Quartier Maître
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À propos de ce livre électronique
Un marin français
un grand navire de haute mer
la guerre qui gronde sur la planète entière
l'inconnu qui s'ouvre sur les océans du monde
voici un récit de guerre atypique, un hommage de la narratrice à son père qui fut quartier-maître mécanicien à bord du cuirassé Richelieu.
Printemps 1940. La guerre mondiale éclate. Le jeune homme n'a pas 19 ans. Il s'engage dans la Marine. Rien ne se passera comme prévu, ni pour lui, ni pour le navire, ni pour son pays. Une longue errance l'attend. Que s'est-il donc passé?
Suspense, enquête historique, regard intime tour à tour plein d'humour et de gravité, le récit se lance sur ses traces.
Pour tenter de saisir les étincelles de vie prises dans la conflagration des événements.
Pour n'oublier ni la petite - ni la grande Histoire.
Mireille Gealageas
Mireille Gealageas est née en 1949 dans la région parisienne. Elle vit depuis longtemps dans un petit village de l'Hérault. La poésie est son domaine d'exploration. Elle écrit également récits, contes, nouvelles.
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Aperçu du livre
Quartier Maître - Mireille Gealageas
QUARTIER-MAÎTRE
récit
Mireille Gealageas
édition papier disponible chez l’auteure
www.mireillegealageas.fr
Quartier-maître, définition du Littré :
(...) Il est patron dans les embarcations, chef dans les hunes, et commande partout où il n'y a ni maîtres, ni contre-maîtres.
Quartier-maître, définition du Robert :
"1. Marin du premier grade au dessus de celui de matelot (correspondant au caporal ou au brigadier de l'armée de terre).
2. anciennement Officier trésorier".
CarnetPassation
Mon père a quatre-vingt douze vénérables années quand il me confie un livret rectangulaire de 11 x 19 cm qu'il a conservé soigneusement dans un tiroir du secrétaire familial tout au long de sa vie.
La couverture cartonnée rouge bordeaux arbore quelques volutes d'inspiration victorienne. On peut y lire :
Philips Authentic Imperial Maps
for tourists and travellers
MERCATOR WORLD
George Philip & Son, Ltd, 32 Fleet Street, EC4
Philip, Son &Nephew Ltd, Liverpool
A l'intérieur il a inscrit ses nom et prénom avec sa netteté habituelle, en caractères d'imprimerie légèrement penchés à droite. Et de la même main mais en plus grand, sur la page de garde au quadrillé léger, au papier blanc rendu doux et vieil ivoire par le temps :
Quartier maitre (sans circonflexe)
Mécanicien (avec majuscule),
Gealageas André
3645 T 40
___________
5ème DEPOT
T. LA BAYONNAISE
T. LE FLIBUSTIER
B.D.L. RICHELIEU
L'encre noire devait être de bonne qualité. Elle n'a presque pas vieilli, juste un peu pâli, un solide gris anthracite à présent. Le livret contient quatre pages recto verso, avec une liste de départs et d'arrivées, les en-têtes des années, le détail des lieux et des dates. Pas un commentaire.
Attachée en dernière page et une fois dépliée, une grande belle carte couleur (68 x 54 cm au mètre couturier) met bien à plat les terres et les océans de notre planète : mon père y a tracé avec application les trajets de ses tours et détours sur les mers. Des lignes impeccables s'offrent à lire comme au creux d'une paume géante, des flèches précisent les directions, les pistes, les flux et les reflux.
Mon père me donne tout ça sans un mot. Comme on confie une carte du trésor. A toi, à vous de jouer maintenant. Cela faisait des années que je lui disais combien l'histoire de son grand voyage était digne d'être racontée - il répondait que non, que ce n'était rien de spécial, que... Et soudain, voilà : si tu y tiens vraiment, ma fille, vas-y, libre à toi!
Du coup, j'ai le trac.
C'est très impressionnant, un pan de vie que l'on vous invite à dire à votre tour. C'était lui le conteur jusqu'à présent, lui dont les récits ont bercé, enchanté, amusé notre enfance, notre adolescence et même bien plus tard. Il savait jouer de la voix, du regard, du corps tout entier. Il avait deux enfants et sa femme bien-aimée comme public favori et leur récitait, encore et encore, les morceaux choisis du grand voyage de sa jeunesse : plus de cinq années passées sur les mers, pendant la Seconde guerre mondiale, principalement à bord d'un des grands cuirassés de la marine française.
Saurai-je retrouver la trace de ce jeune homme inconnu qui devait devenir mon père? Et surtout la flamme qui courait, qui animait ses histoires?
Tu souris probablement de ton inquiète descendante, tu la connais. Quand j'étais petite, tu me calmais, tu endormais (presque) mes peurs inutiles, l'air de rien, l'air d'ouvrir pour moi le livre du monde. A présent je n'ai d'autre ressource que de prendre une grande respiration, de lancer le sésame du il était une fois
et de te réinventer au besoin, André François Gealageas.
Partir
Tu avais dix-huit ans. Tu vivais chez tes parents. Vous n'habitiez pas très loin de la Petite Italie, à Vitry-sur-Seine, dans la banlieue sud de Paris.
Ce matin-là, tu avais pris le bus place Cavet, comme d'habitude. Tu étais tendu comme un arc. Et pour faire bon poids tu en avais gros sur le coeur : personne pour t'accompagner à la gare.
