Épiphane de Salamine, docteur de l'iconoclasme ? Déconstruction d'un mythe
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Saint Épiphane de Salamine vécut à Chypre au IVe siècle. Père de l'Église connu pour son combat acharné contre l'hérésie, on lui attribue pourtant cinq textes dénonçant le recours aux images. Ces écrits lui ont même valu le titre de précurseur des iconoclastes du VIIIe siècle. Il aurait considéré toute forme de vénération d'image, aussi chrétienne soit-elle, comme étant une forme d'idolâtrie. En accord avec la religion juive, il aurait interprété le 2e commandement comme étant une interdiction absolue de toute image. On a fait d'Épiphane le dernier témoin d'un christianisme primitif, aniconique et iconophobe. Il existe toutefois de nombreuses contradictions entre la doctrine de ces cinq écrits iconophobes et celle des œuvres incontestablement authentiques de saint Épiphane. La tradition iconographique est-elle une simple adaptation de l'art représentatif par les chrétiens des premiers siècles, en toute conformité avec l'Évangile et la foi des apôtres, ou constitue-t-elle une forme de corruption de la foi pure, aniconique et iconophobe des origines ? La question de l'authenticité des documents attribués à Épiphane est donc centrale. Seule une authentification des cinq textes peut nous permettre de trancher la question. C'est à cette tâche qu'a voulu s'atteler l'auteur en entreprenant la recherche qu'il nous présente dans ce livre.
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Épiphane de Salamine, docteur de l'iconoclasme ? Déconstruction d'un mythe - Steven Bigham
Qui était saint Épiphane de Salamine ?
Saint Épiphane naquit autour de 315 à Éleuthéropolis en Palestine. Nous ne connaissons presque rien de cette période et le peu d’information que nous possédons est disputé, comme nous le verrons plus tard. Très jeune — nous ne pouvons pas dire plus — il alla en Égypte pour y faire ses études et là, soit en les terminant soit en les interrompant, il adopta la vie monastique. Vers l’âge de vingt ans — Pourkier pense vers l’âge de trente ans — il rentra en Palestine où il fonda un monastère à Bésanduc, dans la région d’Éleuthéropolis, dont il devint l’higoumène. Pour des raisons mal connues, saint Épiphane abandonna la Palestine et immigra à Chypre² où, en 367³, les évêques de l’île l’élurent chef de l’Église de Salamine, c’est-à-dire archevêque de Chypre, qu’il gouverna jusqu’à sa mort en 403.
La vie de saint Épiphane se divise donc en quatre périodes de longueur inégale et dont la datation est approximative, sauf pour la dernière partie : 1) sa jeunesse en Palestine de 315 à 330, 2) son éducation et sa formation monastique en Égypte de 330 à 340, 3) la direction de son monastère à Bésanduc en Palestine de 340 à 367 et 4) son épiscopat à Salamine en Chypre de 367 à 403, pendant presque quarante ans⁴.
Grâce à ses œuvres écrites, à ses voyages, à son ascétisme et à ses luttes contre toute hérésie, saint Épiphane acquit une réputation internationale de sainteté de vie et de pureté de doctrine⁵. Bien que beaucoup l’aient estimé, des plus grands de ce monde jusqu’aux plus humbles, sa réputation ne fit pas l’unanimité. La fermeté de ses opinions et la détermination féroce de sa lutte contre les hérésies et contre ceux qu’il considérait comme hérétiques lui attirèrent nombre d’ennemis. Sans doute fut-il parfois à la source de ses propres ennuis.
Les œuvres authentiques de saint Épiphane de Salamine
La réputation de saint Épiphane repose en grande partie sur ses œuvres écrites. Chronologiquement, la première œuvre s’intitule l’Ancoratus⁶ (l’Homme ancré). Elle fut écrite en 374 pour les chrétiens de Syèdres en Pamphylie, qui souhaitaient un exposé des doctrines traditionnelles de la Trinité et du Saint-Esprit.
