Rock and Folk

PHIL MAY

1944-2020

TOUTES LES BONNES CHOSES ONT UNE FIN. Même les plus jolies, c’est ainsi. Phil May est parti moins d’une semaine après Little Richard. Celui qui souffrait depuis des années d’emphysème pulmonaire est finalement décédé, à 75 ans, des suites d’une opération de la hanche qui avait mal tourné, trauma conséquent d’un stupide accident de vélo.

Frustres et obscènes

Le chanteur des Pretty Things était né le 9 novembre 1944 à Dartford, dans le Kent. Elevé par sa tante et son oncle, Philip Dennis Arthur Wadey ne comprend l’ampleur du malaise familial que lorsque sa mère et son beau-père viennent un jour le chercher, alors qu’il est âgé de 10 ans. Il s’enferme dans l’isolement et se réfugie dans un monde imaginaire, que l’on retrouvera dans celui de son groupe, pionnier R&B de la British Invasion au début des années 60. L’un des plus sous-estimés d’Angleterre, aussi. Un parcours groovy de plus de cinquante-cinq ans, moins lucratif, mais semblablement créatif et finalement presque aussi long que celui des Rolling Stones. Ça n’est pas franchement un hasard: au commencement, il y avait eu Little Boy Blue And The Blue Boys, un groupe composé de Mick Jagger enfoncent le clou proto-punk avec l’énergie débridée de “Don’t Bring Me Down”, leur plus gros succès (interdit aux Etats-Unis pour cause de paroles suggestives) et jettent les bases du freakbeat avec “Honey, I Need”. Phil May chante et joue de l’harmonica, secoue ses maracas et son tambourin. A la différence d’Eric Burdon ou Steve Marriott, celui qui affirmait avoir la plus longue chevelure d’Angleterre ne forcera jamais sa voix pour tenter de sonner comme un chanteur afro-américain. May aura en outre l’outrecuidance de toujours rester lui-même, revendiquant sa bisexualité et une consommation massive de drogues, particulièrement de LSD. Le buvard donnera le nom à l’une de leurs célèbres chansons, en influencera pas mal d’autres, et lui ouvrira pour de bon les portes de la perception. Avec une attitude constamment avantgardiste, ce grand chanteur, parfois agressif et aux paroles rentre-dedans, aura un impact immédiat sur son époque. David Bowie n’en perd pas une miette et, après l’avoir croisé un soir, notera son numéro de téléphone sous le nom de dans son agenda. De “Oh! You Pretty Things” à “The Pretty Things Are Going To Hell”, le Picasso de la pop ne cessera tout au long de sa carrière de rendre hommage au groupe de Phil May et Dick Taylor. En 1973, Il ira même jusqu’à ouvrir “Pin-ups”, son album de reprises sixties, en revisitant fidèlement “Rosalyn” et “Don’t Bring Me Down”. L’influence des Pretty Things dans la musique pop ne s’arrête pas là. Leur outrageuse attitude scénique marquera les Who, notamment grâce au batteur Viv Prince qui déteindra furieusement sur Keith Moon. Et à part ça? La liste est longue et variée: The Flamin’ Groovies, Queen, Aerosmith, Sex Pistols, The White Stripes, Ty Segall… On pourrait citer pas mal de monde, et noter dans la foulée que leur son proto-punk tombera dans l’oreille de Pink Floyd et Syd Barrett, The Velvet Undergound et préfigurera celui des Stooges. Joey Ramone affirmait que les Pretty Things étaient la plus grosse influence de son groupe, et qu’ils avaient inventé les formations garage. Doté de toutes les caractéristiques cultes, les Pretties peuvent se flatter d’avoir marqué les esprits plus que rempli leurs comptes en banque, mais leur vibration anarchique va continuer à impacter beaucoup de monde: Little Bob Story au Havre (et feu Sébastien Favre à Paris), The Loons de Mixe Stax (et son magazine Ugly Things) en Californie, les Breadmakers en Australie…

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