La crise du modèle cosmologique
Notre modèle cosmologique traverse en ce moment l’une des périodes les plus troubles de son histoire. Jugez plutôt: l’Univers s’étendrait 9% plus vite que ce que prédit la théorie! Si cette différence nous paraît bien modeste, elle est en revanche pour les cosmologistes et les astrophysiciens proprement vertigineuse. Un tel écart pourrait en effet conduire à une profonde révision de nos connaissances sur l’âge de l’Univers et son avenir, voire remettre en cause les lois mêmes de la physique! “Cette crise est peut-être le signe que nous sommes en train d’apprendre des choses nouvelles”, confirme l’astrophysicien et cosmologiste Adam Riess, de l’université Johns-Hopkins (États-Unis ).
Et en matière de rupture, il en connaît un rayon.Co-découvreur de l’énergie noire au tournant du XXIe siècle (lire p. 78), Adam Riess est à nouveau la figure de proue de cette possible (r)évolution: car ce sont en grande partie ses résultats, qui plaident pour une vitesse d’expansion plus élevée que prévu, qui bousculent aujourd’hui le monde de la cosmologie. Mais “ce problème ne date pas de cet été”, rappelle l’astrophysicienne française Vanina Ruhlmann-Kleider, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Cela fait en effet sept ans (depuis 2013), que les deux principales stratégies permettant de mesurer le taux d’expansion de l’Univers se sont mises à dériver dangereusement . La première, mise en œuvre par l’équipe d’Adam Riess, se fonde sur la seule observation d’étoiles, quand la seconde, plus “théorique”, s’appuie directement Un grand scénario, de multiples inconnues. Normalement, les deux voies devraient converger vers le même résultat… Mais ce qui n’était qu’un banal écart statistique il y a à peine dix ans n’a cessé de devenir une véritable tension –au sens que les physiciens donnent à ce mot lorsque observations et théorie commencent à diverger d’un facteur au moins 5 fois supérieur à l’incertitude de mesure–, au point que la probabilité d’un commun accord n’est plus que de 0,00006 % ! À l’été 2019, lors d’un congrès en Californie dédié à cette tension, le physicien des particules David Gross, co-lauréat du prix Nobel de physique 2004, a donc logiquement qualifié la situation de “crise”… Or, pour apprécier la nature et les effets de cette crise, il nous faut brièvement revenir sur l’histoire de la découverte de l’expansion de l’Univers.
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