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Dulcie
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Ebook666 pages9 hours

Dulcie

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About this ebook

Arkiel et Éli ont réussi à apporter la pierre de la guerre dans les marais, hors de la portée du ténébryss. Ferral, Arthax et les rois du désert se sont unis pour protéger leur contrée respective. C’est maintenant au tour de Thellïanessor et des chasseresses de se dévoiler à leurs voisins du nord. Ils apprendront alors que le ténébryss n’a pas abandonné son désir de vengeance. Il semble même s’être trouvé un allié qui lui donne accès aux ressources de tout un royaume. Éli et ses compagnons reprendront la route pour l’empêcher de se répandre sur la Dulcie, mais une mauvaise surprise les attend. De nouveaux ennemis se dressent sur leur chemin et les chasseresses devront dévoiler leur sombre secret pour les combattre.
LanguageFrançais
PublisherÉditions AdA
Release dateSep 10, 2013
ISBN9782897333355
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    Dulcie - Claude Jutras

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    Copyright © 2013 Claude Jutras

    Copyright © 2013 Éditions AdA Inc.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Éliane Boucher, Nancy Coulombe

    Conception de la couverture : Mathieu C.Dandurand

    Photo de la couverture : © Thinkstock

    Mise en pages : Mathieu C.Dandurand

    ISBN papier 978-2-89733-333-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89733-334-8

    ISBN ePub 978-2-89733-335-5

    Première impression : 2013

    Dépôt légal : 2013

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    43599.png

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Jutras, Claude, 1979-

    La vengeance des ténébryss

    Sommaire : t. 1. La descendante -- t. 2. Les marais.

    Pour les jeunes de 12 ans et plus.

    ISBN 978-2-89667-686-6 (v. 1)

    ISBN 978-2-89667-687-3 (v. 2)

    I. Titre. II. Titre : La descendante. III. Titre : Les marais.

    PS8619.U883V46 2012 jC843’.6 C2012-941373-9

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    map-livre.jpg

    Index des personnages

    Éli, alias Éléonore Deschênes, Louiss, Balka et Éthanie

    Roland Deschênes (père)

    Moïra Zéleste (mère)

    Kyll (frère aîné)

    Hugh (second frère)

    Ramaël (frère cadet)

    Rebelles :

    Eldérick Desmonts (chef)

    Éric Desmonts (fils d’Eldérick)

    Malek (fils adoptif d’Eldérick)

    Zyruas Valleburg (chef)

    Karok Dergainte (chef)

    Dowan (tribu de Nejmahw, fils de Ménaï et Feilaw)

    Kaito (Arkéïrite)

    Myral Desmonts (frère cadet d’Eldérick)

    Émilia Desmonts (femme de Myral)

    Suzie Desmonts (fille d’Émilia et de Myral)

    Famille royale de Dulcie :

    Kordéron Dechâtelois (roi de Dulcie)

    Laurent Dechâtelois (prince aîné de Dulcie)

    Julior Dechâtelois (prince cadet de Dulcie)

    Martéal Le Borgne (roi de Dulcie, 1000 ans avant)

    Nobles de Dulcie :

    Edward Delongpré (membre du conseil royal)

    Mylène Delongpré (fille aînée d’Edward)

    Anna Delongpré (fille cadette d’Edward)

    Dame Katherine (matrone)

    Krilin Lelkar (premier conseiller royal)

    Soldats dulciens :

    Franx Remph (capitaine allié du prince Laurent)

    Dorian Mussely (sergent allié du prince Laurent)

    Galator Lamorie (lieutenant)

    Général Dubourvois (fidèle de Krilin)

    Orel Magrow (général)

    Freinn Dolenga (sergent)

    Kurt (soldat)

    Famille royale d’Ébrême :

    Ferral Ergot (roi d’Ébrême)

    Ludovick Ergot (fils unique de Ferral)

    Sarahlyne (reine d’Ébrême)

    Afgarh Ergot (arrière grand-père de Ferral)

    Nobles d’Ébrême :

    Rémy Vallière

    Noëlle Vallière (femme de Rémy et ancienne chasseresse, Noéka)

    Alphéus (historien et ami d’Éli)

    Zalielle (sorcière des peuples du désert au service de la reine Sarahlyne)

    Soldats ébrêmiens :

    Grégor Manni (général)

    Silmon Beauvais (général)

    Torik Lijey (capitaine)

    Vélone (soldat et compagnon d’Yrgh)

    Parlial Davernay (capitaine)

    Citadelle des magiciens :

    Arkiel Lilmïar (archimage)

    Eldébäne Moralta (apprenti magicien)

    Méléar (membre du conseil des magiciens)

    Zélorie (membre du conseil des magiciens)

    Fesba (membre du conseil des magiciens)

    Îléa (membre du conseil des magiciens)

    Beldariane (professeure d’art pictural)

    Myatso (arkéïrite membre du conseil)

    Bûcherons :

    Keldîm (chef du groupe)

    Zélir

    Koll

    Lalko

    Romaré

    Tabem :

    Wiltor (chef de la guilde)

    Livianne (tenancière de bordel)

    Lilas (prostituée, amie d’Éli)

    Tinné (ami d’Éli)

    Novalté Brawm (ami d’Arkiel, ancien pirate)

    Xéloi (membre de la guilde des voleurs)

    Armahl (membre de la guilde des voleurs)

    Ralph (voleur)

    Diétro Miard (capitaine)

    Nestor Degrisbois (sergent)

    Amaldo Pergi (lieutenant)

    Morlitar :

    Olfgar (marchand et ancien marin)

    Peuples du désert :

    Wahjal-Bner (roi du désert de l’Est)

    Rajnaw (troisième fils de Wahjal-Bner et cousin de Dowan)

    Gowlian (roi du désert du centre et oncle de Dowan)

    Fael-Ahj (reine du désert du centre)

    Maïjner (roi du désert de l’Ouest)

    Gardiens :

    Arthax (rawgh guide)

    Ulga (ogresse guide)

    Guilf (ogre guide)

    Krog (rawgh, ami d’Éli)

    Xélia (rawgh et sœurs de Krog)

    Yrgh (compagnon de Vélone)

    Territoires :

    Dreykar (capitaine)

    Chasseresses :

    Gyselle, dite Gyséka (mère)

    Anaïs, dite Anaïka (mère et sœur de Gyséka)

    Julianne, dite Julianika (mère cadette)

    Rîamenne, dite Rîamka (maîtresse d’armes)

    Krylène, dite Krylènka (maîtresse de la guerre)

    Fely-Joang, dite Félika (maîtresse de combat)

    Xéfirya, dite Xéfirka (maîtresse de sorcellerie)

    Tilka

    Malika (mi-humaine, mi-rawgh)

    Adéleylka (sorcière)

    Eldéïrs :

    Thellïanessor (chef)

    Dovilfay

    Romézyra

    Murièno

    Myrkoj (ténébryss)

    Tchérok (capitaine des pirates de l’Ouest)

    Ghor (chef des mercenaires, mort dans le tome 1)

    Ergatséï (reine du désert, 1000 ans avant)

    Résumé des tomes précédents

    L e soleil avait disparu depuis déjà un moment derrière la cime des hauts arbres de la presqu’île. Le village des chasseresses était calme alors que des lumières brillaient aux fenêtres des maisonnettes de pierres, engoncées entre les racines. Les fillettes auraient dû être au lit, mais c’était le soir de l’histoire, où elles avaient exceptionnellement le droit de veiller. Plus d’une semaine s’était écoulée depuis l e reto ur d’Éli, qui avait à leur grande peine passé la plupart du temps avec les eldéïrs. Mais ce soir, enfin, elle avait été choisie pour conter l’histoire de ses dernières aventures. Vêtue d’une tunique verte et d’un court et léger pantalon beige, la grande chasseresse au visage bronzé, dont les cheveux noirs effleuraient les épaules, s’assit entre elles près du feu. Elle arborait un air mystérieux qui incitait les enfants à un silence attentif.

