Pop&Rock. L’histoire de la musique Pop et Rock
Par Jürgen Seifert
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À propos de ce livre électronique
Jürgen Seifert
DDer Autor Jürgen Seifert (Jahrgang 1975) studierte Chemie in Basel und befasst sich seit über 25 Jahren eindringlich mit der Popkultur und gilt als glühender Fan der Musik der Sechziger, Siebziger und mit Einschränkungen auch der Achtziger. Jürgen Seifert ist Autor der Bücher "More than 50 Years" und "Pop&Rock - die Geschichte der Pop - und Rockmusik".
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Avis sur Pop&Rock. L’histoire de la musique Pop et Rock
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Aperçu du livre
Pop&Rock. L’histoire de la musique Pop et Rock - Jürgen Seifert
Table des matières
PRÉFACE
Le mensonge Robert Johnson
Big City Blues
Industry Rising
American Dream
Roll over Beethoven
La revue de presse Rock’n’Roll
Les années de fatigue
Les classiques des années cinquante
LES ANNÉES SOIXANTE
British Invasion
Mods vs. Rockers
Les étapes de l’histoire du Rock
Buried Alive in Blues
L’Allemagne entre la Beat et les variétés
Surfin’ USA
Sweet Soul Music
Political World
Les légendes : Bob Dylan
Les disques de Dylan : Les moments forts
L’axe Beatles-Dylan
Feed your Head
Summer of Love
Étapes décisives en 1967-68
Les légendes : Pink Floyd
Les disques de Pink Floyd : Les moments forts
New York Underground
1969 – De la subculture à la contre-culture
Vers la folie
Le mythe de Woodstock
L’héritage de Hank Williams
Étapes décisives en 1969
When the Music’s over
Les classiques des années soixante
LES ANNÉES SOIXANTE-DIX
Let it be
Heavy Metal Thunder
Étapes décisives en 1970
La musique classique doit craindre le pire
La planète paillettes
Étapes décisives en 1971
Les légendes : David Bowie
Les disques de Bowie : les moments forts
Play that funky Music
Les messages cosmiques
Étapes décisives en 1972-1973
Le nouveau Dylan
Reggae Man
Les légendes : Neil Young
When the music’s over
Étapes décisives de 1974 à 1976
Lower East Side
La bombe Disco
Bogart à Casablanca
Elvis is Dead – so what!
Anarchy in the UK
Étapes décisives de 1977 à 1978
Post –Punk
Les disques essentiels du post Punk
NDW – la Neue Deutsche Welle
Étapes décisives en 1979
D’autres disques des années soixante-dix qu’il faut connaître
Les classiques des années soixante-dix
LES ANNÉES QUATRE-VINGTS
Le glamour est de retour
Étapes décisives de 1980 à 1982
Metal Gods
I want my MTV
La bande son des années quatre-vingts – 38 disques que l’on se doit d’avoir écouté pour comprendre les années quatre-vingts.
Les légendes : Leonard Cohen
Les disques de Cohen : les essentiels
Les années quatre-vingts – une horreur sans fin
Étapes décisives de 1983 à 1985
Aal Männer, aalglatt
Une atmosphère de ruée vers l’or
Hardcore – An American Odyssey
Rumble in the Bronx
24 Hour Party People
Étapes décisives de 1984 à 1987
La dictature des bien-pensants
Amélioration en vue
Étapes décisives de 1988 à 1989
Les classiques des années quatre-vingts
LES ANNÉES QUATRE-VINGT-DIX
L’épicentre Seattle
Étapes décisives de 1990 à 1992
Americas Most wanted
20 disques qui marquèrent la décennie (qu’on le veuille ou non)
Le pic de la Pop
The Raving Nation
Étapes décisives de 1993 à 1995
La technique de demain
1994 : Dur dur, et encore plus dur
Cool Britannia
Alphabet des années quatre-vingt-dix
Étapes décisives de 1996 à 1998
Quoi de neuf à l’école de Hambourg?
Les classiques des années quatre-vingt-dix
MILLÉNIUM
My City of Ruins
Étapes décisives de 2000-2005
La chasse aux pirates
In Memoriam : Michael Jackson (1958-2009)
Les années fastes sont révolues
Les supports sonores du siècle nouveau – les disques que nous avons adorés et ceux que nous avons détestés
La décharge publique de la musique Pop
Bibliographie
Citations
PRÉFACE
Par pitié, épargnez-moi un énième ouvrage de référence sur le thème de la musique Pop! Lorsqu’il s’agit d’un essai qui prétend propager l’histoire de la Pop, l’expérience nous apprit que la réserve est de mise. Dans l’attente prometteuse d’une minutieuse encyclopédie musicale, on fait régulièrement patienter le lecteur naïf en lui proposant un autre de ces barbants lexiques ou livres illustrés, l’étourdissant par une juxtaposition de biographies succinctes et impersonnelles, ainsi que par une énumération exagérée et paralysante de faits absolument inutiles, au lieu tenir les promesses données d’un highway musical de presque 100 ans de musique Pop. Ce livre tente d’examiner l’histoire de la Pop par un récit chronologique continu, relate l’histoire des hommes qui représentèrent une tendance musicale – que ce soit dans le sens positif ou négatif – ou qui contribuèrent particulièrement à son évolution.
