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Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l’Empire Tome 1)
Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l’Empire Tome 1)
Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l’Empire Tome 1)
Ebook279 pages3 hours

Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l’Empire Tome 1)

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About this ebook

Ciardis est une jeune femme de dix-sept ans, élevée dans la pauvreté. Elle travaille comme lavandière dans une petite vallée aux confins de l’Empire. Mais sous la surface en apparence idyllique de l’Empire se cache un secret bien gardé. Les rumeurs sur l’incompétence du prince héritier ne cessent de grandir ─ renforcées par le cinquième anniversaire de l’initiation des âmes jumelles.  

C’est au plus fort des commérages et des scandales que Ciardis est choisie pour suivre une formation auprès de la Guilde des Compagnons. Elle quitte alors son foyer et entame un apprentissage personnel pour devenir dame de compagnie à la cour, un poste qu’en tant que modeste demoiselle, elle n’aurait jamais cru pouvoir occuper. Elle va devoir prouver qu’elle est suffisamment douée pour s’attirer la protection d’un maître. Et pour assimiler toutes ces compétences, il faut faire vite. Si les légendes disent vrai, alors seule Ciardis est capable de maîtriser les pouvoirs qui lui permettront de soutenir le prince, que la cour impériale a pourtant juré de renverser.

Avec le premier tome de cette série hors du commun, découvrez une intrigue complexe, des personnages mémorables et des pouvoirs magiques exceptionnels. Le Temps du Pouvoir est une lecture idéale pour les fans de Kristin Cashore, Michelle Sagara et Maria Snyder.

LanguageFrançais
Release dateDec 19, 2015
ISBN9781507119044
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    Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l’Empire Tome 1) - Terah Edun

    Web Page

    Les livres de Terah Edun en français

    http://teedun.com/francais

    Liste de Diffusion

    bit.ly/teedunfrancais

    Droit d’auteur

    Sinopsis de Le Temps Du Pouvoir

    Chapitre 1

    CIARDIS VANE REGARDAIT les villageois qui poussaient des huées, tandis que les Gardis locaux attachaient le bandit de grand chemin au pilori. Les sourcils froncés, Ciardis se fraya un chemin vers l’avant de la foule, pour essayer d’apercevoir le criminel. Elle n’éprouvait aucune pitié pour le condamné ; il mourrait ce soir, quels que soient les sentiments qu’elle pouvait ressentir. Les loups de la nuit rôdaient déjà, leurs silhouettes sombres à peine perceptibles à la lisière dense. Ils attendaient la tombée du jour. 

    Sans la protection des gardiens, le bandit de grand chemin serait rivé au pilori, sans défense. J’aimerais pouvoir dire que sa mort sera rapide, se dit-elle avec un détachement froid, mais ils s’attaqueront sans doute à ses entrailles en premier. En tout cas, l’homme ne méritait rien de moins que la mort ; il n’avait cessé de détrousser ─ et parfois de tuer ─ les voyageurs qui sillonnaient les routes commerciales de l’Empire. « La bourse ou la vie ! » En effet...

    D’une main hâlée, Ciardis rejeta ses épaisses boucles brunes en arrière. Elle se tourna légèrement pour échanger quelques propos à mi-voix avec les autres lavandières venues assister au spectacle. Soudain, elle sentit qu’on lui pinçait vivement le poignet. Se retournant pour savoir qui avait ainsi interrompu ce moment de détente, elle fronça les sourcils en découvrant la jeune femme qui se tenait à côté d’elle.

    Angoissée, Margaret se tordait les mains en regardant Ciardis. Elle donna un bref coup de tête sur le côté pour indiquer qu’elle préférait discuter à l’écart de la foule.

    — Il faut que tu sois la première à l’apprendre, Ciardis, lui dit Margaret d’un ton insistant. 

    — D’accord, d’accord, marmonna Ciardis alors qu’elles s’écartaient de la foule pour descendre vers le lavoir, suivies à pas lents par quelques autres ouvrières.