La deuxième œuvre de saint Épiphane, terminée en 377, s’appelle le Panarion⁷ (pharmacie, boîte à remèdes). En réponse à la demande de deux prêtres de Chalcis et de Bérée (la ville moderne d’Alep) qui l’imploraient d’écrire un livre sur les hérésies⁸, saint Épiphane accéléra le travail de compilation et de composition déjà commencé. Le Panarion est un catalogue de quatre-vingts hérésies, accompagné de la réfutation de chacune d’elles.
Sur les mesures et poids⁹, Sur les douze gemmes¹⁰ et Lettres¹¹, sont toutes trois des œuvres mineures et fragmentaires, qui ont été reconnues comme authentiques.
D’autres écrits iconophobes attribués à saint Épiphane seront analysés plus bas.
Par ailleurs, certains documents n’ont pas été retenus comme authentiques par la critique moderne¹².
Le profil théologique de saint Épiphane de Salamine¹³
En ce qui concerne sa culture théologique, saint Épiphane pouvait inspirer à la fois l’admiration et le mépris. Ceci est vrai pour l’Antiquité autant que pour les époques ultérieures. Tous sont d’accord pour dire qu’il savait beaucoup, qu’il lisait beaucoup, qu’il écrivait beaucoup, mais tous ne sont pas d’accord sur la profondeur de sa pensée, voire de son intelligence. Son éducation en Égypte, au cas même où elle fut classique, ne laissa pas de marque profonde sur sa pensée ou sur ses œuvres. On a caractérisé le grec des œuvres de saint Épiphane d’un niveau guère plus élevé que la koinè du Nouveau Testament. Il reçut par contre une formation solide dans les Écritures et maîtrisait plusieurs langues, quoiqu’à des niveaux différents. Sa formation monastique en Égypte influença sa pensée tout au long de sa vie et le rendit allergique à la culture classique et païenne.
Cette éducation biblique et monastique se manifeste dans ses œuvres où il défend ses idées en faisant appel aux Écritures, à la Tradition de l’Église et aux Pères. Très peu enclin à la métaphysique et à la philosophie spéculative, il avait pris très jeune Origène en aversion, pour son interprétation allégorique des Écritures et pour ses spéculations métaphysiques.
Saint Épiphane était un farouche défenseur de la théologie du concile de Nicée I et du homoousios, ou de la consubstantialité du Fils avec le Père. Il identifiait la doctrine origéniste de la subordination du Fils au Père comme l’origine de l’arianisme.
Il avait également un grand souci de la pureté de l’Église, surtout de sa pureté doctrinale. Les hérésies étaient donc les morsures infligées par des serpents venimeux dont les remèdes se trouvent dans la boîte à médicaments, c’est-à-dire son livre le Panarion. Toute sa vie, saint Épiphane se battit contre les doctrines qui déviaient de ce qu’il considérait comme la vraie doctrine de l’Église, l’orthodoxie.
Le Problème
Le problème que nous nous proposons d’aborder dans cette étude comporte deux volets :
— l’authenticité des cinq écrits iconophobes¹⁴. Presque tous les spécialistes des temps modernes classent les écrits iconophobes, attribués à saint Épiphane de Salamine, parmi ses œuvres authentiques. Ont-ils raison de le faire? Ou alors, ces écrits sont-ils des documents faux, falsifiés ou mal interprétés?
— l’attitude de saint Épiphane envers les images chrétiennes. En reconnaissant l’authenticité des écrits iconophobes, ces mêmes spécialistes concluent logiquement que saint Épiphane était un iconophobe rigoriste, c’est-à-dire qu’il considérait une image chrétienne comme une idole. En outre, ils prétendent que saint Épiphane est un témoin éminent d’une iconophobie foncière du christianisme ancien. Là encore, ont-ils raison? La réponse donnée à la première question conditionne évidemment celle donnée à la seconde. Il est à noter que la réputation iconophobe d’Épiphane repose uniquement sur ces écrits.
