle glisse sur la neige et Fishel est là, qui court l’aider à se relever. Un remerciement, un regard, quelques pas ensemble vers une soupe chaude et c’est le début

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