    — Il y a quatre mois, commença-t-elle de sa voix profonde, le roi de Dulcie a trouvé la pierre de la guerre, un objet légendaire qui donnerait un grand pouvoir à celui qui la trouve, mais personne ne sait ce qu’est exactement ce pouvoir.

    » Les eldéïrs m’ont envoyée à sa recherche afin de la subtiliser au roi. Ce que j’ai fait assez facilement, je dois dire. Je me suis ensuite enfuie sous l’apparence d’une noble, mais je me suis fait enlever par des rebelles dulciens. C’est là que j’ai rencontré Malek et ses compagnons et que je me suis liée d’amitié avec Mylène.

    » Le ténébryss, qui voulait récupérer la pierre, leur a tendu un piège et je les ai secourus. J’ai alors appris la présence de mon ennemi et je me suis sauvée pour revenir vers les marais. De leur côté, curieux, les rebelles ont été voir Arkiel, l’archimage de la citadelle des magiciens, pour tenter de découvrir qui je suis. Comme j’avais utilisé mon nom de naissance ébrêmien, il a vite deviné mon identité et que j’étais la descendante de la grande Kyrsha, notre première mère, et ils sont partis rencontrer mes proches en Ébrême.

    » À Tabem, cet agaçant Malek m’a attrapée. Eh oui ! Je sais. Je n’en suis pas très fière. Mais bon, j’ai dû faire un marché avec lui et rencontrer l’archimage. J’ai aimé le personnage et, vu la dangerosité du ténébryss, j’ai accepté de le guider vers les eldéïrs. Malheureusement, mon ennemi m’avait devancée et j’ai trouvé le port de Morlitar en flammes. Kalessyn et moi avons sauvé les villageois, enfin, une bonne partie, et j’ai vu pour la première fois le ténébryss. Il a tout d’abord tenté de m’hypnotiser pour ensuite envoyer une horde de mercenaires sur moi et, finalement, m’attaquer avec un énorme monstre ailé.

    Éli garda un moment de silence et les fillettes près d’elle la serrèrent entre leurs petits bras.

    — J’ai perdu mon meilleur ami. Kalessyn. Qui s’est bravement battu et m’a incontestablement sauvé la vie. Je me suis retrouvée seule et blessée et, pourtant, incapable de détester cette pierre. Je me demandais comment revenir, quand j’ai appris que le roi Ferral d’Ébrême venait de déclarer la guerre aux démons des marais. Tel était donc le désir du ténébryss ! Je devais empêcher ce combat et, pour cela, j’ai désobéi à la loi la plus sacrée des marais. J’ai tout dévoilé au roi Ferral, tout, jusqu’à notre existence.

    » Sur le chemin, le ténébryss a bien encore tenté de m’ensorceler pour détruire l’armée ébrêmienne, mais, cette fois, c’est la pierre qui m’a sauvée. À nous deux, nous avons repoussé et blessé le sorcier, qui est disparu pour ne pas revenir.

    » Arrivée aux marais, j’étais certaine que personne ne me pardonnerait, mais Arthax a compris et m’a accueillie avec joie. Je peux même dire qu’il a accueilli tous les hommes des royaumes avec joie.

    » Avec mes amis, Krog et Xélia, j’ai mené l’archimage et les rebelles à notre village et ils ont rencontré Thellïanessor. Arkiel a été très surpris, et moi aussi d’ailleurs, d’apprendre que les eldéïrs avaient été il y a cent ans des ténébryss et qu’ils connaissaient personnellement l’ennemi, un dénommé Myrkoj.

    » Ils ont accepté de garder avec eux quatre magiciens, dont Arkiel et Eldébäne, mais aussi Malek et Mylène, dont nous ignorions les pouvoirs. Lilas est aussi restée avec nous et, oui, oui, je sais, vous l’aimez toutes beaucoup. Le reste des rebelles a dû nous quitter et j’avoue que ça m’a peinée de me séparer d’eux.

    » La pierre ? ajouta-t-elle en réponse à une interrogation d’une fillette. Je l’ai remise aux eldéïrs et personne ne sait encore ce qu’elle est, mentit Éli.

    La chasseresse était peinée de devoir leur cacher l’existence du dragon, mais Thellïanessor et Arkiel avaient cru qu’il était préférable de conserver l’anonymat de son petit protégé, ce qui expliquait pourquoi elle passait la plupart de ses journées en retrait du village des chasseresses. Éli regarda en souriant les bras se lever avec insistance. Le récit était loin d’être terminé et elle chassa la pensée du dragon pour répondre aux nombreuses questions de ses jeunes sœurs.

    Prologue

    L es puissantes vagues de l’océan venaient s’abattre sur les récifs des falaises dans un grand fracas. L’éclat de la lune faisait scintiller l’écume sur l’étendue noire des eaux. Malgré la lumière de l’astre, les bateaux ancrés à l’ouest restaient invisibles. Même les barques qui effectuaient les allers-retours des navires à la côte étaient à peine décelables. Et seulement parce que l’observateur savait où regarder.

    Sous le vent impétueux de l’océan, les pans de sa toge gris cendre battaient contre ses jambes. Dans le nord de la Dulcie, même au cœur de l’été, l’air était froid. Étroitement enrubanné de tissu jusqu’au bout des orteils, l’être n’était pas incommodé par cet air vif qui s’infiltrait sous la toge. Pas plus qu’il ne l’était par l’eau qui éclaboussait les rochers : il flottait à plus d’un mètre du sol.

    — Le général Dubourvois est arrivé, seigneur Myrkoj, s’éleva une voix à quelques mètres derrière lui.

    Le ténébryss se tourna vers le soldat, qui se tenait en retrait pour échapper aux éclaboussures. Il avait échangé les créatures des marais contre des hommes de Krilin et s’en félicitait : ceux-ci, plus intelligents, s’avéraient beaucoup plus utiles.

