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Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr
Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr
Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr
Ebook436 pages5 hours

Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr

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About this ebook

Lire un livre, parcourir page après page un volume de bandes dessinées, suivre un film même, tout cela ressemble bien à l’aventure de parcourir un chemin. Lorsque le livre est composé de plusieurs volumes, lorsqu’une foule de contes secondaires se mêlent à l’histoire principale, le chemin semble être, de plus, plein d’aventures, parce qu’il faut faire un long voyage, entouré par des paysages miraculeux, il faut faire des détours surprenants, il faut passer des ponts et des viaducs. Le deuxième volume de la série Un cœur de Petite Grenouille, intitulé Les premiers pas vers l’âge mûr, introduit d’une manière tout à fait impressionnante des éléments mythologiques, appartenant - les uns au christianisme primitif et folklorique, quelques-uns au paganisme, dans ce conte « réaliste » en quelque sorte, même s’il est écrit dans la manière du fantastique et du miraculeux.


Pour le lecteur, quel que soit son âge, la lecture de ces volumes est une délectation, à coup sûr. Pour le lecteur jeune et très jeune, pour celui qui ne sait pas encore lire et auquel on lit, c’est aussi « un livre d’enseignement », par l’intermède duquel il peut s’expliquer aussi ce qui dépasse la première étape de la réception ou il peut entrer en contact avec la dimension éthique de notre existence dans le monde.

LanguageFrançais
PublisherAdenium
Release dateFeb 23, 2016
ISBN9786067421125
Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr

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    Un cœur de Petite Grenouille. Volume II. Les premiers pas vers l’âge mûr - George Vîrtosu

    GEORGE VÎRTOSU

    UN CŒUR DE PETITE GRENOUILLE

    Un conte pour tous les âges

    Les premiers pas vers l’âge mûr

    Volume II

    Traduit du roumain par

    Alex. VLAD

    Rédacteur: Adriana NICORICI

    Correcteur: Alexandru Sever VLAD

    Illustrations: Simion COADĂ, Şerban ANDREESCU

    Mise au point du livre: ADENIUM Print srl

    ISBN ePUB: 978-606-742-112-5

    ISBN PDF: 978-606-742-113-2

    Volume II: Les premiers pas vers l’âge mûr - 2015

    Éditions ADENIUM Print srl, Iași, Romania

    www.adenium.ro

    Tous droits réservés. Sont interdites la publication ou la reproduction, sous quelque forme que ce soit (électronique, mécanique, photocopie), ainsi que la transmission de toute partie de ce livre sans l’accord de la maison d’édition.

    Les illustrations, les noms, les personnages et les lieux sont des marques enregistrées, copyright Gheorghe Vîrtosu, © 2011.

    Les personnes intéressées pourront également pénétrer dans le monde mirifique des amis du «Cœur de petite grenouille» par l’intermédiaire des bandes dessinées.

    Le tome premier, portant le même titre - «Plume dorée, ange ou bourreau?» paraîtra bientôt.

    E-mail: oinimadebroscuta@gmail.com

    Le deuxième volume de la série «Un cœur de petite grenouille» est dédié à mon Père: un esprit puissant, bien vivant, qui a trouvé la place qu’il méritait – je l’espère – dans cet univers miraculeux.

    Je lui apporte ainsi mon pieux hommage, non seulement parce que je lui dois ma vie – divin Lever – mais surtout pour l’éducation qu’il m’a offerte. Car elle n’a pas été banale, mais tout à fait spéciale, débordant les moules classiques. Il y a eu des moments où je me suis demandé si ce n’était pas l’éducation, mais mon Père qui était tout à fait spécial, bien différent des autres parents?! Qui le sait…

    Il a essayé de m’inoculer une vision de vie aussi claire que possible et il ne l’a pas fait dans un esprit moralisateur, qui induise en moi un état de peur ou de saturation par rapport à ses conseils! Non! Papa m’a ouvert les yeux vers le monde à l’aide de milliers, d’innombrables proverbes, dictons, contes édifiants, beaucoup d’eux inventés par lui-même, mais chacun étant dit au moment opportun.

