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Sarah-Lee
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Ebook188 pages2 hours

Sarah-Lee

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About this ebook

Tu aimes les témoignages ? Tu adoreras ce livre ! C’est un roman basé sur une histoire vraie.

Mes mains tremblaient alors que mes jambes faiblissaient dangereusement, m’obligeant à m’immobiliser en pleine rue. Après avoir fait quelques pas seule, Olivia s’aperçut de mon malaise et vint me rejoindre.

— Sarah, qu’est-ce qui se passe ?
— Ma mère m’a abandonnée, réussis-je à articuler difficilement.
— Elle t’a plutôt confiée à des parents qui pourraient mieux prendre soin de toi. Elle devait être très pauvre ou très jeune… tenta de me consoler mon amie.
— Je parle pas de celle restée en Chine. Je parle de Luce… Luce m’abandonne elle aussi, hoquetai-je.

Psst! Mélanie, l’auteure de ce roman, aime chanter en auto (même si sa famille déteste ça!) et au karaoké. Elle ne fait pas bien la cuisine, a peur de rester prise dans un ascenseur et est allergique aux guêpes. Bien qu’elle soit patiente, elle n’a pas réussi, malgré trois tentatives, à apprendre à jouer de la guitare. Elle est toujours dans la lune, perd tout et oublie beaucoup de choses importantes, mais ses amis et les élèves à qui elle enseigne le français l’adorent (et elle les aime tout autant!).
LanguageFrançais
Release dateSep 19, 2018
ISBN9782897585266
Sarah-Lee
Author

Mélanie L'Hérault

Mélanie L’Hérault est enseignante de français au secondaire. Elle vit dans la région de Québec, d’où elle est originaire. Le jardin de cendres est son premier roman, mais certainement pas le dernier!

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    Book preview

    Sarah-Lee - Mélanie L'Hérault

    baptême

    Jour 1: lundi

    — Oli, arrête d’espionner Arnaud et viens prendre tes livres de français ou tu vas encore te choper un billet de retard! ordonnai-je avec impatience.

    — Je surveille pas du tout Arnaud! Je me demande seulement pourquoi il parle toujours à cette pauvre cloche d’Inès. Elle a jamais rien à dire d’intéressant à part: «Mon cheval fait ci, mon cheval fait ça, j’ai gagné telle compétition avec mon cheval…» Comment il s’appelle, donc, son maudit cheval? s’impatienta Olivia.

    — Je m’en souviens plus, on s’en fout!

    — Correction, Sarah. Tu t’en fous, je m’en fous, mais Arnaud a l’air de trouver ça foutrement intéressant! Comment elle s’appelle, sa maudite picouille? Ça me met les nerfs en boule de pas m’en souvenir, elle en parle tout le temps… SARAH! Tu pourrais m’aider, tu vois bien que j’ai besoin de toi!

    — Tu aurais surtout besoin de respirer par le nez et d’oublier Inès qui, je te le rappelle, est la voisine de casier d’Arnaud. Il est donc normal qu’il lui adresse la parole. Aie confiance en toi!

    — C’est quoi là? Tes coachs t’ont encore fait suivre une thérapie de pensées positives? C’est sûr qu’avec tes longs cheveux noirs parfaitement lisses, ta peau sans aucun pore visible et ton taux de gras à 0, c’est facile d’avoir confiance en toi!

    — C’est vrai que toi, t’as vraiment l’air d’une vieille… comment t’as dit déjà? Ah oui, d’une vieille picouille!

    Olivia, trop absorbée par son espionnage, ne releva pas ma boutade. Elle ressortait pourtant du lot avec sa chevelure rousse ondulée contre laquelle elle pestait toujours, alors qu’on en était toutes jalouses, les copines et moi. Elle avait toujours quelque chose à reprocher à son corps: des cuisses que le soccer avait trop musclées, des taches de rousseur qu’elle accusait de ne cesser de se multiplier et d’envahir son corps.

    — C’est une ville. Le nom du cheval est aussi celui d’une ville des États-Unis. Concentre-toi, Sarah! insista Olivia, refusant d’être raisonnée.

    — Augusta, prononçai-je, soudain inspirée.

    — Voilà! Tu me sauves la vie! J’aurais passé la journée à le chercher et à penser à son maudit cheval!

