Des demoiselles d’honneur en folie
By Sarah Webb
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Sarah Webb
Sarah Webb worked as a children's bookseller for many years before becoming a full-time writer. Writing is her dream job as she can travel, read magazines and books, watch movies, and quiz her friends and family – all in the name of research. She is the author of nine novels, the most recent being Anything for Love and The Loving Kind. She also writes the Ask Amy Green series for young teenagers, and her books have been published in many different countries including Italy, Poland, Indonesia and the United States. Sarah lives in Dublin with her partner and young family. Find out more and read Sarah’s Yours in Writing Blog at www.sarahwebb.ie Or connect with Sarah on Facebook www.facebook.com/sarahwebbauthor or Twitter @sarahwebbishere
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Des demoiselles d’honneur en folie - Sarah Webb
Éloges de Amy Green répond à vos questions Oh, les garçons !
« Une lecture drôle et amusante. » (Cathy Cassidy)
« Incroyablement drôle, ce roman vous offre une lecture fantastique. Cinq sur cinq. » (Mizz)
« Un livre amusant, vivant et qui donne à réfléchir. » (Scotsman)
« Idéal pour les jeunes lectrices qui aiment Jacqueline Wilson et Judi Curtin. » (Woman’s Way)
Secrets d’été
« Un livre hilarant. » (RTÉ Radio)
« Une histoire pleine de petits amis, d’amourettes, de parents et de secrets. Ce livre plaira à toutes les adolescentes. » (Kiss Magazine)
« Les lectrices de 10 ans et plus vont adorer les aventures estivales d’Amy et attendront avec impatience l’épisode suivant de la série (tout en souhaitant avoir une tante comme Clover). » (Inis Magazine)
155540.jpgCopyright © 2010 Sarah Webb
Titre original anglais : Ask Amy Green : Bridesmaid blitz
Copyright © 2016 Éditions AdA Inc. pour la traduction française
Cette publication est publiée en accord avec Walker Books Ltd, London, UK
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Traduction : Sébastien Arviset (CPRL)
Révision linguistique : Féminin pluriel
Correction d’épreuves : Nancy Coulombe
Conception de la couverture : Matthieu Fortin, Mathieu C. Dandurand
Illustration de la couverture : © Walker Books Ltd
Mise en pages : Matthieu Fortin
ISBN papier 978-2-89767-408-3
ISBN PDF numérique 978-2-89767-409-0
ISBN ePub 978-2-89767-410-6
Première impression : 2016
Dépôt légal : 2016
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque Nationale du Canada
Éditions AdA Inc.
1385, boul. Lionel-Boulet
Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7
Téléphone : 450-929-0296
Télécopieur : 450-929-0220
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Imprimé au Canada
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Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.
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Diffusion
Canada : Éditions AdA Inc.
France : D.G. Diffusion
Z.I. des Bogues
31750 Escalquens — France
Téléphone : 05.61.00.09.99
Suisse : Transat — 23.42.77.40
Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99
Elle a mis mon nom en premier — super !
Conversion au format ePub par:
Lab Urbainwww.laburbain.com
Pour Liz Morris, qui m’a tant appris sur le monde et sur ce qu’une personne peut faire pour que les choses changent.
Une véritable inspiration.
Bonjour, ou plutôt Salut¹,
Bienvenue à bord Des demoiselles d’honneur en folie. Tu es sur le point de partager les aventures d’Amy et de Clover dans l’une des villes les plus magiques au monde : Paris.
Quand j’étais étudiante, j’ai travaillé chez McDonald à Paris, à faire des frites et à garnir des hamburgers (très excitant !), et pendant mon séjour, j’ai appris à aimer cette ville, avec son architecture magnifique, ses galeries d’art incroyables, ses boulangeries et leurs délicieux pains qui sentent la levure.
