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Le Gardien des Ténèbres
Le Gardien des Ténèbres
Le Gardien des Ténèbres
Ebook446 pages6 hours

Le Gardien des Ténèbres

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Un  chevalier, une otage... ils doivent se battre pour survivre.

1200 ap. J.-C. - Après des décennies de guerres entre les Seigneurs de Kerr et du château de Prudhoe en Northumbrie, une tentative de paix est conclue. Lady Carington Kerr est envoyée à Prudhoe en tant qu'otage pour assurer la bonne conduite de son père, et elle est la plus réticente des otages.

Petites aux cheveux noirs, aux yeux bleus émeraude et à la silhouette pulpeuse, elle était aussi belle que fougueuse. Et Sir Creed de Reyne fait son apparition : un géant gentil, calme et sage par nature. Il est de glace face à la furie de Carington. Comme Carington résiste aux tentatives de la garder dans sa prison anglaise, Creed reçoit la mission d'être son geôlier et protecteur.

Mais Creed est un protecteur aussi réticent qu'elle en tant qu'otage. Six mois auparavant, il avait reçu la mission important d'escorter Isabella d'Angoulême de France en Angleterre, pour devenir la prochaine épouse du roi John. Isabella, un femme-enfant de douze ans, s'était entichée de Creed depuis le départ. Lorsqu'il a rejeté ses avances, elle inventa une histoire accusant que Creed avait abusée d'elle et la colère du roi fut terrible. Creed dut s'enfuir à Prudhoe pour se retrouver impliqué à nouveau dans une autre mission de la protection d'une jeune femme agitatrice.

Creed découvrit bien vite que Carington était très différente de la petite enfant qui allait devenir reine. Contre son jugement et ses désirs, il tomba amoureux de la jeune fille écossaise. En subissant la tragédie et la victoire, Creed et Carington vivaient un amour qui ne faisait que de se consolider jour après jour. Même lorsque Creed dut fuir pour sauver sa vie et quitter Carington, leurs seules pensées étaient de se réunir à nouveau.

Avec Isabella et le Roi John sur le point de les piéger, Creed et Carington doivent se battre pour survivre sachant que deux pays et un royaume cherchaient à les séparer.

LanguageFrançais
PublisherBadPress
Release dateJan 2, 2018
ISBN9781507199831
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    Le Gardien des Ténèbres - Kathryn Le Veque

    LE GARDIEN DES TÉNÈBRES

    Roman médiéval

    De Kathryn Le Veque

    Traduit par Lamia L. Ishak

    Dédicace:

    ––––––––

    La majeure partie de ce livre raconte l’histoire de frères ;

    Je n’en ai qu’un,

    William Ralph Bouse III

    (a.k.a., Billy, Bill, Unco Bee, ou tout simplement Bee)

    Son esprit et son personnage sont incarnés dans les Frères de Reyne.

    Nous devrions tous avoir la chance d’avoir de tels frères.

    CHAPITRE UN

    Frontières écossaises

    Mai 1200 Ap. J.-C.

    Le chevalier tomba dans le piège.

    Vlan !

    Le coup atterrit sur son front, l’envoyant au sol. Le bout de la torche tomba sur le côté quand l’attaquante se précipita hors de la tente. Dès qu’elle avait frappé l’homme, qui venait vérifier son confort, elle savait qu’elle ne pouvait plus faire marche arrière. Elle avait décidé ce plan plus tôt dans la soirée, lorsque la panique et le désespoir s’étaient emparés de son esprit fragile.  Elle refusait cet arrangement insensé que son père appelait un accord de paix. Elle ne serait pas un otage par souci d’harmonie.  Elle voulait rentrer chez elle.

    Malheureusement, elle n’avait pas assez réfléchi à ce qu’elle ferait après sa tentative d’évasion. Récupérer son cheval fut rapidement écartée de son esprit lorsqu’elle réalisa qu’elle n’avait aucune chance de le faire. En effet, elle n’y avait pas pensé. Sa tente était installée au milieu du campement de Sassenach, tout le monde remarquerait son absence. Elle aurait aimé avoir la consistance d’un fantôme. Malheureusement, une petite femme aux cheveux longs de la couleur des ailes de corbeau était facilement repérable. Dans un camp rempli de soldats, il était stupide de s’imaginer qu’elle pourrait passer inaperçue. Au moment même où elle sortit en courant de la tente, une personne l’aperçut et, bien sûr, la course fut lancée.