    Lentement, il flotta vers lui et descendit jusqu’à quelques centimètres du sol rocailleux. Sans rien ajouter, le soldat se retourna et regagna le chemin de terre, plus haut sur la falaise. Là, il récupéra son cheval et partit au galop vers le sud, où les passagers des bateaux avaient mis pied à terre. Derrière lui, Myrkoj disparut pour réapparaître légèrement en retrait du groupe de soldats postés sur le chemin, beaucoup plus loin au sud.

    Le général Dubourvois était dans la trentaine. Il portait un heaume d’or au métal fin, plus ornemental que protecteur, et l’armure or et rouge de Dulcie. Ses cheveux brun foncé tombaient en bouclettes sur l’armure qui couvrait ses larges épaules, encadrant un beau visage aux traits forts. Ses lèvres soulignées d’une barbiche étaient figées dans une expression hautaine.

    Entouré d’une vingtaine d’hommes, il se tenait sur un cheval blanc au tapis de selle richement orné. Malgré sa robuste stature et son grade, cet individu n’avait absolument rien d’un soldat. Seule sa corruption lui avait valu tout ce qu’il avait, tout comme ceux qui lui obéissaient.

    Krilin avait indiqué au sorcier que tant qu’il recevrait les fonds nécessaires, le général Dubourvois lui serait aussi fidèle que son ombre et ne poserait aucune question d’ordre moral sur ses actes. L’homme ne l’interrogerait donc nullement sur l’identité et la provenance exacte des êtres qui se plaçaient en rangs ordonnés sur le chemin qui longeait l’océan.

    Ils débarquaient par dizaines des embarcations atteignant la berge, silencieux et inexpressifs. L’ordre parfait. Sous les rayons de lune, leur visage crayeux et leurs longs cheveux blancs qui dépassaient de leur heaume avaient quelque chose de fantomatique. Cet effet était rehaussé par le gris foncé de leur armure qui se fondait aux rochers bordant le chemin. Ils étaient déjà une centaine et d’autres continuaient d’affluer.

    Les soldats qui fixaient avec étonnement ces hommes hauts de deux mètres et de forte carrure ne s’aperçurent pas de la soudaine apparition du sorcier. Malgré leur peau imberbe et si blanche qu’elle en était presque transparente, ces êtres ressemblaient à des hommes et Myrkoj n’avait eu aucune difficulté à faire croire à Krilin qu’ils en étaient réellement.

    Il avait toujours su les humains facilement corruptibles, mais pas à ce point. S’il avait eu vent qu’il y avait d’assez idiots pour laisser des guerriers tels que les porteurs pénétrer leur royaume, il aurait passé à l’acte depuis longtemps. Il aurait peut-être lui-même trouvé le dragon. Mais à quoi bon se morfondre ? Finalement, tout s’arrangeait.

    Myrkoj devait le reconnaître : la victoire de la chasseresse dans le désert l’avait profondément abattu. Alors qu’il approchait si près du but, elle l’avait rejeté et blessé, le forçant à disparaître. Toutefois, il ne pouvait lui en vouloir. Son esprit était endormi par ces traîtres d’eldéïrs et elle ne comprenait pas. Non, elle comprenait, mais elle ne voulait pas admettre qu’il avait raison. Un peu de temps lui aurait permis de la rallier à sa cause, mais il avait échoué.

    Jamais il n’aurait pu penser que, même endormi dans l’œuf, le dragon pouvait lui transmettre sa force. Une chose était certaine : elle était bien la maîtresse que l’animal légendaire avait choisie. L’histoire se répétait donc. Et, comme Kyrsha, elle avait réussi à réunir les hommes et les rawghs, commettant du coup la même erreur.

    Tant que les humains des royaumes règneraient sur Melbïane, il n’y aurait pas de place pour les autres races. Même si lui aussi avait été touché par cette union — qu’il avait bien involontairement provoquée — il n’avait pas abandonné ses désirs de conquête et de justice. La chasseresse rêvait en pensant venir rétablir l’égalité entre les peuples. Ferral ne cèderait jamais ses terres aux peuples des marais, et maintenant qu’il savait qu’ils n’étaient pas des démons, il irait même envahir leur seule porte de sortie. Mais, trop jeune et trop naïve, la guerrière ne voyait pas que l’élimination était la seule solution.

    Pour l’instant, elle était avec les eldéïrs, hors de sa portée, mais rien n’était perdu. Il avait retiré les pirates des îles de l’ouest pour donner aux soldats des territoires l’illusion de la victoire. Après tout, cette idée que les assaillants voulaient la forteresse de la reine Ergatséï n’était qu’un leurre pour éloigner les gardiens de la frontière nord des marais et laisser ainsi le champ libre à Ferral, plan qu’avait contrecarré la guerrière. Myrkoj avait déjà trouvé des objets bien plus intéressants que ceux que renfermaient encore les épais murs de pierres jaunes.

    Loin sur l’océan Ouest, il avait attendu ses frères et sœurs. Tous s’étaient montrés troublés d’apprendre que les eldéïrs avaient à leurs côtés le dragon et sa maîtresse, mais très enthousiasmés par le plan de Myrkoj. Même s’il avait perdu ce qu’il était venu récupérer, il avait déniché une autre arme beaucoup plus perfide. Et cette arme se nommait Krilin Lelkar.

    Si Myrkoj avait cru ne plus avoir besoin du premier conseiller et ne devoir le revoir que pour le regarder se faire massacrer, il avait eu tort. L’homme allait encore lui être d’une grande utilité. Aveuglé par sa soif de pouvoir, cet humain allait certes permettre à Myrkoj et aux siens de conquérir la Dulcie, dragon ou pas. Mais, avant tout, il leur permettrait de conquérir la citadelle des magiciens.

    C’est dans ce royaume qu’ils auraient dû déclencher leur guerre cent ans auparavant, mais à cette époque, ils n’avaient pas encore les porteurs. Avec ces derniers, les soldats ne seraient plus un problème et, avec ses frères et sœurs, il allait pouvoir concentrer son action sur les magiciens. Lorsque tous les murs blancs seraient tombés, vengeant pour de bon leurs ancêtres, le reste de Melbïane serait plus que vulnérable à leur puissance.

    Des claquements de sabots le tirèrent de ses pensées. Il regarda le soldat qui l’avait prévenu arriver du nord. L’homme le chercha des yeux, se doutant que le sorcier était déjà sur place, mais ne dit rien en le voyant. S’il ne s’était pas encore révélé aux soldats, c’est qu’il avait une raison.

    — Il est avisé, général, se contenta de dire le soldat à l’homme au casque d’or.

    — Et quand va-t-il nous rejoindre ? demanda le général Dubourvois de ce ton aristocratique constamment teinté d’une sonorité hautaine, et même méprisante.

    Sous sa capuche, Myrkoj se contenta d’un sourire carnassier ; la vie de cet homme se terminerait sans doute de manière horrible et il espérait presque que la chasseresse s’en occuperait elle-même.

    — Maintenant, général.

