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Mémoires de ma vie
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Ebook249 pages3 hours

Mémoires de ma vie

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L'auteur fut, pendant deux ans, la femme de Paul Verlaine. Une figure qui a pris dans l'oeuvre du poète une place contrastée. Dans ce livre, publié après sa mort par l'écrivain François Porché, qui en écrivit l'introduction, elle raconte ces deux années riches et difficiles, pour rétablir une vérité qu'elle estime avoir été mal comprise. Une belle découverte.
LanguageFrançais
Release dateDec 27, 2019
ISBN9782491445096
Mémoires de ma vie
Author

Mathilde Mauté

Mathilde Mauté, Nogent-le-Rotrou, 17 avril 1853 - Nice, 13 novembre 1814. Du 24 juin 1870, date de leur mariage, au 24 avril 1874, date de la séparation officielle, Mathilde Mauté fut l'épouse de Paul Verlaine. Ils n'ont vécu ensemble que deux ans, puis arriva Rimbaud, Verlaine déserta définitivement la vie conjugale, et Mathilde retourna à l'anonymat. Elle nous raconte ici ces deux années intenses avec une simplicité et une franchise déconcertantes, et touchantes.

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    Mémoires de ma vie - Mathilde Mauté

    Verlaine

    Introduction

    Examen du manuscrit, présentation de l’ouvrage

    et portrait de Mathilde

    Par François Porché

    Voici donc les Mémoires de Mathilde née Mauté, ex-Madame Paul Verlaine.

    L’auteur semble avoir hésité entre plusieurs titres.

    Ainsi que je l’ai noté dans l’avant-propos de Verlaine tel qu’il fut, la copie à la machine que j’eus entre les mains en 1931-32 est intitulée Mes années de ménage avec Verlaine, par Mathilde Mauté de Fleurville, ex-Madame Paul Verlaine, 1907-1908.

    Le manuscrit original et une seconde copie (celle-ci à la main, d’une écriture qui n’est pas celle de l’ex-Madame Paul Verlaine) font bien mention de ce titre, mais deux autres y sont joints, comme des suggestions, accompagnées, dans l’esprit de l’auteur, d’un point d’interrogation : Les Mémoires d’une Veuve et Femme de poète.

    Devant ces hésitations, j’ai, d’accord avec l’éditeur, adopté un titre plus général et purement objectif. Car il est bien évident qu’aucun des titres auxquels Mathilde avait songé n’était bon.

    Les deux premiers étaient inexacts. En effet, comme on pourra s’en rendre compte en lisant les Mémoires, les années de ménage avec Verlaine sont loin d’y tenir toute la place. D’autre part, les mots Mémoires d’une Veuve donnent lieu à équivoque. Quoique Verlaine fût mort lorsque Mathilde a écrit ses souvenirs, elle n’était pas sa « veuve », puisque leur mariage avait été dissous par le divorce, et même qu’elle s’était remariée. Il se peut que l’expression soit une réplique aux Mémoires d’un Veuf de Verlaine, mais, en ce cas, l’allusion reste obscure.

    Quant au litre Femme de poète, je ne pense pas qu’il trouve de défenseur.

    Malgré les réserves que j’avais cru devoir formuler, dans mon livre, sur l’intérêt que présentent les parties des Mémoires qui n’ont pas trait directement à Verlaine, le texte qu’on trouvera ici est le texte intégral, sans aucune modification, fût-ce de détail. Des discussions s’étant élevées autour de la personne de Mathilde, le point de vue proprement littéraire passait au second plan. Il importait de ne rien retrancher de ce qu’elle avait dit d’elle-même. Jusque dans les passages où il n’est pas question de Verlaine, il n’est pas sans profit, même en ce qui le concerne, de savoir qui était cette femme, l’un des deux ou trois grands amours de sa vie (les deux autres étant Rimbaud et Létinois).

    J’ajoute que, si nous avions coupé la moindre phrase, le moindre mot, les malveillants (il en est toujours) n’eussent pas manqué d’écrire que nous avions défiguré l’ouvrage, ce qu’il fallait éviter.