    L’alerte fut lancée dans tout le camp. Les sentinelles retentissaient dans l’air humide et  lourd de la nuit ; elle pouvait les entendre. Son cœur s’emballa lorsqu’elle traversa en martelant l’herbe humide écrasée par le contingent de soldats envoyés du château de Prudhoe. Elle n’allait pas collaborer dans leur mission. Elle ne voulait pas vivre dans un château anglais comme otage, avec la garantie que son père resterait sage et imposerait la paix de Carter Bar à Yetholm.

    Elle croyait vraiment qu’elle serait en mesure d’échapper à quiconque essayerait de se lancer à sa poursuite, du moins jusqu’à ce qu’elle se retrouva perdue dans les arbres. Elle avait toujours été une coureuse rapide. Mais elle n’avait pas pensé aux destriers qui se mettraient à sa poursuite, des chevaux de guerre immenses entraînés au combat. Elle pouvait entendre le galop terrible de ces bêtes énormes s’approcher. Les arbres étaient en vue au loin, une ligne sombre imperceptible, trop loin pour qu’elle y arrive avant que les chevaux ne la rattrapent. Elle savait qu’ils la rattraperaient bientôt. Mais elle n’allait pas abandonner sans se battre.

    Une main immense se tendit et l’attrapa par le bras. En balançant ses petits poings, elle lutta et donna un coup des pieds, lorsque le chevalier anglais la jeta sans cérémonie sur ses genoux. Bien qu’elle se débattait vaillamment, elle n’était pas de taille face à un guerrier blindé. Mais cela ne l’empêcha pas de lui résister tout le chemin du retour vers le camp.

    Lorsque le chevalier lâcha prise, elle tomba sur le sol et finit sur son postérieur. Ses yeux verts, furieux, couleur émeraude, lançaient un regard menaçant au guerrier. Elle lui balança un coup de poing.

    - Vous auriez dû me laisser partir, cria-t-elle. Je m’enfuirai à nouveau.

    Le chevalier portait son casque. Il souleva la visière pour mieux la voir. Elle avait déduit qu’il était le capitaine des hommes qui la retenait prisonnière. Il était très grand, aux yeux bleus foncés et une mince moustache blonde. L’expression sur son visage suggérait qu’il ne tolérerait aucune rébellion.

    - Dame Carrington, dit-il en cramponnant sa main gantée contre sa cuisse et se reposant dessus. Je croyais que nous étions clairs à ce sujet. Votre père vous a offert à monseigneur, Lord Richard d’Umfraville du château Prudhoe, en échange de la paix entre Prudhoe et le clan Kerr. Cela a été décidé après plusieurs années de conflits amers auxquels j’ai personnellement assistés. Même si vous rentrez chez vous, ce qui serait un miracle en soi, votre père vous renverrait tout simplement à nous. Vous ne semblez pas comprendre que vous n’avez pas le choix. 

    Dame Carrington Kerr se releva du sol avec autant de dignité que possible. Elle savait qu’il disait la vérité, mais elle persistait à résister. Ses actes étaient plus véhiculés par la peur que par une vraie rébellion ; elle était terrifiée à l’idée d’être otage. Son père n’avait pas été clair sur la durée de sa captivité. Entourée d’étrangers, des étrangers ennemis pour le moins, elle était devenue le Diable en personne. Peut-être que si elle paraissait assez diabolique et indisciplinée, ils la laisseraient partir. C’était tout simplement de la légitime défense.

    - Ne vous approchez pas de moi, Sassenach, grogna-t-elle. Dites à vos chiens de me laisser tranquille. 

    Sir Ryton de Reyne remarqua qu’il la tenait toujours. Sa charmante petite otage avait été relativement calme jusqu’à il y a quelques minutes lorsqu’elle frappa l’un de ses chevaliers si fort que l’homme voyait toujours des étoiles. Descendant de son destrier belge, il remit son étalon au soldat le plus proche et fit quelques pas dans sa direction. Il s’était tout de même assuré de rester éloigné d’elle d’un bras, juste au cas où.

    - Je peux personnellement me porter garant pour mes hommes, milady, dit-il à voix basse et calme. Comme vous, nous obéissons uniquement aux ordres. Nous vous ramènerons à Prudhoe. Vous seule pourriez rendre le voyage agréable ou désagréable. Soyez sûre que nous serons en mesure de jouer à ce jeu tout comme vous, et on est en mesure d’y jouer beaucoup mieux que vous. Je vous demande donc, pour votre bien, que vous acceptiez la situation. Si je dois vous attacher pour le reste du voyage à Prudhoe, soyez sûre que je le ferai. 

    Carington regarda directement dans ses yeux bleus foncés, avec l’appréhension qu’il était sincère. Pour la première fois depuis sa course vers la liberté, elle semblait montrer une légère incertitude. Comme elle prenait son temps pour répondre, Ryton profita de l’occasion pour lui présenter les chevaliers.

