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L'Envoûtement de la Hache Noire: Légendes du Nain Sans Nom
L'Envoûtement de la Hache Noire: Légendes du Nain Sans Nom
L'Envoûtement de la Hache Noire: Légendes du Nain Sans Nom
Ebook727 pages10 hours

L'Envoûtement de la Hache Noire: Légendes du Nain Sans Nom

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About this ebook

« J'ai trouvé particulièrement difficile de poser ce deuxième livre des Légendes du Nain Nom... il y a eu plusieurs grands moments dans ce roman qui m'ont fait réfléchir. » – Ray Nicholson (Top 1000 des critiques sur Amazon)

« D.P. Prior continue de dépasser mes attentes. » – Frederick H.

« Encore une fois, Prior donne vie à ses personnages et offre au lecteur une large palette de fantasy épique et profonde à savourer. » – @DahgMahn

« Brut, tendu et brutalement tragique. Une narration de grande qualité avec d'excellents personnages et une intrigue implacable. » – Mitchell Hogan, auteur du livre A Crucible of Souls et lauréat de l'Aurealis Award. 


« Un nain sans nom est un nain des plus déshonorés. »

Alors que le monde au-dessus de la cité du ravin d'Arx Gravis fait face au plus grand des périls, le dernier espoir désespéré de la Création repose sur les épaules d'un nain au passé noir : le Nain Sans Nom, un paria, intouchable, le plus damné de tous les nains. 

Mais dans un monde frappé par la tromperie, où aucune action n'est exempte de risque, la route vers le salut est assombrie par des présages de mort.

LanguageFrançais
PublisherHomunculus
Release dateJul 20, 2019
ISBN9781071501535
L'Envoûtement de la Hache Noire: Légendes du Nain Sans Nom

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    L'Envoûtement de la Hache Noire - D.P. Prior

    www.dpprior.com

    « Un nain sans nom est un nain des plus déshonorés. »

    ––––––––

    Alors que le monde au-dessus de la cité du ravin d’Arx Gravis fait face au plus grand des périls, le dernier espoir désespéré de la Création repose sur les épaules d’un nain au passé noir : le Nain Sans Nom, un paria, intouchable, le plus damné de tous les nains.

    Mais dans un monde frappé par la tromperie, où aucune action n’est exempte de risque, la route vers le salut est assombrie par des présages de mort.

    ––––––––

    Vous pouvez voir une plus grande CARTE D’AETHIR sur Internet.

    ––––––––

    www.dpprior.com

    PARTIE UN

    LA FIN DE TOUTES CHOSES

    « Bien sûr, il devra d’abord s’habituer à la lumière avant de voir des choses dans le monde supérieur, hors de la caverne. »

    (Platon, La République)

    L’ÉVEIL

    ––––––––

    Tout était noir comme le Vide.

    L’air était lourd et humide. Il sentait quelque chose de rance...

    Une mauvaise haleine.

    Son haleine.

    Quelque chose couvrait sa tête. Il pouvait sentir son étreinte oppressante.

    Son cœur se réveilla doucement et il réprima un cri d’exclamation.

    Avait-il dormi ? Non, il était redressé. Ses fesses étaient engourdies d’être resté assis trop longtemps. Dans un élan de panique, il essaya de bouger, mais rien ne fonctionna. Au vu du contrôle qu’il avait dessus, cela aurait tout aussi bien pu être le corps de quelqu’un d’autre. Si seulement il pouvait ouvrir les yeux, voir où il était, mais ils étaient fermés, comme collés par un sommeil de mille ans. Il se concentra sur un doigt, fit de son mieux pour le bouger, mais il avait la souplesse d’un fossile.

    Il y avait un bruit, un murmure, un bourdonnement. Quelqu’un chuchotait, récitait, priait, encore et encore.

    Au moins ses oreilles fonctionnaient encore. Et au moins, il n’était pas seul. Il voulut forcer des mots dans sa gorge asséchée, mais ils ne dépassèrent pas ses lèvres.

    Un gouffre s’ouvrit en lui et le peu de conscience qu’il avait chuta dans les profondeurs. Des tréfonds de l’obscurité, une plaie lui cria son mal. Une question non posée flottait au-dessus du vide. Elle prit forme avec des mots : qui suis-je ?

    Un éclat rougeâtre passa derrière ses paupières. Ou était-ce une tache ? Son cœur qui venait de se réveiller sursauta et manqua de s’arrêter.

    Du sang.

    Il pouvait le sentir maintenant.

    Assez pour imbiber sa peau. Des rivières de sang, et lui baignant dedans, des mains aux coudes, des pieds aux genoux. Le sang recouvrait son visage, emmêlait sa barbe. Il se souvenait découper, une hache se levant et s’abattant. Des cris. Des cris comme si tous les démons de l’Abysse s’agitaient et hurlaient autour de lui.

    « Est-ce un rêve ? » voulut-il demander à la voix qui priait.

    Il essaya de lutter, de se lever et d’enlever ce qui était sur sa tête, quoi que ce fût. Il devait voir. Il avait besoin de lumière. Non, il devait se rendormir et rester ainsi.

    Mais quelque chose l’avait réveillé.

    Quelqu’un.

    Et la voix murmurante devenait de plus en plus forte, les mots de plus en plus distincts.

    – Nouse, mot éternel, conforte-moi.

    Par les dieux d’Arnoch, il était enfermé avec un lunatique. Mais enfermé où ?

    À Arnoch ? Un tel endroit existait-il ? Sûrement, s’il jurait par ce lieu.

    Puis une pensée le frappa : peut-être avait-il eu un accident, comme quand le tunnel de la mine s’était effondré sur son pa’.

    En voilà une pensée. Son pa’ ? Oui. Son pa’ était un nain, ce qui signifiait que lui aussi. Garde du Ravin. Capes Rouges. Cité de...

    Tout était là quelque part, flottant à la périphérie de son esprit. Des petits morceaux et fragments, des bribes d’identité. Son pa’ était... Son pa’ était... C’était juste là, si près, puis ça disparut. Vide comme les yeux d’un fumeur de somnificus.

    Il avait aussi un frère. Vraiment ? Peut-être en avait-il eu un autrefois. Mais si c’était le cas, il ne s’en souvenait plus.

    Et son propre nom...

    Il flottait devant lui, une ombre informe le provoquant pour qu’il l’attrape et lui donne forme. Son nom... un filet de brouillard dans le vent. Il concentra toute son attention, formant comme une balle autour du nom, essayant de le forcer à se soumettre, de lui donner d’autre choix que de se révéler.

    Sans Nom.

    Était-ce sa pensée ou celle d’un autre ?

    À la revoyure, Nain Sans Nom. Qui avait dit ça ?

    Des fragments de souvenirs tombèrent comme des éclats de verre : des endroits, des gens, tout couvert de rouge.

    Le jour viendra où le nom qui n’est pas un nom sera aussi maudit que le Boucher du Ravin.

    Ses pensées fuyaient dans un tunnel serpentant, fuyant cette horrible appellation. Elles étaient poursuivies par des torrents de sang. Des lettres rouges apparaissaient dans sa vision interne. S’il pouvait les attraper, les réarranger... Mais à peine se concentrait-il sur une d’elles, qu’elle disparaissait.