    La femme blonde et menue qui trottinait à ses côtés était une colporteuse de rumeurs incontournable au village, et Ciardis savait que ce qu’elle allait apprendre de sa bouche méritait bien d’avoir quitté le spectacle au beau milieu de la sentence du juge. Pour Ciardis, un bon ragot était aussi précieux que de l’or pur... du moins, en général. 

    Lorsqu’elles se furent suffisamment éloignées de la foule, Margaret s’empressa d’annoncer à Ciardis la nouvelle que lui avait apprise la fille du tisserand, qui l’avait elle-même entendue chez l’apothicaire la veille.

    Libérant enfin les paroles qu’elle retenait jusqu’à présent, Mags lui annonça tout en sautillant sur la pointe des pieds :

    — Fervis et la fille de la caravane... Ils sont ensemble, Ciardis.

    — Ils sont ensemble ? dit Ciardis d’un air dégoûté. Mais non, il est avec moi.

    Pour la contredire, Mags secoua la tête d’un bloc, faisant rebondir ses boucles dans tous les sens.

    — On les a vus, ils se disputaient, et puis... fit Mags.

    — Et alors ? l’interrompit Ciardis, dédaigneuse. Ça ne veut rien dire.

    La fille poursuivit patiemment, sans tenir compte de son intervention.

    — Ensuite le père de la fille est arrivé et a menacé de tuer Fervis. Une chose en entraînant une autre, les voilà unis désormais.

    Ce mot percuta Ciardis avec la force d’une brique de plomb.

    — Unis ? demanda Ciardis avec hésitation.

    Unis, c’était très différent de ensemble. Unis signifiait mariés, unis signifiait pour toujours. À présent, elle avait envie de vomir.

    — Oui, répondit Margaret d’une voix douce. Je veux dire... je me suis dit que tu aimerais le savoir... en premier.

    Ciardis avait le regard perdu dans le lointain. Elle avait plaqué sa main contre son ventre, comme pour retenir son estomac et l’empêcher de se retourner sous le coup du désespoir.

    Quelques minutes plus tard, la cloche de la ville retentit, annonçant que le bandit avait été déclaré coupable et jeté en prison. Maintenant, tout le monde pouvait retourner à ses occupations.

    L’esprit engourdi, Ciardis suivit Mags tout en essayant de comprendre ce qui venait de faire basculer sa vie tout entière. 

    Lorsqu’elle atteignit le lavoir, Ciardis se pencha sur la bassine savonneuse, les pensées hagardes, laissant ses mains travailler mécaniquement et frotter le pourpoint rouge. Margaret était agenouillée en face d’elle, jacassant joyeusement comme une pie. D’après Mags, le fils du meunier avait mis enceinte une fille de passage. La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre après que l’imbécile fut passé chez l’apothicaire local pour demander de l’infusion de miel. Toutes les femmes du village savaient que l’infusion de miel ne servait qu’à une seule chose, et que ce n’était pas à se sucrer le bec. 

    Si la fille avait été orpheline, comme Ciardis, son ventre rond n’aurait pas fait de vagues. Pendant les mois d’hiver, elle aurait été l’objet des rumeurs du village, puis serait rentrée chez elle avec une deuxième bouche à nourrir après la fonte des neiges. Mais le père de la fille était le caravanier du seul marchand de la ville prêt à braver la rigueur hivernale qui sévissait à Vaneis. Après avoir eu vent des bruits qui couraient sur sa fille, il l’avait confrontée avant que l’infusion de miel ait pu franchir ses lèvres. 

    Une fois que sa fille lui eut confirmé la vérité, il s’était mis dans tous ses états et était parti à la recherche de Fervis Miller. Quelles que soient les paroles échangées entre le caravanier et Fervis à propos de l’« état » de sa fille, elles avaient suffi à faire passer le message. Fervis, dont les hématomes formés sur sa peau viraient déjà au bleu sombre, s’était agenouillé tout tremblant devant cinq témoins pour demander la main de la jeune fille. 