    Myrkoj s’approcha du groupe de soldats, qui le considérèrent avec étonnement. Sans daigner descendre de son cheval pour le saluer, le général Dubourvois fit mine de n’être pas perturbé par ses pouvoirs et déclara :

    — Ils sont impressionnants, ces hommes, mais je croyais qu’ils seraient plus nombreux.

    — Ne vous inquiétez pas, général, ils le seront bien assez pour maintenir l’ordre dans le royaume durant l’absence des soldats.

    Il n’ajouta pas que n’eût été la citadelle, ils l’auraient été assez pour prendre complètement le contrôle du royaume.

    — J’espère qu’ils seront plus efficaces que nos soldats qui se font rouler par tous les groupes de rebelles.

    — Indéniablement, général, indéniablement.

    Myrkoj l’avait compris depuis longtemps déjà : de nombreux soldats laissaient les rebelles aider le peuple en feignant l’incompétence. C’était l’œuvre du prince Laurent, mais personne ne pouvait le prouver. Krilin se confrontait régulièrement au prince, chacun tentant de manipuler le roi à son avantage. Tous deux bénéficiaient de l’allégeance de plusieurs soldats et aucun n’arrivait à prendre le dessus sur l’autre, ni à l’éliminer.

    Mais cette fois-ci, Myrkoj allait donner à Krilin les bons arguments pour obtenir du roi ce qu’il désirait et le prince Laurent n’y pourrait rien, à moins de se compromettre. De plus, il n’aurait aucune influence sur les porteurs. Ce qui était la raison principale pour laquelle Krilin avait accepté de convaincre le roi de prendre cette nouvelle force avec lui.

    Jusqu’à présent, Myrkoj ne s’était jamais présenté au roi. Krilin avait gardé sa présence secrète, s’attribuant tout le mérite des informations que lui transmettait Myrkoj. Le premier conseiller avait d’ailleurs indiqué au monarque que ces nouveaux guerriers avaient déjà travaillé pour lui et qu’ils étaient dignes de confiance. Le roi avait accepté sans même manifester l’intention de les voir, se fiant entièrement à son premier conseiller.

    Certains généraux s’étaient montrés plus réticents, mais ils avaient dû se plier à la volonté de leur souverain. Krilin lui avait glissé que si les nouveaux gardes rapportaient plus d’impôts que les soldats, le roi ne poserait aucune question sur leur provenance et son nom n’aurait aucun besoin d’être mentionné. Le premier conseiller Lelkar se moquait de la stupidité du roi, sans se rendre compte qu’il était encore plus crédule de croire que toute cette situation ne finirait pas par lui retomber inévitablement sur la tête.

    Dissimulé sous sa capuche, Myrkoj sourit de nouveau. Peu importait qu’il ait perdu le dragon. Le royaume de Dulcie constituait en lui-même une arme presque aussi importante contre les autres puissances. Et il lui donnait du même coup accès à la citadelle des magiciens. Oui, son plan était bien meilleur que celui d’utiliser le dragon et la chasseresse. Peut-être était-ce ce que le Créateur voulait lui faire voir ? Qui était-il pour juger de Ses desseins ? Abattu quelques semaines plus tôt par sa défaite, Myrkoj était aujourd’hui plein d’espoir. Le Créateur ne l’avait nullement abandonné, mais lancé sur une meilleure voie.

    — Nous obéiront-ils ?

    — Absolument, général Dubourvois, répondit Myrkoj, qui avait perçu une touche d’inquiétude dans sa voix. Au doigt et à l’œil. Et même davantage que vos propres hommes, vous le verrez rapidement. N’importe quel officier ne pourra que se féliciter d’avoir de tels éléments dans ses rangs.

    — Parfait. Je vais donc les conduire aussitôt vers les baraquements des soldats pour…

    — Inutile de vous occuper de leur logis ni de leur nourriture, général. Mes hommes sont habitués à vivre sous le dur climat des îles et ils sauront subvenir à leurs propres besoins. Sinon, les villageois le feront.

    À cette dernière précision, le général Dubourvois éclata de rire.

    — Doublement parfait !

    — Vous n’avez qu’à leur signifier leurs tâches et leur dire où porter les gains des impôts, et vous constaterez très vite les résultats. Sur ce, je vais vous laisser avec eux. Ceux portant des runes rouges sur leur armure sont les chefs de troupes. Réunissez-les et distribuez-leur les ordres.

    Le général se tourna vers l’est et se mit en route, suivi de l’armée d’hommes aux cheveux blancs qui marchèrent tous d’un seul pas. Myrkoj resta à l’écart du chemin et les regarda s’éloigner. Il avait déjà donné ses propres ordres aux porteurs et pouvait les laisser à eux-mêmes durant la prochaine semaine. Pour l’instant, il devait retourner auprès de Krilin, afin de le guider. Il voulait également lui donner une aide contre le prince Laurent.

    — Quel abruti ! s’exclama une voix grave derrière lui. J’arrive pas à croire qu’un petit nobliau merdeux comme lui puisse être général. Je me couperais les cordes vocales avec un bout d’os taillé avant de lui donner un tel titre.

    Myrkoj se tourna vers le pirate, dont les longs cheveux noirs tombant sur les épaules encadraient un visage à la peau sombre, tannée par le soleil. L’homme, de grande taille, avait troqué ses légers vêtements de voyageur de l’océan contre un pantalon et une tunique de cuir sombre. Un large sabre pendait à sa ceinture et une multitude de dagues étaient attachées le long de son torse, aucunement dissimulées. Tchérok se tenait seulement à un mètre derrière lui, ce qui prouvait bien sa valeur : celui-ci était l’un des seuls à pouvoir l’approcher sans qu’il s’en aperçoive.

    — J’espère qu’il sera un des premiers à perdre la tête, continua le pirate avec un sourire féroce.

    Sa dentition blanche et parfaite luisait presque sous la lune. Au contraire de la plupart de ses comparses, Tchérok prenait grand soin de son apparence et il se vantait régulièrement du fait que malgré ses nombreuses années dans le métier, aucun adversaire n’avait réussi à altérer son agréable physionomie.

    — Prends patience, Tchérok, lui intima Myrkoj. Ce royaume ne sera que chaos lorsque je le quitterai.

    Le pirate ricana.

    — J’ai hâte de voir ça. Il y a plus de bandits dans ce bled que dans tous mes bateaux réunis. Et je ne parle pas des rebelles. Au moins, pourrais-je écorcher de mes mains quelques-­­uns de ces riches seigneurs ?

    — J’essaierai de t’en réserver le plus possible, mais pour l’instant, tiens-toi droit et surtout garde tes remarques pour toi.

    Il n’eut pour réponse qu’un grognement qui ne présageait rien de bon. Tchérok détestait les nobles, mais Myrkoj le savait capable de surveiller sa conduite. L’homme était intelligent et talentueux dans tous les domaines. Avec son aide, Krilin allait pouvoir acculer le prince au fond de sa tour et faire tout ce qu’il voudrait du roi. De plus, il allait être de bon conseil pour les déplacements militaires des flottes dulciennes durant son absence. Et Myrkoj allait devoir s’absenter souvent du château d’Yrka pour veiller au bon déroulement de son plan.