Il serait présomptueux de vouloir rassembler dans à peine 600 pages l’histoire de la musique populaire avec tous ses éléments moteurs, ses anecdotes et innombrables tubes. S’il fallait rendre hommage de manière adéquate à chaque musicien apparut un jour quelque part dans les bas-fonds des hit-parades, je serais alors bientôt prisonnier de la rédaction d’un nouveau lexique superflu au sujet du Rock ; par ailleurs, personne ne souhaite prolonger inutilement la taille du livre. « Pop & Rock » ne prétend ainsi aucunement faire état d’intégralité. On ne trouvera dans ce livre presque aucune information sur le Jazz ; à ce sujet le lecteur intéressé devra se référer à la littérature spécialisée correspondante. La musique Country y est également peu traitée. Le fossé entre la musique Rock et Hillbilly semblait ici insurmontable ; deux domaines soigneusement séparés qui ne s’accordèrent que sous réserve. Les cowboys chanteurs purent, eux aussi, ne serait-ce qu’une seule fois, laisser leurs traces de sabots dans l’histoire du Rock lorsque, à la fin des années soixante, une génération entière de musiciens Rock en dérive partit en pèlerinage à Nashville après trop d’excès musicaux et d’abus de drogues, se laissant entraîner par les musiciens locaux dans l’art et le savoir-faire de la musique Country, espérant ainsi atteindre un surcroît d’authenticité et de respect. La question décisive est bien celle de la définition de la musique Pop. D’innombrables sociologues et créateurs culturels s’efforcent avec fougue depuis des années de scientifiser le terme de Pop par le biais d’approches philosophiques plus ou moins instructives. Qu’est-ce que la Pop? Il n’existe guère de définition satisfaisante et généralisée en réponse à cette question qui brûle certainement les lèvres de bon nombre de lecteurs. « Pop sonne comme le mensonge représentatif d’une société qui, dans ce qui semble être sa diversité, connait la plus monstrueuse concentration de capital et subit, dans ce qui semble être sa liberté, les plus abominables formes d’exploitation et d’exclusion» ; par ces mots sont cités Tom Holert et Mark Terkessidis dans leur essai « Mainstream der Minderheiten ». L’étiquette Pop comme abréviation de « populaire » fait partie du débat et ne décrit pas en premier lieu une propriété musicale. Pop fut autrefois synonyme de fraîcheur, de révolte et de liberté, offrant un fil conducteur au travers du labyrinthe de l’évolution culturelle chez les jeunes ; la Pop signalisait alors l’expression de la rébellion des jeunes et la démarcation par rapport à la génération de leurs parents et de ses notions de morale rigides et sclérosées, tout en se référant à l’attitude subculturelle souvent nommée de l’opposition, alors que l’on pensait pouvoir bouleverser l’ordre mondial par une simple chanson contestataire. Aujourd’hui, la Pop en tant que culture de démarcation est devenue maculature. L’illusion de la force explosive subculturelle du Rock quitta la partie, au plus tard depuis le fléchissement du Punk à la fin des années soixante-dix. Quasiment toutes les conceptions émancipatoires et libérales, un jour adoptées par la musique Rock et qui conduisirent à des conflits entre les générations, sont depuis bien longtemps maintenant consensus de la société. La culture des jeunes ne signifie plus aujourd’hui rébellion et protestation mais reflète la société et ses idéologies dominantes.
Non pas depuis mémoire d’homme mais au plus tard depuis qu’Elvis apparut sous les feux des projecteurs avec son déhanchement lascif, ébranlant le monde musical dans ses fondements, chaque théoricien musical et théologien opportuniste se sent dans l’obligation de disséquer la musique Pop dans des essais sans fin. Chaque lecteur a très certainement sa propre conception de la musique Pop. J’associe généralement la musique Pop à la musique d’ABBA et de Depeche Mode – une musique qui se laisse principalement définir par d’ennuyeuses statistiques de ventes, alors qu’à l’écoute du seul mot «Rock» on pense communément plutôt au son sans fioritures d’AC/ DC et aux Rolling Stones. Je choisis pour ce livre d’employer le terme commun de musique Pop comme synonyme de la plupart des variantes de musique populaire ; du Rhythm’n’Blues à la Soul, Rock’n’Roll, Heavy Metal, Hiphop et Techno. Je préfère exclure la musique de variété et la musique folklorique, ne voulant pas trop brusquer le lecteur.