    - Si vous me le permettez, milady, lança-t-il d’un air détendu. J’aimerai vous présenter aux chevaliers sous mon commandement. Vous aurez l’occasion de beaucoup les voir, et des introductions appropriées s’imposent. Peut-être que cela vous laissera vous sentir plus à l’aise. 

    Carington recula, il s’était trop approché d’elle et elle était encore nerveuse. Ryton montra du doigt l’homme immédiatement sur sa droite.

    - Voici Sir Stanton de Witt. Si vous ne le reconnaissez pas, vous devriez – c’est l’homme que vous avez essayé de décapiter. A côté de lui, vous avez Burle de Tarquinus et Jory d’Eneas. 

    Carington regarda le chevalier avec une grande marque rouge sur le front. Il était jeune, le ton pâle, avec de grands yeux et un visage angulaire. Il lui fit un signe de tête poli et elle se sentit soudainement coupable de l’avoir frappé. A côté de lui, Sir Burle était un très grand homme, plus âgé, aux cheveux blonds dégarnis et des joues rondes. Il était presque aussi gros que grand, mais elle pouvait voir qu’il était devenu gros avec l’âge. Sa maille tremblait lorsqu’il bougeait. Le dernier chevalier était un homme petit aux yeux marron indescriptibles et aux cheveux bruns ondulés. Une chose dans ses yeux la troublait. C’était comme regarder dans un puit sans fond.

    En ce moment, cependant, tout la troublait. En continuant à regarder avec méfiance au groupe, un bruit de sabots s’approcha derrière elle et elle sursauta. Le bruit venait d’un autre chevalier, une silhouette qui taillait un grand chemin à travers l’herbe. Un homme corpulent. Carington avait vu beaucoup d’hommes corpulents dans sa vie, en tant qu’écossaise, et elle était habituée aux grands hommes à la voix forte. Mais ce chevalier était différent, il semblait respirer tout l’air qui l’entourait, le pomper entièrement en maîtrisant son destrier cracheur de feu pour enfin faire halte et descendre de sa monture. Lorsqu’il releva sa visière à trois points en se focalisant sur le groupe de chevaliers et la petite dame, elle pouvait jurer avoir vu des éclairs jaillir de ses yeux. C’était sa première impression de l’homme. Elle résista à l’envie irrésistible de tressaillir et de reculer.

    - Les gardes du périmètre ont été calmés, dit la voix si profonde de l’homme qui résonna tel le bruit d’un tonnerre lointain. Son regard s’attarda à peine sur la dame avant de se retourner vers le chevalier aux commandes.

    - Je vois que vous avez capturé la prisonnière évadée.

    Ryton secoua la tête en regardant la dame et en faisant signe vers l’homme immense.

    - Milady, voici Sir Creed de Reyne, dit-il. Je vous suggère de ne rien tenter contre lui. Il n’aime pas les femmes en général et ce sera à vos risques et périls. S’il donne un ordre, je vous conseille vivement de le respecter sans hésiter. En fait, cela va de même pour tous mes chevaliers. Ce que nous faisons, nous le faisons pour votre sécurité et pas dans l’intention malencontreuse de vous punir. Nous ne sommes pas ici pour vous porter préjudice, mais pour vous protéger comme nous en avons reçu l’ordre. Est-ce clair ? 

    Carington examina visages qui l’entouraient. C’était clair, mais elle n’aimait pas du tout cela. Mais pour le moment, elle n’avait pas le choix. Elle observa avec détermination le chevalier au commandement.

    - Comment vous vous appelez, Sir Chevalier ? demanda-t-elle avec son petit accent écossais lourd mais délicieusement doux.

    Son ton aurait été assez charmant, s’il n’avait pas été aussi menaçant. Vous m’avez présenté tout le monde, sauf vous. 

    - Je suis Sir Ryton de Reyne, commandant de l’armée de Prudhoe. 

    - De Reyne, en roulant excessivement le ‘r’ en dévisageant Ryton et le chevalier immense qui se tenait à côté de lui. Vous avez tous les deux le même nom. Vous êtes frères, alors ?

    Ryton hocha la tête.

    - Oui, nous le sommes. 

    Le regard de Carington s’attarda sur les deux hommes et nota une légère ressemblance familiale. Tous deux avaient la même mâchoire carrée, tel un bloc de pierre, solide et dur. Mais l’aura qui rayonnait du frère de Sir Ryton était mille fois plus intimidante. Carington n’aimait ni son influence ni son allure. Il y avait une chose d’obscure et d’amère.