    Ce qui est absolument fantastique, c’est que Papa s’efforçait, autant que possible, de ne pas les répéter, pour ne pas en faire une routine! Et alors, je faisais attention! Mais certainement, à cause de mon âge folâtre, chaque fois qu’il me parlait, je pensais que Papa plaisantait; bien qu’il eût une attitude grave, une mimique sérieuse – la façon dont il s’adressait à moi me captivait! Il me tardait d’écouter un nouveau conseil et j’étais arrivé à ressentir ses dits avec chaque fibre de mon être!

    Je vais reproduire ici seulement deux des «leçons» de Papa, que ma conscience a tout simplement tatouées sur son corps, pour que je puisse les voir toujours ensemble, durant tout le reste de ma vie. Les autres, je ne les ai pas oubliées non plus, je les conserverai soigneusement dans les archives inestimables de mes souvenirs d’ enfance. Je vais les parsemer, comme le faisait mon Père, au moment opportun, dans les pages mêmes d’ «Un cœur de petite grenouille».

    La première leçon…

    Il m’arrivait souvent de laisser tomber des choses de ma main, plus d’une fois dans la présence de Papa. Il me regardait avec insistance chaque fois, mais il ne me «grondait» pas dès le début. Il attendait patiemment jusqu’à ce qu’il fût certain que ses regards m’avaient déjà assez parlé.

    Mais, un beau jour, quand j’étais déjà assez grand, cela m’est arrivé de nouveau: j’ai laissé tomber quelque chose. Je me suis pressé de relever l’objet, sentant le regard ardent de Papa, rivé sur moi… Et alors il m’a dit avec une douce autorité:

    — Mon fils, ce n’est pas la première fois! Mais figure-toi que tu te serais trouvé maintenant au-dessus d’une fontaine et que tu aurais laissé t’échapper cette chose, à laquelle je vois que tu es assez attaché… Ou que les flammes d’un feu impitoyable l’auraient avalée ou bien un gouffre sans fond! Comment l’aurais-tu récupérée?

    Il se taisait ensuite, me clouant de son regard pénétrant. Il voulait se convaincre que j’avais compris le sens de ses paroles. Moi, bien sûr, je souriais amusé, prenant tout à la légère, comme d’habitude. Je visualisais ce qu’il me disait, mais bien fier de moi, je me penchais pour relever l’objet qui m’avait échappé et lui montrer que la réalité était toute autre. Il n’avait donc pas de raisons de se faire du souci.

    Mais ce jour-là, Papa m’a pris par les épaules, me regardant droit dans les yeux. J’étais presque effrayé par sa réaction!

    — Ne ris pas, mon enfant! Je veux que tu VOIES, mon chéri! Je veux que tu VOIES que tu n’aurais pu la récupérer, dans les situations dont je t’ai parlé…

    — Oui, Papa, je VOIS! lui ai-je chuchoté, le regardant dans ses yeux bleu ciel.

    — Je m’en réjouis… m’a-t-il répondu, en m’embrassant. Il faut faire attention à tout ce que tu arriveras à «tenir en main» au long de ta vie! Pour ne pas laisser tomber, par manque d’attention, un don venu d’En Haut! Les chances sont uniques dans la vie! Regarde chaque évènement, chaque instant, comme étant une Chance! Si tu ne t’en soucies pas, si tu l’ignores, jamais elle ne reviendra!

    — Oui, Papa… ai-je chuchoté, en fermant les yeux, visualisant la Chance dont il m’avait parlé et me collant contre sa poitrine.

    C’est Papa qui a relevé l’objet que j’avais laissé tomber. Il l’a essuyé soigneusement et l’a placé dans ma paume. Ensuite il me l’a fermée, la serrant légèrement dans son poing protecteur, semblant la verrouiller, pour qu’elle ne puisse plus jamais laisser tomber.