    Mille voix résonnaient dans sa tête, lui criant que son nom était le nom maudit, le nom qui n’en est pas un.

    Mais qu’avait-il fait ? Un nain sans nom est un nain des plus déshonorés. Mince, qu’avait-il fait pour mériter un tel châtiment ?

    La voix qui priait s’éleva, pleine de désespoir.

    – Nouse, fléau des démons, sauve-moi.

    Elle était imprégnée d’une rage refoulée, et il y avait un accent : un accent familier, mais pas nanien. Cependant, les mots étaient les mêmes que ceux utilisés à Arx Gravis. Le nom de la cité apparut de nulle part, comme une pièce que l’on jetait, pour se porter chance, dans les grilles de drainage d’une des passerelles. L’une du réseau de passerelles d’Arx Gravis qui connectaient la tour centrale de l’Aorte aux murs du ravin jusqu’en bas. C’était là qu’il avait grandi et vécu. Aucun nain n’avait quitté la cité depuis mille ans.

    – Nouse, seigneur des vivants, continua la voix avant d’exploser. Entends ma prière !

    Le cri se réverbéra dans son crâne, jusqu’à mourir. Le silence laissé dans son sillage était sépulcral.

    Mais même cela semblait le condamner. Des murmures inaudibles erraient entre ses oreilles, frappant la vérité en silence :

    Nain Sans Nom... Nain Sans Nom... Nain Sans...

    Un éclair courut le long de sa colonne vertébrale. Ses doigts tressaillirent puis s’écartèrent. Il serra les poings. Les chaînes cliquetèrent, cognèrent contre la pierre.

    La personne qui était avec lui dans la pièce laissa échapper un souffle de surprise.

    Le Nain Sans Nom était menotté, enchaîné à un banc implacable. Ce qu’il réalisa le frappa en plein cœur comme la pointe d’une pioche. Il tira de toutes ses forces, sentit ses muscles gonfler sous l’effort. Des éclats de souvenirs tournoyaient dans son esprit : des visages couverts d’écailles, des yeux enragés, l’égratignure de serres souillées. Il ressentit une nouvelle fois la peur de la contagion.

    Il essaya de se lever, mais les chaînes résistèrent. Son corps tremblait alors qu’il les défiait. Pourquoi était-il enchaîné ? Pourquoi était-il là ?

    Avec une crainte maladive, il réalisa ce qu’il en était : il était un garde-manger. Non, ces mots de prière qu’il avait entendu l’homme prononcer... Merde, il était un sacrifice, une offrande à un dieu démoniaque, ou au Père de l’Abysse en personne, le Démiurgos.

    Il ouvrit brusquement les yeux, mais il ne pouvait voir qu’un trait de gris presque noir. Il cligna des yeux et se reconcentra. C’était le gris des murs, de briques finement liées au mortier. De la bonne maçonnerie. De la maçonnerie de nain. Mais il pouvait à peine voir plus haut et plus bas, quelque chose bloquait sa vision.

    Un heaume.

    Il se souvint vaguement du heaume posé sur sa tête, revécu la sensation de l’objet se mêlant à la chair de son cou, pour ne jamais être retiré.

    Un humain chauve... C’était ça : le philosophe qui l’avait enfermé dans le heaume de scarolite. Le heaume qui avait appartenu à... appartenu à...

    C’était là un instant, disparu le suivant.

    Mais la voix qui l’avait réveillé, elle était claire. Il connaissait cette voix. C’était la dernière chose qu’il avait entendue avant de sombrer dans un sommeil surnaturel.

    C’était la voix du philosophe.

    Il fit pivoter le heaume, cherchant une toge et un crâne brillant. Mais la fente pour les yeux s’arrêta sur un manteau brun, porté sur une tunique blanche décorée d’un symbole rouge sur l’avant : un bonhomme en bâton, avec des courbes à la place des jambes et dont la tête était un cercle cornu dans lequel se trouvait un œil rouge. Une cotte de mailles brillait sous la tunique.

    Il se tordit le cou jusqu’à voir un fin visage anguleux sous un chapeau à large bord. Il n’avait jamais vu cet homme auparavant. Ou peut-être que si. Dans un rêve : une bataille sur une mesa. Au-dessus de l’homme, il y avait une silhouette aux yeux enflammés, assise sur un trône. Et il avait entendu la voix du philosophe monter des profondeurs : Pas bon. Pas bon du tout.

    Mais les yeux de cet homme, c’étaient les mêmes que ceux du philosophe. Comment cela était-il possible ? Le philosophe avait le double de son âge, et pas de cheveux, alors que l’homme qu’il voyait via la fente pour les yeux du grand heaume avait des boucles foncées qui tombaient sous ses épaules.

    Sorcellerie ! s’écria son esprit embrouillé. Démon !

    Enfin, ses lèvres s’écartèrent comme la terre fissurée du ravin qui accueillait Arx Gravis et il rugit. Il tira avec ses bras. Les boulons hurlèrent, les chaînes se brisèrent et il se leva. Du sang coulait vers ses pieds, accompagné de piqûres d’agonie.

    L’homme dans son champ de vision recula.

    Avec une rage ardente, le Nain Sans Nom fit pivoter le heaume pour le suivre.

    Il y avait une porte au fond, une porte en fer avec une grille à hauteur de tête pour un nain, mais à hauteur de poitrine pour cet humain. La pièce en elle-même était circulaire, le plafond paré de toiles d’araignée. Une épaisse couche de poussière recouvrait le sol.

    Il fit un pas chancelant, lança un coup de poing qui frappa l’air. Il tournait en traînant des pieds, gardant l’homme en vue, il fit rouler ses épaules et frappa des mains, espérant dégager le brouillard de son esprit. Comme cela ne fonctionna pas, il frappa le sol avec ses bottes et secoua la tête dans le heaume.

    Il se détendait, mais pas assez vite. Si l’enfoiré se jetait sur lui, il était fini.

    Ses jambes étaient raides, alors il s’accroupit, la douleur dans ses articulations le faisant grogner. Quand il se releva, il chercha l’homme et se rapprocha de lui, anticipant chaque mouvement autour de la cellule.

    L’homme feinta d’un côté, fila vers l’autre, mais ce n’était pas un combattant des cercles. Le Nain Sans Nom lança un crochet qui aurait dû le pulvériser, mais son timing n’était pas bon et il frappa le mur à la place. La douleur se répandit et la peau de ses poings se déchira. Il tenta un uppercut, mais l’homme était rapide et s’écarta en tournoyant. Il coinça l’enfoiré contre la porte, vit la peur dans ses yeux. Puis il vit autre chose : des menottes de pierre aux poignets de l’homme, reliées par une courte chaîne. Ce n’était pas un démon, mais un prisonnier. Tout comme lui.

    – J’te connais mon gars ? demanda le Nain Sans Nom d’une voix rauque.

    Il avait l’impression d’avoir avalé des éclats de verre.

    – Je... commença l’homme.

    – J’croyais que t’étais ce foutu philosophe, mais c’est un vieux croûton chauve, il a au moins le double de ton âge et t’as dix fois plus de cheveux que lui. C’est marrant, j’aurais juré avoir entendu sa voix. Je devais rêver.