    N’ayant plus rien à dire et les plans d’évasion ayant été déjoués pour le moment, la Lady resta silencieuse pendant que Ryton avait fait signe à Sir Burle de la ramener à sa tente. Le regard de Ryton s’attarda un instant sur elle. Elle avait gardé sa tête baissée pendant que les hommes la ramenaient à sa résidence temporaire. A côté de lui, Creed était déjà remonté sur son cheval et dirigeait son destrier agité vers le camp. Ryton sauta sur son étalon et chevaucha aux côtés de son frère.

    Ils traversaient l’espace dégagé vers le groupe d’âtres fumant dans la nuit sombre et brumeuse. Il y avait une forte humidité dans l’air qui avait couvert leur armure d’une mince couche d’eau. Leurs écuyers devront rester une bonne partie de la nuit éveillés pour surveiller leurs armures après les avoir essuyé et séché pour empêcher qu’elles ne se rouillent.

    - Que pensez-vous d’elle ? demanda Ryton après quelques instants de silence pensif.

    Les yeux noirs de Creed, une couleur bleu sombre qui tirait presque au noir avec l’absence de clair de lune, suivaient les trois chevaliers et la petite dame de loin.

    - Ce n’est pas important ce que je pense, dit-il. Nous faisons comme on nous l’a dit. Nous la ramenons à Prudhoe. 

    Le regard de Ryton passa de la dame à son frère. Plus jeune de treize mois, tous deux avaient servi la plupart de leur vie ensemble à l’exception de ces trois derniers mois. Le roi John avait réquisitionné Creed, après l’avoir vu en action dans les rangs d’Umfraville et exigea son service. Creed avait été honoré par la demande du roi et l’avait servi à la perfection jusqu’au jour où il reçut la mission d’escorter la future épouse du roi, Isabella d’Angoulême de douze ans, de France en Angleterre. C’était il y a plus de six mois. C’est alors que les problèmes ont commencé.

    Ryton savait que son frère ne voulait rien avoir à faire avec une autre mission d’escorte. Il le savait depuis le début. Mais son frère était de retour au service d’Umfraville et ils avaient des ordres.

    - Vous n’allez pas aimer ce que je vais vous dire, dit Ryton calmement.

    Creed ne voulait pas regarder son frère.

    - Alors ne le dis pas. 

    - Je dois le faire, dit-il. Vous êtes le seul en mesure de contrôler cette fille jusqu’à notre arrivée à Prudhoe. Vous êtes le plus calme de mes hommes, et de loin, le plus astucieux. Vous êtes le seul... 

    - N’y pensez même pas, gronda Creed d’un ton menaçant, son regard braqué sur le camp, sur les arbres au loin, n’importe où sauf sur son frère qui était après tout son commandant. Je ne veux rien avoir à faire avec elle. 

    - Vous êtes le seul à qui je peux faire confiance pour ça, déclara Ryton en élevant sa voix pour que son frère comprenne qu’il n’avait pas le choix. Elle a déjà attaqué Stanton. Il est jeune et fort, mais j’ai peur qu’il soit influencé par ses larmes. Burle n’est pas assez rapide pour la rattraper si elle s’enfuit à nouveau, et je ne ferai pas confiance à Jory pour ce travail simplement parce que je lui ferai pas confiance avec une femme non surveillée ou non protégée. Il a de mauvais penchants, Creed. Vous le savez très bien. 

    Creed leva les yeux au ciel. Il tira d’un coup sec son destrier pour faire halte.

    - C’est bien la dernière chose dont j’avais besoin, dit-il à son frère d’un ton sec en espérant que l’homme soit impressionné par son ton dur. Avec tout ce qui m’est arrivé pendant le voyage de France avec cette... cette fille, la dernière chose dont j’ai besoin est d’être responsable d’une autre. Si vous vous souciez autant pour elle, prenez alors en charge la mission. 

    - Je ne peux pas, dit Ryton d’un ton ferme. Je dois être disponible pour commander. J’ai besoin de vous pour le faire, Creed. Ce n’est pas une requête.

    Creed le regarda fixement. Il n’arrivait pas à croire ses oreilles. Il finit par hocher simplement la tête.

    - Pourquoi me demandez-vous cela à moi ? 

    - Parce que vous êtes un chevalier, le meilleur que cette terre n’ait jamais vu. Ce qui est arrivé avec la fiancée du roi n’était pas de ta faute. Vous devez comprendre cela. 

    L’attitude coléreuse de Creed s’effaça légèrement. Après un court instant douloureux à supporter le regard fixe de son frère, il détourna son regard.

    - Peu importe si c’était de ma faute ou non. Ce qui est fait est fait. 