Tu étais resté sur la plate-forme arrière, avec ton barda à tes pieds. Le contrôleur qui te connaissait était venu te saluer, t'avait tapé sur l'épaule en blaguant un peu, en te souhaitant bonne chance. Tu avais fait semblant de sourire, l'homme n'avait pas insisté, il t'avait laissé à la contemplation des pavés qui filaient sous les roues.
Tu avais ta tête des mauvais jours, le front sombre sous les boucles noires, la mâchoire serrée. Beau gosse quand même. Les images dansaient devant tes yeux, ta mère, son regard embué, ses mains agitées sur son tablier, le dos raide de ton père, sa moustache trop nette et le museau trop doux du petit frère trop palot. Alignés pour l'adieu.
Tu pensais, en boucle, en rond : tout de même tout de même ils auraient pu venir jusqu'au train, non, ils auraient pu faire un effort : est-ce qu'ils n'en avaient rien à faire, de toi?
Ce n'était pas n'importe quel départ tout de même tout de même...
Et puis arrivé Porte d'Italie, tu avais envoyé valser tout ce cinéma. D'un bon coup de reins en jetant ton sac sur ton épaule. Adieu la maison familiale et ses multiples verrous aux portes et aux fenêtres et les housses tristes sur ses fauteuils et les gestes, les mots qu'on retient, qu'on ne dit pas - qu'on ne sait pas comment dire.
Salut la compagnie!
Tu avais été le premier à sauter du bus, tu t'engouffrais dans le métro comme une flèche, descendais les marches quatre à quatre, et là, dans le souffle tiède du souterrain, dans l'élan de la course et le chassé-croisé des voyageurs - une sorte de joie, d'excitation au goût neuf t'envahit.
Partir! Bon dieu ça-y-était! Tu partais.
Pour loin et pour de bon.
Pour on ne savait où, ni jusqu'à quand.
Ni même si tu allais revenir, mais ça, on aurait toujours le temps de voir.
Ou de ne plus rien voir.
Tu courais. Tu étais à l'heure mais tu courais quand même. Pour abolir la tension, pour le plaisir, pour laisser tout derrière soi, l'enfance, l'angoisse et foncer droit vers le futur, l'inconnu, le combat! Tu courais et soudain tu débouchais dans le hall d'une immense gare d'où s'élevait un brouhaha indescriptible et tu te retrouvais dans la grande marée des autres, qui se pressaient sous les hautes verrières et les voûtes de fer, qui cherchaient le quai, le train, le compartiment...
C'était le 6 avril 1940.
Ce jour-là, mon père était un petit jeune homme qui partait pour la guerre.
La fleur aux dents.
Enfin presque.
Envoi
Allez, ça commençait, c'était le premier des trains brinquebalants qui l'emporterait, lui et des milliers d'autres, et ce ne serait pas le dernier.
A la déclaration de la guerre contre l'Allemagne nazie, en automne dernier, quand il était venu s'engager à l'Ecole Militaire, il s'en était fallu de très peu, d'un trait de plume dans la colonne de gauche plutôt que de droite, ou d'un employé qui aurait pris la pile de dessus plutôt que celle du dessous. Et il aurait été envoyé à Brest plutôt qu'à Toulon et il serait parti en mer de Norvège, peut-être dans le corps expéditionnaire de Narvik, pour la première - bien que très éphémère - victoire des Alliés. Et il se serait retrouvé ensuite en Angleterre...
Au lieu de ça, l'ange gardien veille. Le petit gars Gealageas? Direction : la Côte d'Azur.
*
Donc le train. Bondé. Des heures avant de démarrer. Si lent. Si lourd. Poussive poussive locomotive, bandant tous ses muscles de pachyderme métallique, grinçant, craquant de toutes ses articulations, crachant sa vapeur, lentement d'abord, puis un peu mieux, un peu plus vite, puis allègre presque. On roulait enfin! Et puis, fausse joie, ça ralentissait, un peu d'abord, puis tout à fait, puis ces arrêts complets en rase campagne. Clanc. Da-clanc. Clanc. Le coeur du métal se mettait à battre à coups espacés et une voix disait près de ton oreille : Dis donc à ce train-là on n'est pas rendus... T'es d'où toi?
Vous étiez tassés dans le couloir, le nez à la fenêtre baissée, épaule contre épaule. Une face ronde à taches de rousseur était tournée vers toi, te regardait droit dans les yeux, candide, amical, sans détour. Rouquin. Moi, j'suis d'Ivry-sur-Seine
. Si tu n'étais pas d'un abord très amène, d'autres l'étaient pour toi, c'est sûr. Du coup, ça t'entraînait. Et tu allais bientôt te mettre à raconter un peu ta vie, poussé par le feu des questions de l'autre, dont la gueule décidément te revenait. Ah bah dis donc, on était voisins alors. Et comme ça t'étais à l'Ecole Prof?
André l'était. T'as eu ton diplôme? La mécanique? Ah moi, j'ai fait le certif et puis basta. J'ai pas la tête aux études. Je bosse sur les marchés. Je donne un coup de main, tu vois.
Tu voyais un petit mec aux gestes vifs comme un singe, même dans l'espace étroit qui lui restait. Et toi? Tu fais quoi?
Tu répondais volontiers : "Moi? J'ai été embauché direct là où bosse mon père, à la centrale électrique Arrighi, tu vois où c'est? Mais si, sur la rive gauche de la Seine, en amont de Paris et du barrage du Port