J’y suis retournée l’an dernier — c’était un cadeau d’anniversaire spécial — et j’ai résidé dans un joli petit hôtel à Montmartre. Tout comme Amy, j’ai visité le centre Pompidou, affronté la foule pour rendre hommage à la Joconde au Louvre et je suis restée assise à la terrasse des cafés à regarder les gens, l’une de mes activités préférées. De nouveau, je suis tombée follement amoureuse de cette ville.
Si jamais un jour, tu as l’occasion de visiter Paris, fonce ! Je sais que tu adoreras. Pour des photos de mon anniversaire, de mon séjour, et savoir ce que j’aime faire et voir dans cette ville, rends-toi sur mon site : www.askamygreen.com.
À bientôt²,
Bisous
1. N.d.T. : En français dans le texte.
2. N.d.T. : En français dans le texte.
Chapitre 1
— Je suis tellllement déprimée, me lamenté-je. Je n’arrive pas à croire que la rentrée, c’est demain. Tue-moi tout de suite.
Je saisis le fer à défriser de Mills, ma meilleure amie, et fais semblant de me l’enfoncer en plein cœur.
— Toi, poignard chéri !... laisse-moi mourir³.
Puis, je chancelle vers l’arrière, tombe sur son lit et écrase Mills contre son édredon aux motifs étoilés.
— Aïe, Amy, ôte-toi de moi, espèce de gourde, crie-t-elle. Et arrête avec Shakespeare. Inutile de me faire penser au cours d’anglais, merci bien.
Je ris tout en roulant sur le côté. Nous sommes maintenant allongées sur le dos, toutes les deux, les yeux rivés au plafond, où quelque chose a été collé. C’est une photo. Je plisse les yeux avant de sourire. Du plafond, le visage bronzé d’Ed Whooley nous sourit.
— Jolie photo, lui dis-je.
Ed, c’est le copain de Mills. Il est mignon comme tout. Mais il y a un pépin plutôt énorme dans leur relation : il vit aux États-Unis. Ils sont sortis ensemble pendant les vacances d’été, quand Mills travaillait au pair à Miami, où il habite. Depuis, ils s’envoient des courriels sentimentaux.
De plus, Ed est le petit frère de Matt Munroe (ouais, Matt Munroe lui-même, cet acteur à côté de qui R-Patz a l’air hideux). Ma tante Clover, qui est complètement folle, a dû l’interroger pour le magazine pour lequel elle travaille, Potins ! Et devinez qui a eu l’occasion de se rendre aux Ét-onnants-Unis avec elle ? Eh oui, vous avez deviné, c’est moi⁴.
Il s’est avéré que Matt Munroe prétendait seulement être américain, alors qu’il est en réalité cent pour cent irlandais. C’est Clover qui a obtenu cette primeur pour Potins ! Nous avons vécu tout un séjour !
Mais lorsque je mentionne la photo, Mills rougit.
— Tu n’étais pas censée la voir.
— Comment va Ed le Bipède ? lui demandé-je en pouffant.
— Bien, me répond-elle avant de rester silencieuse un long moment. Je pense. Je n’ai pas eu de ses nouvelles de toute la semaine. Je lui ai envoyé huit courriels, je l’ai appelé sur son cellulaire, mais il n’a pas répondu. Alors, j’ai téléphoné deux fois chez lui, mais selon son père, il était sorti. Il ne m’a toujours pas rappelée. Ma mère va faire une crise quand elle va voir la facture de téléphone. Peut-être qu’il n’a pas reçu ses messages et qu’il y a quelque chose qui ne marche pas avec Hotmail. Devrais-je lui en envoyer un autre ?
— Seulement si tu veux qu’il pense vraiment que tu le harcèles, lui dis-je en grimaçant. Désolée, Mills, mais ça ne me dit rien de bon.
— Il est peut-être seulement vraiment occupé, suggère-t-elle, pleine d’espoir.
Pauvre Mills. Ed est son premier véritable copain. Je dois donc procéder tout en douceur.
— Peut-être, mais je pense tout de même que tu devrais attendre quelques jours, pour voir s’il te répond.
— C’est difficile, les relations, reprend-elle en poussant un profond soupir.
