L'oeil Du Singe, Un Conte d'Horreur et d'Obsession
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À PROPOS DU ROMAN : L'ŒIL DU SINGE
Au sortir de la guerre en 1945-46, de nombreux enfants devenus orphelins, sont placés soit chez des parents proches ou des familles d'accueil. Pour son malheur, Paul, gamin chétif de 14 ans, et déjà fragilisé moralement par les horreurs de la guerre, sera expédié chez une tante, seule parente qui lui reste, habitant le village sans histoire de Brignais. Malgré les soins et l'amitié dévouée de son maître d'école, Guillaume, il s'abîmera jour après jour plus profondément dans une obscure névrose, ainsi qu'une obsession fatale provoquée par les persécutions physiques et morales engendrées par une parente inepte et confite dans la religion.
VIOLETTE JEAN
ABOUT THE AUTHOR: I am at the early stage of a writing career. Forever I have been an avid reader, and over the years, stories of my own, have popped into my head. Humbly, but with determination, I have resolved to transfer them on paper. Born in France, I have been from a very young age, fascinated by the English language. Years later, having lived in the USA, I have taken upon myself to write my stories in English, although I also write in French, when I feel the story benefits from it. It has been a challenge, but I have enjoyed every minute of it. At this point, I would be grateful to have the opinion of readers everywhere. As for what genre my writing is? I don't really know, since my stories can differ widely, but all have in common, usually, a specific time period, and death. But, this is why, I really need you, readers, to guide me in this endeavor, and I think we have some interest in common, a really good story.
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L'oeil Du Singe, Un Conte d'Horreur et d'Obsession - VIOLETTE JEAN
Chapitre 1.
J’ai été témoin des horreurs de la guerre, la dernière, la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant mes amis, à mon humble avis les folies qui ont surgi du tréfonds des hommes au cœur de cette époque guerrière n’ont pas péri avec sa défaite. Car je puis affirmer que celles-ci sont aux aguets, enfouies dans notre âme pour l'éternité. La paix est une illusion que nous ne pouvons conquérir.
––––––––
Peu après que je fus démobilisé, quittant ainsi mon bataillon vers la fin de 1945, je rejoignis mon village de Brignais. Rien n’a jamais été écrit sur mon lieu de naissance, car il n’est guère plus unique que n'importe quel autre petit canton insignifiant perdu dans la campagne environnante. À 15 km de Lyon, au sud-ouest, le village est situé entre la vallée du Rhône et les plateaux des Monts des Lyonnais. L’étroite rivière Garon le traverse. Il n’y a rien de remarquable dans notre vieille église, bien qu'elle soit très attachante avec son clocher qui surveille le cimetière. Cependant, c’est lorsque que l'on aperçoit le vieux pont avec sa bosse en son centre, pavé de pierres, des siècles dans leur fabrication, que l’on peut éprouver le passage des âges. La plupart des maisons épousent la place de l’Église ou bien s'en écoulent au long de rues étroites qui se terminent à l’extérieur du village, à peu près toutes à la même hauteur, créant ainsi une sorte de cercle enfermant le village. À ces carrefours, vous trouverez quelques routes départementales pour vous transporter dans d’autres bourgs tout aussi semblables.
Brignais, l’église Saint-Clair
Les magasins habituels bien entendu, en bordent le « centre », encerclant la place, offrant la boulangerie traditionnelle, boucherie, quincaillerie, tabac, coiffeur, sans oublier les cafés tout-puissants. La guerre a laissé ces échoppes dans un triste état, pas vraiment criblé de balles, bien que certains exhibent ces cicatrices laides, mais principalement en raison du manque de ressources et par conséquent, ils apparaissent plutôt ternes, avec des peintures anciennes, et souvent, des façades écaillées ou décolorées. J’aime marcher sur les quelques voies qui restent pavées de galets récupérés dans le lit de la rivière. Alors que la plupart des bâtiments sont construits de ce ciment gris défigurant, une poignée d’entre eux y ont échappé et affichent des murs fiers érigés avec l’argile de la région, une terre glaise qui a également été utilisée pour façonner des poteries, carreaux de sol et les tuiles pour les toits d’un rouge brunâtre avenant. J'estime que la place de l’église est charmante entourée comme elle l’est, d'anciens platanes, agrémentée de bancs en bois d’où vous pouvez espionner les allées et venues de vos concitoyens. Bizarrement, la ville a décidé à un moment donné de faire usage des obus de quelle guerre ? je n'en suis pas sûr, pour décorer le haut des parapets surplombant le Garon.
