TWIN BUILDING
“C’EST NOUS QUI AVONS ÉCRIT cette putain de chanson et tu as intérêt à adorer !” C’est ainsi qu’Andrew Loog Oldham se souvient de la façon dont Mick Jagger lui présente, en cette matinée d’été 1964, ce qui va devenir le premier hit signé par le tandem Jagger-Richards, la ballade pop “As Tears Go By” – qui avait encore pour titre “As Time Goes By”, comme la chanson du film Casablanca –, avant de la lui chanter, accompagné par le guitariste. Cela fait déjà un moment que le manager des Rolling Stones essaye de persuader ses poulains de composer leur propre matériel, comme le font les Beatles, arguant que les droits d’auteur constituent pour des musiciens le seul moyen de gagner beaucoup d’argent.
Confronté à leur manque d’enthousiasme flagrant, Oldham, qui a débuté en travaillant pour Brian Epstein, a fini par employer les grands moyens : les boucler dans la cuisine de leur appartement – au 33 Mapesbury Road, à Willesden, dans le nordest de Londres –, en leur disant qu’ils n’en sortiraient pas avant d’avoir pondu quelque chose. Avant de les planter là, il leur a même donné les grandes lignes de la chanson : “Des murs de briques, des fenêtres hautes – et surtout pas de sexe.” “Donc, on a passé toute la nuit dans cette cuisine de merde… raconte Richards dans son autobiographie Life. Avec ‘As Tears Go By’, on n’essayait pas d’écrire un titre de pop commerciale. Ça nous est venu comme ça. Je savais ce qu’Andrew voulait : ‘Ne me refilez pas un blues, ne me faites pas une parodie ou une copie, sortez quelque chose qui n’appartient qu’à vous.’” Mission accomplie.
Sauf que cette douce ritournelle aux accents folk ne rentre pas exactement dans le cadre du répertoire des Stones de l’époque – , rappelle Richards. Oldham décide de faire enregistrer “As Tears Go By” à une apprentie chanteuse de 17 ans tout juste sortie de son institution religieuse, une certaine Marianne Faithfull, lointaine descendante du baron Sacher-Masoch, qu’il a rencontrée dans une party typique du Swinging London, où il a débarqué avec Jagger et ‘Je peux faire de toi une star et ce n’est que le début, baby !’ se souviendra Faithfull, alors plus séduite par le charisme du jeune manager-producteur que par le chanteur des Stones. ‘J’ai vu un ange avec des gros seins et je l’ai signé.’
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