— En effet, amiga⁵. Seth aussi se conduit bizarrement, ces temps-ci.
— Au moins, vous habitez dans le même fuseau horaire, puis tu vas le voir demain à l’école.
— Inutile de me le rappeler, grogné-je.
À ces mots, les yeux de Mills s’écarquillent.
— Je pensais que c’était le graaand amour. Il ne te t’intéresse plus ?
— Bien sûr que oui. Lui et moi, c’est fantastique, affirmé-je, avant d’ajouter avec un accent irlandais théâtral : incontestablement, Seth est ma raison de vivre, mon acushla⁶.
J’évoque en pensée le visage de mon copain : son sourire chaleureux, ses cheveux blonds de surfeur tout décoiffés, l’arête de son nez pleine de taches de rousseur, ses incroyables yeux bleu ciel.
— C’est l’école qui me faisait grogner. À propos, c’est pour quand le séjour à Paris ?
— Dans deux semaines. J’ai tellement hâte, dit-elle d’une voix perçante avant de serrer les bras autour de son torse, tout excitée.
Mais en voyant mon visage crispé, elle s’arrête.
— Désolée, Amy. J’aimerais tellement que tu puisses venir, toi aussi. Sans toi, ce ne sera pas aussi bien. Seth n’est pas le seul à qui tu manqueras follement, ajoute-t-elle en se frottant la tête contre mon épaule et en faisant des bruits de chiot pleurnicheur.
— Si j’avais su qu’il y aurait un voyage, j’aurais choisi Lupy et la langue des bouffeurs de grenouilles plutôt que l’espagnol, soupiré-je, d’autant plus que ses cours ont l’air bien plus amusants.
— C’est vrai que mademoiselle Lupin fait des efforts pour nous garder éveillés, me répond Mills en riant. Le mieux, c’était le jeu de rôles sur la Semaine de la mode à Paris. On devait tous faire semblant d’être des mannequins, des couturiers ou des journalistes de mode, et jouer notre rôle. Moi, j’étais Anna Wintour, de Vogue. C’était hilarant.
Elle se tait un instant, puis son expression change.
— Jusqu’au moment où Annabelle et Sophie se sont crêpé le chignon pour savoir laquelle d’entre elles serait Kate Moss. Sophie lui a donné un coup de sac et lui a presque cassé une dent.
— Je m’en souviens, dis-je en riant, et madame Hamilton a menacé de poursuivre Lupy en justice pour avoir mis en danger le sourire parfait de sa fille.
Annabelle Hamilton, c’est la reine des D4 (les méchantes filles de l’école). Elles ont reçu ce surnom d’après le code postal de l’un des quartiers les plus élégants de Dublin : Dublin 4. Toutefois, aucune d’elles n’y habite en réalité, à l’exception d’Annabelle elle-même ; ses demoiselles de compagnie, Sophie Piggott et Nina Pickering habitent respectivement à Foxrock et Cabinteely, ce qui ne les empêche pas de se comporter comme si elles étaient supérieures à tout le monde et tellement plus charmantes.
Mills fait la grimace.
— Je n’ai pas hâte de revoir Annabelle et ses servantes. Je parie que les D4 ont toutes des uniformes flambant neufs, alors que moi, je vais encore devoir porter mes vêtements de l’an dernier et les ballerines égratignées que j’ai mises tout l’été. Je vais avoir droit aux pires insultes. Je sais aussi qu’elles vont de nouveau m’appeler Annie, la petite orpheline. Annabelle aura forcément les chaussures griffées à la mode, cet automne.
— Forcément, lui dis-je, mais il reste toujours le sabotage. Je vais t’aider à arracher les semelles de tes chaussures. Comme ça, il t’en faudra de nouvelles.
— Ça ne marcherait pas, me répond Mills en soupirant, ma mère les ferait tout simplement réparer. Tu sais à quel point elle respecte l’environnement, elle est probablement la seule personne dans tout l’univers qui reprise toujours les chaussettes. Non, je devrai tout simplement m’y faire.