    L’homme fit un effort pour se détendre, mais ses yeux trahissaient une impression d’horreur. Que voyait-il donc ? Du sang, ou quelque chose de pire ?

    – Je suis Deacon Shader, un chevalier de...

    – Jamais entendu parler de lui. Par les dieux d’Arnoch, je me souviens même pas du nom du type que je voulais défoncer, mais je suis désolé de t’avoir pris pour lui. J’vois rien avec ce heaume, entre ça et l’abrutissement du sommeil, un nain peut se tromper. Suis-je pardonné, mon gars ?

    – Bien sûr, dit Shader d’un air soulagé. Ce philosophe dont tu as parlé, son nom ne serait pas Aristodeus par hasard ?

    – Si, c’est cet enfoiré. Il m’a bien piégé. Il m’a piégé et m’a coincé.

    Il posa les mains de chaque côté de son grand heaume. Avait-il été piégé ? C’était l’impression qu’il avait. Quelqu’un l’avait mis dans cette cellule, il n’y avait là aucun doute. Il ne serait pas venu de son plein gré.

    Il baissa la tête et vit via la fente pour les yeux du heaume les taches noires sur ses bottes, la couche sinistre couvrant sa cotte de mailles.

    Il portait une armure. Il portait encore une armure, et pourtant, il était là, dans une cellule. Oui, Aristodeus l’avait mené ici, lui avait dit qu’il devait dormir pendant longtemps.

    – C’est Aristodeus qui t’as mis ici ? demanda Shader.

    – Oui. Lui et le Conseil. Les enfoirés m’auraient tué s’ils avaient pu. Je peux pas leur en vouloir non plus. Après ce que j’ai fait...

    Sa voix s’estompa.

    Mais qu’avait-il fait ? Comment pouvait-il se souvenir de tant de choses et se rappeler si peu ? Il pencha la tête de façon à voir ses avant-bras. Ils étaient couverts de sang séché, jusqu’aux coudes.

    – Je le connais, dit Shader. Je le considérais autrefois comme un ami et mentor, mais je ne suis plus sûr maintenant.

    Le Nain Sans Nom lécha ses lèvres craquelées et lutta contre le courant qui l’emportait. C’était une sensation qui semblait étrangement familière, comme une lourde couverture l’étouffant, ou un chien noir sortant des coins de son esprit et mordillant sa volonté, au moindre intérêt envers le monde hors de sa tête.

    – Ah, il a de bonnes intentions, mon gars. C’est peut-être une grande gueule menteuse, trompeuse et flatulente, mais il est bien intentionné. Du moins, c’est ce que pense Thumil et ça me suffit... Oh, vieux sac à pépites ! Thumil et Cordy, ils étaient dans le Dodécagone quand j’ai été piégé.

    Quand Shader haussa les épaules, le nain expliqua :

    – La Chambre du Conseil. Elle a douze côtés et est en scarolite, le même minerai que ce vieux seau.

    Il frotta les poings contre son heaume, puis il leva ses mains ensanglantées à hauteur de la fente des yeux.

    – Aïe, ça pique. J’ai dû me couper, reprit-il en haussant les épaules. Ils se sont levés pour moi, même après tout ça. Merde, je voulais tellement mourir, mais ils se souciaient encore de moi.

    Il se tut, ses épaules se relevant autour du heaume. Puis, il se souvint : le heaume, c’était à sa mère.

    – Thumil ?

    Le Nain Sans Nom grimaça quand Shader interrompit sa vaine tentative de retrouver le nom de sa ma’ dans le brouillard de l’oubli.

    – Conseiller. Le meilleur d’entre eux. En même temps, je peux que dire ça, vu que j’ai servi sous ses ordres quand il était Maréchal de la Garde du Ravin et parce qu’il est... était mon ami.

    – Il me semble qu’il l’est encore, dit Shader.

    – Loyal jusqu’au bout, le vieux Thumil, mais il sait. Il sait.

    – Il sait quoi ?

    – Plus que moi, c’est sûr. C’est comme si ma mémoire était un livre racontant l’histoire de ma vie, mais quelqu’un aurait pris un encrier et éclaboussé chaque page de grosses taches noires. Une partie est encore là, mais d’autres manquent. Je vois des bribes, la plupart mauvaises, mais je ne peux pas reconstituer le puzzle.

    Shader hocha la tête et retourna s’asseoir sur le banc.

    – Eh bien, c’est pas comme si on allait quelque part dans un futur proche. Pourquoi tu ne me parles pas de toi ? Ça pourrait aider.

    Le nain avança d’un pas nonchalant et s’assit à côté de lui.

    – Je ne suis pas sûr. Je pense qu’il y a des choses dans ma caboche que je ne veux pas vraiment savoir.

    – Alors commence juste par ce qui est nécessaire. Dis-moi comment tu t’appelles.

    Le nain gloussa.

    – Ah, tu m’as eu là. Tu m’as bien eu.

    Il essaya néanmoins de le retrouver, il fouilla dans les espaces secrets de son esprit, mais il ne trouva rien d’autre que le néant absolu du Vide.

    Shader haussa les épaules pour montrer son incompréhension, mais avant que le nain puisse expliquer, la grille sur la porte s’ouvrit. Des voix étouffées parvenaient de l’extérieur, suivies d’un son métallique et de cliquetis bruyants. Quelques mots de plus furent échangés, puis la porte s’ouvrit de quelques centimètres et Thumil entra dans la cellule.

    LA CRÉATION CONDAMNÉE

    ––––––––

    Sur un hochement de tête de Thumil, la porte se ferma. On entendit le clic lourd de la clé et le bruit des verrous tirés. Il se tourna alors vers Shader, affichant un sourire en coin et leva les paumes comme pour s’excuser.

    – Des précautions. Je suis sûr que vous comprenez.

    Thumil n’avait pas bonne mine. Ses cheveux tombaient par poignées, il était usé et exténué.

    – Nous n’en savions rien, dit Shader. À propos de notre compagnon je veux dire. Il était un piège. Une tromperie du Démiurgos.

    Il semblait que la tromperie devenait courante, qu’elle flottait dans l’air.

    Shader était venu à Arx Gravis avec quelqu’un ? Même plus, il avait dit « notre compagnon ». Où étaient donc les autres ?

    – C’est précisément ce dont nous avons eu peur pendant tous ces siècles.

    Shader fronça les sourcils et regarda son compagnon de cellule pour obtenir une explication.

    Eh bien, il n’en recevrait aucune. Même s’il y en avait eu une. Sous le heaume, il y avait plus de questions que de réponses. Il n’était même pas sûr de savoir ce que Thumil faisait là. Il avait été Maréchal de la Garde du Ravin, puis il avait rejoint le Conseil des Douze, mais il y avait plus que ça... Thumil avait été choisi comme Voix. Peu après cette révélation, une autre survint : il avait ensuite épousé Cordana Kilderkin. Cordy.

    Cela ne semblait pas correct. Cordy avait été la meilleure amie du Nain Sans Nom à l’Ephebe, où ils avaient appris à se battre. Puis tous les trois étaient de proches amis, ils avaient fait la tournée des tavernes. Cette nuit-là quand les berserkers les avaient attendus près de la Brasserie Kunaga... Des images flashèrent derrière ses paupières, avant de disparaître.