    — Tu vas venir avec moi et je vais te présenter au premier conseiller, Krilin Lelkar.

    — Le roi des nobliaux merdeux.

    — Je comprends ton mépris et je le partage grandement, Tchérok, mais essaie tout de même d’être plus poli au palais. Tu joues un rôle important dans mes desseins et tu y gagneras aussi énormément, car, tu le sais, les richesses des seigneurs de ce royaume ne m’intéressent nullement.

    Tchérok s’éloigna pour récupérer son cheval caché plus loin et lança :

    — Et vous savez que ce n’est pas tant les richesses, que de voir tous leurs propriétaires hurler de peur et de douleur qui va me donner la capacité de montrer un certain respect à ces nobliaux.

    Myrkoj le regarda disparaître parmi les rochers. Il allait tout de même devoir le tenir à l’œil. Le pirate retiendrait peut-être ses insultes, mais sa façon de parler les valait parfois amplement.

    Le claquement des sabots s’éloignant lui parvint rapidement et il se mit aussi en route. Peu importait ce qui se passait au même moment dans les marais ; ce royaume lui appartiendrait bientôt en totalité et tout ce territoire fertile, riche en eau et en nourriture, serait enfin le leur.

    Chapitre 1

    Un nouvel ami

    L a lame siffla dans l’air et un grand fracas retentit dans la clairière lorsqu’elle rencontra l’acier de l’épée adverse. Un grognement de douleur sortit de la gorge d’un des combattants alors que l’épée lui échappait des mains. Celle-ci tournoya et finit par tomber aux pieds d’une jeune sorcière qui secoua la tête en signe de désapprobation.

    Elle portait un pantalon d’un léger tissu noir et une chemise de coton beige sous une toge bleu marine nouée à la taille par une ceinture brodée de runes argentées. Ces mêmes runes bordaient également les larges manches et l’encolure de la toge. Ses longs cheveux blonds reposaient librement sur ses épaules, simplement retenus par deux minces tresses attachées derrière la tête. Un pendentif de forme étrange, rappelant vaguement celle d’un éclair, ornait l’encolure de la toge. Son visage, quoique jeune, reflétait le sérieux et la quiétude d’une personne plus sage.

    Mylène avait passé les dernières semaines à lire et à étudier tout ce qu’elle pouvait trouver concernant l’histoire du monde. Deux mois étaient passés et elle avait l’impression d’avoir vieilli de plusieurs années. Elle avait même de la difficulté à se souvenir d’elle avant cette aventure.

    Les yeux fixés sur Lilas, qui se précipitait sur son arme perdue, elle déclara sèchement :

    — Elles vont finir par se blesser si elles continuent à se battre de façon si agressive.

    Lilas sauta pour éviter le coup que lui porta Éli, atterrit au sol en roulant et saisit l’épée au passage. Elle portait une tunique de cuir clouté que Mylène savait très lourde pour l’avoir essayée. Les guerrières portaient toujours de lourdes armures lorsqu’elles s’entraînaient, car elles augmentaient ainsi leur endurance musculaire et vasculaire.

    Lilas avait coupé ses cheveux aux épaules et les laissait reprendre graduellement leur couleur initiale. On pouvait voir une repousse châtain clair qui chassait peu à peu le blond dont elle se teignait habituellement. Toujours au sol, elle projeta sa jambe vers Éli, qui sauta vers l’arrière pour l’éviter, ce qui permit à Lilas de se remettre sur pied afin d’être de nouveau face à son adversaire.

    — Il est toujours mieux de se blesser durant une séance d’entraînement que sur le champ de bataille, répliqua Malek en passant près de Mylène.

    Il avait ramené ses cheveux bruns derrière sa nuque, mais quelques mèches rebelles tombaient sur son visage. Une tunique brune sans manches et brodée d’arabesques noires recouvrait une grande chemise de couleur crème à l’encolure échancrée. La large épée, dont il ne se départissait que pour dormir, pendait à une ceinture de cuir noir. Malek avait catégoriquement refusé de porter la toge typique des sorciers. Et de toute façon, pour Mylène, peu importait sa façon de se vêtir ; avec la cicatrice qui lui barrait tout le côté gauche du visage, survolant son œil, il ressemblait toujours à un brigand.

    D’un regard froid, il la fixa et la sorcière lui retourna son regard en répondant :

    — Bien, pour moi, il est mieux de ne pas se blesser du tout.

    Il haussa les épaules et se dirigea vers Tilka, assise sur l’herbe un peu plus loin.

    — N’essaie pas de comprendre ces guerriers, Mylène, ils prennent plaisir à se battre ainsi, lui dit Eldébäne en s’arrêtant près d’elle pour observer les deux combattantes. La violence est pour eux le seul moyen de régler leurs conflits.

    La jeune femme lui sourit. Eldébäne avait toujours le mot pour tourner une situation en sa faveur. Il avait conservé sa robe de bure, quoiqu’elle fût maintenant d’un rouge terre. Durant ces deux mois, Mylène avait appris à bien connaître le jeune magicien et avait trouvé en lui un frère. Il l’avait aidée à maîtriser la force qui était enfermée en elle.

    Malek, par contre, restait une énigme. Il passait la plupart de son temps seul, à lire les livres que contenait l’immense bibliothèque des eldéïrs. Arkiel était l’une des rares personnes avec qui il discutait. Eldébäne retira son capuchon et lui fit un signe de la main. Mylène passa devant lui et il la suivit.

    Ils saluèrent Tilka et s’installèrent près d’elle. À sa chemise de daim tachée de sueur, on devinait que la chasseresse venait à peine de s’arrêter pour se reposer. Elle avait dénoué ses cheveux roux frisés et ceux-ci formaient autour de sa tête un halo éclatant qui contrastait avec sa peau brune. Dans la hache d’armes déposée à ses pieds se reflétaient les rayons du soleil. Les yeux brun clair de la guerrière étaient rivés sur le combat, mais ses pensées semblaient porter loin ailleurs.

    Malek, avec son éternelle asociabilité, ne lui avait pas adressé la parole. Il se tenait simplement debout, les deux mains appuyées sur le pommeau de son épée, à regarder le combat, ou plus exactement l’une des combattantes.

    Tilka et lui ne s’aimaient guère. Il existait entre Malek et Éli une complicité que la chasseresse n’avait jamais eue avec son amie. Et elle était jalouse. Mylène avait deviné depuis un moment que Tilka ressentait plus que de l’affection pour Éli.

    Lilas leva les mains pour mettre fin au combat, puis elle vint les rejoindre en traînant son épée derrière elle, creusant ainsi un léger sillon dans la terre piétinée de leur arène. Avec un soupir d’épuisement, elle se laissa tomber dans l’herbe. Éli s’avança vers eux le souffle court, le visage en feu, mais les yeux brillants de cette flamme que Mylène n’arrivait pas à comprendre.