— Si ça peut te consoler, moi, je porterai mes vieilles Dubarry. On sera les pauvres jumelles mal chaussées. Très⁷ déprimant.
Nous soupirons toutes les deux et nous remettons à regarder Ed.
— Amy, que vais-je faire au sujet d’Ed ? me demande doucement Mills.
— Je vais en parler à Clover.
Clover a 17 ans et elle est super expérimentée. J’imagine qu’il vaut mieux que la mauvaise nouvelle vienne de Clover que de moi. De toute manière, quand il s’agit de trouver une solution à un problème, Clover est fantastique. En tant que chroniqueuse du courrier du cœur pour Potins !, elle a de nombreuses occasions de s’exercer et elle adore répondre aux lettres pleines de problèmes des lectrices. Elle me demande de l’aider parfois. Ces derniers temps, mon nom a été publié dans les pages du magazine, et tout et tout. Ce n’est pas génial, ça ?
Donc, si quelqu’un peut l’aider, c’est bien Clover.
— Merci, me répond Mills en souriant, mais ne lui dis pas que c’est moi, d’accord ? C’est tellement embarrassant.
— C’est promis.
Malheureusement, Clover est tellement intelligente qu’elle s’en rendra probablement compte, en l’espace d’une nanoseconde.
Je regarde ma montre.
— Oups, il vaut mieux que je parte ; ma mère a menacé de me punir toute l’année, si je n’étais pas de retour à 20 h. Et je suis déjà en retard.
— Notre dernier soir de liberté avant notre ruiiine, se plaint Mills en se prenant le cou et en faisant semblant de s’étrangler. Bon, je suppose qu’on se retrouve à la boîte aux lettres, à l’heure habituelle.
— C’est noté, chérie, rétorqué-je en lui faisant un clin d’œil.
3. N.d.T. : Réplique tirée de Roméo et Juliette, acte V, scène III, traduction de Pierre-Jean Jouve et de Georges Pitoëff, La Pléiade, Paris, Gallimard, 1959 (1938).
4. N.d.T. : En français dans le texte original.
5. N.d.T. : Ce mot espagnol signifie « amie ».
6. N.d.T. : Ce mot irlandais signifie « chéri ».
7. N.d.T. : En français dans le texte original.
Chapitre 2
Je me dirige vers la maison au pas de course. Mills et moi habitons le même lotissement, Sycamore Park, à Glenageary. Nous sommes amies depuis que nous avons l’âge de nous échanger nos poupées Barbie. Elle habite le numéro 15 (et nous le 21) ; aussi, tous les jours nous nous retrouvons à la boîte aux lettres verte devant la maison de Mills pour faire ensemble le trajet en train. Ma mère n’arrive pas à comprendre pourquoi nous avons besoin de passer tant de temps ensemble, comme des sœurs siamoises, dit-elle. Je suppose que c’est parce qu’elle a presque 40 ans et qu’elle n’a plus le sens des priorités.
La Mercedes de mon père est garée devant la maison, mais je ne suis pas d’humeur pour un autre de ses discours de motivation sur le fait que « la deuxième année du secondaire est la base pour les examens du premier cycle⁸ », alors « il ne faut pas se la couler douce » et « il faut prendre cette année au sérieux » — blablabla. J’ai donc l’intention de me faufiler dans la maison et de monter sans me faire remarquer, mais ma mère me surprend dans l’entrée.
— Quelle heure est-il, à ton avis, jeune fille ? me demande-t-elle avec colère.
— Vingt heures ?
— Vingt heures vingt, me répond-elle en tapotant le cadran de sa montre. Et ton père t’attend dans la cuisine.
Alex, mon petit frère, apparaît au sommet de l’escalier dans son pyjama de Thomas le petit train, les joues roses et brillantes après son bain. Ses cheveux blonds sont dressés et échevelés, comme un pissenlit. Il a l’air tout fier de lui. Même s’il n’aura que deux ans en octobre, il aime se faire sécher les cheveux la tête à l’envers.