    Il ne restait qu’un goût amer.

    Cordy aurait dû être avec lui, mais seulement, il avait attendu trop longtemps. Il avait réalisé trop tard ses sentiments pour elle. Et elle l’avait su, il l’avait vu dans les yeux de la naine. Cela signifiait-il que Thumil et lui n’étaient plus amis ?

    Les voix de Thumil et Shader continuaient de bourdonner de l’autre côté du heaume.

    – Je vois que vous avez fait connaissance, dit Thumil en se grattant la barbe et une touffe de poil resta dans sa main. Vous avez essayé de lui parler ?

    Il ne savait pas. Thumil ne savait pas que le Nain Sans Nom était réveillé.

    – Oui, mais...

    – Moi aussi, dit Thumil. Je venais tous les jours au début, après qu’il a été amené ici. Puis les jours sont devenus des semaines et les semaines des mois. Je ne sais pas, j’imagine que j’espérais juste qu’il...

    Il s’interrompit et regarda les boulons tombés au sol sous le banc, ses yeux suivant les parties libres de la chaîne pendant des poignets du nain. Son visage perdit toute couleur et il recula vers la porte.

    – Qu’avez-vous fait ?

    C’était le moment, le moment de dire quelque chose, le moment de prendre le risque de découvrir ce qu’il se passait.

    – Espérais qu’il quoi ?

    Le nain casqué se leva du banc.

    Thumil cria et ses genoux flanchèrent. Il se laissa glisser le long de la porte.

    – Espérais que je dise quelque chose ? demanda le nain en faisant un pas vers lui. Je l’aurais fait, si j’avais su que tu étais là. Des semaines, tu dis ? Des mois ? Combien de temps ça fait ? Excuse-moi, Thumil, j’ai l’impression d’avoir été mort et que ceci est ma tombe.

    Thumil claqua des dents et postillonna quand il parla.

    – Ce n’est pas possible. Comment peux-tu être réveillé ? Aristodeus a dit que lui seul pouvait... Oh, peu importe. Es-tu... Es-tu...

    Un autre flashback : les trois l’attendant sur la passerelle. Thumil, Cordy et Aristodeus, tenant un grand heaume.

    Avaient-ils tous conspiré contre lui ? L’amenant ici ? Il se rappelait vaguement les avoir entendus dire qu’ils étaient là pour l’aider. Il se souvenait d’une mer de démons submergeant les passerelles et les places entourant le Dodécagone. Malveillance et corruption partout où il posait son regard. Puis les trois silhouettes s’étaient rapprochées et il avait vu ce qu’elles étaient. Au départ, elles avaient eu l’air fantomatiques, comme des goules, mais quand Aristodeus l’avait amené dans le champ d’action du heaume, sa vision s’était éclaircie, et il les avait reconnus comme étant ses amis. Du moins, Cordy et Thumil.

    Il se concentra sur la question en suspens de Thumil.

    – Je suis quoi ? Guéri ? Je ne crois pas. Moi-même ? Clairement pas.

    Thumil agrippa le poignet de Shader et se colla contre la porte.

    – Tu te souviens de ton nom ?

    – C’est là où je pensais que tu pourrais m’aider, dit-il en tapotant le heaume. C’est quelque part là-dedans, j’en suis sûr, mais il veut pas se montrer.

    Thumil soupira et baissa la tête.

    – Je suis désolé, mon ami.

    – Mais vous vous en souvenez, non ? dit Shader. Dites-lui ce que c’est.

    Thumil leva des yeux brillants de larmes non versées.

    – Je ne peux pas.

    – Comment ça vous ne pouvez pas ? demanda Shader. Vous ne voulez pas...

    – Il a disparu.

    – Qu’est-ce que vous voulez dire, disparu ? interrogea Shader. Pour sûr...

    – Disparu pour toujours. Disparu depuis toujours, comme s’il n’avait jamais existé. Comme si...

    Le Nain Sans Nom recula et s’affaissa sur le banc.

    – Vous auriez dû me tuer, Thumil. T’aurais dû les laisser m’envoyer aux Bouillonnants.

    Merde, les Bouillonnants. C’était ce qu’ils avaient fait à son frère, la cohorte spéciale du Conseil, la Kryptie. Il pouvait entendre les échos des cris.

    – Je ne pouvais pas, dit Thumil en laissant couler les larmes. Tu étais... tu es...

    Les larmes de Thumil étaient un miroir de vérité. Mais c’était un miroir sombre et les vérités étaient des ombres fuyantes.

    Thumil reprit son équilibre en prenant Shader par le bras et lui fit traverser la cellule.

    – Ils l’appellent le Nain Sans Nom maintenant, dit Thumil.

    Shader secoua la tête, ne comprenant pas.

    – Ça m’a frappé, si clairement, si fortement. C’était comme un écho remontant à la nuit des temps, et puis cet être, cet Arckon, est venu et...

    Shader l’agrippa par les épaules.

    – L’Arckon était ici ?

    Que voulait-il dire par « un écho remontant à la nuit des temps » ?

    Soudain, le Nain Sans Nom regardait le reflet de son propre visage couvert de sang sur la fenêtre du Scriptorium, l’endroit où son frère avait étudié les Annales d’Arx Gravis avec obsession.

    Thumil hocha la tête pour répondre à la question de Shader.

    – L’année dernière, bien que ça semble dater d’une autre vie. Lui et le philosophe se sont disputés. Il voulait le tuer... dit-il en indiquant le Nain Sans Nom d’un hochement de tête. Il a dit qu’un jour ce serait un nom maudit.

    – Ça l’est maintenant, dit le Nain Sans Nom. C’est le but.

    Thumil grimaça.

    – La pire punition qu’un nain peut recevoir, dit-il en levant les yeux vers Shader. Notre peuple est imprégné des traditions, de l’histoire. Les noms sont très importants pour nous. Ils sont mémorisés par nos familles, en remontant jusqu’aux fondateurs. Un trou dans la liste des noms apporte le déshonneur à toute la lignée. La plupart des nains préféreraient la mort.

    – Ce n’est pas trop tard, dit le Nain Sans Nom. Attrape une lance et reviens ici. J’irai nulle part.

    – Ça suffit ! aboya Thumil comme un sergent.

    Cela fit remonter des souvenirs des baraques de la Garde du Ravin quand ils avaient servi ensemble.

    Le Nain Sans Nom donna une moquerie de salut et s’allongea sur le banc.

    Thumil laissa échapper un faible soupir puis leva les yeux comme s’il adressait une prière silencieuse.

    Sans prévenir, le Nain Sans Nom se retrouva dans le monde souterrain de Géhénna. Il vit une hache formée d’ombre, à peine visible dans l’obscurité. Des tentacules noires sortirent de ses lames, se déroulant vers lui. Il recula, mais la hache était dans sa main et brillait d’une lumière dorée.

    La mention d’un nom qu’il reconnut attira son attention hors du heaume de scarolite : Maldark. Shader venait-il de dire qu’il était ami avec Maldark le Déchu, un nain qui avait vécu plus d’un millénaire auparavant ?

    – Foutaises. Ça voudrait dire que vous seriez assez vieux pour être mon arrière-arrière-arrière-arrière...