    — Maintenant que c’est réglé, prends tes livres! Il nous reste deux minutes pour nous rendre au 302.

    Voyant qu’elle ne quittait pas son poste d’observation au coin de notre rangée de casiers, je l’abandonnai à sa paranoïa et attaquai le premier palier de marches qui menait directement vers la classe de français.

    Quand j’y entrai, Laura, notre enseignante, écrivait son plan de classe à l’ordinateur qu’elle projetterait par la suite sur son tableau interactif. Elle lançait un «Bonjour» à chaque paire de pieds qu’elle entendait entrer dans son local décoré de grandes citations françaises, de tableaux de conjugaisons et de travaux d’élèves divers. Quelques jeunes se tenaient encore debout, rassemblés autour du bureau de l’un ou l’autre de leurs amis, mais la plupart étaient déjà assis à leur place avec l’air amorphe accompagnant souvent la dernière période de la journée. Quand mes compagnons entendirent la deuxième cloche, tous se dirigèrent vers la place que l’ordre alphabétique leur avait assignée en début d’année et que notre enseignante n’avait jamais changée, malgré nos multiples requêtes à ce sujet.

    — Mademoiselle Létourneau a-t-elle daigné arriver à l’heure, cette fois-ci? demanda Laura sans quitter son clavier des yeux.

    — Elle est…

    — Je suis là, Laura! me coupa Olivia qui entrait en trombe dans la classe, m’empêchant du coup de devoir mentir encore une fois pour couvrir son retard.

    — Faites un vœu, groupe 32, faites un vœu! s’exclama la petite femme qui se décida à nous faire face.

    Ma copine se retourna et me décocha un clin d’œil, fière de s’en être sortie indemne et d’avoir fait mentir mes prédictions.

    Le tableau quitta son mode veilleuse et nous dévoila ce qui nous attendait au programme de ce cours:

    1- Vous engueuler

    2- Vous menacer

    3- Vous terroriser

    Quelques rires accueillirent ce plan plutôt inhabituel, mais la plupart de mes pairs eurent l’intelligence de se taire et d’attendre de voir de quoi il en retournerait.

    — Allons-y dans l’ordre. Point 1: MAIS QU’EST-CE QUE C’EST QUE CES TORCHONS QUE VOUS M’AVEZ REMIS? lança Laura en brandissant nos cahiers Canada de sa main gauche. Pendant que vous étiez en journée pédagogique, vendredi, je me coltinais ces textes parsemés, que dis-je, MINÉS de fautes!

    Ses yeux foncés me semblèrent soudain aussi noirs que ses cheveux coupés au carré et ses joues s’enflammèrent du même rouge que la teinte avec laquelle elle maquillait ses lèvres. J’eus soudain peur qu’elle ne succombe à un anévrisme dû à une hausse subite de sa pression, comme on venait de le voir en biologie.

    — Je m’attends à davantage des élèves de troisième secondaire du programme langues! Des copies remplies de fautes d’accords simples et de participes passés, des règles qu’on a vues à de multiples reprises et révisées pas plus tard que la semaine passée. Cette année aura donc servi à rien! se désola-t-elle. L’intelligence, c’est le…?

    Silence total dans la classe. Je connaissais la réponse attendue, mais je n’osai répondre, de peur de passer pour la téteuse de service. Mes collègues me taquinaient déjà à propos de mes notes parfaites et de mon comportement exemplaire. Je lançai une œillade vers Salomé, qui savait assurément la réponse tout comme moi, mais elle resta coite. Je le demeurai donc aussi.

    — L’INTELLIGENCE, C’EST LE TRANSFERT!!! hurla presque notre enseignante, exaspérée, en nous pointant une affiche reprenant cette formule mot pour mot. Vous devez arrêter d’apprendre par cœur des notions pour nous les répéter le lendemain dans un examen avant de les oublier et de plus être en mesure d’appliquer ces mêmes connaissances à d’autres contextes. Ça ferait de vous un premier de classe, mais un parfait idiot!

    Plusieurs quittèrent notre interlocutrice du regard pour fixer leurs souliers. Je sentis que ce dernier point avait touché quelques-uns de mes compagnons qui ne mesuraient leur valeur qu’à leurs résultats.