    Le mariage serait célébré au début du sabbat ─ d’ici trois jours.

    Ciardis fronçait les sourcils en se demandant si elle devait assister au mariage ─ il le faudrait. Les mariages faisant partie des rares formes de divertissement en ville, son absence ne passerait évidemment pas inaperçue. Elle s’en moquait. Sincèrement. Si cet idiot n’était pas capable de garder son jouet dans son pantalon, alors il ne méritait pas de porter son alliance. Elle essora le dernier pourpoint, le tordant comme elle tordrait le cou d’une dinde récalcitrante. Ou, mieux encore, le cou de Fervis Miller.

    Elle s’essuya les mains sur un linge étendu à sécher, non sans revenir régulièrement à la charge auprès de Mags pour obtenir davantage d’informations. Elle avait terminé de laver les pourpoints et Mags en avait fini avec son tas de jupes à brosser. Elles les étendirent pour les faire sécher devant les brasiers avant de s’atteler au pliage des immenses piles de tuniques qu’elles rangèrent ensuite dans les coffres de transport avec quelques brins de menthe séchée. Ciardis songeait à ces moments furtifs partagés avec le fils du meunier. Durant l’été, ils avaient pique-niqué dans les prés, et en hiver il l’avait tenue par la taille tandis qu’ils filaient sur la glace des lacs isolés de montagne. Le souvenir des douces caresses échangées et de la ferveur dans sa voix lorsqu’il lui avait promis de lui faire sa demande était toujours gravé dans son esprit. Il lui avait affirmé vouloir convaincre sa mère que Ciardis, orpheline à la peau claire couleur noix de pécan et aux boucles marron indisciplinées, était la jeune femme qu’il lui fallait pour belle-fille.

    Ah ! Au printemps dernier, Fervis et elle avaient même mis au point une stratégie pour que la jeune femme rencontre sa mère par hasard à la sortie des matines, devant l’église. Ils avaient minutieusement répété la scène, allongés sur le foin fraîchement coupé dans la grange du cordonnier. Lorsque le jour de la rencontre inopinée était arrivé, Ciardis avait essayé d’engager la conversation. Mais dès le début de la discussion, il lui avait paru évident à en juger d’après la rancœur dans le ton de la femme et le regard désobligeant qu’elle lui lançait qu’elle nourrissait pour son fils des projets de mariage bien plus nobles qu’une simple union avec l’orpheline du coin. 

    Il faut croire qu’elle avait raison, songea Ciardis avec ironie. À la place, il a droit à la fille d’un marchand ambulant qui soulève ses jupes devant le premier jeune homme qu’elle rencontre.

    Frustrée et fatiguée, Ciardis jeta son panier de vêtements sur le sol avec une telle force qu’elle fit sursauter Margaret, lancée dans un long monologue.

    — Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Mags, ses yeux noirs grands ouverts.

    — Rien, rien, grommela Ciardis. Il y avait un insecte rampant sur le sol ─ je voulais l’avoir avant qu’il ne s’échappe.

    Elle bouillonnait intérieurement, maudissant Fervis et l’affublant de tous les noms d’oiseaux qu’elle connaissait. Elle avait gâché deux années entières avec cet idiot. Deux ans à l’écouter se plaindre constamment du prix du grain et raconter les ragots de boulangerie ennuyeux entendus dans l’échoppe de son oncle.

    Elle avait jeté son dévolu sur lui à l’âge de quinze ans. Il était ennuyeux à l’époque et il l’était encore aujourd’hui, mais elle pouvait supporter l’ennui. Ce qu’elle ne pouvait pas supporter, c’était la faim qui lui tenaillait le ventre après une soirée sans repas, un mois sans viande, ou son travail harassant d’ouvrière agricole temporaire. Avec un homme stable comme Fervis, aux revenus assurés par le moulin familial, Ciardis aurait pu mener une vie oisive... ou presque. Mais désormais, à cause de ce goujat, elle était ruinée. Elle se retrouvait donc, à dix-sept ans, sans économies ni dot pour s’acheter un mari, et elle avait déjà repoussé tous les garçons à vingt kilomètres à la ronde pour prouver son dévouement à Fervis. Son dévouement, pour l’amour de Dieu ! Ça lui faisait une belle jambe, maintenant. 