    – Nous n’avons pas le temps pour ça, répondit Shader. Je suis chevalier d’une contrée lointaine. Je suis engagé auprès de l’Ipsissimus, dirigeant du Templum...

    Il l’avait déjà dit, qu’il était chevalier. Il y avait des histoires d’humains montant des chevaux pour se battre dans les premières Annales. Des histoires que son pa’ lui avait lues quand il était enfant. Mais ces contes étaient des légendes, pas des récits historiques, tout comme ceux sur les dragons et le monstre du Sanguis Terrae.

    Thumil et Shader continuaient de parler, mais il y avait bien trop à enregistrer, il avait bien trop de questions bien à lui implorant des réponses. Quand bien même, le Nain Sans Nom aurait tout aussi bien pu ne pas être là, pour toute l’attention qu’ils lui prêtaient. C’était peut-être une bonne chose. Peut-être valait-il mieux rester discret, écouter et apprendre ce qu’il pouvait, voir à qui il pouvait faire confiance.

    Il fit semblant de ronfler et regarda via la fente pour les yeux.

    – Écoutez, rien ne se passe rapidement ici, dit Thumil à Shader. D’ici que le conseil soit prêt à vous voir, ce sera sûrement le Festin d’Arios. Il nous faut des semaines pour nous mettre d’accord sur un emploi du temps. Je regarderai dans mon étude, vous amènerai des choses à lire. Ça nous donnera peut-être de quoi discuter.

    – Maldark m’aidait, répondit Shader. Il m’aidait à éviter un cataclysme qui arrivera bien avant votre foutu festin.

    Le Nain Sans Nom voulut intervenir, mais s’abstint. Maldark, aidant Shader ? À moins qu’il y eût un autre Maldark, ce qui était fortement improbable, vu que le nom était tombé en désuétude en raison du péché impardonnable du Déchu.

    – Écoutez-moi, dit Shader. Avez-vous déjà entendu parler de Sektis Gandaw ?

    Le Technocrate ? Le fou qui, selon les Annales, rêvait de délier le monde d’Aethir en entier et tout ce qui existait d’autre, et de tout recréer selon son plan mégalomaniaque.

    – Qui n’a pas entendu parler de lui ? répondit Thumil. D’après l’histoire, c’est à cause de lui que nous nous sommes enfermés ici.

    – Eh bien, il est encore en vie.

    – Je le sais, dit Thumil en haussant les épaules. Loin des yeux, loin de l’esprit, nous sommes comme ça. Nous ne posons aucune menace à Gandaw et à ses expériences et de ce que je sais, il reste seul pour la plupart du temps.

    – Et que vous dit votre histoire de Maldark ? De sa chute ?

    – Il a presque amené le Déliement, répondit Thumil d’un air moqueur. Voilà. Sans cet enfoiré trahissant sa soi-disant déesse...

    – Faites attention, dit Shader dont le rouge montait au visage. Je l’ai vu mourir essayant d’expier le passé. Il n’y a plus courageux, plus honorable.

    Thumil soupira et passa ses bras autour de sa poitrine.

    – Excusez-moi. Même dans nos légendes, Maldark a fait amende honorable, mais on dit qu’il ne s’est jamais pardonné d’avoir livré Eingana au Technocrate. Quand Gandaw l’a transformée en statue et a commencé le Déliement, c’est Maldark qui l’a sauvée de ses griffes. Il l’a remise à ses petits-enfants à elle, les Hybrides, la progéniture du Cynocéphale, puis il est parti naviguer sur la rivière noire qui coule des profondeurs de Géhénna via le cœur de l’Abysse. La statue d’Eingana a disparu d’Aethir. À ce jour, personne, Gandaw y compris, ne sait où les Hybrides l’ont cachée.

    – Ils l’ont amenée sur Terre. Mon monde. Le monde d’où vient Gandaw. Il l’a trouvée, Thumil. Il a trouvé les fragments de la statue et les a assemblés. L’heure du Déliement arrive.

    Le Nain Sans Nom réprima un cri de surprise, manquant de briser son rythme de faux ronflements. Puis il se demanda si c’étaient vraiment des faux ronflements. Peut-être dormait-il réellement et rêvait qu’il faisait semblant de ronfler. Cela avait plus de sens que ce qu’il entendait.

    Le Déliement de tous les mondes arrivait ? Le cataclysme que Maldark avait déclenché et empêché recommençait ? Non, ce n’était pas possible. Son esprit lui jouait des tours, un effet secondaire d’un si long sommeil.

    – La Terre ? demanda Thumil. On croirait entendre ce satané philosophe, Aristodeus. Il affirmait tout le temps venir de la Terre. Vous et lui devez penser que nous sommes idiots. La Terre n’est pas plus réelle qu’Arnoch. Je ne sais pas à quoi vous jouez, Shader, mais l’idée que Gandaw ait trouvé la statue sur Terre est aussi impensable que de trouver un baril d’hydromel au pied d’un arc-en-ciel.

    Aristodeus... Oui, le philosophe avait dit qu’il venait de la Terre et le Nain Sans Nom se rappela des bribes d’une conversation sur le fait que le philosophe parlait si bien le vieux nanien, une langue que presque plus personne n’utilisait de nos jours, à part les intellectuels. Apparemment, une langue similaire existait sur Terre.

    – Je ne plaisante pas, répondit Shader. La Terre existe vraiment.

    – Vous êtes sérieux, n’est-ce pas ? Même si vous délirez, vous croyez ce que vous dites.

    – Thumil, je peux vous assurer que je ne délire pas.

    – Eh bien, c’est ce que vous diriez, n’est-ce pas ? C’est ce qui définit le délire. Écoutez, si Gandaw avait vraiment la statue, comment se fait-il que nous soyons tous encore là ? Ne croyez-vous pas qu’il aurait déjà commencé le Déliement ?

    – Je pense qu’il a commencé. Quand nous avons quitté les Marais Âcres, il y avait un nuage brun au-dessus du Pic Parfait.

    – Vous êtes allé aux Marais Âcres ? demanda Thumil. Jusqu’aux Terres Mortes ? Alors pourquoi n’y avez-vous pas mis un terme, plutôt que d’amener vos problèmes ici ?

    Shader inspira profondément. Il parla ensuite avec une voix légèrement tremblante, comme si beaucoup dépendait de ce qu’il allait dire et comment ce serait perçu.

    – La montagne est gardée par des sphères argentées qui crachent du feu. Le seul moyen pour entrer est par les tunnels que vous, les nains, utilisiez pour...

    – Les mines de scarolite ? Vous voulez utiliser les tunnels allant des mines au Pic Parfait ? Mais elles sont fermées depuis des années.

    – Mais pouvez-vous nous y conduire ?

    Le Nain Sans Nom arrêta de faire semblant de ronfler. Les mines où son pa’ avait travaillé. Il s’y était passé quelque chose. Quelque chose de terrible dont il avait fait partie. Shader voulait y avoir accès, afin de pouvoir aller au Pic Parfait, la montagne de scarolite de Sektis Gandaw ?

    Thumil se frotta la barbe, fronçant les sourcils alors que des poils restaient dans ses doigts.