    — Point 2: Vous allez tous me corriger ces textes et me les remettre au propre sans AUCUNE faute! Sinon, je m’entends avec vos parents pour vous garder en récupération un week-end entier. Cela étant dit (et ça m’a fait du bien de vous le dire!), je considère que ce travail était une erreur de parcours. Je déclare donc ce léger litige entre vous, déshonorés sujets (mais bien-aimés élèves) et moi, la respectable Laura Pelletier, comme étant clos. Passons donc au point 3 pour, je vous le rappelle, vous terroriser!

    Sans rien dire d’autre, Laura appuya simplement sur un bouton de la manette de son tableau interactif et c’est la voix d’Émile Bilodeau qui nous remplit les oreilles:

    «Y a jamais personne qui veut passer premier

    Quand la professeure donne l’ordre de commencer

    Les présentations orales, pis pour vrai, moi, j’trouve ça

    normal

    Parce que c’est stressant, faire semblant

    Qu’on maîtrise un sujet pis d’en parler quand même

    longtemps

    Devant plein d’monde qu’on connaît

    À ce moment-là, c’est difficile de ne pas avoir l’air d’un

    débile […]¹»

    Même après qu’elle eut interrompu elle-même la musique, Laura continua quelques mouvements de danse pour nous faire rire, narguer ses pauvres élèves qui avaient compris pour la plupart ce qui nous attendait tous.

    — Oui, mes amis! Un exposé oral se pointe le bout du nez! Je me nourris de la lueur de frayeur que je lis dans vos yeux. Comme le dit le bel Émile, je voudrais pas que vous ayez l’air débiles (ça y est, je rime). Je vous ferai donc pas parler d’un sujet dont vous aurez lu seulement deux pages sur Wikipédia avant de me recracher les grandes lignes très mal résumées. On a déjà fait cette expérience en décembre et j’en garde encore quelques séquelles, se moqua-t-elle, en mimant un tic incontrôlable.

    Laura avait enfin repris un teint plus rosé qu’écarlate et réaccroché son sourire habituel à ses lèvres.

    — Et je vous rappelle que l’intelligence, c’est le…?

    — Transfert! que nous répondîmes tous en chœur, cette fois.

    — Mais voilà! nous félicita Laura. Je vous propose de me présenter, ainsi qu’à tous vos camarades de classe, un slam de 28 vers exactement. Pourquoi 28? Parce que vous avez sept jours pour le composer. Ça représente une strophe de quatre vers par jour.

    — Mais vous comptez aussi la fin de semaine? J’ai autre chose à faire que de…

    — Tut, tut, tut, Zachary! l’interrompit Laura. Tu sauras que la créativité prend jamais de congé.

    — Il faut que ça rime? s’informa Olivia.

    — Oui, mademoiselle Létourneau, pour que ce soit plus beau. Il faut que ça rime pour pas que je déprime, grimaça Laura, pour s’excuser de sa mauvaise performance de slameuse improvisée.

    — Bouhhhhh, chahuta un garçon à l’arrière de la classe.

    — On a le droit de se huer? Avoir su! s’exclama notre enseignante, l’œil malicieux. Je me prêterai moi-même à l’exercice. Et pour vous prouver que j’ai pas pris d’avance, c’est vous qui allez m’imposer le thème…

    — Olivier Roberge! cria Salomé, soudain inspirée.

    Pour relativiser nos propres drames et nous démontrer que l’autodérision est le meilleur remède à tout, Laura blaguait souvent à propos de son premier amour vécu en troisième secondaire et l’énorme chagrin qui en avait résulté et qu’elle avait alors traîné pendant quelques mois.

    Tous acquiescèrent à cette idée, surtout Laura.

    — Parfait! J’aurai juste à ressortir mon journal intime de 1993 et je vais vous faire ça d’un trait. Si je manque d’inspiration, je vais me gaufrer les cheveux, et mon histoire devrait me revenir! Je vous donnerai la feuille de consignes détaillées à la fin du cours, mais avant de recevoir des slams bousillés de fautes d’accords, on va tout reprendre depuis le début! Sortez vos notes de cours!

    Son regard acéré ne permit aucune protestation et tous prirent sans rechigner le document boudiné que Laura appelait sa Bible.

    — Prions ensemble, chers pécheurs! clama-t-elle en se dirigeant vers le tableau.