––––––––
J’ai choisi de m’installer dans une des maisons bâties en périphérie de Brignais. De cette façon, je suis à la fois, en ville d’un côté : l’avant du bâtiment avec son entrée, et hors de la ville à l’arrière de l’édifice, assujetti d'un petit balcon qui pend au-dessus d’une prairie suivie à l'infini par des paysages calmes et dégagés. Heureusement pour moi, la Bâtisse n’est que d'un étage, et jumelée d'un seul coté, ce qui rétrécit le nombre de voisins dont il me faudrait m’intéresser. Si cette déclaration semble hostile, je suis désolé de dire qu’elle l’est, et l’explication en est assez simple ; après trois ans sacrifiés à la guerre dans un vaillant effort pour libérer mon pays et ses citoyens entre autres, d'un fléau diabolique, cela m’a laissé désillusionné en ce qui concerne les invraisemblables complexités de l’esprit humain. Au cours de ces années douloureuses, j’ai abandonné un bon nombre d’opinions, de pensées et de sentiments totalement naïfs. J’ai surtout besoin de temps pour guérir.
––––––––
M’établir en ville fut assez facile, car tout le monde se souvenait de moi avec bienveillance, et après quelques mois d’attente oisive pour une réponse à ma demande, du ministre de l’Éducation, j'obtins enfin, le poste d’enseignant des deux dernières années de l’enseignement primaire pour les garçons de 13 et 14 ans. L’éducateur que je devais remplacer avait eu la splendide idée de prendre sa retraite. Après tout, il était vieux et avait été embauché comme remplacement pendant que nous, les jeunes avions été réquisitionnés comme chair à canon. C’est ainsi que, comme si rien ne s’était passé, j’entrai à nouveau dans mon existence interrompue, hormis pour mon nouveau logement. Parce que voyez-vous, mon ancien adobe avait été réduit en miettes lorsqu'une patrouille allemande en colère — n’était-ce pas toujours le cas ? — avait un beau jour de printemps, tandis que mon ancien propriétaire était occupé à labourer un champ, le préparant à accepter des pommes de terre, tiré le pauvre homme en plein visage, au milieu du front pour être précis, et au cas où sa mort n’aurait pas été une punition suffisante, les bandits avaient lancé un mortier directement sur sa ferme qui comprenait ma propre et coquette chambre. Depuis mon retour, j’ai visité les ruines et fouillé à travers les murs calcinés, y découvrant seulement les os d’un chat. Je suppose que c’était la chatte de la ferme qui s’était liée d’amitié avec moi, et qui s’appelait Grisette, en l'honneur de sa fourrure grise de Chartreuse. Pour une raison obscure, je me suis senti obligé de les rassembler. Une fois chez moi, je les nettoyais, et maintenant ma chère Grisette, victime elle aussi de la guerre, repose sur un lit de soie, dans un coffret en bois que j'ai construit à partir d’une branche de cerisier ramassée dans la cour de la ferme. Il est doublé d’un foulard de soie que j’avais acheté dans un bazar d’Alger en attendant l’invasion de France.
––––––––
Quand le mois de septembre descendit, annonçant le début d’une nouvelle année scolaire, j’étais prêt à entrer en poste à l’école primaire. Ayant passé l’été à organiser mes quartiers, à pêcher et à flâner à travers la campagne, j’avais compris que je devais redevenir humain pour faire face à mes élèves. Je raisonnai qu’eux aussi, dans leur vie quotidienne, avaient vécu les brutalités de la guerre et qu’ensemble, nous devions partager quelques cicatrices et cela rétablit quelque peu ma confidence. Le jour venu, j’avais revêtu une veste en tweed brun, une chemise bleue pressée et des pantalons en serge chamois, espérant autant que possible, apparaître net, propre et professionnel. J’avais même laissé pousser une barbe épaisse pour éliminer mes années en tant que soldat. Mais, je ne pouvais pas me résoudre à couper mes cheveux, ondulés en longues mèches couleur de châtaigne, parce que les cheveux courts m'auraient rattaché à l’armée, et que tout ce qui me rappelait ce temps, je le méprisais et aussitôt, je le détruisais ; comme je l’avais fait pour mon uniforme que j’avais brûlé avec le plus grand plaisir lors de ma première soirée de liberté.
