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Avec ou sans toi
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Ebook395 pages9 hours

Avec ou sans toi

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About this ebook

Voici une aventure initiatique inhabituelle.

Il s'agit d'une comédie romantique mettant face à face deux jeunes femmes qui ne se connaissaient pas et qui doivent, par la force des choses, apprendre à s'apprécier au-delà des apparences et des événements extérieurs pas toujours agréables à vivre.

Leur intention focalisée va les aider à dépasser les nombreux obstacles, intérieurs et extérieurs, et à trouver la voie de la compréhension et de l'appréciation.

LanguageFrançais
Release dateNov 9, 2020
ISBN9781386735489
Avec ou sans toi

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    Avec ou sans toi - Marcelle della Faille

    Tous les visages du monde sont des miroirs

    Quel type de reflet voyez-vous

    dans le visage des personnes que vous rencontrez ?

    C'était une journée rayonnante sous le soleil de la Riviera, même si la triste circonstance ne réjouissait personne. Le prêtre s’évertuait à prononcer un discours magistral sur « ce grand personnage qu’était Monsieur Jacobson... »

    « ...une personnalité haute en couleurs et fière de sa lignée, qui procurait beaucoup de joie et de plaisir aux personnes de son entourage. Je pense à ses deux magnifiques filles, ravies d'avoir eu ce grand Monsieur comme père... »

    « Deux filles ? » cria Ayita en s'arrêtant de pleurer aux mots que le prêtre venait de prononcer.

    L’assemblée la vit se lever et regarder rapidement autour d’elle pour scruter la réaction des amis et autres membres de la famille. Tout le monde paraissait calme et pensif, sauf une jeune femme assise à la dernière rangée qui semblait tout aussi surprise qu’Ayita. Elles se voyaient toutes deux comme dans un miroir.

    Le visage blême de la jeune femme sous son large chapeau noir donnait l’impression qu’elle venait de voir un fantôme. Habillée tout de noir, elle était élégante et chic. Ayita de son côté paraissait négligée dans le tailleur-pantalon usé qu'elle avait emprunté à l’une de ses collègues pour l’occasion.

    Se rendant compte de sa maladresse, le prêtre s'éloigna du pupitre et proposa aux membres de la famille et aux amis de Monsieur Jacobson d’interrompre les funérailles pendant quelques minutes.

    Ayita regarda le prêtre, confuse, en répondant : « Depuis quand interrompez-vous les enterrements ? »

    Toujours perdue dans ses pensées, elle se dirigea lentement vers le fond de l’église en direction du dernier banc où la jeune femme bien habillée l’observait d'un air tout aussi déconcerté. Mais, à la huitième rangée, la jeune fille se prit le pied dans le tapis, tournoya sur elle-même et tomba de tout son long par terre.

    Alors qu’elle sombrait dans l’inconscience à cause du choc, la jeune dame bien habillée se pencha sur elle et murmura au prêtre :

    « C’est bon de savoir que je ne suis pas la seule à tomber de confusion. »

    L'ambulance arriva rapidement pour emmener Ayita à l'hôpital. Alors que le bruyant véhicule fonçait dans les rues de la ville, le prêtre tenait nerveusement la main de la jeune femme. Il savait qu'une fois qu'elle aurait repris conscience, il serait submergé de questions fiévreuses.

    Ayita gémit et se réveilla peu de temps avant de franchir les portes du service des urgences.

    « Monsieur le Curé, pourquoi diable tout le monde m'aurait caché cela ? »

    « Oh Ayita, il y a une raison pour tout, et je suis sûr que vous et votre sœur allez bientôt trouver les réponses que vous cherchez...  » dit le curé avec un grand sourire, alors que les portes de l'ambulance s'ouvraient et que les ambulanciers saisissaient le brancard pour transporter la jeune fille à l'intérieur de l’édifice blafard.

    1.

    Après un rapide examen physique à l’hôpital et un bref temps de repos, Ayita se retrouva noyée dans une foule de membres de famille bavards au beau milieu d’un restaurant raffiné du quartier chic. Aucun certificat médical ne lui permettait d’éviter le dîner qui suivait la cérémonie et il n'existait pas de médicament contre la maladresse. Ayita se retrouva fortuitement assise dans la grande salle, encore tout abasourdie.