Mais le problème n’est pas nouveau. Ces écrits ne sont entrés dans l’histoire que trois cents ans après la mort de saint Épiphane en 403. C’est à l’époque de l’iconoclasme byzantin¹⁵ (726/730-843), dans la controverse sanglante sur la légitimité de l’image chrétienne — de l’existence même de l’image chrétienne et de sa vénération — que ces écrits furent cités pour la première fois. Ce sont les iconoclastes byzantins qui les attribuèrent à la plume de saint Épiphane. Les adversaires des iconoclastes, les iconodoules, répondirent que les écrits sont des faux inventés ou falsifiés par les iconoclastes et attribués au père de l’orthodoxie pour étayer leur cause. Et à la Réforme protestante du XVIe siècle, et même aujourd’hui, on cite ces écrits comme un témoignage de l’iconophobie de la tradition ancienne chrétienne et comme une justification de tout iconoclasme modéré ou rigoriste.
Nous avons dit plus haut que « presque tous les spécialistes des temps modernes » acceptent l’authenticité des écrits iconophobes attribués à saint Épiphane de Salamine. D’autres savants, très minoritaires, ont exprimé des doutes sur le sujet. Cet ouvrage a pour ambition d’approfondir la question de l’authenticité des écrits iconophobes attribués à saint Épiphane de Salamine. Est-il justifié de classer ces écrits parmi les œuvres authentiques de saint Épiphane et, par conséquent, de reconnaître en lui un « docteur des iconoclastes¹⁶ »?
1
TRADUCTION
DES ÉCRITS ICONOPHOBES
ATTRIBUÉS À ÉPIPHANE DE SALAMINE
(310/315-403)
Traductions
Vers la fin du IVe siècle, Épiphane de Salamine, archevêque de l’Église de Chypre, aurait écrit cinq documents qui expriment, entre autres, une attitude iconophobe et iconoclaste envers les images chrétiennes. De son vivant, Épiphane avait la réputation d’être un grand défenseur de l’orthodoxie ; il a écrit l’Ancoratus, une défense de la foi traditionnelle de l’Église, et le Panarion, un catalogue de quatre-vingts hérésies assorti d’une réfutation de chacune. À la lumière de la définition de Nicée II (787) sur les images chrétiennes, les écrits iconophobes attribués à Épiphane détonnent singulièrement. Pour les iconoclastes de tous les siècles, ces écrits sont un appui de taille à leur thèse, et pour les iconodoules, un immense fardeau. La question de l’authenticité est au cœur du débat. Les écrits sont-ils vraiment d’Épiphane? Nous les présentons ici dans une traduction française basée sur les textes grecs que Herman Hennephof a réunis et publiés dans la collection Textus Byzantinos ad Iconomachiam Pertinentes, Leiden, E. J. Brill, 1969, p. 44-49. Nous avons donné les documents en ordre chronologique — si Épiphane en est l’auteur — plutôt que dans l’ordre du Textus.
Post-Scriptum¹⁷ de la Lettre d’Épiphane écrite à Jean, évêque de Jérusalem
La Lettre à Jean de Jérusalem¹⁸ se compose de deux moitiés inégales : Dans la première, sections 1-2, Épiphane se défend contre l’accusation d’avoir illicitement ordonné diacre et prêtre le frère de Jérôme, Paulinien, lorsque Épiphane était dans la juridiction de Jean de Jérusalem. Dans les sections 3-8, Épiphane réfute l’origénisme et invite Jean à répudier cette hérésie. Il y a ensuite le texte que nous présentons ici, le Post-Scriptum, section 9. Épiphane y raconte l’incident à Anautha en Palestine où il arracha une tenture d’église sur laquelle se trouvait « dessiné quelque chose d’idolâtre, semblable à un homme ». Les paroissiens s’opposèrent à son geste intempestif et il promit de remplacer la tenture avec une autre. L’incident, la Lettre à Jean de Jérusalem et le Post-Scriptum grec sont datés de 393.