––––––––
Le jour de la reprise d’école, j'avais suivi ma rue, traversé le vieux pont, puis j’étais passé devant la place de l’église pour me retrouver brusquement à 7: 45 pile, devant l’établissement. L’entrée de la section des garçons était à gauche, et déjà un groupe de jeunes chahutaient en face des marches menant à l'auguste porte en bois qui était ouverte en grand. Avec désinvolture, j'étais passé entre les garçons qui tout à coup, avaient baissé le ton à mon passage, ayant reconnu tout de suite que j’étais un maître d’école. En entrant, je fus frappé par l’obscurité, après la luminosité du matin ensoleillé. Quand mes yeux se furent habitués à la pénombre, j’avais examiné le long couloir suivi si souvent dans ma jeunesse. J’ai observé certains changements mineurs, par exemple, les murs avaient récemment été peints à mi-hauteur avec de la peinture à l’huile vert-pâle tandis que la moitié inférieure, un lambris d’érable avait reçu une nouvelle couche de vernis doré. Vivement, je me mis à chercher la salle de classe qui m’était assigné et la trouvai, au bout du couloir, puis j’ouvris la porte muni d'un vasistas en haut. Ici aussi, les murs avaient été refaits dans la même couleur, et à part pour un drapeau français flambant neuf— un rappel pour le cas où nous aurions oublié que nous n’étions plus sous l’occupation nazie — posté dans un coin près de mon bureau, la classe était comme je m'en souvenais.
––––––––
Des rangées de vieux pupitres en bois foncé s'alignaient, incrustés de la sueur de centaines de paumes, tailladés par des couteaux, marqués de noms et de symboles laissés par les générations précédentes. Seul l’immense tableau noir avait été ré-encadré et son ardoise scrupuleusement lavée, retrouvant sa noirceur d’origine. J’ai arrangé mes livres, stylos et cahiers, puis pour la première fois, j’ai écrit mon nom en lettres cursives bien formées sur le tableau : Monsieur Guillaume Bachelet, professeur. Assis derrière le grand bureau, j’ai contemplé quel serait mon nouvel horizon, pour les mois à venir. C’est à ce moment que je les ai entendus, le piétinement de nombreux pieds, ainsi que des voix étouffées. En groupes de deux ou trois, ils envahirent rapidement l’espace calme, se précipitant pour saisir le bureau qui leur convenait le mieux : ceux de devant, pour les studieux, et au fond de la classe pour les chahuteurs, et les paresseux. Avec eux étaient entrés aussi, l’odeur des garçons pas encore tout à fait des hommes. Sur la vingtaine de gamins qui avaient mené l'assaut, un se retrouvait le dernier. Étant maintenant tout seul debout devant nous, tous le dévisagèrent, moi y compris. Visiblement timide, et mal à l’aise sous nos regards combinés, il rougit. Tout de suite, des rictus méprisants avaient éclaté sur les visages de ses camarades de classe. Avec un sourire chaleureux, je me suis levé et je l’ai escorté au deuxième rang, où un bureau vide faisait face au mien. Puis, pendant que j'articulai mon nom aux étudiants, discrètement, j’ai examiné l’enfant. De taille moyenne, mince, avec un joli visage au teint crémeux, il était doté d'une masse abondante de cheveux blonds, ainsi que de grands yeux bleus tout de douceur. Cependant, ses vêtements exprimaient la pauvreté et la négligence, ainsi que ses galoches, éculées et usés. Ceci n’était pas si inhabituel, car la plupart des autres élèves étaient tout aussi mal lotis, à l’exception d’une poignée dont les parents avaient la chance de posséder un magasin florissant ou d’occuper un poste professionnel comme avocat ou médecin.