    Il m’a embrassé de nouveau, il m’a donné un baiser sur le front et il est parti ensuite vaquer à ses affaires, me laissant réfléchir en paix au sens de ses paroles.

    Je m’ouvrirai à vous, chers lecteurs et je vous dirai que ce n’est que bien des années plus tard que j’ai assimilé comme il faut la leçon de Papa. Je ne sais pas, mais c’est peut-être à cause de mon âge tendre que je prenais tout à la légère. Maintenant je prends clairement conscience du fait que je dois respecter et apprécier toute chose qui m’est donnée, parce qu’elle pourrait tomber – si je la perdais – aux mains de quelqu’un qui pourrait l’utiliser même contre moi et contre tout ce qui m’est cher…

    La seconde leçon importante de Papa, que je voudrais partager avec vous, est la suivante:

    — Mon fils, tu ne dois jamais décevoir ceux qui te font confiance! Comme un boomerang, la vie te rendra tout et ta souffrance sera dure, ressentant ses coups!

    Combien de fois Papa m’aurait dit cela? J’ai du mal à m’en souvenir: c’était chaque fois que je désobéissais, à lui ou à Maman…

    Les années sont passées et j’ai été payé pour savoir la vérité de ces paroles. Ma pensée les a ramenées au premier plan jour après jour, surtout lorsque je me suis retrouvé seul, dans une cellule froide, sombre, non accueillante, oubliée par Dieu, cellule dont auparavant je ne pouvais même pas supposer l’existence dans ce monde. Car c’est vrai: la déception est très amère lorsqu’on est trahi par tous ceux auxquels on avait fait confiance!

    M’efforçant de ne pas cligner, je regardais le soleil entre les barreaux de la maudite cellule, auxquels une partie des jours de ma vie servaient de nourriture. Je laissais mes yeux aux bons soins des rayons du soleil, qui se pressaient de les punir, comme ils font avec n’importe qui ose les affronter. Je masquais ainsi «les pleurs de douleur» en en faisant les rayons responsables, ne voulant pas offrir une satisfaction aux murs de la prison, qui ne se nourrissent que de la souffrance de ceux qui deviennent leurs prisonniers. Mes larmes brûlantes coulaient à flots, mais je sentais qu’avec leur départ mon corps se purifiait. Et je pensais à Papa... Je regrettais de l’avoir si souvent déçu, dans mon enfance…

    Mes parents, à présent deux anges, ne m’ont jamais frappé. Ils ne m’ont même pas grondé! L’éducation qu’ils m’ont donnée n’a pas été moralisatrice! Ils m’ont dit comment il était bien de m’y prendre dans certaines situations, mais ils m’ont laissé choisir seul le chemin que j’allais suivre.

    J’ai toujours vécu avec intensité le sentiment de pleine liberté, me sentant comme une plume portée par le souffle du vent et ne m’y opposant nullement. C’est pour cela que je pense avoir été, peut-être, un enfant différent des autres de mon âge. J’ai aimé ce sentiment et j’ai voulu rester toujours ainsi et il a récompensé ma fidélité, m’aidant à écrire des contes, que je voudrais aussi spéciaux.

    La liberté et la santé me semblent être les Dons les plus précieux, qui m’aient été offerts avec la vie. Et mon Père m’a appris à les apprécier comme il se doit, à ne pas décevoir Celui qui m’a offert ces Dons et – surtout – à ne jamais les «laisser tomber»!

    Continuons notre chemin!

    Lire un livre, parcourir page après page un volume de bandes dessinées, suivre un même film sont des activités qui ressemblent beaucoup à l’aventure de suivre un chemin. Lorsque le livre comporte plusieurs volumes, lorsque bien des contes secondaires croisent le conte principal, le chemin semble, en plus, plein de péripéties, parce qu’on doit faire un long voyage au milieu de paysages miraculeux, on doit faire des détours surprenants, on doit passer des ponts et des viaducs. C’est juste le cas du présent cycle de «Cœur de petite grenouille», qui me persuade de plus en plus qu’il est écrit «pour tous les âges», donc pour des grands-pères comme moi aussi, non seulement pour mes petits-enfants.