    « Pourquoi cette mine dépitée, Ayita ? » demanda le prêtre tout en caressant de sa fourchette la salade insipide qui s’étalait nonchalamment sur sa coûteuse assiette.

    « Regardez-la... Coiffure parfaite, tenue parfaite, sourire parfait. C’est mon portrait tout craché ! » dit la jeune fille ironiquement. « Elle irradie quand elle entre dans la pièce, et tout le monde lui prête attention. Je parie qu’elle a un petit ami très mignon lui aussi. » marmonna-t-elle.

    « Es-tu jalouse de son apparence ou jalouse qu'elle ait grandi dans la maison de ton père ? »

    « Est-ce qu'on l'appelle Princesse ? »

    « Non, Ayita. » gloussa le curé. « Son nom est Étania, et c’est une très gentille jeune femme. Il faut que tu manges un morceau après ta chute de tout à l'heure, et ça ne peut pas te faire de mal de discuter un peu avec ta sœur tant que vous êtes ici toutes les deux. »

    « Croyez-vous que le reste de la nourriture est aussi fade que votre salade ? »

    « Probablement. » répondit le curé dans un soupir alors que son estomac grondait. « Mais, je pense qu'il y a des questions plus importantes que la qualité de cette pitance ridiculement hors de prix, n’est-ce-pas? »

    Ayita se dirigea vers le buffet sous les lumières scintillantes du restaurant. La pièce était vaste et emplie de proches parents uniquement sortis de leurs préoccupations en raison de la mort de son père. Les nappes étaient rehaussées de la plus fine lingerie et le tapis aux dessins orientaux paraissait doux comme du velours sous ses pieds. Elle glissa littéralement vers le buffet et l’élégante étrangère.

    « Je suis heureuse de voir que vous êtes ...euh que tu es arrivée jusqu'ici sans tomber ni t’assommer cette fois. » dit Étania sarcastiquement.

    Ayita se mit à fouiller avec une cuillère dans un plat de pâtes à l'aspect singulier et répondit « Ah oui, ce tapis à l'église s’est agrippé à mes chaussures. »

    « En parlant de vos ...euh de tes chaussures,  Ayita, elles sont adorables. Qui en est le styliste ? »

    « Le styliste ? J'ai emprunté ces chaussures à une de mes collègues. Je suppose que je pourrai le lui demander quand je retournerai travailler. »

    « Oh! Eh bien ta collègue a très bon goût, alors. » dit Étania en se rendant compte que sa sœur jumelle n'avait pas été aussi chanceuse qu’elle en matière d’argent et de vêtements.

    « Avez-vous...as-tu déjà rencontré Tante Hélène ? » demanda Ayita pour changer de sujet.

    « Oh oui! Quelle femme mal fagotée!  »

    « Mal fagotée ? J’aurais beaucoup plus à dire à son sujet que juste mal fagotée ! »

    Étania ricana : « J'ai entendu dire qu'elle avait renvoyé l'Oncle Charles à la maison parce qu'il mangeait trop. »

    « L'Oncle Charles pourrait engloutir tout le restaurant si personne ne l'en empêchait. L'an dernier, à l'anniversaire de Maman, le gâteau d'anniversaire avait disparu, mais il a juré qu'il n'y était pour rien ! »

    « En parlant de ‘Maman’, je suppose qu'elle ne t'a jamais parlé de moi ? » la questionna Étania d'un air perplexe.

    « Hypothèse correcte ... Je pensais que j'étais enfant unique. Maman m'a toujours dit que la carrière de papa était plus importante que leur amour et qu'il l'avait quittée juste avant ma naissance. Il l'a laissée sans un sou, sans logement et quasi rien pour prendre soin de moi. Je ne l'ai vu qu'une demi-douzaine de fois, les très rares fois où il m'a emmenée en week-end. »

    « C'est logique. » dit Étania, ses yeux s'illuminant sous le coup d'une révélation. « Papa partait quelquefois en week-end et j'ai toujours pensé qu’il avait une petite amie et qu'il ne voulait pas que je la connaisse. »

    Ayita poussa un cri lorsqu’elle sentit quelque chose lui rentrer dans le dos.