    Une fois qu’elle fut venue à bout du dernier paquet de linge, elle sortit lentement de l’étuve et entra dans la première pièce où Sarah, l’intraitable lavandière en chef et responsable des finances, conservait les jetons de pointage. Les jetons de pointage étaient de petites fiches colorées correspondant chacune à une tâche. Un jeton rouge pour les vêtements difficiles à nettoyer, comme les pourpoints de cuir rouges, un jeton bleu pour le pliage d’un panier, un jeton vert pour le repassage. Elle comptait les siens tout en remontant le couloir en direction du bureau de Sarah. Aujourd’hui, elle avait lavé trois brassées à la main et avait repassé et rangé deux autres panières. C’était juste assez pour lui valoir un pointage suffisant après deux semaines de travail. Elle allait bientôt devoir payer l’aubergiste. 

    Elle tendit les jetons à Sarah et attendit patiemment devant le bureau en bois rayé. La femme mettait une éternité à effectuer chaque geste, surtout quand il s’agissait d’argent. Elle économisait le moindre shilling sur chaque vêtement et chaque morceau de savon qu’elle achetait.

    Enfin, Sarah lui remit son salaire et elle rentra chez elle. Elle avait même quelques pièces supplémentaires, assez pour un bol de soupe avec du pain ─ hourra ! Puisqu’elle avait de quoi payer en espèces sonnantes et trébuchantes, elle pouvait ajouter le dîner de la soirée à sa note. L’aubergiste était un homme bon, mais il ne manquait jamais de compter des intérêts sur l’ardoise du mois quand elle en ouvrait une. 

    Elle était glacée lorsqu’elle pénétra dans la cuisine chaude de l’auberge, malgré les trois couches dans lesquelles elle s’emmitouflait et les pantalons de laine sous ses jupes. Elle se précipita vers le feu pour réchauffer ses mains irritées au-dessus des flammes.

    Du coin de l’œil, elle aperçut l’unique serveur masculin de l’auberge qui faisait irruption dans la pièce à travers les portes battantes de la taverne. D’après le bruit qui s’engouffra derrière Kelly, elle comprit que les lieux grouillaient de voyageurs. Sûrement cette caravane qui s’apprête à partir, se dit-elle tout en grignotant un biscuit salé qu’elle avait chapardé sur une table d’appoint en entrant dans la cuisine. 

    Kelly s’élança pour sortir aussi rapidement qu’il était entré, un plateau chargé de mouton fumant sur les bras et une bouilloire vide se balançant au bout des doigts. Elle se baissa pour esquiver la bouilloire capricieuse et s’exclama, furieuse :

    — Regarde où tu vas, Kelly, espèce de rustre ! Tu as failli m’assommer.

    Ciardis repoussa son foulard en arrière, dévoilant sa crinière soyeuse tout en se redressant, les sourcils froncés. 

    — Désolée, demoiselle, dit Kelly qui franchissait déjà en toute hâte les portes battantes menant à l’intérieur de la taverne.

    Le vacarme lui parvint par les portes ouvertes. Il doit y avoir foule ce soir, songea Ciardis.

    — Eh, demoiselle ! lança le cuisinier replet. Ça fait plaisir de te voir.

    Il se pencha vers elle, dégageant une forte odeur d’épices appétissantes, et lui dit à voix basse :

    — Fais attention en rentrant dans ta chambre, tu entends ? Il y a beaucoup de cavaliers dans le coin, et tous ne sont pas des Gardis, si tu vois ce que je veux dire.

    Elle voyait très bien ce qu’il voulait dire.

    — Merci pour l’avertissement, dit-elle d’un ton grave.