    Dans ce volume, Mère Goutte, qu’on avait connue au premier volume, semble fatiguée et aspire au repos. En échange, Garçon-Puce et Petit Ver à Soie semblent non seulement reposés, mais tellement curieux et bavards qu’ils ne se taisent pas un instant le long des quelque trois cents pages. Garçon-Puce, plus âgé et plus expérimenté, raconte à Petit Ver une foule d’histoires miraculeuses, ne demandant à celui-ci que de ne pas l’interrompre! Tu parles! Peut-on arrêter de poser des centaines, peut-être des milliers de questions un être si minuscule, mais si vif! Comme tout enfant, Petit Ver est plein de «pourquoi» et Garçon-Puce, malgré son mécontentement affiché, s’efforce de répondre à toutes les questions. Et c’est ainsi que nous apprenons, avec Petit Ver, bien des choses sur les rêves et leur interprétation, sur la sagesse des puces, sur les mésaventures des bêtes à cornes ou sur la force des souvenirs. Mais c’est l’histoire la plus ample, probablement mémorable, qui reste au-dessus de tout et qui croise certaines autres histoires: celle de l’enterrement du Vieux Rat, ancien maître de Garçon-Puce et de sa famille. Comme dans d’autres chapitres de ce cycle, là aussi on est impressionné par la manière d’introduire les éléments mythologiques, dont certains tiennent au christianisme primitif et folklorique, d’autres au paganisme, dans ce conte «réaliste» en quelque sorte, même s’il semble dominé par le fantastique et le miraculeux.

    Pour le lecteur, quel que soit son âge, à ce que je vois, la lecture de ces volumes est certainement une délectation. Pour le lecteur jeune et très jeune, pour celui qui ne lit pas encore, mais auquel on lit, c’est aussi un «livre de sagesse», grâce auquel il peut comprendre aussi ce qui dépasse la première étape de la réception ou peut entrer en contact avec la dimension éthique de notre existence dans le monde. Je félicite l’auteur, je souhaite bonne lecture aux lecteurs de tous les âges et – quant à moi – j’attends les prochains volumes.

    Le 9 juin 2011, à Iași

    Liviu Antonesei

    Chers lecteurs,

    Dans la préface du premier volume de cette série de livres pour enfants – «Plume dorée, ange ou bourreau?» - j’ai essayé de vous décrire succinctement la manière dont le conte «Un cœur de petite grenouille» est né. C’est ainsi que la préface du premier volume s’est transformée, à mon insu, dans un autre petit conte, qu’on va continuer, à votre demande. On continuera, parallèlement, de raconter la mystérieuse histoire de «Cœur de petite grenouille», qui a fait ses premiers pas en prison, et les aventures des personnages que vous connaissez déjà: Mère Goutte, Garçon-Puce, Petit Ver à Soie.

    Lecture agréable!

    Conte emprisonné II

    L’aube s’était levée.

    J’avais déjà rempli toutes les pages du premier cahier de milliers de lignes voûtées, conscientes du «poids» du contenu du conte qui était en train de naître. Ma main maniait le stylo à bille avec une dextérité hors du commun, pendant que, durant toute la nuit, je me suis laissé entraîner dans un vol enivrant à travers le monde miraculeux, qui prenait forme.

    Les émotions m’avaient accablé; elles s’étaient emparées de tout mon corps. Fouillant dans tous les recoins de mon esprit et de mon cœur, je découvrais des vagues de pensées et d’états d’âme, que ma main couchait sur le papier avec un enthousiasme terrifiant.