    Ryton connaissait bien l’histoire. Il savait également que leur seigneur avait éloigné Creed de Londres secrètement la nuit pour éviter la colère du roi. Creed était, pour l’essentiel, un homme recherché. Recherché par le roi qui avait cru aux mensonges de la jeune fille. C’était la raison pour laquelle il ne voulait rien avoir à faire avec une autre femme. Sa réaction était compréhensible.

    - Nous savons tous deux que la vérité sera dévoilée un jour, dit Ryton en baissant sa voix ne voulant pas paraître trop dur. Vous avez rejeté les avances d’une jeune fille indiscrète qui, juste pour vous faire souffrir, a raconté au roi que vous l’aviez déflorée. La vérité est qu’elle avait couché avec plusieurs hommes bien avant que vous ne l’ayez rencontré. Tout le monde le sait. Isabella d’Angoulême est une enfant odieuse et menteuse qui un jour montera sur le trône d’Angleterre. Elle est aussi détestée que son mari. Vous devez également avoir la foi qu’un jour tout cela deviendra une histoire ancienne, et que votre honneur et votre réputation vous seront rendus un jour. Mais en attendant que ce jour arrive, vous êtes pour l’instant sous mes ordres et vous continuerez à remplir votre rôle en tant que chevalier honorable. Est-ce compris ? 

    Ils avaient à peine discuté du sujet tabou d’Isabella, surtout parce que Creed refusait de le faire. Ryton avait beaucoup de difficulté alors à essayer d’aider son frère à y faire face, bien qu’il ait essayé à plusieurs reprises. Mais maintenant, l’opportunité s’était enfin présentée pour dire à son jeune frère exactement ce qu’il pensait de la situation, clairement et sans que Creed n’essaye de le faire taire. Il devait savoir que ce qui était arrivé avec Isabella n’était pas de sa faute. Il ne pouvait pas laisser l’incident détruire sa vie.

    A contrecœur, Creed jeta un coup d’œil à son frère. Il adorait son frère plus âgé et plus sage, la voix de raison lorsque le monde autour de lui était dans le chaos. Son monde avait connu le chaos depuis six mois. Ryton était la seule personne qui l’avait aidé à ne pas perdre la tête et il ne voulait pas le décevoir. Il savait que l’homme avait raison, même s’il aurait préféré prétendre le contraire.

    Il respira longuement et profondément.

    - Oui, répondit-il calmement. Quels sont mes ordres alors ? 

    Ryton poussa son destrier vers l’avant. Creed le suivit.

    - Vous devez la garder auprès de vous tout le temps, dit Ryton. Elle doit être en sécurité, entière et non maltraitée. Si une tragédie lui arrivait, cela compromettra sérieusement la paix que nous essayons si difficilement de garder avec son père. Vous devez mener à bien cette tâche, Creed. C’est important. 

    Creed soupira à nouveau lourdement, mais cette fois avec résignation.

    - Très bien, dit-il. Je m’efforcerai de remplir mes ordres à bien. 

    - Je sais que vous le ferez. 

    Ryton regarda son frère se diriger vers le camp. Il savait à quel point cela était difficile pour lui. Mais il savait également que l’homme devait reprendre sa vie en main, comme si rien ne l’avait hanté depuis plusieurs mois. Creed était trop bon, trop habile et précieux, pour baisser les bras face à l’injustice des rumeurs et des mensonges. Maintenant l’homme devait faire face à sa peur en protégeant, malheureusement, une jeune prisonnière très agitée et potentiellement vicieuse. Creed pourrait revivre un deuxième enfer.

    A dire la vérité, Ryton était désolé pour lui. Mais il savait également qu’il était le meilleur homme pour ce travail. Avec un soupir pensif, il poussa son cheval après son frère disparaissant dans la lumière douce enfumée du camp au loin.

    ***

    Elle était enroulée dans l’épais tartan de Kerr aux couleurs fondantes de marron, jaune et vert sur une toile de couleurs terreuses. Carington s’était assise devant le petit vizir en bronze qui avait été allumé pour lui apporter un peu chaleur dans ce froid humide et brumeux. Ses genoux serrés contre sa poitrine, blottie pour plus de chaleur, elle écoutait la conversation calme des chevaliers à l’extérieur de la tente. L’activité du camp devenait de plus en plus calme, les hommes se préparant à dormir.