— Retourne te coucher, vilain garnement, lui ordonne ma mère d’une voix sifflante.
Mais il éclate de rire comme un petit fou, avant de détaler.
— Il a intérêt à ne pas réveiller Evie, dit ma mère sombrement. Je te jure qu’un jour, je vais mettre des barreaux au-dessus de son lit. C’est un vrai David Blaine miniature. (Evie, c’est ma petite sœur, et elle est impossible à rendormir.)
— Dave n’est jamais là quand j’ai besoin de lui, poursuit alors ma mère avec l’un de ses soupirs théâtraux.
Dave vit avec nous. C’est le copain de ma mère, son fiancé plutôt… Il l’a demandée en mariage récemment sur une plage de Cork. En fait, pour des vieux, c’était plutôt romantique.
— Il travaille ? demandé-je tout en regrettant immédiatement de l’avoir fait.
Oups. Il faut que j’apprenne à fermer ma bouche. C’est parti pour les jérémiades de ma mère.
— Comme toujours, me répond-elle en levant les yeux au ciel, alors qu’il devrait être ici, en train de m’aider avec les petits. Mais quand il n’est pas caché quelque part pour travailler à ces ridicules chansons, il est dans ce stupide hôpital à s’occuper de gens qu’il ne connaît même pas.
Avant d’avoir les bébés avec ma mère, Dave était compositeur-interprète. En dehors de son travail d’infirmier à l’hôpital St Vincent, il travaille à une sélection de comptines rock, avec un personnage jaune plein de plumes qui s’appelle Dinoduck, moitié dinosaure, moitié canard. Je ne plaisante pas !
Ma mère repousse de son visage une mèche de cheveux qui s’est échappée de sa queue de cheval. Les cernes sous ses yeux ont la couleur de contusions toutes fraîches. Pauvre maman… Elle a l’air épuisée.
— Je pense que c’est ce que les infirmiers sont censés faire : s’occuper des gens, dis-je doucement, en sentant qu’elle est quelque peu fragile, ce soir. C’est leur travail.
Elle se frotte les orbites des yeux avec ses jointures, ce qui a pour effet d’étaler son mascara.
— Excuse-moi, Amy, la journée a été longue. En ce moment, Alex est épuisant, et Clover n’arrête pas de m’ennuyer avec les préparatifs de mariage.
— Elle essaye seulement de t’aider.
— Je sais, mais j’ai déjà assez de soucis, et on a tout le temps pour s’en faire au sujet des décorations de table et des gâteaux de mariage.
— Si vous vous mariez toujours à la Saint-Sylvestre, il ne vous reste que quatre mois, souligné-je.
Elle a l’air horrifiée.
— Quatre mois ? En es-tu sûre ?
— Ouaip. Mercredi, on est le 1er septembre.
Ma mère se met les mains sur le visage et commence à gémir.
Je réfléchis alors un instant avant de lui dire :
— Je t’ai enregistré Dre Grey, leçons d’anatomie. Pourquoi ne vas-tu pas le regarder ? Une tasse de thé, ça te ferait du bien ?
Elle retire les mains de son visage et commence un peu à se requinquer.
— Non, mais de beaux médecins et un grand verre de vin, peut-être que oui. Je ne me suis pas assise de la journée.
Au moment où j’entre dans la cuisine pour y chercher le vin de ma mère, mon père est accroupi en train de fouiller dans les armoires. Ma mère déteste quand il fait cela, car elle dit qu’il n’est plus chez lui depuis des années et que c’est une violation de sa vie privée. Mais je pense qu’elle a seulement honte de l’état de ses armoires. La nouvelle femme de mon père, Shelly, garde leur maison immaculée, il n’y a pas la moindre miette de biscuit qui n’est à sa place. Des tapis blancs, des canapés blancs, des murs blancs, avec des touches de gris argenté (pour elle, apparemment, c’est la couleur complémentaire, peu importe ce que cela signifie), c’est comme habiter une maison-témoin.
— Fais comme chez toi, lui dis-je sèchement.