    J’ai écrit inconsciemment jusqu’à ce que mon élan soit coupé, à un moment donné, par un fait imprévu: j’étais arrivé à la dernière page du cahier. Je me suis tellement attristé, que la flamme de la bougie, qui m’avait loyalement tenu compagnie toute la nuit, s’est effrayée. Mon visage, irradiant jusque-là une joie indéfinie, s’était rembruni sur-le-champ. Je voyais la bougie observer avec inquiétude les plis qui étaient apparus sur mon front et qui bougeaient, inquiets, comme des serpents affamés, poursuivant mes émotions comme une proie. Mais mon inquiétude était fondée: je n’avais plus d’autre cahier, je n’avais plus sur quoi écrire…

    Mon conte était en plein processus de naissance, dans une cellule froide… Et aucun «docteur» ou «sage-femme» n’étaient à côté de lui. Il n’y avait personne avec qui je partage la joie de sa naissance, ni la douleur de ne pouvoir le continuer.

    J’avais un besoin urgent de feuilles propres, qui embrassent et emmaillotent le nouveau-né. Tout comme les jeunes parents emmaillotent de nouveaux langes, blancs comme neige, le petit trésor qui changera leur vie par sa naissance, s’efforçant de le protéger, conservant la pureté de la chaleur, de l’amour dont il avait joui dans le corps qui lui avait donné vie… La seule chance que j’avais pour aller un peu mieux, c’était de respirer profondément. Un soupir déchirant a inondé mon âme. J’ai posé soigneusement le stylo dans le creux situé entre la dernière page et la couverture du cahier. J’ai tendu lentement mes doigts ; quelques articulations ont craqué, m’apostrophant parce que je les avais séparées du stylo à bille.

    Je les regardais distraitement. La résignation m’avait appris à ne pas prêter attention à leurs prétentions ; je savais qu’elles étaient fatiguées, mais désireuses de travailler… Puisqu’elles avaient travaillé toute la nuit… Surtout les trois doigts de la main droite, le pousse, l’index et le majeur, avaient chacun une agréable fossette dans leurs joues vermeilles. J’ai observé qu’ils échangeaient de discrets regards amoureux avec le stylo, qui reposait, niché sur le cahier… Il leur souriait en dessous, content d’avoir pu leur offrir ces fossettes-là. Il l’avait fait exprès, pour que ceux-ci pensent à lui, jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau ensemble. Tout comme un malin petit garçon, qui voudra toujours faire bonne impression avant de quitter un groupe de fillettes, afin que celles-ci languissent après lui, jusqu’à ce qu’elles le revoient.

    C’est ainsi que le stylo s’était conduit envers mes doigts: cette nuit-là, il les avait provoqués, les menant dans les clairières chargées de mystère du conte, et maintenant elles se donnaient des airs.

    J’ai souri, en les regardant ; j’ai caressé légèrement leurs sympathiques fossettes avec les doigts de la main gauche, pour qu’elles soient visitées par un peu de sang chaud, qui les câline tendrement et les prépare pour le sommeil qui les attendait patiemment depuis longtemps.

    Un léger sourire flotta sur mes lèvres et son souffle se dirigea directement vers la flamme de la bougie. Frêle et délicate, celle-ci pencha légèrement et son mouvement attira mes regards. Un sourire reconnaissant se détacha alors des tiroirs de mon esprit et se dirigea vers elle. Toute la nuit, elle s’était sacrifiée, restant à côté de moi, elle trouvait pourtant encore la force de me dessiner une ombre folâtre sur la table en bois corrodée. Mais je voyais comment elle commençait à perdre, peu à peu, ses pouvoirs magiques: la lumière du jour se frayait hardiment un chemin entre les barreaux de la fenêtre. Le Soleil préparait son intronisation quotidienne sur la voûte céleste.

    Curieux, les rayons de lumière inondaient la cellule, sans demander la permission à personne. Au contraire, ils ignoraient tout, glissant sans peur, pleins de fierté. Ils étaient conscients, les beaux, combien on les désirait toujours: ils s’avançaient vers ma table, vers la bougie.

