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Lettres à Mademoiselle Jodin: 1765-1769
Lettres à Mademoiselle Jodin: 1765-1769
Lettres à Mademoiselle Jodin: 1765-1769
Ebook52 pages39 minutes

Lettres à Mademoiselle Jodin: 1765-1769

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About this ebook

Lettres de Diderot à mademoiselle Marie-Madeleine Jodin.
LanguageFrançais
PublisherLigaran
Release dateJan 26, 2015
ISBN9782335017052
Lettres à Mademoiselle Jodin: 1765-1769

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    Lettres à Mademoiselle Jodin - Ligaran

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    EAN : 9782335017052

    ©Ligaran 2015

    Lettres à mademoiselle Jodin

    I

    À mademoiselle Jodin, à Varsovie

    21 août 1765

    J’ai lu, mademoiselle, la lettre que vous avez écrite à madame votre mère. Les sentiments de tendresse, de dévouement et de respect dont elle est remplie ne m’ont point surpris ; vous êtes un enfant malheureux, mais vous êtes un enfant bien né. Puisque vous avez reçu de la nature une âme honnête, connaissez tout le prix du don qu’elle vous a fait, et ne souffrez pas que rien l’avilisse. Je ne suis pas un pédant, je me garderai bien de vous demander une sorte de vertus presque incompatibles avec l’état que vous avez choisi, et que des femmes du monde, que je n’en estime ni ne méprise davantage pour cela, conservent rarement au sein de l’opulence, et loin des séductions de toute espèce dont vous êtes environnée. Le vice vient au-devant de vous, elles vont au-devant du vice ; mais songez qu’une femme n’acquiert le droit de se défaire des lisières que l’opinion attache à son sexe que par des talents supérieurs et les qualités d’esprit et de cœur les plus distinguées. Il faut mille vertus réelles pour couvrir un vice imaginaire. Plus vous accorderez à vos goûts, plus vous devez être attentive sur le choix des objets. On reproche rarement à une femme son attachement pour un homme d’un mérite reconnu. Si vous n’osez avouer celui que vous aurez préféré, c’est que vous vous en mépriserez vous-même, et quand on a du mépris pour soi, il est rare qu’on échappe au mépris des autres. Vous voyez que pour un homme qu’on compte entre les philosophes, mes principes ne sont pas austères : c’est qu’il serait ridicule de proposer à une femme de théâtre la morale des capucines du Marais. Travaillez surtout à perfectionner votre talent ; le plus misérable état, à mon sens, est celui d’une actrice médiocre.

    Je ne sais pas si les applaudissements du public sont très flatteurs, surtout pour celle que sa naissance et son éducation avaient moins destinée à les recevoir qu’a les accorder, mais je sais que ses dédains ne doivent être que plus insupportables pour elle. Je vous ai peu entendue, mais j’ai cru vous reconnaître une grande qualité qu’on peut simuler peut-être à force d’art et d’étude, mais qui ne s’acquiert pas ; une âme qui s’aliène, qui s’affecte profondément, qui se transporte sur les lieux, qui est telle ou telle, qui voit et qui parle à tel ou tel personnage. J’ai été satisfait lorsque, au sortir d’un mouvement violent, vous paraissiez revenir de fort loin et reconnaître à peine l’endroit d’où vous n’étiez pas sortie et les objets qui vous environnaient. Acquérez de la grâce et de la liberté, rendez toute votre action simple, naturelle et facile. Une des plus fortes satires de notre genre dramatique, c’est le besoin que l’acteur a du miroir. N’ayez point d’apprêt ni de miroir, connaissez la bienséance de votre rôle et n’allez point au-delà. Le moins de gestes que vous pourrez ; le geste fréquent nuit à l’énergie et détruit la noblesse. C’est le visage,

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