    – Elles pourraient être rouvertes, j’imagine, mais qui sait ce que vous trouveriez à l’intérieur. D’après les Annales, à l’époque où on extrayait pour lui, Gandaw avait infesté les tunnels avec des fourmis géantes pour empêcher que la scarolite soit volée. La seule raison pour laquelle nos hommes ne se faisaient pas dévorer, c’était parce qu’il avait fait un homme-fourmi pour les contrôler. Une chose horrible, d’après tout le monde, et je plains le pauvre bougre qu’il a pris pour le fusionner.

    – Je m’occuperai de cet obstacle si on en arrive là, dit Shader. La question est, vous aiderez-nous ?

    Thumil gonfla les joues et laissa échapper un long souffle.

    – C’est mettre la charrue avant les bœufs à mon avis. Le Conseil doit encore se réunir pour décider de quoi faire avec vous après cette affaire dehors. Alors, et seulement s’ils prennent une décision, ce qui n’est en aucun cas certain, je pourrais proposer une admission aux mines, mais le problème est que cela constituerait une action pouvant avoir des ramifications dans le monde extérieur. La dernière chose que le conseil veut, c’est d’être impliqué dans quoi que ce soit qui pourrait attirer l’attention de Gandaw. Vous voyez, tout ce que nous pourrions faire est semé de danger. Une action mène à une autre, et avant de s’en rendre compte...

    – C’est tout simplement ridicule. Vous ne pouvez pas vous cacher du monde.

    Thumil haussa les épaules.

    – Pour certains, Arx Gravis est tout ce qu’il y a.

    – Alors convainquez-les d’avancer. Parlez-leur du Déliement.

    – Vous devez encore me convaincre. Et je peux vous assurer que le Conseil sera bien plus dur à persuader.

    Shader leva les bras et tourna en rond, comme s’il pouvait trouver plus de sens dans les murs de la cellule.

    – Oubliez le Conseil alors. S’ils préfèrent débattre tandis que les mondes retournent au néant, alors passons outre. Vous pourriez me mener aux tunnels.

    Thumil afficha un air horrifié.

    – C’est le genre d’attitude qui mène à la tyrannie. Je ne le ferai pas. Aucun nain ne le ferait.

    Il se retourna et leva le poing pour frapper à la porte.

    – Je le ferais, dit le Nain Sans Nom.

    Thumil se figea et se tourna face à lui.

    Le Nain Sans Nom s’étira et bâilla dans son heaume, puis il balança ses pieds sur le sol et se leva.

    – Vu que vous voulez pas me tuer et vu que j’pourrais m’ennuyer pas mal coincé ici maintenant que je suis réveillé, autant me rendre utile.

    – Non, dit Thumil. Non, ça n’aiderait pas du tout.

    Le Nain Sans Nom croisa les bras sur la poitrine, la fente des yeux du grand heaume concentrée sur Thumil, l’ami qui l’avait trahi en épousant Cordy. Non, se rappela-t-il avant que la pensée ne fasse germer la colère. Il leur avait pardonné à tous les deux, avait dit qu’ils pourraient rester amis, avait promis de défendre leur mariage.

    Mais il ne s’était pas arrêté assez vite. Thumil avait dû sentir le changement dans l’atmosphère, car il se retourna vers la porte, murmurant tout en toquant.

    – Je parlerai au Conseil, leur présenterai l’urgence, mais n’ayez pas trop d’espoir. Ils sont au mieux fatalistes, Shader, et ils ne veulent pas être blâmés pour quoi que ce soit.

    – Mon frère disait que plus de mille ans s’étaient écoulés depuis la folie de Maldark, dit le Nain Sans Nom. On peut sûrement commencer à refaire quelques petits pas dans le monde.

    Tu peux certainement me donner cette chance de faire amende honorable.

    Au moment même où il eut cette pensée, il vit que ce n’était qu’une vaine folie. Amende honorable pour quoi ? Tout ce qu’il savait c’était que c’était quelque chose trop horrible pour mettre des mots dessus. On ne retirait pas son nom à un nain sans raison. En dehors des fables morales des Annales, jamais auparavant un nain avait-il été puni de la sorte. Cela était considéré comme étant trop cruel, trop honteux. L’ignorance ne faisait rien pour apaiser le sentiment de culpabilité.

    Et même s’il était autorisé à aider Shader et qu’ils réussissaient à arrêter le plan du Technocrate de défaire tout ce qui existait, ce ne serait qu’une gouttelette dans l’océan comparé à ce qu’il avait dû faire.

    – Lucius, dit Thumil, Ton frère s’appelait Lucius. Et oui, tu as raison sur ce qu’il disait, mais regarde où ça l’a mené.

    La porte s’ouvrit et des lances brillèrent sur le seuil.

    – Tout va bien, Seigneur ? demanda une voix rauque venant du couloir.

    Thumil ne se donna pas la peine de répondre alors qu’il avançait entre les pointes des lances pour sortir de la cellule.

    – Merde, il est réveillé ! cria quelqu’un. Le boucher est réveillé !

    SOUS L’ARCHE

    ––––––––

    Deux Capes Rouges surgirent dans la cellule, lances levées. Pendant une demi-seconde, le Nain Sans Nom pensa que c’étaient des démons. Mais c’était un souvenir, un aperçu d’une horreur fuyante. C’étaient bel et bien des nains.

    Leur résolution vacilla au moment où le grand heaume se tourna vers eux et ils reculèrent tous les deux.

    Trois autres nains entrèrent et le flanquèrent.

    Dehors, des voix s’élevaient avec agitation, et au-dessus d’elles, on pouvait entendre Thumil parler.

    – Tout va bien, Capitaine. Il va bien. Non, ce ne sera pas nécessaire. Vous m’entendez ? J’ai dit non.

    Un nain robuste à la barbe poivre et sel et au casque à cornes poussa pour entrer, une hache à double lame sur une épaule. Le Nain Sans Nom le connaissait : Capitaine Stolhok, un nain décent dans l’ensemble. Il aurait été un bien meilleur choix pour remplacer Thumil au poste de maréchal que ce pervers de Mordin. D’autres souvenirs, se liant, tissant la texture de sa vie. Mais il y avait des trous, de larges trous de vide. Pourquoi se souvenait-il de certaines choses, mais pas d’autres ?

    – Capitaine Stolhok ! cria Thumil dont la voix fut coupée quand la porte de la cellule fut claquée.

    Stolhok avait l’air différent : il avait le visage sombre et dans ses yeux, il y avait peu de place pour autre chose que de la répugnance.

    Le Nain Sans Nom lui tourna le dos. Comment pouvait-il comprendre la réaction de Stolhok s’il ne possédait pas tous les faits ?

    – Alors, enfoiré, dit Stolhok, t’as les socottes de faire fache à quelqu’un qui a pas peur de toi ?

    Ce zozotement. Il se retint de rire en se souvenant comment ils chambraient Stolhok dans les tavernes. Même à ce moment-là, il ne pouvait résister.

    – Tu devrais penser à remplacer « chocottes » par « foies », mon gars, dit le Nain Sans Nom, et « faire face » par « affronter ».

    – Quoi ? demanda Stolhok avant de comprendre. Eh bien, echpèche de chale merdeux !

    Le sifflement de l’air. Le bruit des bottes sur la pierre.