    Elle examina la tente : son père lui avait envoyé une couverture et deux sacoches énormes contenant tout ce qu’elle possédait dans ce monde. A force d’être assise sur le sol, même enroulée dans ce lourd tissu et presque collée contre le vizir, ses mains et ses pieds étaient gelés. Le défi qu’elle avait ressenti plus tôt avait été remplacé par le désespoir. Elle luttait pour ne pas perdre entièrement espoir, mais c’était un combat perdu d’avance. Des larmes de grande tristesse lui montèrent aux yeux mais elle les repoussa bien vite furieusement. Ces chiens d’anglais ne la verraient pas pleurer. Elle ne les laisserait pas voir à quel point elle était désespérée.

    Elle se sentit épuisée. C’était fatiguant de garder un tel niveau de résistance. Elle bâilla à plusieurs reprises alors qu’elle était perdue dans ses réflexions sombres. Puis elle jeta plusieurs coups d’œil à la couverture en pensant qu’elle méritait quelques heures de sommeil avant qu’elle ne soit forcée à reprendre le voyage. Il serait sage de se reposer, elle pourrait alors reprendre l’énergie nécessaire pour continuer à se battre.

    Elle glissa sur le sol vers la couverture, ses pieds touchant l’herbe humide et gelée. Le froid commençait à s’infiltrer à l’intérieur de son tartan. Elle tendit ses mains raides et froides pour détacher les liens du rouleau. Alors qu’elle se bataillait avec les bandes en cuir, le volet de la tente s’ouvrit soudainement et une silhouette énorme pénétra dans la tente.

    Alarmée, Carington leva les yeux vers le visage du chevalier aux yeux lançant des éclairs. A genoux face à ce corps dominateur, elle agrippa instinctivement le tartan plus serré contre sa poitrine comme si, par magie, le tissu la protégerait de son gabarit intimidant. Ses yeux émeraude le regardaient avec méfiance.

    - Qu’est-ce que vous voulez, l’Anglais ? en essayant d’avoir un ton courageux.

    Creed ne répondit pas. Ses yeux étaient baissés vers elle à l’étudier, se demandant comment il a pu se retrouver dans la même situation qu’il avait vécu il y a six mois. Certes, cette responsabilité était beaucoup plus agréable à regarder, belle si il y réfléchissait bien, mais le fait restait qu’il était séquestré avec une autre femme impudente. Il n’arrivait toujours pas à y croire.

    - Je serai votre ombre, milady, dit-il d’un ton légèrement dégoûté. Je suis votre protection. 

    Ses yeux émeraude s’écarquillèrent.

    -  Protection ? Ai-je besoin de protection ? 

    - C’est une façon de parler. Vous êtes sous ma responsabilité. 

    A son arrivée, il avait retiré son casque et l’avait jeté avec irritation vers l’entrée de la tente. Il avait atterri en faisant un bruit sourd. Carington continua fixer de face le chevalier colossal. Il n’était pas seulement large, mais également grand. Il n’était ni jeune, ni vieux. Il avait une sorte de qualité masculine sans âge, une emprise de sagesse et de dureté acquise au fil des années de service.

    Dehors, elle n’avait aperçu qu’une partie de son visage. Elle voyait maintenant une mâchoire carrée, des lèvres masculines et un nez droit. Ses cheveux étaient très sombres légèrement ondulés et ses yeux lançaient des éclairs avec une nuance grisâtre de bleu. Il lui traversa à l’esprit que l’homme était profondément beau, mais elle chassa cette pensée avec colère. Elle ne voulait pas penser de telles choses d’un Sassenach détesté.

    - Je peux prendre soin de moi-même, dit-elle avec plus de courage qu’elle ne ressentait. Je n’ai pas besoin de vous. 

    - Peut-être que non, dit-il en passant ses doigts dans ses cheveux noirs. Mais je suis tout de même ici. Et ne pensez pas à avoir l’idée brillante de fuir à nouveau. Vous n’aimeriez pas ma réaction. 

    - Donc vous me menacez, c’est ça ? son indignation atténuant sa peur.

    - Ce n’est pas une menace, mais une promesse de choses qui arriveraient si vous vous rebellez. 

    Sa bouche en bouton de rose explosa d’indignation. Puis se referma rapidement, s’étirant en un trait furieux.

    - L’image même d’un Sassenach. Les seules paroles que vous avez à la bouche sont menaces et tourments. Connaissez-vous autre chose, l’Anglais ? 

    Sa seule réaction à sa question fut de tirer des parties de son armure. Il sortit son épée de sa gaine et la posa à côté de son casque.

    - Des règles doivent être établies, milady, dit-il avec patience. Vous avez déjà fait preuve d’être indigne de confiance. Je ne fais que suivre votre exemple. Si vous vous comportez comme une délinquante, je vous traiterez comme une. 