    « Oh, je suis désolée, ma chérie ! Il fallait absolument que je mette la main sur ces plats délicieux ! Nous nous serrons la ceinture à la maison avec l'Oncle Charles qui est au régime. » glapit Tante Hélène aux deux jeunes filles, en empilant cuiller de pâtes sur cuiller de pâtes dans son assiette.

    Tante Hélène attendit une seconde que l'une des jumelles dise quelque chose. Comme aucune d'elles ne répondait, elle se détourna vexée en grommelant « Quelqu'un devrait enseigner les bonnes manières à ces jeunes filles ! »

    Goûtant la nourriture qu'elle s'était servie, elle fit une grimace bien visible.

    « Beurk, c'est horrible! » s'écria-t-elle. « Où est le steak et où est le poulet ? Qui peut me donner quelque chose de convenable à manger? »

    Une jeune fille en uniforme s'approcha du buffet pour réapprovisionner les chauffe-plats sur la table.

    « Vous travaillez ici ? » aboya Tante Hélène.

    « Oui, Madame. Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ? » dit la jeune fille poliment.

    « Comment voulez-vous que je mange ça ? Je donne à mes chats de la nourriture bien meilleure que celle-là !  Avec tout l'argent qui a été dépensé pour cette fête, c'est tout ce que vous nous servez ? »

    « Madame, si vous me dites quel genre de met vous aimeriez déguster, je serais plus qu'heureuse d'aller en cuisine voir ce que nous pouvons vous proposer. »

    « Faites donc ! Et ne revenez pas avant d’avoir trouvé quelque chose de comestible ! » aboya de nouveau Tante Hélène en bousculant Ayita et Étania pour se diriger vers les toilettes.

    « Ouah! » dit Ayita en souriant. « J'ai cru qu'elle allait me passer dessus ! »

    « Elle était juste indiscrète comme d'habitude. » déclara Étania. « Tout le monde s'attend probablement à ce qu'on se dispute. Cela ne me surprend pas qu'elle ait mit son nez dans notre conversation et qu'elle ait crié sur cette pauvre fille. Elle peut faire de telles scènes parfois ! »

    « Tout le monde pense que l'on ne va pas s'entendre ? Et pourquoi donc ? »

    « Oh, Ayita » dit Étania en laissant échapper un énorme soupir. « Nous sommes très différentes et tout le monde s'attend à ce qu’une fois que tu sauras tout ce que tu es en droit de savoir, nous ne nous comporterons plus comme des amies, et encore moins comme des sœurs. »

    « Découvrir quoi ? »

    « Vivre et être élevée par Papa n'a pas toujours été facile, mais j'ai eu tout ce que je voulais. J'ai eu les plus beaux vêtements, les voitures les plus chères et j’ai étudié dans l'un des plus grands collèges. J'ai un emploi qui m’offre la sécurité dont j'ai besoin pour pouvoir vivre royalement le restant de ma vie, et toi... »

    « Moi quoi ? » demanda Ayita. « Suis-je censée être jalouse parce que tu as tout eu sur un plateau d’argent alors que je devais travailler tant et plus à faire de petits boulots pour en arriver là où je suis ? »

    « Tu ne l'es pas? » demanda Étania.

    « Peut-être un peu, mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas heureuse dans ma vie. Je suis simplement en train de traverser une mauvaise passe en ce moment. Mon petit ami a rompu avec moi. La société pour laquelle je travaillais depuis plusieurs années a mis la clé sous la porte et je viens d'emménager dans un nouvel appartement. » dit Ayita les yeux au plancher.

    « Les mecs ! » railla Étania. « Ils ne valent rien! Un gars que je voyais depuis trois ans vient de me laisser tomber pour un top modèle qui n'a même pas son bac. Nous sommes mieux sans eux, n'est-ce pas Ayita ? »

    « Je suppose que oui, mais j’aimerais tomber amoureuse d'un type qui me traite correctement. Je suis surprise que tu ne sois avec personne, Étania. J’étais sûre que tu sortais avec un bel homme. »