    Le Nain Sans Nom pivota sur son talon, enfonçant un coude dans le nez de Stolhok et suivant avec un coup de poing. L’enfoiré avait essayé de le frapper avec la hache. Shader était intervenu pour l’intercepter.

    Les genoux de Stolhok flanchèrent et il tomba comme une pierre, une fontaine de sang jaillissant de son nez abîmé. La main du Nain Sans Nom s’élança et attrapa la hache avant qu’elle ne touche le sol. Il la tint pendant un moment, la retournant encore et encore. Une bonne arme, bien équilibrée. Mais aucunement un substitut pour la hache qu’il possédait autrefois.

    Il reconnut la traction du désir. C’était comme quand il mourrait d’envie d’une chope d’hydromel à la fin de la journée. Ou au début. Parfois même au milieu. Mais dans ce cas-là, ce n’était pas un besoin sain : c’était compulsif et cela lui donnait des frissons. Peut-être serait-il toujours là, ce désir irréel de la hache de sa vision, terré au fond de son esprit, comme l’humeur de chien noir menaçant de le faire chuter.

    Le demi-cercle de lances trembla et les Capes Rouges échangèrent des regards inquiets.

    – Bon, écoute, dit l’un d’entre eux. On ne veut pas de problèmes, n’est-ce pas les gars ?

    – Exactement, dit un autre. Pose juste la hache et va sur le banc, personne n’a à être blessé.

    Le Nain Sans Nom frappa le manche dans sa paume.

    Les nains reculèrent contre le mur.

    – Je ne sais pas toi, mon gars, dit le Nain Sans Nom à Shader, mais j’ai la gorge en feu et des courbatures. Une chope vite fait à la Barbe de la Reine et je t’emmène aux mines de scarolite. Qu’est-ce que t’en penses ?

    Il avança vers la porte, se demandant à quelle distance ils se trouvaient de la taverne du neuvième niveau, mais avant de pouvoir poser une main vers la poignée, un garde s’élança et tenta de le frapper.

    Le Nain Sans Nom abaissa la hache et la pointe de la lance tomba bruyamment sur le sol. Le Cape Rouge abasourdi regardait le manche brisé dans ses mains.

    Les autres avancèrent à petits pas, mais y réfléchirent à deux fois et restèrent là où ils étaient.

    – Merde, dit le Nain Sans Nom en frappant sur le côté du grand heaume avec ses poings. Comment je vais boire avec ce seau ?

    Il se retourna vers les Capes Rouges.

    – Un de vous connaît un bon forgeron ?

    Ils se regardèrent les uns les autres.

    – Ça n’aidera pas, mon ami, dit Shader. C’est fusionné avec ta peau.

    Le Nain Sans Nom fit courir ses doigts le long de la ligne connectant le heaume à la base de son cou. Shader n’avait pas menti.

    – Putain d’enfoiré de mes deux, grommela-t-il en enfonçant la porte et sortant dans le couloir. Où est cet abruti de philoso... Oups.

    Une douzaine de lances se dirigèrent immédiatement vers lui. Il se tortilla entre deux, en écarta une troisième sur le côté avec la hache de Stolhok et frappa. Quelqu’un cria et une main tomba au sol, les doigts s’agitant encore.

    Le Nain Sans Nom s’arrêta presque. Ce n’était pas ce qu’il avait voulu, mais dans le feu du combat... Non, ce n’était pas une excuse. Ce n’était jamais arrivé. Il avait toujours su se retenir. Ou bien... Il commençait à s’interroger.

    Une lance rebondit sur sa côte de mailles et une autre égratigna son épaule. Il rugit et abattit la hache comme un gourdin. Les lanciers reculèrent, mais il était impitoyable, se rapprochant et frappant avec le côté plat de ses lames.

    Cela lui revint alors qu’il esquivait, se baissait, parait et frappait : à quel point il était bon. À quel point il avait toujours été bon, s’entraînant à l’Ephebe et dans l’uniforme de la Garde du Ravin, le même que ces nains portaient.

    Quelqu’un se mit à souffler de courtes notes désespérées sur une trompette.

    Un mouvement derrière lui le fit pivoter, juste assez pour avoir un aperçu par la fente pour les yeux.

    Les Capes Rouges dans la cellule se rapprochaient, lances levées. Shader avança devant eux, levant ses mains menottées.

    – Hors du chemin, grogna l’un d’eux, ou on t’éventre comme un cochon.

    Voyant là leur chance, les Capes Rouges du couloir se lancèrent et le Nain Sans Nom fit de son mieux pour rester en vie.

    Quatre gardes étaient au sol, mais il saignait de nombreuses plaies. Au milieu de ses attaquants, il aperçut la robe blanche de Thumil.

    Il en cogna un autre. Le plat de la hache résonna contre un casque et le Cape Rouge s’effondra. Un brillant mur de lances venait vers lui. C’était trop proche de ce qui était arrivé avant, réalisa-t-il, quand il avait affronté vague après vague de démons aux ailes rouges et avait foncé dans le tas comme un faucheur avec une faux.

    – Ne lui faites pas de mal ! cria Thumil. Il utilise le côté plat.

    – Pas sur mon putain de poignet !

    Shader recula dans l’entrée, entraînant un Cape Rouge avec lui. Il avait passé la chaîne reliant ses menottes de pierre autour du cou du nain et l’utilisait comme bouclier. Le chevalier se débrouillait au combat. Même sans arme et les mains liées.

    Shader poussa le Cape Rouge dans la cellule et claqua la porte. Il referma un des trois verrous avant de devoir esquiver une lance.

    De lourds bruits de pas résonnaient dans le couloir sur la gauche, ce qui sembla redonner du courage aux Capes Rouges.

    – Allez, les mecs, on peut l’avoir ! cria l’un d’entre eux en fonçant avec sa lance.

    Elle frappa le Nain Sans Nom à l’estomac, faisant sauter un maillon sur son haubert.

    – Mon gars, grogna le Nain Sans Nom, j’essaye de te donner une chance.

    Il attrapa le manche de la lance et tira, attirant le porteur vers un coup à la tête fracassant avec le grand heaume.

    – Arrêtez ! hurla Thumil en agitant les bras et se positionnant entre le Nain Sans Nom et la douzaine de lanciers. S’il vous plaît, arrêtez !

    – Hors de question ! cria un conseiller en robe blanche qui venait d’arriver à la tête d’une colonne de Capes Rouges lourdement armés. Tuez-le et tous ceux qui se mettent sur votre chemin.

    – Grago, dit Thumil. Tu n’as pas l’autorité.

    Sur un hochement de tête de Grago, deux Kryptes en cape noire émergèrent de la foule et escortèrent Thumil sur le côté.

    Le Nain Sans Nom recula contre la porte à côté de Shader.

    – Accroupis-toi et mets tes mains sur le sol.

    Il leva la hache et Shader fit comme il lui avait demandé. Les lames s’abaissèrent, faisant s’envoler des éclats de pierre et de la poussière et coupant les chaînes de Shader.

    Le chevalier allait prendre une lance, mais changea d’avis et prit une dague à la ceinture d’un Cape Rouge inconscient.

    – Prêt ? demanda le Nain Sans Nom en s’éloignant de la porte.

    Les lanciers reculèrent, attendant les nouveaux descendant dans le couloir.