    L’auteur avait esquissé un commencement de division par chapitres. L’indication des trois premiers chapitres et les titres qu’ils portent sont de Mathilde. Ensuite et jusqu’à la fin, le texte du manuscrit ne présente plus aucune division. D’où une confusion extrême, dans un travail sans composition, où les digressions abondent. Pour remédier à cet inconvénient, sans rien changer au texte lui-même, nous avons introduit six nouvelles divisions par chapitres. Mais, toujours préoccupé de rester dans les limites de la plus stricte objectivité, nous nous sommes attaché à marquer uniquement des divisions dans le temps, chaque chapitre correspondant à une période, chaque période étant précisée par le titre même du chapitre. Enfin, à l’intérieur des chapitres, nous avons disposé des subdivisions, des repos, au moyen de signes typographiques ou d’intervalles laissés en blanc.

    Dans le manuscrit, quand Mathilde fait une citation, poésie ou article, elle transcrit le morceau tout entier. Quand il s’agit de poésies de Verlaine, nous nous sommes borné le plus souvent à citer les premiers vers du morceau ou quelques strophes. Mais, parmi les citations, il est des poésies (si l’on peut dire) d’auteurs inconnus, que nous avons reproduites intégralement, quoiqu’elles soient de valeur nulle. Il le fallait bien, dès l’instant que nous avions pris le parti de ne rien soustraire au jugement du public, et puisque l’on n’avait pas ici la ressource de pouvoir donner des références. Au reste, la niaiserie de ces pièces n’est peut-être pas dépourvue de toute signification.

    Il est évident que, pour certains articles (tel un article d’Henry Fouquier, dont la citation couvre, dans le manuscrit, plusieurs pages), il suffisait que l’objet de l’article et ses références fussent indiqués à ceux qui seraient tentés de s’y reporter. C’est la règle que nous avons adoptée.

    Je signale que, çà et là, des corrections grammaticales, d’une écriture qui n’est pas celle de Mathilde, figurent sur le manuscrit, notamment en ce qui touche la concordance des temps. Ces corrections avaient été reportées sur la copie dactylographiée, ou plutôt celle-ci ne montre pas trace d’incorrections aux endroits en cause, preuve que les corrections sont antérieures à cette copie-là. Quoique bien pervers, comme chacun sait, je n’ai pas cru devoir pousser sournoisement le scrupule jusqu’à rétablir les incorrections de Mathilde.

    o O o

    La recherche des moyens matériels les plus propres à assurer une bonne édition de l’ouvrage m’ayant conduit à relire soigneusement les Mémoires de Mathilde, que je connaissais déjà si bien, l’impression que m’a laissée ce nouvel examen n’est venue en rien modifier mon opinion antérieure : je maintiens donc tout ce que j’ai dit, dans l’avant-propos de Verlaine tel qu’il fut, sur la valeur documentaire exceptionnelle de ces souvenirs, l’esprit critique et le souci d’équité dans lesquels il convient d’en aborder la lecture, les réserves qui s’imposent, etc...

    Mais lorsque j’étudiais Verlaine, j’ai surtout considéré Mathilde par rapport à lui. Aujourd’hui, mon objet principal n’étant plus Verlaine mais celle qui fut sa femme, j’ai davantage regardé celle-ci en elle-même, indépendamment du grand poète et terrible sire auquel la petite, toute petite et maléfique étoile de la pauvre Mathilde, voulut que sa mince, toute mince personne fût quelque temps unie.

    Mathilde est une enfant. Par l’âge, elle en était une quand elle rencontra Verlaine ; elle en était une encore lorsqu’il l’abandonna.

    ¹ Par le caractère, elle en demeura une toute sa vie. Une enfant pas très développée, avec beaucoup de naïveté, beaucoup de futilité, beaucoup de vanité, mais aussi beaucoup de courage, beaucoup de gentillesse et pas l’ombre de méchanceté. Toutes ses qualités, comme tous ses défauts, portent cette même marque d’infantilisme. Je prie de n’attacher au terme aucune nuance de raillerie. C’est au sens où les psychiatres l’entendent qu’il faut ici prendre le mot.