    — Bonjour, mes amis ! s’exclama-t-elle joyeusement en déposant la pointe de son épée au sol pour s’y appuyer.

    Depuis qu’elle avait retrouvé ses sœurs, la guerrière prenait tout avec le sourire et semblait avoir banni le mot « sérieux » de son vocabulaire.

    — Alors, continua-t-elle, comment vont les apprentis sorciers ?

    — Comme les semaines précédentes, répondit Eldébäne. Mylène ne cesse de faire des progrès et Malek ne cesse de refuser d’apprendre. Il boude dans la bibliothèque.

    Éli lança un regard taquin au guerrier.

    — Ouais ! Bouder, c’est son genre.

    Malek dégaina vivement son épée et la cogna contre celle d’Éli, qui faillit tomber au sol. Il répliqua en pointant sa lame sous le menton de la jeune femme :

    — Et toi ! Es-tu encore bonne pour une joute ?

    Elle écarta le tranchant d’un geste sec de son épée et répondit :

    — Toujours !

    Malek planta sa lame dans le sol et détacha sa ceinture, qu’il laissa tomber. Il retira ensuite sa dispendieuse tunique, qu’il plia soigneusement avant de la déposer dans l’herbe. Lilas se redressa vivement pour suivre le jeune homme des yeux. La chemise à l’encolure ouverte laissait paraître le torse musclé du guerrier, offrant une belle image à la jeune femme qui n’avait pas vu d’homme depuis qu’elle avait mis les pieds dans le village des chasseresses.

    — N’y songe même pas, lui souffla Eldébäne en riant.

    Lilas le poussa et répliqua en feignant l’irritation :

    — Cesse de faire ton jaloux, le magicien. Il y a des semaines que je n’ai pas vu de représentant de la gent masculine, alors laisse-moi me repaître du peu que j’ai.

    Eldébäne haussa un sourcil, un mince sourire aux lèvres, tandis que Lilas réalisait le sens que prenaient ses paroles. Elle ouvrit la bouche, gênée, et ajouta rapidement :

    — Je ne voulais pas dire par là que tu n’es pas attirant.

    Le sourire du magicien s’accentua.

    — Bien, enfin, balbutia Lilas, beau. Cependant, avec une robe de bure…

    — Ça va, Lilas, dit-il en lui passant un bras autour des épaules, je te taquine, c’est tout. Allez, repais-toi.

    Elle se tourna vers les deux adversaires qui croisaient le fer dans la clairière. Le choc des lames résonnait bruyamment alors qu’ils attaquaient, paraient, attaquaient. Ils avançaient, reculaient, sautaient, tombaient et se relevaient. Ce genre de duel lui rappelait les danses saccadées de certaines troupes de bohémiens qui s’arrêtaient dans la ville de Tabem. Lilas devait reconnaître que Malek et Éli avaient le sens du spectacle. À de nombreuses reprises, elle retenait son souffle, certaine que l’un d’eux allait se faire faucher, et à la dernière seconde celui-ci réussissait à bloquer le coup.

    Depuis qu’ils se livraient à ce jeu, Lilas ne se souvenait pas avoir vu de vainqueur. Tilka lui avait expliqué que deux guerriers d’une agilité similaire qui se battaient sous les yeux de leurs pairs veillaient à ne pas se laisser battre par l’adversaire, tout en prenant garde de ne pas le battre non plus, de sorte que l’auditoire avait l’impression qu’ils étaient réellement de force égale. Seuls les combattants savaient qui des deux aurait dû être vaincu. C’était une question de respect entre guerriers pour qui la réputation importait. La chasseresse avait ajouté que la réputation pouvait parfois éviter des combats, mais que Lilas comprendrait lorsqu’elle le verrait.

    Pour l’instant, ce qu’elle comprenait surtout, c’est que ces deux-là auraient pu faire beaucoup d’argent en donnant des spectacles dans les villes. Il allait falloir qu’elle demande à Éli de lui apprendre à jouer la comédie dans les combats.

    — Elle est increvable, déclara Eldébäne en fixant les joues légèrement rougies de la guerrière.

    — Oh ! Elle ne l’est pas tant que ça, répliqua Tilka, qui regardait les combattants avec ennui. Ses mouvements sont beaucoup plus lents qu’à l’ordinaire. Cela ne paraît pas, simplement parce qu’il suit son rythme.

    Eldébäne posa les yeux sur Tilka. Elle avait beau se draper d’indifférence, les plis minces qui se formaient entre ses sourcils froncés trahissaient son anxiété. Il ne restait que quelques jours avant que la mère Julianika, les maîtresses et une centaine de chasseresses n’aillent rencontrer les dirigeants d’Ébrême et du désert. Il savait qu’au contraire d’Éli, qui avait vécu son enfance au royaume d’Ébrême, Tilka était née dans le village et ne partait que pour réaliser certaines quêtes.

    La mère de la rouquine, elle-même chasseresse de naissance, s’était unie à un homme du désert l’espace de quelques nuits lors d’une quête. Tilka ne connaissait pas son nom et encore moins de quel village il provenait. Même si elle l’avait su, la chasseresse n’aurait pas cherché à le retrouver. Elle ne connaissait des hommes des royaumes que les tristes histoires que lui avaient racontées ses sœurs qui avaient fui, comme Éli.

    — Tu n’as pas à t’inquiéter, lui dit doucement Eldébäne. Éli va être avec toi. On va tous être là, avec toi.

    Tilka se redressa et répondit :

    — Je le sais bien.

    Lilas ajouta :

    — Puis, ce n’est pas comme si tu n’avais jamais été en contact avec eux. Pense à toutes les fois où tu as joué des rôles dans les royaumes.

    — C’est différent. Se montrer sous un déguisement alors que personne ne vous connaît n’est pas comme se présenter devant les gens sous sa vraie apparence, sa vraie personnalité. C’est comme être habillé ou nu. Puis, je n’aime pas le fait que notre secret soit dévoilé de la sorte. J’ai un mauvais pressentiment. Maintenant que ces hommes savent que les marais ne sont pas habités par des démons, ils ne nous laisseront plus jamais tranquilles et ils vont tenter de les conquérir pour nous asservir sous le règne d’un de leur putain de royaume.

    — Ne dis pas cela, dit Mylène. Les rois du désert ne vous ont jamais causé de problèmes et Ferral et Arthax sont des alliés…

    Tilka secoua la tête et continua :

    — En temps de guerre, les humains s’unissent, mais dès qu’elle se termine, il ne se passe pas beaucoup d’années qu’ils reviennent à leurs querelles et à leur quête de pouvoir. Non, Mylène, je n’ai peut-être pas vécu parmi eux, mais je connais leur histoire. Demande à Eldébäne si j’ai raison.

    Elle se tourna vers le magicien, qui détourna les yeux, ne pouvant nier l’affirmation de la guerrière.

    — Tu vois ? Je n’ai aucune envie de rencontrer ces hommes des royaumes.