« La Pop abolit les limites de la société en abolissant les limites du goût : la Pop fut un bouleversement des rapports, des aménagements du pouvoir, de la façon de parler, de penser, de vivre. La Pop fut une révolution qui débuta par une approche esthétique et triompha politiquement et économiquement » (Der Spiegel)
La tentative de coucher par écrit l’histoire de la musique Pop se soumet presque fatalement à un cadre subjectif, consciemment sélectif. L’histoire de la Pop sera toujours présentée sous un angle déformé, en fonction de la personne qui la raconte. Un rédacteur de SWR1¹ mettra évidemment en avant l’importance de Jethro Tull, Queen et Genesis en tant que personnages clés et en fera du nec plus ultra, du sublime et de la folie. Un journaliste musical entêté, lassé de toutes ces futilités, construira sa Popstory autour de personnages en marge tels que Lou Reed, Iggy Pop ou Patti Smith. On oublie facilement que les critiques de musique Rock au goût musical infaillible ne représentent en règle générale qu’une faible minorité. L’histoire de la musique Pop peut en effet être racontée de deux perspectives différentes. La première histoire s’oriente en fonction des hit-parades forts en consensus qui, dès leur instauration au début des années cinquante, reflétèrent une image d’épouvantables fautes de goût et de jugements erronés, de manipulation et de naïveté. Il s’agit là de musique basée sur le commerce et le calcul implacable, dont les très gênants représentants se ridiculisent lors d’annuelles manifestations tapageuses comme les MTV Europe Music Awards devant un public pubertaire, dont on se doit de toute façon de contester une quelconque compréhension culturelle et qui n’est pas encore capable de faire la différence entre pure arnaque et passion dévouée pour la musique.
Voilà qui servira à matière pour des émissions télévisées niaises à la « Ultimate Chart Show », qui vendent la musique Pop comme un Quatsch-Comedy-Club². À l’antipode de ceci tout n’est pas aussi réjouissant. Des groupes qui jouèrent la plupart du temps à l’écart des projecteurs dans des clubs de la taille d’une boîte à chaussures pour un public exclusif et qui ne se préoccupaient pas des codes classiques; des groupes, dont la gloire pendant leur période d’activité ne correspondait en rien à l’énorme influence qu’ils exercèrent sur la génération de musiciens qui les suivit et qui eurent uniquement le droit de se voir créditer d’avoir influencé de façon déterminante le cheminement de l’histoire de la Pop en faisant preuve de clairvoyance, en générant de nouvelles tendances qui s’avérèrent plus tard être les bonnes. L’ouvrage ici présent tente de tenir compte de ces deux courants. Au premier abord, cela paraît peut-être atroce d’observer toutes les starlettes de la Pop de tout public pendant leurs magouilles, sachant qu’elles ne cachent aucunement que leur présence dans le manège de la Pop n’a d’objectif principal que d’atteindre le statut de star et de collectionner les numéros un des ventes dans les hit-parades. Mais ce sont elles qui viennent contribuer à l’assainissement des maisons de disques et c’est sous cette condition qu’un groupe de Rock indé récalcitrant parvient à décrocher un contrat bien mérité avec une maison de disques ; ce n’est par exemple que grâce à un Herbert Grönemeyer³ que les extraordinaires Element of Crime purent « bricoler » leur musique sans pression pendant des années chez Polygram.