    Elle prit deux tranches de pain frais et un bol pour la soupe, puis elle demanda à la serveuse de la taverne de lui verser sa portion, sous l’œil attentif du cuisinier. Après avoir payé son repas, elle attrapa une cuillère et quitta la cuisine.

    Elle décida d’emprunter les escaliers de derrière, sa soupe de lentille et son pain à la main. Elle gravit la volée de marches grinçantes. Sa sacoche lui labourait le dos et elle tenait son plateau branlant à deux mains. À peine eut-elle ouvert la porte de sa chambre qu’elle se jeta sur son repas, blottie dans les ténèbres de la pièce mal ventilée, avant de s’allonger sur le lit bosselé.

    Ciardis ne mit pas longtemps à s’endormir, toujours furieuse après le fils du meunier et en proie à une incertitude personnelle qui lui rongeait l’estomac.

    À minuit et demi, un bruit interrompit les rêves de Ciardis et la fit bondir sur son lit. Elle avait perçu le faible craquement des marches devant sa porte. La mine sombre, elle rejeta les épaisses couvertures et s’empara du couteau qu’elle cachait entre le matelas et le mur. Sans doute un soldat ivre.

    Sa chambre était juste assez grande pour s’y tenir debout, avec un plafond mansardé et un matelas qui mangeait la moitié du sol. Si un soldat la coinçait ici, elle n’aurait aucun moyen de riposter... à l’exception des 15 cm d’acier de la lame qu’elle tenait à la main. Le mieux étant encore d’éviter d’avoir à s’en servir. En évaluant ses options, elle comprit que la gouttière menant au toit était sa seule échappatoire. Il serait délicat d’y grimper à une seule main, mais Ciardis décida rapidement qu’il valait mieux garder le couteau à la main plutôt que dans sa ceinture. Elle s’empressa d’attraper le tabouret bancal dans le coin et écarta la pile de vêtements sur le sol. Le couteau dans la main droite, elle tendit le bras et poussa un panneau dans le plafond, qu’elle dégagea et posa près de l’ouverture. Elle s’agrippa à deux mains au bord du plafond et se hissa vers le haut, avant de remettre le panneau en place. À présent, elle se tenait dans le petit espace tampon entre la chambre et le toit. L’isolation y était sommaire, et au cœur de l’hiver le plafond subissait des pertes de chaleur. Malgré les fuites, dans des moments comme celui-ci, elle était contente de n’avoir jamais fait réparer le panneau. L’idée de rester enfermée dans cet espace aussi étroit qu’un cagibi et sans aération la rendait claustrophobe. Prenant soin d’avancer le plus silencieusement possible, elle empoigna la toile qui masquait un trou dans le toit que l’on n’avait pas jugé nécessaire de reboucher et desserra les clous qui la maintenaient en place. Certes, le panneau descellé du plafond et la toile présentaient de nombreux inconvénients... mais en l’occurrence, l’opportunité qu’ils lui offraient de s’évader de sa chambre les compensait largement. 

    Dès qu’elle se fut extirpée de la petite ouverture, le froid mordant la saisit jusqu’à l’os, en dépit de ses nombreuses couches de tissu. Ses doigts commencèrent à s’ankyloser. Pour tenter de réprimer la sensation de froid, elle se hâta de replacer la toile et serra les poings, remontant ses doigts engourdis à l’intérieur de ses manches pour les protéger du mieux possible. Malheureusement, ce système ne fonctionnerait pas très longtemps. Elle aurait forcément besoin de ses doigts tôt ou tard.

    Il ne doit pas faire loin de zéro, pensa-t-elle tandis que ses dents s’entrechoquaient. Sa petite chambre était suffisamment chauffée pour résister aux rigueurs du climat, mais dehors elle mourrait de froid si elle ne prenait pas garde. Elle n’entendait plus personne dans le couloir à présent, mais elle ne devait pas s’y fier. Elle ne tarda pas à se décider et traversa le toit en direction des écuries. Ce n’était pas l’endroit idéal pour dormir, mais c’était toujours mieux que de se faire violer, et Robe pourrait veiller sur elle. 