    C’est exactement à ce moment-là que j’installai subtilement mon écouteur dans mon oreille droite, sachant très bien que la révision qu’elle s’apprêtait à faire me serait complètement inutile. Mes longs cheveux noirs avaient réussi à dissimuler bien des fois le petit fil qui sortait de mes oreilles et était relié à l’appareil caché dans mes poches.

    Je regardai distraitement les deux phrases que la petite femme d’à peine cinq pieds venait d’ajouter au tableau:

    Lou a acheté des livres. Les livres que Lou a achetés à la librairie.

    La musique qui m’emplissait la tête ne me permettait que d’entendre en sourdine les paroles de Laura. Elle devait avoir posé une question à la classe puisque quelques mains se levèrent subitement. J’observai mes camarades volontaires sans surprise, c’étaient toujours les mêmes qui s’offraient pour répondre. Je sondai les autres en réfléchissant à la meilleure victime potentielle que notre enseignante allait certainement viser parmi ceux qui ne souhaitaient pas se mouiller, quand je sentis qu’on donnait un coup de pied discret à l’une des pattes de mon bureau. Je compris vite le but de ce léger botté quand, par réflexe, je levai la tête vers mon enseignante et que je remarquai ses yeux aiguisés me transpercer.

    — Acheté prend pas de «s» dans la première phrase puisque c’est un participe passé qui a pour auxiliaire le verbe avoir et que le complément direct «des livres» est placé après le verbe. Dans la deuxième phrase, le participe passé s’accorde puisque le complément direct est cette fois-ci placé devant le verbe, tentai-je.

    — Exactement, Sarah! me félicita Laura.

    Je m’apprêtai à me retourner subtilement pour gratifier d’un sourire le garçon derrière moi quand je me fis prendre de vitesse.

    — On remercie Grégoire d’avoir rendu cette réponse possible! lança notre enseignante, faussement enthousiaste.

    Quand elle s’avança vers moi avec la petite boîte en métal où elle enfermait les appareils électroniques confisqués, je compris que j’avais été prise la main dans le sac. Sans faire d’histoire pour ne pas aggraver mon cas, je me libérai de mon écouteur et déposai mon iPhone dans le contenant qu’elle me tendait.

    — La prochaine fois, dans un autre cours, cela dit, parle moins fort quand tu réponds à une question ou baisse le volume de ta musique, me conseilla-t-elle.

    Alors qu’elle retournait à l’avant, je jetai un regard de dépit à Grégoire. Celui-ci souleva les épaules, l’air désolé que son intervention n’ait pas porté fruit. Toute la classe fut ensuite plongée dans le silence, accablée par un exercice de grammaire très classique auquel Laura eut recours un peu pour nous aider, beaucoup pour nous punir du mauvais texte remis au cours précédent.

    Deux minutes avant la cloche, sa voix vive nous fit tous sursauter:

    — Je résume rapidement. Premièrement, correction des textes infernaux. Deuxièmement, 28 vers en rime libre à composer, dont la version finale devra être recopiée dans votre cahier d’écriture. Troisièmement, l’apprendre par cœur pour être en mesure de le présenter lundi prochain devant la classe.

    Quelques protestations fusèrent.

    — Tut, tut, tut! reprit-elle, vous aurez planché durant sept jours sur cette œuvre, vous l’apprendrez facilement.

    — J’ai pas envie de raconter quelque chose de personnel à toute la classe, osai-je.

    — Vous savez d’avance que ce sera une lecture publique, il faut assumer. Un peu comme ce qu’on écrit sur Facebook… mauvais exemple… Sans farce, écrivez pas sur vos boutons dans le dos ou votre amour secret pour Arnaud, parce que vous risquez d’en entendre parler… L’amour en général, l’amitié, la mort, le Parkinson de votre grand-mère (je demande pas de papiers médicaux), votre vie au secondaire… Vous arrêtez pas de vous plaindre, vous devez avoir des choses à dire sur cette école…

    — Oh que oui! Shut gun sur ce sujet! intervint Zachary.

    — Pas de noms, pas de grossièretés, pas de règlement de comptes, se sentit soudain obligée de préciser Laura.

    — Moi, je parlerai de mon cheval Augusta! lança Inès.

    Je vis quelques élèves rouler des yeux tandis qu’Olivia réprimait difficilement un fou rire.

    La

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