« On ne peut ignorer que le Trash, ces détritus de Pop interchangeables qui sont produits par les maisons de disques, contribuent uniquement à la stabilité économique, alors que dans la musique Rock des icônes apparaissent qui, indépendamment de leurs pensées, supportent le mode de vie capitaliste en tant que fondement de la culture de liberté. »
(Martin Büsser, If the kids are united, p.86)
J’avoue franchement que la musique Pop actuelle m’est tout à fait contraire, je me surprends moi-même à faire partie d’une génération qui se lamente de la déchéance d’une culture musicale ayant soi-disant été un jour si vibrante et authentique, alors que, étant né en 1975, je devrais mieux le savoir. Peut-être que ce qui est populaire ne peut effectivement plus être novateur et moderne. Ce qui, jour après jour, glisse des mains des DJ radio se définit par un caractère répugnant difficile à surpasser ; des sons synthétiques enregistrés, téléguidés par l’autopilote, sans un seul soupçon d’inspiration. La Pop me semblait par le passé être révoltée, directe, vive et authentique – autant d’attributs qui nous manquent aujourd’hui douloureusement. « Nous vivons aujourd’hui dans un consensus qui n’a rien à voir avec ce qui se passe dans le monde. À défaut d’alternatives réalistes, nous consentons et écoutons la musique correspondante. Il y a de moins en moins de Bob Dylan mais ils existent et, un jour ou l’autre, ils ressurgiront bruyamment. Et tout le monde dira : enfin » laissa passer dernièrement à travers la presse musicale l’acteur et musicien Jan Josef Liefers. Il est donc grand temps de quitter le présent pour se plonger dans le monde oublié du passé, lorsque les bateaux à roue traversaient encore la Yazoo River et qu’un chant nostalgique de solitude et d’expression de soi retentissait dans le delta du Mississippi.
1 Station de radio du sud-ouest de l’Allemagne
2 Le « Quatsch-Comedy-Club » est un club à Berlin et une émission télévisée allemande de divertissement qui donne sa chance à de jeunes humoristes.
3 Herbert Grönemeyer est un chanteur allemand très populaire, comparable à Jean-Jacques Goldmann ou Michel Sardou en France
Le mensonge Robert Johnson
Rétrospectivement, on peut, avec une once d’entendement, trouver les racines du Rock dans presque tous les genres de musique populaire et folklorique américaine du milieu des années trente. » (Robert Palmer, Bildgeschichte der Rockmusik, p.85)
De nombreux genres musicaux du siècle dernier revendiquent volontiers avoir joué un rôle de parrainage prépondérant dans le développement du Rock’n’Roll et dans l’évolution de la culture Pop. Les représentants de la musique Country arguent que c’est dans les états du Sud, avec Memphis en épicentre, qu’un groupe d’adolescents fusionna le Rhythm’n’blues avec le folklore blanc des états du Sud en créant le Rockabilly. Nul autre qu’Elvis sut très exactement comment jouer le Blues primitif avec un Country-beat et que dans le Rock’n’Roll, non seulement la sensualité noire a sa place mais que les sentiments blancs en font également partie. Même le jazz estime avoir exercé à la nuit des temps une grande influence dans la propagation du Rock’n’Roll avec pour justification : sans Jazz pas de Swing et donc pas de Big Bands, qui, durant les premiers temps, chauffèrent assidument la salle pour les stars du R&B. Finalement ce fut cependant le Blues qui stimula le plus durablement l’homme blanc à la recherche des origines de la musique Rock. « Le Blues est la racine de toute musique, que ce soit le Jazz, les ballades ou le Rock’n’Roll » – l’icône du Blues John Lee Hooker ne cessa de propager inlassablement cette phrase et personne n’eut jusqu’à présent l’audace de dénigrer sa théorie.
Le terme du genre « Blues » reste partiellement insaisissable, décomposé en d’innombrables sous-genres qui décontenanceraient probablement même les experts les plus pointilleux. Le Blues citadin, le Blues rural, le Blues classique, le Blues urbain, le Jump Blues – je n’essaie même pas d’apporter un peu de clarté dans la jungle des notions et de la terminologie. « Le Blues était une musique triste, le Blues urbain un chant d’adaptation – le R&B une musique de danse joviale. Le Blues était un chant rural, le Blues urbain la musique des grandes villes – le R&B était la musique des ghettos noirs » selon les réflexions de l’auteur Arnold Shaw. Des tentatives d’explication plus déconcertantes qu’éclairantes. Chaque lecteur intéressé entendit probablement déjà parler plus ou moins de la même façon des piliers de l’histoire du Blues, la culture Pop enjolivée de romantisme ayant, ne l’oublions pas, su dès ses débuts maîtriser la formation du mythe autour de son passé. Le Blues est associé depuis la nuit des temps à un état d’abattement et de désespoir. L’image du hobo solitaire et amer s’est inscrite à jamais dans la mémoire collective, debout au croisement d’un chemin, sous un soleil de plomb, quelque part dans les états du Sud, entonnant la complainte nostalgique du déracinement et de la solitude, pendant que ses compagnons d’infortune s’échinent dans les champs de coton sous le joug du pouvoir féodal des propriétaires de plantation blancs; le Blues en cri d’exclamation d’un peuple opprimé, le chant une expression intensive de leur existence dans la pauvreté, l’indigence, l’humiliation sociale et la frustration émotionnelle. Récemment, l’auteur Elijah Wald écarta rigoureusement dans son livre méticuleusement documenté « Escaping the Delta » le mythe du Bluesman abattu du delta du Mississippi, qui selon lui fut une pure invention de certains critiques musicaux blancs. « Lorsque les citadins blancs découvrirent les Race Records dans les années vingt et trente, ils transformèrent la musique de façon à ce qu’elle corresponde à leurs propres goûts et à leurs attentes. Ils créèrent un mythe foisonnant, ne supportant que très peu de ressemblance avec la réalité des musiciens vénérés. Des artistes populaires renaquirent en voix primitives issues du sombre et sulfureux delta, et une musique remarquable de professionnalité et d’humour fut sciemment transformée en cri de douleur d’un peuple en souffrance. On ne peut ignorer que la pauvreté et l’oppression provoquèrent l’apparition du Blues, mais c’est son énergie effrénée et ses promesses, et non la mélancolie folklorique, qui attirèrent les acheteurs de disques noirs³. On oublia que les musiciens de Blues pouvaient aussi être des entertainers compétents qui adaptaient leur musique à un public aussi actif que critique – un public qui vénérait les chanteurs de Blues, symboles de la réussite, avec leurs costumes chics et pouvant faire sortir comme par magie une liasse entière de dollars de la poche de leur veste.