    Bien qu’elle fût douce et qu’elle eût une grande âme, je voyais pourtant celle-ci jalousant terriblement le pouvoir incontestable de la lumière du jour, devant laquelle elle se rapetissait, soumise, consciente de son impuissance… Je la regardais longuement, en dessous, pour qu’elle ne soit pas gênée, en s’en rendant compte. J’avais pitié de la bougie: elle avait brûlé plus qu’à moitié ; inquiète, elle tenait son visage jaunâtre niché dans ses mains et fixait du regard mon front renfrogné. Elle n’aimait pas me voir ainsi et semblait me gronder du regard d’avoir accepté la visite des plis sauvages.

    J’ai compris son mécontentement et – pour lui faire plaisir – j’ai souri largement, envoyant dormir les plis qui l’avaient inquiétée. Observant cela, la bougie me regarda vite. Elle me sourit à son tour, se réjouissant de voir que ses émotions ne m’étaient pas indifférentes. Un peu gênée, elle laissa ses petits bras tomber le long du corps, arrêta le balancement de sa flamme et - timide - elle se fit toute petite et je la voyais donc à peine. Un instant, j’ai eu même le sentiment qu’elle s’était éteinte. Mais je m’étais trompé: elle palpitait encore. C’est ce qu’elle faisait toujours, à l’arrivée des rayons du soleil. Elle était sage et employait sa flamme avec beaucoup de modération, voulant allonger sa vie aussi longtemps que possible. Elle m’était fidèle, je la sentais prête à se sacrifier pour moi, prenant soin de pouvoir me servir avec sa lumière magique le plus grand nombre de nuits possible.

    Elle me suivait attentivement, d’un regard langoureux: elle savait que j’allais bientôt l’éteindre, comme je le faisais toujours à l’arrivée de la lumière du jour. Je veillais sur chaque instant de sa vie. De jour, elle se serait perdue, mais avec son amie la bougie, elle avait l’occasion de devenir, de nuit, la maîtresse de la pièce, que je lui confiais bien volontiers, chaque soir. Elle était consciente du fait que je devais faire cela chaque matin ; pourtant je la sentais mécontente quand elle me voyait me rapprocher et allonger mes lèvres, me préparant à éteindre sa flamme folâtre, dont elle était si fière. Elle s’inquiétait parce j’allais rester seul toute la journée, rangeant la pièce, en son absence. C’était une sorte de jalousie, qu’elle nourrissait envers toutes les autres choses de la cellule, même si celles-ci étaient peu nombreuses. Elle s’attristait, sachant que celles-ci restaient me tenir compagnie, tandis qu’elle devait aller dormir…

    J’avais pitié de ma chère bougie. Elle me regardait les yeux rougis de fatigue. Son regard mélancolique a emporté ma décision:

    — Je ne vais plus l’éteindre ce matin, me suis-je dit.

    Je me suis levé doucement et me suis approché de la fenêtre: elle était couverte d’une épaisse couche de neige. Le petit vent avait ramassé soigneusement les flocons et avait tout couvert, ne laissant libre qu’un carreau de la vitre, à travers lequel je pouvais à peine voir ce qui se passait dehors. Je l’ai aperçu: c’était un jeune petit vent, qui me tournait le dos. Furieux, il jetait les congères à droite et à gauche, il en faisait de grosses boules, semblant se préparer pour une dure bataille. Il s’entêtait à ne pas laisser les flocons de neige s’asseoir sur la nature gelée, pour ne pas la réchauffer par hasard, de leur duvet cristallin.

    — Mouais… Il est bien fâché, le petit vent, me suis-je dit, regardant autour de moi pour découvrir celui qui l’avait ennuyé.