    Des armures bandées craquèrent, des épées étincelèrent dans la faible lumière des pierres de lumière couvertes de poussière au plafond. Les nouveaux Capes Rouges étaient en rangées de quatre, boucliers resserrés, allez savoir combien de rangées.

    – Prêt, répondit Shader en retournant la dague plusieurs fois dans sa main.

    La phalange avança.

    – Un.

    Le Nain Sans Nom fit rouler ses épaules.

    Les Capes Rouges accélérèrent le pas, battant leur épées contre leurs boucliers.

    – Deux...

    Un cri s’éleva de la phalange et ils se mirent à trottiner.

    – Tr...

    Le tonnerre résonna, des flammes éclatèrent, de la fumée s’éleva, emplissant le couloir.

    Une femme aux cheveux noirs sortit de la brume. Elle portait une robe blanche souillée, le même symbole rouge sur la poitrine que sur la tunique de Shader.

    – Rhiannon ! s’écria Shader.

    Un petit homme apparut derrière elle, lançant des explosions consécutives à l’aide d’une sorte de baguette. Ce devait être un homunculus, un des gnomes habitant à Géhénna. Il était aussi grand qu’un enfant nain et, comme un fantôme, il était en partie dans et hors de la réalité. Tout ce que le Nain Sans Nom voyait, c’étaient ses mains et son visage pâles, ses yeux roses. Puis il fut évident, comme des morceaux du couloir derrière étaient visibles à travers ses vêtements, qu’il portait une cape caméléon.

    La femme, Rhiannon, prit Shader par le bras.

    – Viens, dit-elle, allons-y.

    Quoi que ce fût que la baguette du homunculus tirait, cela rebondit sur les boucliers et fit jaillir des éclats de pierre du sol. Quelques explosions passèrent et le sang se mit à jaillir.

    Les Capes Rouges criaient, pleuraient et hurlaient. Puis ils furent déroutés.

    – Des amis, expliqua Shader au Nain Sans Nom. Vite, viens avec nous.

    Ils coururent vers là d’où Rhiannon et le homunculus étaient arrivés. Le chemin les amenait dans les profondeurs du ravin. Par-là, la seule sortie était via le portail sous le Sanguis Terrae, le lac au pied du ravin et c’était un endroit que le Nain Sans Nom ne voulait pas revoir. Il ne savait pas pourquoi exactement, mais y penser l’emplissait de terreur. S’ils prévoyaient de fuir la ville, alors le seul chemin qu’ils prendraient serait vers le haut.

    – L’autre côté, dit le Nain Sans Nom. Sont qu’une cinquantaine, plus ou moins. J’vous l’dis, j’aurais pu...

    – Quelqu’un va faire se taire tête de seau, là, dit le homunculus.

    Sa façon de parler ne ressemblait en rien à celle des homunculus que le Nain Sans Nom avait jusqu’alors rencontrés. Son accent était étrange : impétueux et nasal, chaque dernier mot semblait être une question, même quand ça n’en était pas une.

    – J’essaye de me concentrer, ajouta le homunculus.

    Il faisait glisser ses mains sur le mur de gauche, murmurant et jurant.

    – C’était là, continua-t-il. J’suis sûr que c’était là.

    – Suivez-les !

    La voix de Grago gronda dans le couloir et le bruit des bottes sur la pierre ressemblait à une avalanche en approche.

    – T’es sûr que y’en a que cinquante ? demanda la femme en lançant un regard inquiet par-dessus son épaule.

    – Plus ou moins, j’ai dit, ma grande.

    Le Nain Sans Nom vit ce que le homunculus cherchait. Il le savait seulement parce qu’il était fils de mineur et que son pa’ avait raconté à ses enfants de merveilleux récits sur la magie des mines. Dans un passé lointain, les nains avaient hérité des homunculus de nombreux murs-fantômes, à défaut des connaissances pour les créer. On aurait pu penser que cet enfoiré au visage pâle aurait dû le voir à un mètre.

    Il poussa presque le homunculus et passa à travers le mur comme s’il n’était pas là. Il se retrouva dans un couloir complètement différent qui montait.

    Tout semblait si peu familier, une partie du ravin à laquelle il n’avait pas eu accès avant. Mais tout commençait à s’éclaircir. Le sens qui disait à un nain où il était sous terre, d’où l’air venait et où le plus proche point de sortie se trouvait lui dit quelque chose de plus : ils étaient dans les murs du ravin et pas aussi profondément qu’il avait pensé. Ils ne pouvaient pas être beaucoup plus bas que le Dodécagone, peut-être un niveau ou deux.

    Il repassa la tête dans le mur-fantôme.

    – J’imagine que c’est ce que tu cherchais, mon gars. Faut avoir le truc, tu vois.

    – Comment démiur... commença le homunculus.

    – Vieux truc de mineur. Mon père était... Ah, peu importe. Vous venez ?

    Ils le suivirent.

    Rhiannon les mena dans un labyrinthe de virages et de courbes sur un chemin dont l’inclinaison ne faisait que grimper. Quand ils arrivèrent enfin à une porte, le homunculus sortit un morceau de pierre et le brisa en deux. C’était une des clés que la Kryptie utilisait pour accéder à leurs lieux secrets. Encore des connaissances de homunculus qui étaient refusées aux citoyens lambda d’Arx Gravis.

    La porte commença à se lever, laissant entrer un courant d’air frais de la passerelle.

    Le Nain Sans Nom se calma en un instant.

    – Où t’as trouvé cette clé ?

    – En quoi ça te regarde ?

    Le homunculus se baissa et passa dans l’ouverture qui s’agrandissait, puis enjamba un tas noir alors que les autres le suivaient dehors.

    Ils étaient au niveau supérieur, avec rien d’autre que le ciel cobalt dégagé au-dessus de leurs têtes. Les soleils jumeaux étaient à leur zénith, chauffant le tas sur la passerelle.

    C’était une cape, assez petite pour un enfant nain ou un homunculus. Et elle recouvrait quelque chose.

    – Est-ce... commença le Nain Sans Nom.

    Il se pencha et tira un coin du tissu.

    Les yeux morts d’un visage barbu le regardèrent.

    – Joli, dit Rhiannon. C’est ton œuvre, nabot ?

    Le homunculus afficha un regard noir.

    – Alors, mon gars ?

    La cape du homunculus claquait dans le vent derrière lui, prenant le bleu du ciel et l’ocre du mur du ravin. De toute évidence, il l’avait prise au nain mort et avait utilisé sa propre cape pour couvrir le corps. La lumière des soleils se reflétait sur les lames nichées dans son baudrier et une main pâle se dirigeait lentement vers l’une d’elle.

    – Et si c’est le cas ? C’est ce que je fais. T’as un problème avec ça ?

    – En fait, oui.

    – Ouais ?

    – Oui, dit le Nain Sans Nom en posant la tête de sa hache sur la passerelle et croisant ses mains sur le manche. Je peux pas t’en vouloir de pas savoir, mon gars, mais cette ville a vu bien trop de sang. Bien trop.

    – Écoute, mon pote, dit le homunculus, personne t’a demandé de venir. Alors, si ça te plaît pas...

    – Je lui ai demandé, dit Shader. Il peut nous aider à entrer dans les

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