    Elle ne voulait pas admettre qu’il avait raison. En fait, elle le haïssait de la faire passer pour une idiote. Elle se détourna de lui, déroula avec colère sa literie et se glissa dessus en s’installant avec des mouvements frustrés.

    Creed avait fini de se débarrasser de son armure, tout en observant alternativement son langage corporel et en prêtant attention au sien. En l’examinant plus en détails, il remarqua qu’elle était en fait une petite chose aux cheveux longs noirs et aux yeux de la couleur des émeraudes. Elle avait un petit nez mutin et des lèvres en forme d’arc. Elle était petite, pas plus grande qu’un grand enfant. Mais il savait qu’elle n’était pas une enfant. Lady Carington Kerr, la fille unique de Lord Etterick, Sian Magnus Kerr du clan Kerr, avait dix-neuf ans. Elle était une femme adulte et un peu âgée pour une otage.

    Son regard s’attarda sur elle alors qu’elle s’installait dans sa literie. Il y avait quelque chose de curieusement intrigant en elle, bien qu’il n’arrivait pas à savoir ce que s’était. En fait, il ne voulait même pas y penser. L’apparition de son écuyer à l’ouverture de la tente détourna son attention, leur apportant la nourriture et boisson. Creed avec gratitude invita le garçon à rentrer. Le garçon posa le plateau sur le sol juste à l’entrée et s’enfuit. Avec un long soupir, Creed s’assit sur le sol à côté du repas et déboula une grande partie du vin avant même de s’attaquer au pain. Il sentait qu’il avait plus besoin de boisson que de nourriture. Chaque fois qu’une femme était aux alentours, il avait besoin de fortification alcoolique.

    Il entendit un doux soupir. Il jeta un coup d’œil et réalisa que la dame s’était enfin installée. Mais il remarqua qu’elle avait froid. Il semblait que même en serrant bien fort le tartan autour d’elle, le froid humide s’infiltrait dans son corps. Il se retourna vers sa coupe en l’ignorant jusqu’au moment où elle se redressa subitement et remonta sa couverture. Elle tira la literie vers le vizir et se rallongea sous son regard. Le fourneau rouge chaud était contre son dos.

    Creed voyait bien qu’elle avait des difficultés à trouver la bonne position pour se mettre à l’aise. Il observait les reflets rouges sur ses cheveux réfléchis par la lumière du vizir. La couleur presque noire semblait masquer un arc-en-ciel de teintes chaudes uniquement révélées par la lumière. Ses mains, petites choses blanches, étaient accrochées au tartan. Il se retrouva à la regarder probablement plus longuement qu’il ne le devrait. Elle avait froid et il se demanda s’il devait lui offrir de s’approcher plus du vizir. Un chevalier l’aurait fait. Mais sa chevalerie l’avait abandonnée depuis des mois lorsqu’elle lui avait attirée des ennuis. Jamais plus il ne commettrait la même erreur de faire preuve de gentillesse envers une femme.

    Lorsque les mouvements de la femme se calmèrent et qu’elle était devenue presque immobile, le volet de la tente s’ouvrit et Jory passa la tête. Court et compact, le jeune chevalier cherchait Creed.

    - Votre frère veut vous parler, dit-il tout en jetant un coup d’œil à la silhouette étendue sur le dos. Je surveillerai la dame pendant votre absence.

    Creed posa sa coupe et se leva sans hésitation. Mais arrivé à l’entrée de la tente, il fit une halte.

    - Vous ne vous approcherez pas d’elle, n’est-ce pas ? dit-il. Si quelqu’un la touche, lui fait du mal ou la harcèle, sachez bien que ma punition sera prompte et douloureuse. 

    Les yeux noirs de Jory s’écarquillèrent devant l’homme qui était littéralement deux fois plus grand que lui.

    - Je ne la toucherai sous aucun prétexte, Creed. 

    Creed lui lança un regard dur puis souleva un sourcil complice.

    - Ce n’est pas vrai. Sinon, je ne me serai pas senti obligé de me faire comprendre clairement. 

    Il quitta la tente en laissant Jory debout juste à l’entrée avec une expression offensée et légèrement effrayée. Après quelques instants d’insultes silencieuses, il s’accroupit devant le repas entamé de Creed. Par vengeance, il renversa le reste du vin et rit devant son œuvre. Il resta à l’entrée à regarder la tête de la dame allongée, à moitié enfouie sous les couleurs du tartan de chasse.