    En bien des passages, ces Mémoires écrits à l’âge de cinquante-quatre ans semblent l’œuvre d’une petite fille de quatorze ans qui aurait de la jugeote, un certain bon sens, de l’honnêteté, un attachement têtu à tous les préceptes ou préjugés bourgeois de sa famille, une innocente coquetterie, des ruses cousues de fil blanc, un grand besoin de considération.

    Ce dernier trait est essentiel. C’est lui qui est à l’origine de l’entreprise. Mathilde écrit ses souvenirs en réponse au livre d’Edmond Lepelletier qui, à son avis, la représente faussement sous un jour défavorable. Lepelletier a plaidé pour son ami. Elle plaidera à son tour sa propre cause. Certes, dans le dessein de rétablir la vérité, mais aussi dans l’intention de laisser d’elle à la postérité une image flatteuse, ou plutôt l’image flatteuse qui, sincèrement, lui paraît la seul ressemblante. Quand elle citera les poésies que Verlaine a composées sur elle ou pour elle à diverses époques, elle s’appliquera à prouver l’injustice des reproches contenus dans les pièces qui sont le fruit de la rancune, et cela lui sera souvent facile, de même qu’elle aura beau jeu de sourire avec une dédaigneuse pitié de quelques « invectives », mais le portrait embelli d’elle-même, la jolie miniature que le pinceau de Verlaine a léchée avec amour d’après elle, à l’époque de la Bonne Chanson, elle l’accepte sans sourciller.

    – Eh ! dira-t-on, à ce compte-là, que d’hommes qui sont, comme Mathilde, des enfants, des « demeurés » !

    – Sans doute. Nous tous. Être sensible aux critiques, vulnérable aux attaques, s’indigner des déformations que la mauvaise foi, l’envie, la haine font subir à la figure que nous souhaiterions avoir aux yeux du monde, ou même que nous nous flattons d’avoir réellement, c’est humain. Mais s’accommoder de l’éloge, voire du dithyrambe (lequel n’est pourtant qu’une autre face du mensonge), comme d’un hommage tout naturel, comme si le portrait lyrique n’était que la simple peinture de la vérité, cela est humain aussi, et non moins répandu. Seulement la puérilité foncière de Mathilde se manifeste à d’autres signes encore, qu’on ne manquera pas de découvrir.

    Je ne cherche point ici à accabler l’ex-Madame Paul Verlaine, pas plus que je ne me suis complu à rabaisser Verlaine lui-même en le dépeignant tel qu’il fut.

    Aux pires heures de cette vie d’un poète, quand mon austère dessein, qui était de tout dire, m’obligeait à montrer les tares de l’homme, je ne sous-entendais point que nous, le lecteur et moi, nous valions davantage. À aucun moment, je n’ai oublié que j’appartenais à la même espèce misérable que ce violent et ce débauché. À aucun moment, je n’ai perdu de vue l’extraordinaire privilège du génie, qui, dans une autre sphère que la sphère morale, l’élevait à cent coudées au-dessus de ses juges. Loin de remercier Dieu de ne pas lui ressembler, je cherchais, à travers ses fautes, des explications, des lueurs sur l’être humain en général – et par conséquent sur moi-même.

    Avec Mathilde, les défauts qu’on distingue chez elle n’étant que des travers, des petitesses, des ridicules, le danger que l’on court, c’est de se laisser aller à la moquerie. Au regard de beaucoup, il semble que ce soit une grave infériorité pour la malheureuse femme que de ne guère offrir au blâme que des motifs mesquins. Nous sommes, hélas ! ainsi faits que les monstres, en même temps qu’ils nous révoltent, nous en imposent. Un vice caractérisé prend tout de suite un air de fausse grandeur : il parait profond, mystérieux, il pose à l’esprit des énigmes. L’attrait du Mal, c’est qu’il semble plus difficile à comprendre que le Bien. Verlaine, Rimbaud bénéficient (j’entends comme objet d’examen psychologique) de ce qu’ils sont des problèmes.