    Le toit escarpé formait deux pointes qui se dressaient dans le ciel nocturne. La pente était raide pour permettre à la neige accumulée de glisser plus facilement. Mais cela entraînait également la formation de congères au pied du mur et, pire encore, de glace. Elle poussa un juron à voix basse tout en se concentrant pour ne pas perdre l’équilibre. Elle trouvait ironique de chercher à fuir un soldat saoul pour aller s’écraser tête la première sur la glace en contrebas.

    Lorsqu’elle atteignit l’extrémité du toit, elle descendit avec mille précautions une échelle rendue glissante par le gel et atterrit sur la passerelle qui reliait le premier étage de l’auberge au niveau supérieur de la grange, où se trouvaient les stalles des pégases. À pas précipités, elle s’empressa de rejoindre la douce chaleur de l’écurie. À peine eut-elle posé le pied à l’intérieur que les particules de paille vinrent chatouiller son nez sensible aux allergies, la faisant éternuer. Ces allergies, notamment au printemps à cause de la poussière et des acariens, formaient un cocktail détonnant. Par conséquent, à n’importe quelle période de l’année, mais surtout à la saison du pollen, les écuries étaient un refuge qu’elle n’utilisait qu’en dernier ressort. 

    Sans s’attarder sur sa gêne respiratoire, elle se dirigea vers le bout de la rangée de stalles, où se trouvait le logement du gardien de l’écurie. C’était là que vivait Robe. Deux fois plus âgé qu’elle, il avait pourtant un esprit beaucoup plus jeune. Il adorait les animaux, et les animaux l’adoraient. Elle secoua la tête en silence, parcourue de frissons. Sa mentalité était simple, mais un bon rapport s’était établi entre Robe et le propriétaire de l’écurie. Garth estimait qu’un homme dont l’intelligence était de moitié inférieure à celle des autres et qui prenait un plaisir enfantin en compagnie des animaux ne risquait pas de lui faire faux bond. Il fournissait à Robe une chambre dans l’écurie, des repas réguliers et lui versait quelques pièces chaque mois, en échange de quoi Robe s’occupait des pégases et les entraînait. Pour Robe, c’était un accord intéressant : ses compétences en matière d’écurie contre un foyer. Ciardis, quant à elle, était d’avis qu’il passait à côté d’un revenu décent, mais en même temps la perspective de ce qui risquait de lui arriver dans les rues lui faisait froid dans le dos.

    Elle ouvrit délicatement la porte et se glissa dans le bureau, que Robe appelait la salle des « jolies choses ». La moitié de l’espace était occupée par des pierres qu’il avait ramassées, des chemises qu’il refusait de porter mais aimait contempler, et des morceaux de tissu coloré épinglés aux murs. De temps à autre, il y gardait aussi les poulains souffrant de coliques. Une fois, il avait recueilli un bébé léopard des neiges pendant un mois, il lui avait même construit un nid. Comment Robe avait réussi à attraper cette dangereuse créature ─ même un petit léopard blanc avait des griffes capables de rivaliser avec le couteau qu’elle tenait à la main ─ et comment il avait convaincu les pégases de garder son secret, elle ne le saurait jamais, mais lorsque Garth, l’aubergiste, avait découvert le jeune félin, il était entré dans une rage folle. Après d’âpres négociations, Robe avait fini par se laisser convaincre et avait rendu le petit à l’aubergiste. Garth avait dit à Robe qu’il l’enverrait dans un refuge pour animaux, mais en réalité l’aubergiste l’avait vendu à un noble sans jugeote qui collectionnait les animaux dangereux. 

    Ciardis se dirigea vers le mur du fond, où Robe avait installé un divan. Elle écarta doucement une pile de chemises bariolées, se glissa sur le canapé et se pelotonna. Son sommeil fut constant jusqu’au matin. Lorsqu’elle se réveilla, ce fut pour découvrir un bol

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