    Jory d’Eneas était en quelque sorte un être erratique, parfois épouvantable. Fils d’un baron et d’une servante, il avait été placé dans une famille d’accueil à l’âge de quatre ans. Bien qu’isolé dans une maison noble, il était devenu la victime d’un chevalier aîné qui avait sérieusement abusé de lui depuis son très jeune jusqu’à ce qu’il soit devenu écuyer et qu’il pouvait trouver la force de repousser l’homme. Bien que plusieurs personnes fussent au courant de l’ignoble abus, personne ne s’est jamais soucié à l’arrêter.

    Par conséquent, Jory avait grandi avec un sens de morale tordu et une vision encore plus tordue du monde. Il était un guerrier fort et avait des moments de sens morale qui laissait croire qu’il était un être humain honnête, mais pour la plupart du temps, Jory était un homme qu’il fallait surveiller. Il était venu servir Richard d’Umfraville parce que le père de Jory, Baron Hawthorn, l’avait supplié. Ne voulant pas contrarier son vieil ami, Lord Richard accepta.

    Même maintenant, alors que Jory regardait la dame dormir, la menace de Creed avait peu d’effet sur lui. Certes, il avait peur de l’homme, mais cela ne l’empêcherait pas de faire ce que bon lui semblait. Alors que le vizir brillait doucement et que la nuit à l’extérieur frémissait les sons doux de la soirée, Jory fit quelques pas en direction de la dame. Pour un observateur extérieur, on aurait cru un prédateur traquant une proie. Pour Jory, c’était simplement une approche normale. Ses yeux sombres brillaient en s’approchant d’elle.

    Carington ne dormait pas. Elle avait entendu Jory entrer dans la tente et avait entendu la conversation entre lui et Creed. En fait, allongée et ensevelie sous le tartan, elle était réveillée et ses sens s’étaient adaptés à tous les mouvements dans la tente. Elle pouvait entendre des pas s’approcher. Lorsque l’herbe près de sa tête craqua légèrement, elle se retourna si vite qu’elle renversa le vizir rouge-chaud sur le côté en renversant le charbon sur la terre humide.

    Jory se trouvait à moins d’un pied d’elle lorsqu’elle se roula pour se redresser sur ses pieds. Elle serra le tartan sur elle et s’éloigna du chevalier qui s’approchait lentement d’elle.

    - Eloignez-vous de moi, chien de Sassenach, cracha-t-elle. Si vous vous approchez de moi, vous regretterez d’être né. 

    Jory sourit. Puis il s’arrêta. Après un moment d’hésitation, jaugeant la dame, il rigola doucement et leva ses mains.

    - Vous ne devez pas vous soucier de moi, milady, dit-il en se détournant et en cherchant un endroit pour s’asseoir dans un petit coin exigu. Je voulais juste savoir si vous étiez bien installée. Mais puisque vous êtes réveillée, j’assume que non. Vous devriez vous reposer. Nous partirons dans quelques heures. 

    Il y avait quelque chose de troublant en lui, pensa Carington en regardant son comportement. Elle ne répondit pas et continua à se tenir à plusieurs mètres de lui enroulée comme un printemps. Jory la fixa en se laissant tomber sur le bord de sa couverture pour éviter de s’asseoir sur l’herbe écrasée sous ses pieds.

    - Vous pouvez retourner vous coucher, milady, vraiment, dit-il en jouant maintenant avec une botte d’herbe de sa botte. Je ne vous ferai aucun mal. 

    Carington resta inerte. Elle resta debout, là, à le regarder. Il lui donnait du dos. Soudain, une lumière apparut dans les yeux émeraude, une chose brillante et déplorable. Elle se trouvait plus proche du rabat de la tente que lui. De plus, il lui donnait du dos. Il ne la verrait probablement sortir que trop tard. Très lentement, elle fit un pas en direction du rabat de la tente. Puis un autre. Mais Jory se jeta brusquement sur elle avant qu’elle n’arrive à se précipiter hors de la tente et la lutte commença.

    Il la tenait bien, mais Carington était une combattante. Elle crachait et griffait tel un chat, luttant de toutes ses forces contre le chevalier. Elle trébucha sur le long tartan pendant leur lutte et tomba sur le dos en entraînant Jory avec elle.

    Il atterrit sur elle. Il entendait ses grognements et s’imaginait dans son esprit malade que c’était des halètements de plaisir. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas entendu ces sons. Il la piégea entre ses jambes en tenant fermement ses bras et en regardant son visage de porcelaine se contorsionner dans la lutte.

    - Milady, souffla-t-il le visage très proche du sien. Pourquoi vous battez-vous ? Vous ne devriez pas avoir peur d’un anglais.

    Non seulement elle était furieuse, mais maintenant elle était terrifiée. Sa deuxième tentative d’évasion avait été déjouée avant même de commencer, et maintenant apparemment avec des conséquences encore plus horribles. Elle était trop petite

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