Le Dieu de la paix agira avec nous selon son amour pour les hommes afin d’écraser Satan sous nos pieds, et de repousser tout mauvais prétexte, pour que ne se brise pas le lien entre nous, le lien de l’amour sincère du Christ et de sa paix, le lien de la foi droite et de la vérité.
J’ai entendu que certains s’étaient plaints lors de notre passage dans le saint lieu de Béthel¹⁹. Quand nous sommes entré dans le village appelé Anautha, nous y avons vu une lampe allumée. En demandant des renseignements, nous avons appris qu’il y avait une église dans ce lieu. Nous sommes entré pour prier et nous avons trouvé une tenture colorée qui pendait devant la porte. Sur la tenture était dessiné quelque chose d’idolâtre, semblable à un homme. Ils disaient²⁰ que c’était peut-être une représentation du Christ ou d’un des saints ; je ne me souviens pas²¹. Sachant que de telles choses sont détestables dans une église, j’ai arraché la tenture et j’ai suggéré de l’utiliser comme linceul pour un défunt pauvre. Mais les paroissiens qui s’étaient plaints ont dit que j’aurais dû remplacer la tenture de mes propres ressources, avant de l’arracher. Alors, j’ai promis d’envoyer une autre tenture à la place de la première, mais j’ai tardé à l’envoyer parce que j’avais besoin de chercher. J’attendais alors qu’elle me soit envoyée de Chypre. L’ayant maintenant trouvée, je l’ai envoyée. Donc, juge bon de demander au prêtre de la paroisse d’accepter la nouvelle tenture portée par le lecteur. Je t’exhorte aussi à ordonner de ne plus déployer de telles choses dans les églises, car il convient à ton Honneur de te soucier de tout et d’examiner minutieusement tout ce qui est profitable à l’Église de Dieu et à ses fidèles.
Traité²² de saint Épiphane contre ceux qui, selon une pratique idolâtre, font des images en vue de reproduire la ressemblance du Christ, de la Mère de Dieu, des anges et des prophètes
Si à partir de la séquence des écrits, nous suivons non seulement la datation des écrits établie par Holl, mais aussi l’histoire que ce dernier a proposée²³, nous comprendrons le Traité, écrit en 394, comme l’apologie théologique d’Épiphane pour justifier son geste à Anautha.
Examinons les patriarches et les prophètes qui se conduisaient selon la volonté de Dieu et imitons-les pour que nous puissions nous appeler vraiment fils de l’Église catholique et apostolique. C’est donc à ceux qui connaissent la loi que je m’adresse.
Qu’ils répondent, ceux qui courent sans savoir où ils vont. Qui, parmi les saints pères s’est prosterné devant une représentation faite de main d’homme ou qui a permis à ses propres disciples de la vénérer? Qui parmi les saints, ayant abandonné l’inépuisable trésor, l’espérance dans la connaissance de Dieu, et s’étant peint, a commandé que l’on se prosterne devant l’image? Abraham, le chef des fidèles, n’a-t-il pas été appelé l’ami du Dieu vivant fuyant les choses mortes? Ou Moïse n’a-t-il pas refusé la jouissance immédiate en fuyant une telle erreur?
Mais tu me diras : « Les pères ont détesté les idoles des nations, mais nous faisons des images des saints en leur mémoire et nous nous prosternons devant elles en leur honneur. » Précisément par ce raisonnement, certains d’entre vous ont eu l’audace, après avoir enduit le mur de plâtre, à l’intérieur de la sainte maison, d’y représenter des images de Pierre, de Jean et de Paul, par des couleurs différentes, comme je le vois d’après l’inscription marquée sur chacune des images faussement nommées, inscription tracée sous l’influence de la folie du peintre et selon sa pensée. Et tout d’abord, quant à ceux qui croient honorer les apôtres en faisant cela, qu’ils se rendent compte du fait que, au lieu de les honorer, ils les déshonorent bien plus, car Paul en insultant celui qui se faisait faussement appeler prêtre, l’a appelé « muraille blanchie » [muraille enduite de plâtre] (Ac 23, 3). Alors, avec vertu, mettons leurs commandements à la place de leurs images. Mais tu diras : « Nous contemplons leurs images en souvenir de leur aspect extérieur. » Alors, d’où te vient l’ordre de faire de telles choses? Nous avons déjà accusé de tels hommes de se fatiguer en vain, emportés par l’ignorance.
