Marie-Angélique Duchemin veuve Brulon
Marie Duchemin sort le linge du baquet. Elle se redresse et cherche sa fille des yeux. La gamine a disparu. Marie pose son linge sur le bord du récipient, place ses mains en porte-voix :
– Angélique ! Viens m’aider pour le linge. Silence.
– Angélique ! Où es-tu satanée môme ? Si tu ne rappliques pas dans la minute, ce sont tes fesses qui vont goûter du battoir !
Les mains sur les hanches, Marie s’étire, son dos lui fait mal. Où est donc passée cette enfant ? Un vieil homme, au visage buriné et la joue ornée d’une large cicatrice, se penche dans l’embrasure d’une fenêtre, une bouffarde à la main.
– Oh, Marie ! Calme-toi donc ! Où veux-tu qu’elle soit, ta gamine ? Certainement en train de suivre les manœuvres ou de jouer à la guerre avec les autres gamins !
– Je sais bien, briscard ! Justement, elle ne perd rien pour attendre. La place d’une fille, c’est dans la maison et à la cuisine. Comment je la marierai si elle ne sait rien faire de ses dix doigts ?
Le vieux doyen du régiment sourit, tire sur sa bouffarde, souffle un nuage de fumée : – Allons, Marie ! Angélique n’a que 10 ans. Elle a le temps d’apprendre les choses des femmes. Et, si tu veux mon avis, c’est dommage que ce ne soit pas un garçon. Elle ferait un sacré bon soldat !
– Ah oui ? Manquerait plus que ça ! J’ai déjà un gars qui ne rêve que de s’engager comme son père, ça me suffit.
– Que veux-tu Marie ? Ta fille est née dans un casernement. Son père est caporal, sa mère est vivandière, son parrain est sergent fourrier au régiment. Elle grandit entourée de soldats, et tu voudrais qu’elle joue à la poupée ? – Je voudrais surtout qu’elle m’aide à rincer, tordre et étendre le linge ! grommelle Marie en
You’re reading a preview, subscribe to read more.
Start your free 30 days