Il se relève rapidement, l’air un peu coupable.
— Oh, bonsoir, Amy. J’étais à la recherche de chocolat. Ma glycémie est instable.
Mon père n’a aucun problème de glycémie. Ce qu’il veut dire, en réalité, c’est : « À l’aide, je suis accroc au chocolat et j’ai besoin de ma dose. » Heureusement, Dave aussi aime le sucre, c’est sans doute leur seul point commun, à part ma mère, évidemment. Je pose donc le doigt sur le verrou à l’épreuve des enfants pour ouvrir le tiroir privé de Dave et lui donner une barre Mars.
— Merci.
Il s’assied à la table de la cuisine et se met à la tremper dans sa tasse de thé, ce qui rend le chocolat tout gluant. Beurk.
Je verse un grand verre de vin de la bouteille qui était dans le réfrigérateur.
— Papa, je reviens dans un instant.
— Tu as intérêt à ce que ce soit pour ta mère, jeune fille, m’avertit-il en me regardant d’un air faussement sérieux.
— Oui, c’est pour elle. Moi, je suis plutôt mojito, dis-je en plaisantant.
Le mojito est le cocktail préféré de Clover. C’est un mélange de rhum blanc, de lime et de menthe. Même si elle ne boit pas beaucoup (elle aime rester en maîtrise d’elle et dit que c’est déjà assez difficile de s’y retrouver dans la vie, sans en plus s’émousser les sens), elle est la championne de la préparation des cocktails et s’attribue le rôle de serveuse de bar en chef lors des fêtes de papi. Papi, c’est le père de Clover, et mon grand-père, mais on l’appelle tous papi.
Mon père rit, un peu mal à l’aise. Je pense qu’il me voit toujours comme une petite fille qui ne connaît que les boissons fruitées pétillantes.
Une fois que ma mère est installée sur le canapé, son verre à la main, en train de soupirer à cause de la vie amoureuse si compliquée de la docteure Meredith Grey, je retourne dans la cuisine.
Mon père est toujours en train de tremper et de mastiquer son chocolat. Mon Dieu, comme cet homme peut dévorer une barre Mars ; elle a presque complètement disparu. S’essuyant les traces de chocolat sur les commissures des lèvres, il lève la tête et me sourit.
— J’ai un cadeau pour toi.
Il prend un sac Champion Sports sur le sol et me le tend.
— Je voulais t’offrir quelque chose, pour la rentrée. J’espère que c’est la bonne taille.
En poussant un petit cri, je sors du sac un pantalon de yoga bleu marine. Il est tellement mieux que mon affreuse jupe de gym à plis, qui a l’air d’un abat-jour démodé. Mais quand j’ai demandé un pantalon à ma mère, elle m’a donné un billet de 10 euros en me disant de m’acheter un pantalon de gym chez Penny. Je me suis donc contentée de soupirer et de lui rendre immédiatement son argent, ce qui m’a valu le discours habituel sur le fait que « l’argent ne pousse pas dans les arbres ».
— Merci, papa, lui dis-je en tenant le pantalon contre moi et en souriant.
— Sylvie m’a dit que tu en voulais un, reprend-il en mâchant son dernier morceau de chocolat avant d’avaler et de poursuivre :
— Es-tu prête pour l’école ?
Je remets le pantalon de yoga dans le sac et le suspends à une chaise.
— À peu près. Mais parlons d’autre chose, c’est trop déprimant. Comment va la Cloque ? (Shelly est enceinte, et je viens tout juste d’accepter le fait d’avoir un autre gamin comme frère ou sœur.)
— Le bébé ne cesse de donner des coups de pied, à tel point que Shelly a du mal à dormir. Ça la rend un peu grognonne. Vivement octobre.
Je suis sur le point de répondre « Hé, elle est tout le temps grincheuse, papa », mais je tourne ma langue sept fois avant de parler, car ces temps-ci, j’essaie d’être plus gentille avec la nouvelle femme de mon père, en raison du bébé.
— Est-ce que tu préférerais