Car nous savons, dit Jean, que « lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables » (1 Jn 3, 2), et Paul a proclamé les saints conformes à la forme du Fils de Dieu²⁴ (Rm 8, 29). Comment, donc, veux-tu voir les saints, qui vont resplendir en gloire, représentés en quelque chose de vil, de mort et de muet puisque le Seigneur a dit ceci d’eux : « Ils seront comme les anges de Dieu. » (Mt 22, 30)
Mais je dis que les anges ne veulent pas non plus que l’on se prosterne devant eux : « Garde-toi de le faire! Je suis un serviteur comme toi et comme tes frères qui sont les témoins de Jésus. » Jean dit : « Prosterne-toi devant Dieu. » (Ap 22, 9)
Au sujet des anges, les pères qui se sont réunis à Laodicée précisément à cause de cette question ont dit : « Si quelqu’un abandonne l’Église de Dieu et invoque les anges, qu’il soit anathème parce qu’il a abandonné notre Seigneur Jésus-Christ et s’est donné à l’idolâtrie²⁵. »
Comment encore te prosternes-tu devant les anges, qui sont des êtres spirituels et toujours vivants, en dessinant leurs images dans la matière morte, puisque le prophète a dit : « Celui qui fait de ses anges des esprits et de ses serviteurs des flammes de feu » (Ps 103, 4)?
Celui-là [l’artiste] doit dire, de sa connaissance, d’où lui venait l’idée que sur l’image de l’archange les os et les nerfs sont devenus si bien ajustés les uns aux autres.
Mais les apôtres non plus ne voulaient pas que l’on se prosterne devant eux quand ils ont été envoyés pour évangéliser. Ils ne voulaient pas que l’on se prosterne devant eux, mais devant le Christ qui les avait envoyés. Car celui qui a reçu du Christ le pouvoir de lier et de délier sur la terre et dans les cieux, a dit à Corneille : « Je suis un homme en face de toi qui as de semblables passions » et il a enseigné de ne pas se prosterner devant lui, mais devant le Christ, le Sauveur (Ac 10, 26).
J’ai entendu dire aussi que certains ordonnent de dessiner l’incompréhensible Fils de Dieu : entendre et croire un tel blasphème fait frémir.
Comment peut-on dire que Dieu, incompréhensible, inexprimable, insaisissable par l’esprit et incirconscriptible, peut être représenté, lui sur qui Moïse n’a pu fixer les yeux?
Certains disent que, puisque le Verbe est devenu homme parfait de Marie toujours vierge, nous le représentons comme homme.
Est-ce que le Verbe s’est incarné afin que tu puisses représenter de ta main l’Incompréhensible par qui tout a été fait?
Et bien alors, le Christ n’est-il pas semblable au Père et ne rend-il pas la vie aux morts?
Le Christ, pendant son séjour sur terre, quand t’a-t-il ordonné de faire une image semblable à lui, de te prosterner devant elle et de la regarder? L’ordre lui-même²⁶ est de l’esprit malin afin que tu méprises Dieu.
Il faut donc se prosterner devant celui qui vit, comme on dit « en esprit et en vérité » (Jn 4, 24).
Que la gangrène ne se répande pas. Car Dieu, dans tout l’Ancien et le Nouveau Testament, supprime ces choses, disant exactement : « Tu te prosterneras devant le Seigneur et tu rendras un culte à lui seul. » (Mt 4, 10) Ou encore : « Par ma vie, dit le Seigneur, tout genou devant moi fléchira [...] » (Rm 14, 10) Nous ne pouvons pas servir deux maîtres, l’un qui est vivant et l’autre mort. Car maudit, dit-il, est celui qui adorera une créature plutôt que le Créateur, car il contient toutes choses et n’est contenu par aucune.