    « Non, je ne vois personne en ce moment et je n'ai pas fait de rencontre depuis que Monsieur Parfait m'a plaqué il y a quelques mois. Un soir, il a envoyé sa voiture me chercher, soi-disant pour dîner, et quand j'ai ouvert la portière, son chauffeur m'a informé que Monsieur ne pourrait pas venir dîner ce soir-là, ni les soirs suivants. »

    « Ouah, ça c'est dur ! »

    « N’est-ce pas? Depuis, j'ai pris un peu de temps pour moi. »

    « Il semble que nous attirions le même genre de malchance avec les hommes. » dit Ayita en réalisant que sa prestigieuse sœur jumelle n'était pas aussi différente qu'elle aurait pu le penser. Elle tourna la tête vers l'autre bout de la pièce pour voir de quelle nouvelle agitation Tante Hélène était à l'origine et quand elle se retourna, Étania avait disparu. La jeune fille sentit soudain quelque chose frôler sa cheville. Baissant les yeux, elle vit Étania tapie sous la table du buffet !

    « Mais, qu'est-ce que tu fais là-dessous ? » murmura la jeune fille.

    « Chut! Monsieur Parfait et sa nouvelle copine viennent d'entrer ! Il doit avoir entendu parler de la mort de Papa par un de ses contacts. »

    « Étania, apparemment tu es plus lisse à l'extérieur qu'à l'intérieur. » gloussa Ayita devant l'attitude puérile de sa toute nouvelle sœur jumelle.

    « Peut-être que oui ... Hé, veux-tu sortir d’ici et aller dans un endroit où il y a de vraies choses à manger ? Je connais une bonne pizzeria un peu plus loin. » dit Étania en rampant de dessous la table et en déchirant ses collants au passage.

    « Bien sûr, j'adore les pizzas ! Il faudra juste s'assurer qu'ils n'ont rien contre les collants déchirés ! » dit Ayita en riant alors qu’elles fuyaient toutes les deux le faste et l'éclat de l’entourage de feu leur père.

    « Où est ta voiture? » demanda Étania d'un ton curieux.

    « A la casse, je pense ! Elle est tombée en panne il y a quelques semaines et les réparations allaient me coûter plus que ce qu'elle valait. Aujourd’hui, mes nouveaux meilleurs amis sont les transports en commun. » sourit Ayita.

    « Pas de souci! Ma voiture est juste là et j’adore conduire. »

    Les deux jeunes filles passèrent devant une rangée de voitures avant de s’arrêter face à une voiture de sport noire flambant neuve.

    « C'est celle-là! » dit joyeusement Étania en déverrouillant les portières.

    « Ouah, Étania, quelle belle voiture ! » dit Ayita en contournant la coûteuse machine. Elle se sentit fondre en s’asseyant et passa voluptueusement sa main sur le cuir souple du siège. Elle ressentit une pointe de jalousie à l'égard d'Étania tout en estimant qu'elle pourrait s'habituer à la vie luxueuse de sa sœur jumelle.

    La voiture démarra et les haut-parleurs stéréo se mirent à vibrer sous l’air du nouveau tube à la mode.

    « C'est moche. Pourquoi est-ce que tu écoutes ça ? » se moqua Ayita.

    « Moche ? Je ne crois pas ! C'est ce que tout le beau monde écoute en ce moment. Ce morceau a fait un malheur dans tous les clubs de Saint-Tropez. » répondit sèchement Étania alors qu’elles sortaient du parking du restaurant. « En parlant de mode, sache aussi que je porte les mêmes vêtements haute couture que les gens riches et célèbres. Une fille n'a jamais trop de paires de chaussures, tu sais! »

    « Et tu en es fière ? Est-ce que tu te rends compte qu'il y a des choses bien plus belles dans la vie que les grosses bagnoles, les vêtements classes et les beaux mecs ? J'ai à peine de quoi payer mon loyer et toi, tu ne supportes même pas que je fasse un petit commentaire sur le style de musique que tu écoutes ? »

    Ayita soupira et sentit une larme couler le long de son visage. Une demi-heure plus tôt, elle était impatiente de connaître sa sœur et maintenant elle ne pensait qu’à s'en éloigner au plus vite.