––––––––
Et c’est ainsi que j’ai rencontré Paul, qui dans l’avenir mettrait au défi ma compréhension de l’esprit humain. Dans les jours qui ont suivi, je me suis familiarisé avec les élèves. Au moins deux tiers d’entre eux provenaient de familles d’agriculteurs. Certains prenaient leurs études au sérieux, tandis que d’autres exécraient profondément l'obligation d’apprendre, probablement encouragés par leurs pères qui constataient seulement le fait que pendant huit heures par jour, leurs mains-d’œuvre gratuites, leur étaient enlevés. Comme toujours dans une communauté, et un établissement dédié aux études ne faisait pas exception, il y avait une petite bande de brutes, de méchants mécréants qui imposaient leur loi aux enfants, en particulier aux faibles. Il n’était donc pas étonnant que Paul, dont j’ai appris le nom de famille : Quillemolle, soit devenu l’une de leurs victimes parmi d’autres. D’abord, son nom Quillemolle était une invitation à la moquerie. Dès le premier jour, Gérard Lavergne, le chef du groupe, un voyou musclé comme un tonneau, avait rebaptisé le nom de famille de Paul : « Couillemolle » (balles molles) se référant à ses parties génitales. Toute la journée, Gérard hurlait ce nom, provoquant les rires interminables de toute la classe. Par conséquent, pendant la pause, je m’efforçais de veiller sur Paul et les autres enfants vulnérables, malheureusement pas toujours avec succès. Parfois, en revenant en classe, je voyais Paul avec un œil au beurre noir ou son visage maculé de boue. À la fin, je me résignai à la vérité nue : je ne pouvais protéger le petit Paul ou les autres enfants sans défense, du mal pas plus que lorsque j’avais été plongé dans la guerre.
Chapitre 2.
Les enfants, en apprenant des villageois que j’avais servi dans l’armée française comme parachutiste, me montrèrent bientôt du respect, même Gérard baissait les yeux sous mon regard. On s’entendait plus ou moins. À ce moment-là, les seules ombres qui planaient au-dessus de cette routine maintenant bien rodée étaient deux en nombre ; la première était ma bataille constante avec les pères de mes élèves qui retenaient leurs fils à la tâche sous des prétextes les plus ridicules, la seconde était Paul qui semblait devenir chaque jour plus effrayé. Au cours des semaines qui suivirent, il perdit du poids, si mince qu’il fut déjà, tandis que de profonds cernes aux teintes violine entouraient ses yeux hagards. Sa terreur maintenant constante, j’en déduis qu’elle devait être causée par un drame beaucoup plus puissant dans sa capacité à pétrifier le garçon que le simple harcèlement de Gérard le caïd. Avec détermination, je résolus de débusquer le pourquoi de son étrange comportement.
––––––––
Pour commencer, j’interrogeais le directeur sur les origines de Paul, ce qui m’apprit qu’il n’était pas natif de Brignais, mais qu’il était né à Lyon. En cette ville, son père avait été employé comme imprimeur tandis que sa mère faisait des ménages. L’invasion et l’occupation nazie plus tard avait mis un terme à la vie tranquille et sans incident de la famille. Peu de temps après, le père avait été obligé de fuir Lyon et son emploi, afin d’éviter d’avoir à travailler de force dans une usine allemande, comme c’était le cas pour tous les jeunes hommes. Il avait trouvé refuge dans un groupe de Maquisards opérant dans les Monts du Lyonnais. Paul et sa mère s'étaient ainsi retrouvés seuls, essayant bravement de subsister avec d’immenses difficultés durant ces temps d’occupation impitoyable. Vers la fin du conflit, lorsque la ville de Lyon fut enfin libérée, la mère de Paul mourut d'une pneumonie. Les services sociaux de la ville se chargeraient du garçon jusqu’à ce qu’un membre de la famille soit localisé. Malheureusement, les autorités avaient finalement découvert, que le père de Paul avait été abattu lors d’une bataille féroce contre les Allemands, faisant du jeune garçon un orphelin.
––––––––
N'ayant aucune autre piste, Paul fut alors envoyé dans un orphelinat desservi par les Sœurs de la Charité. Les religieuses étant pratiques, elles assignèrent l’une des leurs pour récupérer ce qui pouvait être sauvé des biens ou d'une utilité quelconque, du bureau qui avait placé le garçon. C’est en fouillant dans les boîtes des effets personnels de la famille que la sœur était tombée sur un album de photos et une pile