Lettre dogmatique²⁷
Devrions-nous placer la Lettre dogmatique en troisième ou en cinquième position, avant ou après la Lettre à Théodose? Il est difficile de se prononcer, mais, si l’on suit la chronologie de ceux qui acceptent l’authenticité des écrits, il semble plus satisfaisant logiquement de la mettre en troisième position. L’incident de la tenture (le Post-Scriptum écrit en 393) provoqua la justification théorique du Traité, écrit en 394 et suivi de près par la Lettre dogmatique, également écrite en 394.
Si quelqu’un s’occupe de représenter les traits divins du Verbe de Dieu dans l’incarnation en se servant de couleurs matérielles, « qu’il soit anathème ».
Lettre d’Épiphane, l’évêque des Chypriotes, à l’empereur Théodose
Puisque l’empereur Théodose mourut en janvier 395, il faut donc placer la Lettre à Théodose en 394, si elle est authentique.
Par son habileté mauvaise, le diable a machiné l’idolâtrie dans le monde où il l’a semée et l’a établie sur un fondement solide, et il a détourné les hommes loin de Dieu. Maintenant encore, après les hérésies et les idoles, il entraîne les fidèles vers la vieille idolâtrie et les séduit. Dans ta piété, et la sagesse que Dieu t’a donnée, tu réfléchiras, et tu chercheras même dans la profondeur des pensées, pour déterminer s’il est convenable pour nous d’avoir Dieu peint par les couleurs. Qui a jamais entendu parler d’une telle chose?
[C’est Nicéphore qui parle :] (Dans la lettre, il [Épiphane] ajoute qu’il avait lui-même suivi dès sa plus tendre enfance la foi des pères de Nicée, de même que ses parents qui avaient été engendrés²⁸ en celle-ci et tenaient fermement à la même confession.) Parce que la foi est depuis toujours, parce qu’elle a été protégée autrefois par un petit nombre de gens, et parce qu’elle a été confessée, à cause de la fausse doctrine d’Arius, par le synode œcuménique de nos saints pères, les évêques dans la ville de Nicée, la voilà comme l’ont confessée et signée les 318 évêques, qui n’ont pas déclaré une nouvelle foi, mais ont proclamé celle qui est depuis toujours. En les suivant, nous aussi — comme fils dès notre tendre enfance — ainsi que nos parents qui ont été engendrés dans cette foi, nous confessons la même foi et la tenons fermement comme toi aussi, ô très pieux empereur. Et voici cette foi : « Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant [...] » et tout le reste du credo.
[C’est Nicéphore qui parle :] (D’abord, il a confessé que, à cause de ce vain bavardage, le rire et la moquerie se sont étendus à beaucoup et alors, il a ajouté que [...]) J’ai souvent conseillé d’enlever ces choses à ceux qui ont la réputation d’être sages, des évêques, des docteurs et des concélébrants. Je n’ai pas été écouté par tous, mais par très peu de gens.
Qui a jamais entendu parler de ceci? Qui, parmi les pères anciens, a peint une image du Christ dans une église ou l’a placée dans sa propre maison? Qui, parmi les évêques anciens, a peint le Christ sur les tentures de portes, en le déshonorant ainsi? Et qui a jamais peint sur des tentures ou sur des murs Abraham, Isaac, Jacob, Moïse et les autres prophètes et patriarches ou Pierre, André, Jacques, Jean, Paul ou les autres apôtres? Qui les a montrés ainsi et les a portés en triomphe?
Ne vois-tu pas, ô empereur très aimé-de-Dieu, que ce travail n’est pas convenable pour Dieu? C’est pourquoi je te prie, ô empereur très pieux et ennemi du mal, de repousser toute erreur par le zèle de Dieu qui est véritablement en toi, à travers ton inébranlable loi qui définit une peine. S’il est possible — je crois que par Dieu tu peux