    « Écoute, ce style de vie c’est tout ce que je connais. Je suis désolée si Papa ne t'a pas offert le même standing qu'à moi, mais tu ne devrais pas m’en vouloir pour quelque chose dont je ne suis pas responsable. Ce n'est pas moi qui ai séparé Papa et Maman, et je n'ai sûrement pas demandé qu'on me donne tout ce que je voulais alors que Maman et toi aviez tout juste de quoi vous acheter à manger. » répondit Étania.

    « Tu sais quoi ? Oublions les commentaires musicaux que j'ai pu te faire et allons chercher une pizza. Mon estomac crie famine ! Sans vouloir t’offenser, je pense qu'avec tout l'argent que Papa avait, la nourriture de ce restaurant aurait pu être bien meilleure que ce goût de carton. » dit Ayita pour détourner la conversation qui devenait plutôt acide.

    « Nous y voilà. » marmonna Étania en entrant sa voiture dans le parking de la pizzeria. Elle commençait à se rendre compte que s'entendre avec son double allait être beaucoup plus difficile qu'elle ne le pensait au départ. Pour elle, Ayita était la représentation parfaite de tout ce qu’elle ne voulait pas dans la vie.

    Alors que les deux jeunes filles pénétraient dans le restaurant bondé, Étania se prépara à ne partager avec sa sœur que quelques parts de pizza et un verre de vin, sans plus.

    « Bonjour et bienvenue à la meilleure pizzeria de la ville ! Qu'est-ce que je peux faire pour vous? » dit le gamin à l'allure intello derrière le comptoir, tout en louchant du coin de l'œil sur des gamines pas plus âgées que lui.

    Ayita regarda rapidement le menu, puis commanda deux parts de pizza aux champignons et une bière.

    « Tu aimes les champignons ? » demanda Étania.

    « Ouais ! » s'exclama Ayita. « Je pourrais ne manger que ça. Toi aussi apparemment ! »

    Les parts de pizza brûlantes étaient servies sur des assiettes en carton et le serveur leur apporta leur boisson alors que les deux filles s'asseyaient dans un coin au fond du restaurant.

    « Quel genre de travail fais-tu ? » demanda Étania en mordant dans sa première tranche de pizza.

    « Actuellement, je travaille à la centrale d’appels d’une société de télévision, où je traite les plaintes des clients. Avant, je travaillais avec des enfants handicapés au centre communautaire local, mais ça n'a pas marché... »

    Ayita regardait vaguement le gamin roucouler avec les gamines à peine impressionnées par son charme.

    « Que s'est-il passé avec ton travail au centre communautaire ? Pas assez payée ? »

    « Le salaire n'était pas important pour moi. J'adore travailler avec les enfants. J'ai toujours rêvé d’être pédiatre, mais je n'ai jamais eu ni le temps, ni l'argent. »

    « Alors pourquoi es-tu partie ? » demanda Étania étonnée.

    « Je ne suis pas partie. J'ai été virée. Si tu veux tout savoir... mon patron s'intéressait à moi et tout s'est bien passé pendant un certain temps, jusqu’à ce que je découvre qu'il sortait aussi avec une de mes collègues. »

    « Tu vois ce que je veux dire? Les hommes ne sont pas honnêtes et n'ont pas de bonnes intentions ! En tous cas, ceux que j’attire! C’est comme mon ex et sa nouvelle copine. Cette fille s'envolerait au moindre souffle et elle est toujours en voyage. Je ne comprends pas pourquoi il est parti avec elle quand il m'avait moi ! » coassa Étania qui avait l'air d'être sur le point de craquer. « Mais pourquoi as-tu été virée en fin de compte ? »

    « Comme je te l'ai dit, c’était mon patron. Et le jour où je l'ai remis à sa place, j'ai aussi perdu mon boulot. Ça ne s'est pas mal fini tout de même. Il a reçu ce qu'il méritait. »

    « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

    « Pour mon dernier jour de travail, je savais que son supérieur allait venir vérifier certaines choses suite à des plaintes reçues du fait qu’il n’était jamais là quand on en avait besoin. Avant notre rupture, mon patron et moi étions allés dans un parc d'attraction et nous y avions pris des tonnes de photos de nous deux. Je me suis aperçue qu'il avait emmené ma collègue au même parc, où il avait pris le même genre de photos. Le jour J, cette jeune femme et moi nous nous sommes retrouvées avant le travail pour couvrir les murs de son bureau de toutes ces photos ! » gloussa Ayita. « Sa tête quand il a passé la porte avec son supérieur ! Un regard sur les murs et celui-ci lui a notifié sa suspension immédiate. »