« Le Blues ne signifie pas que l’on doit être assis sur une véranda, habillé d’une salopette rapiécée et se lamentant qu‘une femme nous a quitté. Les femmes quittent aussi les hommes riches. J’ai toujours trouvé la fascination pour tout ce « down and out » suspecte. Qu’y a-t-il de mal à avoir du succès et à monter sur scène bien habillé? » (Little Milton, Escaping the Delta, p.9)
Lorsque les maisons de disques commencèrent, au début des années vingt du siècle dernier, à appeler la musique «Blues», elles le firent principalement selon des critères de calcul commercial, afin de catégoriser les disques des Blues Queens ; les Blues Queens comme Mamie Smith en était une. Son Crazy Blues se vendit si bien que le label créa rapidement une classification conçue spécialement pour les acheteurs de disques noirs – les Race Records. Le nom Smith sembla endosser parmi les Blues Queens des dimensions véritablement inflationnistes. Mamie Smith fut suivie de Bessie Smith, qui n’avait d’ailleurs aucun lien de parenté et relégua brutalement dans l’ombre la popularité de Mamie. Bessie était dans les années trente une chanteuse populaire, comme l’auteur Tony Palmer l’argumenta plausiblement : « Bessie Smith est, quant à la compréhension du Blues, probablement plus importante que tout autre artiste. Elle réforma un art issu essentiellement du peuple et lui donna une forme digne. Elle rassembla avec détermination les différents éléments de cet art populaire et les combina ensemble⁴. » Mais dans l’histoire de la Pop, on ne réserva qu’une note de bas de page au nom de Bessie Smith, comme pour toutes les autres élégantes Blues-Queens.
On devait être à la fin des années cinquante lorsqu’une horde d’adolescents britanniques se passionna ardemment pour la musique Blues, une musique brûlant littéralement d’authenticité. Les musiciens portaient des noms populaires tels que Eric Clapton, Keith Richards ou John Mayall, et ce ne furent pas les Blues-Queens des quartiers noirs des grandes villes, qui avaient de quoi mais étaient finalement très ennuyeuses, qui enflammèrent l’imagination des disciples blancs du Blues, mais bien les Bluesmen solitaires du delta qui aboyaient dans le micro leur chant des tourments de l’âme humaine et de la quête d’un réel accomplissement. Cela sonnait vraiment énormément plus authentique que la biographie peu prometteuse de la Blues-Lady pomponnée qui décrochait des tubes dans les hit-parades et se laissait conduire en taxi jusqu’au prochain night-club.
« La mission des Rolling Stones était de valoriser le Blues dans les îles britanniques. À un moment où même les noirs d’Amérique ne voulaient plus rien savoir de l’ héritage du martyre de leurs ancêtres et préférèrent s’abandonner corps et âme à l’art de séduction inégalablement plus sensuel de la Soul» (ROLLING STONE)
C’est ainsi qu’au début des années soixante, les fans et journalistes blancs ratissèrent le sud marécageux sur les traces des origines de la musique Blues, colportant comme un moulin à prières la fable du chanteur de Blues brisé en éternelle errance et créèrent ainsi à titre posthume un mythe encore présent aujourd’hui. Le fait qu’il n’existe que peu de sources écrites pas plus que de témoignages des musiciens eux-mêmes ne préjudicia certes pas non plus la formation de la légende. L’ethnologue Alan Lomax de la Library of Congress à Washington D.C. se mit également e