    Mylène soupira.

    — Les hommes des royaumes ne sont pas tous pareils. Regarde Eldébäne, c’est ton ami.

    — Eldébäne est différent, répliqua Tilka.

    D’un air exaspéré, le jeune magicien se tourna vers elles et s’exclama avec humeur :

    — Non, mais vous allez finir par me donner des complexes, à la fin !

    Tilka rit et lui lança une poignée de brins d’herbe.

    — De ma part, c’est un compliment, gros bêta.

    Il tenta de garder un air outragé, mais un sourire se glissa à la commissure de ses lèvres.

    — Changeons de sujet, continua-t-elle. Alors, Mylène, tu as fait de nouveaux progrès ? Si cela est possible… ajouta la chasseresse, sur un ton plus bas.

    — Montre-nous un sortilège, demanda Lilas avec enthousiasme, en se tournant vers eux.

    — Eh bien…

    Mylène hésita et questionna Eldébäne du regard.

    — Je ne sais pas si…

    Celui-ci haussa les épaules.

    — Juste un petit sort alors, consentit-elle.

    La jeune femme se redressa et s’assit sur ses talons. Levant la tête vers le ciel, elle ramena ses mains devant elle pour les joindre. Eldébäne sourit : ce geste laissait croire qu’elle priait alors qu’il lui avait souvent expliqué, ainsi qu’Arkiel, que les mouvements du corps n’étaient pas nécessaires aux mouvements de la psyché. Mais Mylène aimait croire que sa puissance lui venait d’un être supérieur, divin.

    Elle ferma les yeux et son visage s’emplit de sérénité. Ses paupières se soulevèrent doucement alors qu’un vent frais venait gonfler ses doux cheveux blonds. Lilas et Tilka la fixaient avec intérêt, alors qu’Eldébäne se préparait mentalement à intervenir si la sorcière perdait le contrôle de l’élément qu’elle appelait. Le souffle du vent souleva plusieurs petites branches, feuilles et fleurs des fourrés et les fit tournoyer dans une danse frénétique devant eux.

    Lilas éclata de rire et tenta de saisir une branche qui effectuait de larges arabesques.

    — Peux-tu soulever des objets plus lourds ? demanda-­t-elle en fixant les dessins que formaient les fleurs et les feuilles dans l’air.

    Le vent s’intensifia et de petits cailloux vinrent se joindre à la danse. Une fine ridule apparut sur le front de Mylène et la hache d’armes de Tilka se décolla lentement du sol. La chasseresse fronça les sourcils et fixa son arme qui se redressait à la verticale et s’élevait dans les airs. Les objets se mirent à tourner autour d’elle en orbite de feuilles et de fleurs multicolores. La hache d’armes fit un tour sur elle-même, puis un deuxième, puis un troisième, de plus en plus vite. Le tourbillon d’air s’accentua et, brusquement, se déchaîna dans la clairière comme s’il venait de briser la barrière magique qui le retenait prisonnier.

    Eldébäne se redressa et envoya la hache au sol avant qu’elle ne blesse quelqu’un. Le manche s’enfonça à demi par la force de son tournoiement, puis Lilas et Tilka furent plaquées sur le dos par la bourrasque. Malek et Éli sentirent le vent les propulser et ils n’eurent que le temps de lâcher leurs armes pour ne pas s’embrocher. Poussés par le vent, ils reculèrent et finirent par tomber durement. Le vent se dissipa alors aussi rapidement qu’il s’était déchaîné, comme s’il avait eu sa vengeance sur ceux qui avaient osé tenter de le contraindre.

    — Ça va ? demanda Malek en se tournant vers Éli, couchée sur le ventre.

    Celle-ci se souleva et le regarda à travers ses mèches de cheveux noirs.

    — Oui, grommela-t-elle. Et toi ?

    Il hocha la tête et se redressa. D’un bond, Éli se leva et se tourna vers la sorcière, le visage en feu. Baissant les yeux d’un air coupable, Mylène dit d’une voix sourde :

    — Je suis désolée.

    Éli soupira et contint sa colère. D’un geste sec, elle ramassa son arme et s’approcha d’eux.

    — Tu n’es pas censé la surveiller ? dit-elle à Eldébäne, qui regardait Mylène avec un certain étonnement.

    — Nous aurions pu nous tuer ! s’exclama Malek, furieux.

    Mylène alla s’asseoir, consternée. Lilas se tourna vers Malek et déclara sournoisement :

    — Tu aurais alors eu l’occasion de nous montrer tes pouvoirs de guérisseur.

    Le guerrier lui lança un regard mauvais en récupérant son épée, tandis que des rires étouffés provenaient des filles. Eldébäne soupira en secouant la tête et lança un regard ennuyé à Lilas, qui ne cessait de contrarier le jeune homme.

    Malek semblait bien décidé à ne pas accepter ses compétences. Lorsque les eldéïrs avaient commencé leur enseignement, Eldébäne avait été surpris de voir la facilité avec laquelle le grand guerrier maîtrisait la flore, alors qu’il était presque incapable de soulever un simple caillou ou de faire jaillir la moindre flamme. Il avait bien tenté de l’aider à se concentrer adéquatement, mais le guerrier, trop orgueilleux, déclarait qu’il n’avait pas besoin de lui.

    Eldébäne en avait parlé aux eldéïrs, mais ces derniers lui avaient suggéré de laisser Malek découvrir par lui-même d’où lui venait cette force. Arkiel les avait approuvés, ne laissant à Eldébäne d’autre choix que d’observer le guerrier de loin.

    Trois semaines s’étaient écoulées avant qu’il ne découvre le secret de Malek. Le guerrier n’osait pas en parler ou ne le souhaitait peut-être tout simplement pas, mais le Créateur en avait décidé autrement.

    C’est lors d’une promenade dans le bois qu’il le découvrit. Murièno, le jeune eldéïr qui les avait conduits au village lors de la première journée, était parti dans les bois avec les trois pour leur montrer certaines plantes médicinales. Tandis qu’ils prenaient une pause, Mylène s’était éloignée pour observer un oiseau au plumage multicolore. Elle avait grimpé à l’arbre sans voir le serpent qui s’y reposait et Murièno n’avait eu que le temps de tirer le reptile en bas de l’arbre. Le crotale, aussi rapide que l’éclair, avait planté ses crocs venimeux dans le bras de l’eldéïr. Il leur avait dit dans un souffle comment revenir, car il ne survivrait pas jusqu’au village.

    Eldébäne s’était levé pour trouver dans ses bourses un remède, mais Malek l’avait repoussé et s’était agenouillé près de l’eldéïr d’un air solennel. Il avait pris le bras mordu et avait inspiré profondément en scrutant le corps du blessé. Eldébäne avait alors senti dans les éléments une puissante vibration, comme il en avait rarement perçu. Le visage de Malek s’était crispé, puis un liquide brunâtre s’était écoulé de la blessure. Eldébäne avait fixé le corps tandis que celui-ci se vidait du poison qui, quelques secondes avant, allait le tuer.