    « Oh mon Dieu ! » s'esclaffa Étania. « Quel plaisir tu as dû ressentir. J'aimerais avoir le courage de faire le même genre de chose à mon ex. Je suis désolée que cet emploi n'ait pas fonctionné pour toi, mais au moins tu t’es sortie d'une mauvaise situation. Qu'est-ce que tu n'aimes pas dans ton travail maintenant ? »

    « Je n'aide pas d’enfants, ni personne d’autre d'ailleurs. Bien sûr, je peux aider quelqu'un à comprendre pourquoi sa facture est élevée ou lui préparer un plan de paiement, mais je n'en reçois pas de satisfaction. On me crie dessus. On m'insulte. Et le pire de tout, c'est que c’est moins bien payé que mon dernier emploi. Même si l'argent n'a pas d'importance pour moi, j'ai quand même dû quitter mon appartement et emménager avec une de mes nouvelles collègues. Inutile de te dire que ma colocataire a de nombreuses qualités qui me dérangent à l'extrême ! » dit Ayita, l'air frustrée et épuisée. « Et toi, qu'est-ce que tu fais Étania? Où travailles-tu ? »

    « Te rappelles-tu du CD de musique pop que j'écoutais dans la voiture et que tu n'aimais pas ? » demanda Étania.

    « Oh oui, cette horrible musique! Bien sûr que je m’en souviens. Pourquoi ? »

    « Je suis l'assistante personnelle du propriétaire de la maison de disques qui a sorti ce CD. C’est le producteur de disques le plus important dans le domaine et il gagne des millions chaque année, ce qui me tient très occupée. Papa m'a présentée à lui au cours d'une soirée. Je pense qu’il voulait me faire sortir avec le type, mais celui-ci n'était pas du tout à mon goût. Nous avons commencé à discuter, et tout ce dont je me rappelle c’est qu'il m'a raconté une histoire poignante au sujet de son assistant personnel qui l'avait quitté et qu'il en avait besoin d'un nouveau. Je me suis proposée et je n'ai pas eu à m'en plaindre car ça paye bien ! » dit Étania en rayonnant à la pensée de son succès.

    « Félicitations. » dit calmement Ayita, même si au fond d'elle-même elle se surprenait à envier la « belle vie » de sa sœur jumelle.

    Alors qu'elles commençaient à s’étourdir de leur bavardage, un hurlement fit sursauter les deux jeunes filles qui se retournèrent en direction du cri.

    « Espèce d'idiot ! »

    Une jolie fille devant le bar criait sur le garçon qui se trouvait derrière. C'était la fille avec laquelle il flirtait quelques minutes auparavant. « Vous avez renversé le plateau de boissons sur ma nouvelle chemise ! »

    « Oh, oh... Je suis désolé... Je ne voulais pas ... ! »  répondit ironiquement le garçon.

    Ayita et Étania ne purent s'empêcher de rire du gamin qui de toute évidence trouvait la jeune fille attirante.

    « Je suppose qu'il n'a plus aucune chance. » dit Étania avec un petit rire.

    « Les garçons ne changeront jamais. »

    Son téléphone portable se mit à sonner. « Allo ? » Ayita écouta sans un mot la personne à l'autre bout du fil, avec un regard misérable. « Je comprends. Je serai à la maison dans une demi-heure. » dit-elle. Puis elle raccrocha.

    « Qui était-ce ? » lui demanda Étania en mordant dans sa pizza.

    « Mon adorable colocataire. Elle est en crise avec la machine à laver et plutôt que d’appeler le propriétaire ou le réparateur, elle insiste pour que je rentre et que je la répare moi-même. Elle est incapable de gérer quoi que ce soit toute seule! »

    Frustrée, Ayita jeta son téléphone portable dans son sac à main.