    Pauvre Mathilde ! Elle est moins ardue à déchiffrer, évidemment ! C’est pourquoi nous connaissons des esthètes qui ne seraient pas éloignés de penser : « Je la vois, cette Mathilde, avec son nez retroussé et sa petite bouche entr’ouverte ! C’est une cruche ! Donc, elle a tous les torts ! » Cette thèse est insoutenable. Il est temps que les artistes se débarrassent de l’idée que, sur le plan moral, le génie peut tout se permettre. Les gens en apparence les moins romantiques sont encore imbus de cette absurde croyance. Il serait plus raisonnable de reconnaître que les niais ont le droit d’être tels, sans mériter pour cela d’être molestés, battus par des génies méchants ou égarés.

    o O o

    Mathilde, ai-je dit, était attachée aux préjugés bourgeois de sa famille. Or, M. Jourdain, le bourgeois complet, veut être gentilhomme. Parmi les préjugés bourgeois, il faut donc comprendre les prétentions nobiliaires. Dans la première partie des Mémoires, celle qui se rapporte aux années d’enfance, il n’est question que de gens titrés. Les noms roturiers y sont rares. Mathilde, petite fille, semble n’avoir connu que des nobles, dont certains de la plus haute lignée. Une princesse élevée dans une Cour n’aurait pas entourage plus brillant. Une telle abondance de duchesses, de comtesses, de marquises a de quoi surprendre. Mais ce qui déconcerte encore davantage, c’est la familiarité de bon ton avec laquelle Mathilde nous entretient de toutes ces personnes et la connaissance qu’elle paraît avoir – qu’elle a réellement – de leur généalogie. Un d’Hozier n’est pas plus ferré.

    Or, à dater de ses fiançailles, tout ce beau monde s’évapore comme buée au soleil, et l’on n’en parle jamais plus. Même après sa séparation d’avec Verlaine – en admettant que ce soit son mariage qui l’ait éloignée pendant deux ans de son premier milieu – on ne voit pas que Mathilde ait renoué avec quelqu’une de ses anciennes amies « du faubourg Saint-Germain ». Autrement elle n’eût point manqué de s’en vanter. La fierté ingénue que lui inspirent les belles relations de ses parents au début de sa vie nous autorise à le penser.

    Comment expliquer ce mystère ?

    Mathilde était née Mauté, tout simplement. Si son père ou quelqu’un de ses ancêtres paternels eut la fantaisie d’ajouter « de Fleurville » à son patronyme, l’état civil n’en a cure. Sur l’acte de naissance de Mathilde, enregistré à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), nous lisons qu’elle est fille de Théodore-Jean Mauté, propriétaire, quarante-six ans, natif du Mans (Sarthe), demeurant à Paris, rue Miromesnil, numéro quarante-cinq, et de Antoinette-Flore Chariat, son épouse, âgée de vingt-neuf ans, native de Cambrai (Nord). Le grand-père paternel de Mathilde était Jean-François Mauté, né à Nogent-le-Rotrou le 1er juillet 1767, mort dans la même ville le 15 juin 1851. La veuve de celui-ci, chez laquelle Mathilde vit le jour le 17 avril 1853 et qui mourut en 1860, était née Rosalie-Anne-Marie Maugars, originaire d’Angers. De même, aucune mention du nom de Fleurville sur l’acte de mariage de Verlaine et de Mathilde, enregistré à la mairie du XVIIIe arrondissement, à Paris.

    Cependant, il serait injuste d’imputer à Mathilde la responsabilité de cette supercherie, au reste bien fréquente, et qu’elle a pu ignorer, au moins lorsqu’elle était enfant. Elle aura naïvement accepté, comme un droit, une tradition de famille. On ne saurait lui reprocher de ne pas avoir dit un jour à M. Mauté son père : « Mon petit papa, tu te fais appeler de Fleurville, tu es un gros vaniteux. »

    Mathilde parle de la propriété de sa grand-mère paternelle « en Normandie » (elle ne précise pas le lieu et ne souffle mot de Nogent-le-Rotrou, jugé par elle trop vulgaire sans doute) comme d’un château environné d’un parc. Son acte de naissance dit seulement que le domicile de Madame Veuve Mauté est « sis en cette ville rue Charronnerie ». Mais Mathilde avait sept ans à la mort de cette grand-mère, et, depuis lors, elle n’est jamais retournée « en Normandie ». Il ne faut donc voir dans les embellissements que sa mémoire organise rien d’autre qu’une tendance commune à bien des souvenirs d’enfance et qui n’exclut pas toujours la bonne foi. Je suppose que le « château » de la rue Charronnerie était une maison avec un assez grand jardin.