    Mais il n’y avait personne. A partir d’un certain moment, il m’a semblé même qu’il s’était acharné encore plus et il levait de toutes ses forces les petites boules qu’il avait formées, les jetant dans toutes les directions. J’ai cru, un instant, qu’il m’avait aperçu et qu’il voulait probablement me faire voir de quoi il était capable. Une grande pagaille s’était créée, qui se transforma vite en orage.

    Le jeune vent était de plus en plus hardi: c’était, peut-être, l’un des premiers hivers auquel il se confrontait! Je l’ai vu tentant de mesurer ses forces même avec le fil de fer barbelé, que personne n’osait affronter, par manque de courage. Personne n’osait le vexer ou le toucher! J’avais vu souvent de pauvres petits oiseaux, qui – dans leur pureté – auraient voulu, peut-être, radoucir un peu le fil de fer écorchant, en se posant délicatement sur lui… Mais, en le touchant, ils rendaient leur âme, les pauvres, et restaient pourrir là-bas, à ses pieds… Une autre fois, j’avais vu aussi de fines gouttes d’eau, qui avaient osé apaiser la sauvagerie du fil de fer barbelé en le touchant délicatement, mais toujours sans aucun résultat… C’est pour cela que, suivant le conseil des nuages, les gouttes quittaient le fil de fer barbelé, le laissant à la merci de l’air humide, le seul qui semblât lui faire du bien. Il le croyait sans pouvoir, mais le naïf ne se rendait pas compte que c’était justement par celui-ci qu’allait venir sa fin! Car, avec le temps, sans se rendre compte, il sera habillé de la tête aux pieds par le vêtement morbide de la rouille. L’humidité est très rouée et trompeuse! Les gouttes savent bien que le fil de fer barbelé aura alors besoin d’elles de nouveau! Il les priera, les larmes aux yeux, de se poser sur son corps engourdi et de le caresser un instant au moins, lui donnant vie et apaisant sa douleur suffocante. Il est conscient d’être fait par des mains maudites et d’avoir le rôle d’assumer leur souffrance et de la retransmettre aux autres, sans cesse. Il est conscient d’être créé du même matériau que la faux de la mort, qui sème l’effroi dans les âmes de tous ceux qui la croisent. Tout comme celle-ci, il ne sait pardonner, ni aimer. Les deux, ils ont assumé leur destin dans les écoles ténébreuses du mal, dépourvues de la lumière de la vie, de la chaleur de l’amour. Ils ne savent que faucher pleinement, sans pitié, les vies des êtres innocents, pour lesquels la clepsydre du temps est en train de tamiser les derniers grains de sable. Le royaume des morts a toujours besoin de nouveaux corps pour renforcer et épaissir le plafond du territoire situé entre les deux mondes, afin que les rayons du soleil ne pénètrent jamais dans le Royaume des Ténèbres.

    L’image grotesque, que j’avais fait vivre dans mon esprit, m’effraya. J’ai secoué vite ma tête, voulant l’éloigner le plus tôt possible. J’ai revu alors le vent, qui en était venu aux coups avec la nature dans la cour de la prison, punissant sans pitié les boules de neige. A ce moment-là, une corneille infatuée, passa par là, par hasard. Elle ne se souciait nullement de la présence du vent fougueux, comme si elle était l’une de ses vieilles amies! Au contraire, elle semblait être venue faire un tour par là, voir comment il se débrouillait… Ou, qui sait, elle avait peut-être une mission spéciale ce matin-là, par-dessus la prison!

    Mais je m’étais trompé, parce que lorsqu’il la dépista, le vent s’en prit tout de suite à la corneille hardie. Il la toucha vite d’une boule de neige. Il avait visé et il l’avait jetée vers elle de toutes ses forces! On aurait dit qu’il voulait lui apprendre, à l’oiseau de la mort, pour qu’il n’ose plus sortir au moment où il était en pourparlers avec les enfants de la nature! Qu’il se rappelle que lui, le vent, n’était pas n’importe qui! Et qu’il lui témoigne le respect mérité!