    « Est-ce que tu penses que tu pourrais me reconduire chez moi ? Je n'habite qu’à une quinzaine de minutes d'ici... »

    « Ta colocataire est un sacré cas, hein ? Bien sûr que je peux te reconduire. À propos, tu viendras la semaine prochaine chez l'avocat pour la lecture des documents de la succession? »

    « Papa nous a laissé de l'argent ? » demanda Ayita sous le choc.

    « Mon Dieu, Ayita, personne ne t'a rien dit ? Je suis désolée ! Tu dois être drôlement embrouillée maintenant. » dit Étania avec un grand sourire. « Oui, Papa nous a laissé de l'argent, mais personne ne sait combien il nous a légué à chacune. Tiens... Je t'écris l'adresse et je te fais un plan pour que tu puisses arriver jusqu’au cabinet de l'avocat. J'ai essayé d'obtenir des détails sur la succession, mais ce vieil homme têtu ne nous dira rien tant qu'il ne nous aura pas rencontrées toutes les deux. Il t'a envoyé une lettre à toi aussi. Tu ne l'as pas encore reçue apparemment. »

    Ayita, toujours sidérée, revint lentement à la réalité pour assurer à Étania qu'elle la retrouverait au cabinet de l'avocat. Les deux jeunes filles quittèrent la pizzeria et se rendirent au petit appartement d'Ayita.

    « Voici mon immeuble... Tu peux me déposer juste en face. » dit Ayita tranquillement.

    « Ça a l’air mignon. » dit lentement Étania.

    Ayita pouvait sentir que sa sœur jumelle réprimait sa véritable réaction en voyant l'état délabré de l’immeuble.

    « Appelle-moi si tu te perds en chemin la semaine prochaine. » dit Étania alors que sa sœur sortait lentement de la voiture.

    2.

    Ayita n'était pas très sûre de vouloir se rendre au bureau de l'avocat avec sa sœur. Pendant ses vingt-cinq années de vie terrestre, son père ne s'était jamais soucié de ses conditions de vie ni de son niveau d’abondance. Ayita commençait à se demander pourquoi il voudrait lui léguer de l’argent après sa mort alors qu'il ne l'avait pas aidée de son vivant. Comme elle grimpait l'escalier branlant qui menait à son appartement du deuxième étage, elle entendit de la musique filtrer de chez elle.

    « Je suis rentrée ! » cria-t-elle en traversant le champ de bataille de l’appartement. « Lydia, où es-tu ? ».

    « Oh Dieu merci! Tu es enfin là ! » s'écria une voix au loin. Lydia arriva en courant de la buanderie, trempée de la tête aux pieds.

    « Bon sang, qu'est-ce qui se passe ? D'où vient toute cette eau ? » demanda Ayita qui observait, ahurie, le long ruisseau qui s'étirait derrière Lydia depuis la cuisine. « Lydia, qu'est-ce que tu as encore fait ? »

    « Je suis désolée, Ayita ! Je suis allée dans un café et j’y ai revu ce mec dont je t’ai parlé plusieurs fois, tu sais? J’en suis folle! Il m'a demandé de venir le rejoindre plus tard ce soir. Je suis rentrée à la maison et je me suis rendue compte que je n'avais rien à me mettre ! Je sais que la machine à laver ne fonctionne pas bien et que tu m’avais dit de ne plus l'utiliser temporairement, mais je veux être présentable, moi ! Je l'ai mise en route et l'eau s'est mise à gicler de partout... et ça ne s'arrête pas ! » déclara Lydia sur un ton hystérique.

    « Tu es en train de me dire que tu as inondé l'appart parce que tu veux revoir un mec ? Lydia... Je t'ai dit de ne pas utiliser la machine à laver parce que le tuyau est cassé. Attends... Est-ce que tu as débranché la machine ? »

    « Ben... non. »

    « Génial ! Je te demande de ne pas faire quelque chose pour une raison précise et comme d'habitude, tu ne respectes pas ce que je te dis. Maintenant, l'appart est inondé et l'eau continue de couler ! » lança Ayita en entrant précipitamment dans la buanderie pour débrancher la machine à laver. « S'il-te-plaît, vas-t-en ! Je vais réparer ce gâchis. De toute façon, j'ai l'habitude maintenant de nettoyer ton bazar. Je reviens de l'enterrement de mon père où j'ai appris que j'avais une sœur jumelle. Personne ne m'en avait jamais

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