    Sur sa grand-mère maternelle, née Leroy d’Honnecourt, Mathilde est intarissable. Peut-être ce d’Honnecourt cavalier n’a-t-il pas, au regard du généalogiste sourcilleux, plus de consistance que le pimpant de Fleurville. Existe-t-il, près d’Arras, un château d’Honnecourt, d’où l’arrière-grand-père de Mathilde, le père de son aïeule maternelle, serait originaire ? Se trouvera-t-il quelque érudit arrageois (ou artésien, je ne sais lequel des deux est le plus usité) pour vérifier s’il est exact que ce bisaïeul Leroy d’Honnecourt, à l’époque de la Révolution, s’étant enfui par un tuyau de cheminée, ait émigré en Angleterre, tandis que sa femme, incarcérée d’abord, comme ci-devant, à la prison d’Arras, où elle accoucha d’une fille (la grand-mère de Mathilde), était ensuite (on s’y attendait un peu) guillotinée sur la grand’place de cette ville ?

    J’estime Mathilde incapable d’avoir forgé cette histoire de toutes pièces. Elle était dépourvue d’imagination, voire de la plus banale. Là encore, elle aura – non sans ravissement – accueilli comme parole d’Évangile les contes de sa maman, née Chariat, laquelle, ne voulant pas être en reste de noblesse avec ce bon Monsieur de Fleurville, son époux, ne manquait pas de faire valoir, à toute occasion, cette geôle et ce fatal couperet, ainsi que maints autres épisodes, de préférence vendéens.

    Mais tout cela ne nous explique pas le mystère des prestigieuses « relations », ni la familiarité des Fleurville avec d’illustres familles, qui, elles, figurent bien dans l’armorial de France, et même couvrent des pages du d’Hozier.

    Une phrase des Mémoires m’a mis en éveil. C’est celle-ci : « Chaque année, mes parents étaient invités à passer au château de Reynel

    ² l’époque des grandes chasses. Nous partions généralement en même temps que les châtelains dans les premiers jours d’octobre et revenions avec eux, vers le 5 ou 6 janvier. Ceci dura quinze ans ».

    Cet attachement, cette continuité, cette assiduité me paraissent être l’indice d’une familiarité particulière qui n’est pas précisément celle d’amis ou d’invités. Des amis, des invités, « dans ce monde du faubourg Saint-Germain », devaient avoir eux-mêmes leurs châteaux, leurs « grandes chasses ». À tout le moins ne les imagine-t-on pas très bien s’incrustant, chaque année, trois mois à Reynel, et cela quinze ans de suite.

    On sait que le mot « domestique », au sens large, comprenait, autrefois, outre les valets et serviteurs, tous les gens au service d’une personne de qualité.

    ³ Dans la catégorie supérieure de la domesticité figuraient les intendants, gouverneurs, gouvernantes, secrétaires,

    ⁴ et même parfois les dames ou demoiselles de compagnie, bref tous ceux qui, dans la maison, ne prenaient pas leurs repas à l’office, mais étaient ou servis à part, ou admis à la table des maîtres.

    Ne se pourrait-il pas que le lien qui unissait les Fleurville à l’une de ces familles aristocratiques fût un lien de cette sorte ? Ce que j’avance n’est qu’une hypothèse, sans doute, mais elle éclairerait tout : comment Mathilde a pu dire sans mentir que son enfance s’était écoulée dans un milieu si brillant ; comment il est possible qu’elle ait partagé les jeux de telle et telle, qui avaient son âge, et qu’elle ait, plus tard, dansé avec tel autre ; comment sa mère a pu jouer au volant avec un duc ; comment enfin, il se fait qu’elle-même, Mathilde, était si

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