    J’ai vu la boule partir vers la corneille acariâtre! J’avais entendu le sifflement, qui accompagnait sa vitesse furibonde. Je pense que la corneille aussi l’avait entendu, parce qu’elle s’était tournée tout de suite, étonnée, pour voir ce qui se passait. Rusée, elle avait réussi à esquiver le coup, lorsqu’elle avait compris quel danger la menaçait. Son âge la protégeait. Mais, comme elle est sournoise, la corneille ne se contenta pas de si peu: après que la boule fût passée à côté, elle comprit qu’elle avait affaire à un enfant et porta la main à son cœur, la perfide, comme si elle avait été frappée. Elle tomba même par terre!

    Le vent s’est réjoui, le naïf! La corneille le surveillait du coin de l’œil, pour voir ce qu’il allait faire. Lorsqu’elle l’a vu rire, elle s’est tournée et lui a montré le derrière, le tournant en ridicule!

    Manquait plus que ça! Ce qu’il s’est mis très en colère, le vent! Sans plus attendre, il prit une boule de neige, qu’il modela, la serrant fort dans ses poings pour accroître sa force et il commença à la bombarder. Mais la corneille n’était pas dépourvue de moyens, non plus: elle avait assez d’expérience de vie, puisqu’elle se mit à «danser», se balançant dans une «ronde de la mort» et évitant habilement les boules furieuses du vent! Pas une seule ne la toucha!

    Le temps vint où le vent se sentir fatigué. La corneille avait remarqué sa fatigue et le singeait de toutes les façons: elle lui tirait la langue, lui montrait son derrière…

    — Sot que tu es! croassa-t-elle à un moment donné. Tu n’es bon à rien! dit-elle lui riant au nez finalement.

    Alors le jeune vent se raidit, renfrogné pour avoir été vexé ; il rassembla ses forces et – dans un tourbillon fou – il amassa toute la neige de la cour de la prison. Il en fit quantité de boules de neige, qu’il rangea près de lui et reprit son bombardement d’artillerie. Il voulait la descendre à tout prix! La corneille se rendait compte qu’on ne pouvait plus plaisanter avec le vent fougueux et j’ai vu comment elle déguerpit sans demander son reste, voulant s’évader de la cour du pénitencier. Si le vent l’avait blessée, dans sa soif de vengeance, cela ne lui aurait été d’aucune utilité. Elle aurait trouvé certainement sa fin entre les mains des gardiens, si elle avait été obligée, par son impuissance, de rester sur le territoire de la prison. Et pourtant, arrivant devant le fil de fer barbelé, la corneille l’observa attentivement, pour ne pas se blesser en volant par-dessus. Le vent profita de ce moment où elle ne le regardait pas et lança une nouvelle boule de neige. Cette fois-ci, il la toucha! Juste au derrière!

    Pauvre corneille! Elle tomba par terre, sous le choc du coup. Elle avait pourtant la chance d’avoir dépassé la clôture de la prison. Elle allait se relever, secouer la neige de son plumage et reprendre son vol. Pour elle, la confrontation avec le jeune vent allait être une leçon inoubliable…

    Le vent était satisfait ; il souriait, content. Je l’ai regardé plus attentivement et je l’ai reconnu: c’était le petit vent qui, hier soir, était entré dans ma cellule et avait tout fait tomber par terre: le cahier, le stylo à bille… Je me suis réjoui de le revoir. J’ai compris qu’il était resté toute la nuit près de la fenêtre qui était, devenue sa captive. Il l’avait couverte de neige, laissant un seul carreau libre, à travers lequel il m’avait observé, probablement, de temps à autre.

    J’ai frappé légèrement du doigt à la vitre de la fenêtre, voulant lui attirer l’attention. Il m’a entendu et lorsqu’il a vu que je le regardais en souriant, il est arrivé devant la fenêtre en moins de deux. Il me regardait un peu irrité, essuyant la sueur de son front. Il semblait se demander

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