    L’eldéïr avait ouvert les yeux avant de s’asseoir en regardant autour de lui sans comprendre. Il avait ensuite porté son regard sur Malek qui s’était reculé, mais restait agenouillé, trop épuisé pour se relever, le front couvert de sueur.

    — Tu m’as sauvé la vie, lui avait dit Murièno. J’ignorais que tu étais guérisseur.

    Malek avait grogné un assentiment, puis s’était levé avec difficulté, en se retenant aux troncs des arbres. Sans dire un mot, il était reparti vers le village. Arkiel ne s’en était pas montré surpris et bien entendu, Thellïanessor le savait.

    Ils avaient expliqué au guerrier que le pouvoir de guérison était l’un des plus rares et des plus puissants de la sorcellerie. Il était considéré comme le don de la vie. C’était ce qui lui permettait de manier les plantes à son bon plaisir. Mais comme le jeune homme était un bagarreur, il avait refusé cette perspective dès son enfance et s’était tourné vers les armes, ignorant la force qui l’habitait.

    Depuis combien de temps Malek connaissait-il son pouvoir ? Arkiel lui-même l’ignorait. Et personne n’avait pu le découvrir, car après l’incident du serpent, le guerrier avait refusé d’en reparler. Par contre, tous les eldéïrs du village lui témoignaient depuis lors un immense respect auquel Malek tentait d’échapper en se cloîtrant dans la bibliothèque.

    Eldébäne comprenait combien il devait lui être difficile d’accepter qu’eux puissent provoquer des tempêtes et lancer des boules de feu, alors que lui faisait pousser des plantes et soignait les maux.

    Ses pensées revinrent au moment présent et le magicien dit :

    — Vous avez tort de rire. Les sorts de la vie sont les plus importants et les plus puissants de la création.

    — Et toi, tu as tort de le défendre, répliqua Mylène. Avec la façon dont il te traite constamment.

    Le jeune magicien haussa les épaules. Il n’avait jamais été un partisan de l’expression « œil pour œil, dent pour dent ». Il gardait rarement de rancœur contre les gens. Il leva les yeux pour croiser le regard sombre de Malek. Il ne s’attendait certes pas à des remerciements et encore moins au sourire en coin que lui glissa le guerrier. Eldébäne haussa un sourcil, mais Malek s’était déjà retourné pour prendre ses vêtements.

    — Alors, Tilka, dit celui-ci d’un ton ironique en enfilant sa tunique et sa ceinture. Prête à rencontrer les monstres des royaumes ?

    La chasseresse souleva un coin de lèvre en lâchant un hoquet méprisant et Éli répliqua en souriant :

    — S’ils étaient tous comme toi, elle aurait peut-être à s’inquiéter. Mais, heureusement, rares sont ceux qui sont aussi antipathiques.

    Ils éclatèrent de rire, sauf l’antipathique qui s’efforçait avec peine de ne pas sourire. Il alla s’asseoir face à la rouquine et prit la hache qu’elle avait sortie du sol. Il la fit tourner dans ses mains et, comme les fois précédentes, s’étonna de son poids. Il déclara en observant la chasseresse :

    — Éli a raison, les hommes des royaumes n’ont pas tous un caractère aussi mauvais que le mien. Et de toute façon, quiconque voyant une femme porter une telle arme ne peut que lui montrer du respect. Enfin, s’il aime la vie.

    — C’est certain, ajouta Lilas. Je n’arrête pas de le lui répéter, mais elle se renferme quand même. Une vraie tête de mule.

    — Qui se ressemble s’assemble, affirma Malek en lançant un regard narquois à Éli, qui leva le nez, indignée.

    — Tout à fait exact, l’appuya Lilas en le fixant avec un immense sourire.

    Malek plissa les yeux, mais Mylène demanda :

    — Et où est notre jeune ami ?

    — C’est vrai, ajouta Eldébäne à l’intention d’Éli. Habituellement, il reste près de toi.

    Éli poussa un profond soupir.

    — Je lui ai dit que vous veniez, mais il vient d’apprendre qu’il peut créer de la glace et il voulait absolument réussir afin de vous le montrer.

    Eldébäne déclara :

    — Je ne crois pas qu’il soit de cette catégorie.

    — Essaie de le raisonner si tu le peux, répliqua Éli en lui lançant un regard découragé.

    Relevant la tête, elle ajouta :

    — Il arrive, justement.

    Ils regardèrent autour d’eux et entendirent bientôt que l’on piétinait les buissons. Le sol se mit à vibrer et une ombre apparut dans la forêt. Il avançait avec la rapidité du félin, malgré ses membres en formation qui brimaient son agilité. Sa taille était celle d’un ours et sa musculature dépassait déjà de beaucoup celle des autres habitants de la forêt.

    Un vent de crainte souffla sur le groupe, comme chaque fois que le dragon venait les voir. Pourtant, ils le connaissaient bien et il les considérait tous comme ses amis, mais un « si » persistait dans leur esprit. Il représentait une telle puissance, même encore jeune, que s’il avait décidé de se retourner contre eux il aurait pu les tuer sans grande peine. Les légendes disaient qu’adulte, sa seule vue pouvait terrasser un homme. Il n’y avait qu’Éli qui ne le craignait pas un instant et qui s’amusait constamment à le taquiner.

    Malek ne fut donc pas le seul à se redresser légèrement en voyant la silhouette verte apparaître au fond de la clairière. À chaque pas, l’ondulation des muscles puissants sous les écailles vert forêt faisait naître sur les membres de l’animal des reflets émeraude. Sous ses pattes aux longs doigts se formaient de profonds sillons creusés dans le sol par ses griffes acérées. Son immense mais courte queue fouettait l’air, au rythme de sa course.

    Le petit dragon voulut s’arrêter devant eux, mais ses pattes s’emmêlèrent et il tomba lourdement sur le flan, après les avoir dépassés dans un grand nuage de poussière. Pour ralentir, il étendit ses deux ailes jusque-là repliées sur son dos. Malek leva la main et un mur de vignes arrêta en douceur la chute de l’animal. Éli, qui secouait la tête d’un air désespéré, se leva aussi et se dirigea vers son ami, qui n’était plus qu’un tas d’ailes et d’écailles. Soulevant un pan de l’aile membraneuse, elle demanda :

    — Est-ce que ça va, là-dessous ?

    La masse écailleuse bougea et une tête apparut. Il regarda les vignes reprendre leurs places originales et se tourna vers Malek.

    Sa tête de jeunot était encore trop large pour son cou et son nez commençait à peine à s’allonger. Ses deux petits naseaux frémirent et il éternua dans un nuage de poussière en laissant apparaître sa langue et ses crocs pointus. Il se gratta le nez de la patte et se releva en s’ébrouant. Puis il se tourna vers Éli qui, les poings sur les hanches, le fixait, et marmonna avec gêne :

    — Je vais bien. Merci Malek, ajouta-t-il en roulant fortement le « r

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